Acuité regarda Brume quitter la pièce. Un sourire rassurant étirait ses lèvres car elle savait que la petite brune s'inquiétait pour elle. Or, elle souhaitait être seule. Seule pour faire le point, seule pour vérifier l'étendue des dégâts, seule pour pleurer en paix.
Elle laissa glisser sa robe le long de son corps nu, ses yeux restaient accrochés au large baquet d'eau fumant. A l'aide de deux peignes, elle releva ses cheveux au dessus de sa tête, quelques mèches s'en échappèrent pourtant, ondulations sauvages qu'il serait à jamais impossible a dompter.
Au mouvement, elle grimaça légèrement. Son bras lui faisait mal et elle fit dévier son regard dessus. Une marque plus foncée était entrain d’apparaître, juste là en dessous de son épaule, là où son père l'avait empoignée. Cette fois-ci, elle ne s'était pas laissé faire. Cette fois-ci, elle avait rétorqué.
D'abord choqué par cette attitude, il avait réagi. Elle aussi.
Les reproches d'abord, les insultes ensuite. Il pensait qu'elle avait tout manigancé pour arriver à ses fins, qu'elle s'était joué de lui pour mieux obtenir une place de choix auprès de Vainqueur et un mariage auprès de cet homme...elle préférait ne pas repenser aux mots qu'il avait employé. D'ailleurs, il gageait qu'Espoir était de lui et que depuis le début, elle lui mentait éhontément. Devant son mutisme, il l'avait empoignée. Devant ses pleurs et ses supplications, il l'avait brimée. Alors elle s'était défendue, elle s'était énervée. A son tour, elle avait hurlé et à son tour, elle avait frappé pour se dégager. De ce geste, elle n'arrivait pas à se remettre. Coupable de mensonges, elle l'était depuis le début, mais à présent, elle y avait ajouté des gestes qui n'auraient jamais du être. Excédé, sa décision était tombée. Elle s'était demandé alors si sa mère interviendrait et puis elle l'avait regardé quitter la pièce sans se retourner. Brume était arrivée peu de temps après et avait retrouvé Acuité debout en plein milieu de sa chambre, le regard dans le vide comme
si son esprit était ailleurs. Par Eda, il y était.

Elle grimpa sur le petit tabouret, puis enjamba la bordure en bois. Son pied s'enfonça dans l'eau et elle ferma les yeux quelques instants tandis qu'un large sourire se dessina sur ses lèvres. Enfin, sa seconde jambe franchit le bord du baquet et elle plongea entièrement dans l'eau chaude. Assise, elle poussa un soupir d'aise, puis se frotta le visage avant de pencher la tête en arrière, en appuie sur le rebord.
La hauteur de l'eau couvrait sa poitrine et l'enveloppait du parfum suave des jasmins. Un vrai baume pour son esprit, un pansement sur son coeur blessé.
Que dirait Brun ? Que diraient tous les autres ? Etait-elle de taille à les affronter ?
Aussi surprenant que cela puisse paraitre, elle n'arrivait pas à pleurer.
Ses sens étaient comme endormis, ses émotions trop diffuses pour lui sembler réelles.

Tout le monde devait être en bas en train de festoyer. Peut-être aurait-elle du s'y présenter ?
Non, elle ne voulait pas prendre le risque de croiser son père à nouveau et préférait le confort de sa solitude et de cette chaleur bienfaisante. Sous l'eau, elle caressa ses jambes, son ventre et ses bras. Releva l'épaule afin de mieux étudier la marque violacée de sa peau pincée en dehors du niveau d'eau. Elle ferma les yeux, puis se radossa, tête penchée.
Et de ses pensées, elle ne souhaitait qu'une chose : la paix.

Brun hésita à faire un détour par les cuisines avant d'aller chez Acuité, mais finalement il y alla directement. La petite Duchesse était-elle seulement dans ses appartements alors qu'approchait l'heure du dîner ? Ces derniers jours, elle y était trop souvent.
Brun frappa à la porte et sans attendre, se glissa à l'intérieur, ne voulant pas rester exposé dans le couloir. Après tout, ils n'étaient pas encore mariés ; ce serait bien leur veine que de méchantes rumeurs viennent ternir leur mariage réparateur.

Le jour d'été déclinait et ses yeux durent s'habituer à la semi-obscurité. Acuité était dans un baquet. Il distinguait seulement son crâne qui dépassait. Brun se dit que c'était une drôle d'heure pour se baigner, mais ne s'y arrêta pas. N'était-il pas resté oisif tout l'après-midi ?
Sans pudeur, il s'approcha et s'assit au bord du baquet sur le petit tabouret. Il n'avait encore rien dit. Il croisa le regard d'Acuité et sourit. Quels secrets ces yeux noirs recelaient-ils encore ? Peu importe. Désormais elle pourrait avoir tous les secrets qu'elle voulait ; ou presque.

L'homme retroussa ses manches et plongea dans l'eau chaude ses deux avant-bras. Il soupira d'aise, posa sa tête sur le rebord inconfortable du baquet, et murmura :
- Nous avons ce que nous voulions.
Il était satisfait. Acuité le serait moins sans doute, puisqu'elle n'avait embrassé cette solution qu'à l'exclusion de toutes les autres. Mais il l'épouserait et ils vivraient ici tous les trois, ou tous les quatre, puisqu'on s'efforçait à lui fourguer cet enfant imaginaire. C'était son rôle dans l'affaire : il n'aurait rien mais il était sensé pouliner, puisque Béarns réclamait des héritiers.

- Bientôt tout sera terminé, souffla-t-il en fermant les yeux.
Et cette perspective semblait le soulager.

On frappa à la porte et Acuité crut que Brume revenait, encore. Elle s'apprêtait à lui dire que tout irait bien et qu'elle pouvait repartir dans un soupir las, mais la carrure qui s’engouffra alors dans la pièce sans même attendre son accord n'était pas celle de Brume. Une seule personne pouvait se présenter de la sorte et agir comme s'il était en terrain conquis.

Il s'installa sans un mot sur le tabouret à côté du baquet. Leurs regards se croisèrent et il lui sourit. Intriguée par cette réaction, elle fronça légèrement les sourcils et patienta pour la suite. Il retroussa ses manches et plongea ses avant-bras dans l'eau chaude avant de venir poser sa tête sur le rebord en bois, juste à côté d'elle. Quelle étrange position était-ce là ? Le soupir d'aise qu'il laissa échapper lui laissait à penser qu'il y trouvait un certain confort.
A son annonce toutefois, elle ne se réjouit pas immédiatement mais le laissa se prélasser un moment.
Le soulagement qui transparaissait dans ses derniers propos lui serrèrent le cœur. Elle n'osait le contredire, il paraissait si apaisé.
Pourtant, elle se mordit la lèvre et sous l'eau, serra ses genoux de ses mains graciles.

- Je n'en suis pas si sûre...souffla-t-elle effrayée à l'idée qu'ils puissent à nouveau se disputer.

Elle ne le souhaitait pas, elle voulait enfin cette paix entre eux et pour eux. Comme il venait de rouvrir les yeux et qu'il la regardait, elle poursuivit :

- Mon père est venu me voir...juste après. Nous nous sommes disputés. Il a menacé de me renier.

Cette dispute qui l'avait ébranlée, cette dispute qui s'était transformée en prise de mains, qui l'avait vidée de toute énergie et de toute sérénité. Au final, elle ignorait clairement les dispositions qui avaient été prises par Vainqueur. Brun semblait être satisfait mais dans quelles mesures l'était-il ?
Souhaitait-il vraiment rester à ses cotés ou ne faisait-il qu’exécuter son devoir finalement ?
La complicité qu'il avait connu dans les Montagnes et au Bourg lui manquait. Elle aurait voulu faire un geste envers lui, prendre sa main, caresser ses cheveux ou les lignes de son visage...pourtant, elle demeurait figée dans cet étrange entre-deux oscillant entre tendresse et autorisation.

Brun ouvrit les yeux, écouta, réfléchit. Acuité semblait soucieuse, affectée ; mais il choisit de ne pas s'inquiéter. Il faisait confiance à Vainqueur, à ce qu'il avait dit et à ce qu'il ferait, si le Duc refusait de plier.
- Ton père a donné son accord au Roi. Il ne peut plus reculer, souffla-t-il en retour. Il ne peut pas se permettre de te perdre.

Le Duc perdait déjà Acuité en la laissant ici, en la lui donnant. Tout père devait en passer par là et c'était sans doute plus douloureux pour Glace qui, comme Vainqueur lui avait expliqué, avait élevé sa fille comme son héritier. Mais Brun n'allait pas se sentir désolé, certainement pas, pour cet homme qui avait maltraité sa fille et qui, après avoir perdu la bataille contre le Roi, revenait lâchement la tourmenter.

Presque timidement, Brun tendit la main pour caresser la joue d'Acuité de ses doigts mouillés. Etait-elle triste de cette séparation, d'avec ses terres et sa famille, à venir ? Etait-elle inquiète de cette autre séparation, d'avec son héritage, dont Glace la menaçait ?
- Peu importe, n'est-ce pas ? Tant que nous sommes ensemble... murmura-t-il, mais il n'était plus si sûr de lui.

La tête toujours appuyée sur le rebord du baquet, il la regardait. Elle retint sous souffle, inquiète de ce qu'il pourrait dire ou faire, inquiète des émotions susceptibles de le traverser. Combien de fois s'étaient-ils tous deux emportés ? Pour des incompréhension, des non-dits et tout un tas de phrases sans réel intérêt. Elle savait aussi qu'ils étaient capable du meilleur, qu'ils étaient capable de tendresse et d'attention quand tout semblait désespéré. Sous l'eau, elle savait ses mains à seulement quelques pouces des siennes. Pour autant, elle n'osa pas bouger et se contenta de le fixer en retour.

Rassurant, il lui indiqua que son père ne pouvait plus revenir en arrière, que l'accord avait été donné, que le Roi n'autoriserait pas de retour en arrière. Il semblait si sûr de lui, comme si tout était réglé. La menace proférée ne pourrait s’exécuter. Glace Loinvoyant avait besoin de sa fille pour l'héritage de Béarns. Il ne pouvait effacer dix-huit années d'éducation, de présence et de préparation.
Elle n'avait pas peur de perdre son titre de Duchesse, après tout ce n'était qu'un titre. Elle n'avait pas peur de perdre Castellonde et tout son confort matériel, non.
Ce qu'elle craignait, c'était que lui, Brun Braveterre ne la voit plus que comme une vulgaire roturière, qu'il ne la juge plus digne d'être à ses côtés. Une part d'elle-même savait qu'il n'en serait rien, n'avaient-ils pas été heureux sans titre dans les Montagnes ? N'avaient-ils pas profité de cette parenthèse dans leurs vies tourmentées ?
Une autre pourtant, ne pouvait oublier ses départs et leurs retrouvailles. Brun trouvait toujours le moyen de fuir dès qu'il jugeait leur relation trop calme. Dans les Montagnes, alors qu'ils s'étaient rapprochés, il l'avait envoyé dans les bras d'un autre. A leur retour, encore, il avait préféré la laisser poursuivre le chemin seule dès que l'Art avait manqué de les faire s'unir à nouveau et à Castellonde, encore, après une demi lune de repos, ses pas l'avaient porté au loin avec pour seule promesse celle de revenir.

Comment un mariage pourrait-il seulement le contenter ? Comment pourrait-elle seulement le contenter ?

L'eau qui l'enveloppait se mit en mouvement et il sortit sa main de l'eau pour venir caresser sa joue. Elle ferma les yeux et sentit sa gorge se nouer à ses propos murmurés. Son coeur marqua un battement plus fort et plus lourd avant qu'elle rouvre des yeux humides sur lui.

- Ensemble, reprit-elle à voix basse. Tu es sûr que c'est ce que tu veux ? Est-ce que ça t'ira vraiment ?

Dans sa mémoire, d'autres paroles résonnèrent encore, comme un écho. Je n'irais nulle part sans toi. Elle ne voulait pas qu'il vive dans l'abnégation pour assouvir un désir de devoir. Elle voulait qu'il vive tout simplement.

Brun regarda Acuité pour éclata de rire. C'était plus fort que lui. C'était drôle, ou tragique... ou désespéré... Comment pouvait-elle encore lui demander cela maintenant ? Après qu'il ait accepté de l'épouser ? Après qu'il ait négocié les conditions avec le Roi et que le Roi ai négocié avec Glace ? Après qu'il ait attendu la réponse toute la journée ? Croyait-elle qu'après tout ça et tout ce qui avait précédé, il allait changer d'avis ? Qu'il n'avait pas pesé chacune de ses décisions, même les mauvaises ? Toutes, sauf celle qui avait donné Espoir, celle dont toutes les autres avaient découlé. Etait-ce cela, qu'elle craignait ? Qu'il se sente obligé de réparer ? Bien sûr il se sentait obligé. Mais il n'y avait pas que cela.

Entre ses larmes d'hilarité, Brun regardait Acuité, et il vit que malgré tout, il fallait répondre. Elle voulait des réponses, même évidentes. Avait-elle besoin d'être rassurée ? Son père lui avait-il dit qu'il ne l'aimait pas ?
- Oui. Je t'épouserai et j'adopterai Espoir et nous serons une famille, répéta-t-il.
Et ensuite... peu importe la suite, tant que Vainqueur serait de leur côté, ils pourraient toujours s'arranger. Il la tiendrait loin de Glace, il veillerait sur elle et sur Espoir. Espoir grandirait et il lui ferait un autre enfant si elle le voulait. Il caressa son autre joue et il lui sembla qu'il ne pourrait jamais se lasser de cette proximité qu'ils semblaient avoir retrouvée, même si elle ne le touchait pas. Elle se laissait faire et c'est tout ce qu'il lui demandait, se laisser faire, cesser de donner des coups désordonnés, suivre le chemin qu'il avait tracé pour elle, une troisième voie qui jusqu'alors n'existait pas, et enfin se reposer, vivre avec tranquillité.

Réponse 1:

Réponse 2:

Il rit. Elle en restât bouche bée. Était-ce nerveux ? Désespéré ? Elle en tous cas ne voyait rien de drôle à tout cela. C'était une vraie question avec de vraies conséquences. Elle pinça légèrement les lèvres, persuadée qu'il se moquait d'elle dans une situation aussi fragile puis croisa les bras.
Comment pouvait-elle s'assurer de ses sentiments ? Brun n'agissait que par devoir, pour "réparer" ou "racheter", ces deux mots préférés comme si tout le reste n'étaient que fautes ou péchés.
Le rire s'estompa jusqu'à s'interrompre et il lui confirma qu'il s'agissait bien de son souhait. Il l'épouserait, il adopterait Espoir et ils seraient une famille.

Il caressa son autre joue et elle se sentit fondre, malgré elle. Se bornant à l'immobilité, elle se contentait de le regarder quelque peu perdue par son attitude attentionnée.
C'est alors qu'il lui parlât de la promesse faite à son père lorsqu'elle était rentrée à Castellonde, elle ignorait même qu'il fut au courant. Elle sentit ses joues s'empourprer et la honte la submerger tout à fait à la suite de ses paroles qui démontraient qu'il savait. Ce qu'elle avait subi durant son absence, ce qu'elle lui avait volontairement caché pour éviter sa pitié.
Son regard se fit légèrement plus sombre lorsqu'il lui indiqua qu'il serait resté. Elle n'en doutait pas une seule seconde et c'est précisément pour cette raison qu'elle n'avait rien dit.
Depuis le début, elle avait voulu qu'il vive sa vie comme il l'entendait et pas en fonction du poids qu'elle aurait pu être pour lui.
Ce n'était pas par orgueil qu'elle avait dissimulé les échanges houleux avec son père, c'était pour respecter le choix d'avenir que Brun se choisirait.

Elle soupira doucement, résignée à devoir aujourd'hui lui avouer.
- Quand je suis rentrée à Castellonde, j'ai du inventer ma vie depuis l'an passé. Très vite, il est apparu que mon père acceptait un héritier mais pas le gendre qui allait de paire. Je lui ai dit que le géniteur d'Espoir était décédé et que je resterais seule pour éviter des ennuis de succession. A ce moment là...je pensais vraiment que je ne me marierais pas tu sais...et après...je ne sais pas, quand je t'ai demandé de m'épouser, je n'y ai plus pensé. Est-ce que tu imagines au moins l'effort que j'ai dû fournir pour te faire ma demande ?? J'avais si peur que tu te moques ou que tu refuses froidement...


Pouvait-il dans ce cas imaginer les efforts qu'elle avait du fournir pour dissimuler ce qui se passait à Castellonde ?
Dans tous les cas, le sujet était évité, volontairement. Elle ne voulait pas en parler, elle ne voulait pas qu'il prenne pitié ou qu'il culpabilise de l'avoir laissée. C'était son choix et c'était du passé.

Sa mine afficha une bouche légèrement boudeuse pourtant il n'y avait aucun reproche dans ses propos, juste la vérité toute nue de celle qu'à une autre époque, elle aurait tu pour de bon.

Ainsi, Acuité avait omis de lui en parler par étourderie. Brun la croyait plus maline que cela. Il voulait croire que c'était parce qu'elle était diminuée.
Du reste, elle ne lui dit rien. Il ne voulait pas d'excuses (elle l'avait pas s'excuser d'avoir été maltraitée), juste un cœur ouvert. Mais apparemment il lui était difficile de lui ouvrir son cœur, par peur des réactions qu'il pourrait avoir.

Brun laissa retomber sa main dans l'eau.
- Je ne suis pas comme ça, maugréa-t-il.
Froid, on lui avait déjà reproché de l'être.
- Je ne me suis jamais moqué de toi.
Il tâcha de se souvenir. Aucune parole moqueuse ne lui revenait, mais des mots durs, oui. Toutes leurs disputes. Il avait toujours cru que c'était la faute d'Acuité, qu'elle était impulsive, inconsidérée ; mais si c'était lui ? S'il était cet homme froid et cruel qu'elle décrivait ?
- Je ne suis pas comme lui, nia-t-il.
Sinon, pourquoi Acuité lui aurait-elle demandé de l'épouser ?

Brun la regarda et sut que ça n'était pas un argument. Acuité faisait toujours les pires choix. Pourquoi l'avait-elle choisi ? Etait-il une réplique de ce père qu'il détestait ? Il retira ses bras du baquet. L'eau goûta sur ses jambes.
Peut-être qu'elle ne serait jamais heureuse avec lui. Peut-être qu'elle se flétrirait comme à Castellonde. Il ne serait sans doute pas aussi attentionné, aussi aimant qu'il le faudrait.

Brun se referma faisant éclater la bulle d'intimité qu'il avait su créer. La vérité ne lui plaisait pas, elle pouvait le concevoir. Les doigts qui touchaient encore sa joue l'instant d'avant, retombèrent dans l'eau.
Elle l'observa un moment tandis qu'il relevait les réactions qu'elle craignait qu'il ait pu avoir. Sourcils légèrement froncés, comme si elle tachait de comprendre bien toutes les nuances de ce qu'il avançait. Lui ? De qui parlait-il ?
Ses yeux comprirent en même temps que sa bouche qui resta bée.
Etait-ce vraiment ce qu'il croyait ? Qu'elle le comparait à son père ? Qu'elle refusait de lui avouer ce qu'il savait déjà par peur de sa réaction ? Bien sûr que non, elle savait déjà comment il aurait réagi, il l'avait dit lui-même. Il serait resté.

Lorsqu'il se dégagea définitivement du baquet, elle s'inquiéta qu'il ne parte et qu'elle ne puisse plus agir pour le rattraper.
Machinalement, ses propres bras sortirent de l'eau et ses mains mouillées vinrent encadrer le visage de l'homme qu'elle aimait. Elle plongea son regard dans le sien, caressa de ses pouces la ligne de sa mâchoire et la barbe naissante sur ses joues.

- Brun...j'ai eu peur c'est tout, reprit-elle en secouant la tête avec sincérité. Toi et moi...ça a toujours été compliqué n'est-ce pas ? On a jamais vraiment trop su comment faire, comment...se comprendre, comment se parler sans se blesser...

Elle soupira, résignée pour une fois a vraiment lui ouvrir son coeur. Tant pis si cela ne lui convenait pas. Après toutes les fois où elle s'était déclarée, toutes ces fois où il ne lui avait jamais répondu ce qu'elle espérait, elle n'état plus à ça près.

- Je sais pertinemment que si je t'avais parlé de ce qui se passait à Castellonde, tu serais resté. Et c'est justement pour ça que je n'ai rien dit. Tu voulais partir, je voyais bien que tu étais malheureux et je ne voulais pas être ce qui te retiendrait par pitié ou par culpabilité. Je voulais que tu choisisses ce que tu estimais être le mieux pour toi. Tu as fait ton choix et tu es parti. Était-ce vraiment le bon choix ? Toi seul le sait.

Elle lui sourit tristement et reposa ses mains sur le rebord du baquet. Il lui avait tant manqué après son départ, pourtant, lorsqu'ils s'étaient retrouvés, a aucun moment il n'avait semblé regretter son choix. Elle lui en avait voulu avant de se rendre compte que, après tout, il avait simplement opté pour la liberté, tout comme elle à de maintes reprises. Au final, il avait choisi ce qu'elle avait tenté de lui donner durant plus d'une année.

Acuité ne nia pas, pas vraiment, mais sa caresse lui fit du bien. Il ne pouvait pas être si horrible que ça.

Elle avait peur qu'il la quitte, parce qu'il l'avait déjà quittée une fois ; mais il ne l'avait pas vraiment quittée, il allait revenir, qu'étaient-ce que trois mois ? Il avait échoué au test que son silence lui tendait. Espérait-elle qu'il lui dise qu'il s'était trompé ? Qu'il avait merdé ? Lui aussi, il avait peur ; peur de continuer à merder, d'être un mauvais père et un mauvais époux. Mais ces angoisses ne servaient à rien, c'était trop tard maintenant ; ils s'étaient engagés auprès du Roi et du Duc comme si les paroles sacrées avaient déjà été prononcées. Ils n'avaient plus qu'à faire de leur mieux.

Brun aurait aimé cesser de ressasser le passé, mais il ne pouvait pas la laisser penser comme cela. Dans leur mariage, Acuité ne devait plus le laisser aveugle, dans l'espoir qu'il parvienne à s'orienter tout seul. Son cœur ne le guidait pas pertinemment.

- Si ça avait été le bon choix, nous n'aurions pas été obligés de tout recommencer ici.
C'était la sensation qu'il avait : une boucle, un effort réitéré. Il était heureux du résultat, mais l'entreprise avait été éprouvante et risquée. S'il n'était pas intervenu ce soir là, avec la Reine et le Roi...
- Je ne peux pas prendre de bonne décision si je n'ai pas tous les éléments d'information.
Sa raison avait parlé. Froide, comme elle le lui reprochait. Brun soupira.
- Peu importe à présent. Tout est réglé.

Il eut un pauvre sourire qui disparut lorsque hors de l'eau, il vit la marque sur son bras.
- Qu'est-ce que c'est ? dit-il en la touchant, oublieux de la pudeur qu'il était sensé préserver, puisqu'ils n'étaient pas encore mariés.

Brun lui donna la réponse. A ses yeux, il n'avait pas fait le bon choix et s'en rendait compte à cause de tout ce qu'ils avaient dû faire ici. Elle songea à tout ces jours passés à Castelcerf, à leur complicité au Bourg, à ce qu'ils avaient partagé. De la tendresse parfois, des rires et aussi des humeurs moins positives. Leur relation évoluait en permanence, le lendemain était toujours différent de la veille.
Cette peur de ne pas savoir comment se comporter, de mal faire, elle la ressentait en permanence dès qu'il était à côté.
Elle voulait le voir rire, sourire, être heureux. Elle voulait qu'il la regarde comme quand il prenait soin d'elle, pas avec la pitié de s'occuper d'une petite fleur fragile non, avec l'envie de la toucher et d'être proche, avec la certitude d'être liés quelque part. Comme quand il lui avait touché la joue quelques instants plus tôt.
Aux propos qui suivirent, Acuité comprit qu'il avait besoin qu'elle ne lui cache plus rien. Il voulait savoir ce qu'elle lui taisait. Et comme pour ne pas rester sur une note salée, il annonça que tout était réglé.

Elle lui sourit, ne sachant pas vraiment s'il considérait la discussion comme réglée. Si c'était le cas, alors il ne mettait pas vraiment en pratique ce qu'il venait de lui demander.
Son regard s'arrêta sur son bras et son sourire s'évanouit. Le contact de ses doigts sur son bras lui rappela la douleur de l'hématome.
Elle chercha son regard et s'ancra en lui, sans repousser sa main.
Sur le moment, elle eut envie de lui dire que ce n'était rien, mais ne venait-il pas de lui demander d'être plus honnête ? De lui donner les informations nécessaires aux bonnes décisions ?
Elle ne voulait pas lui mentir et déglutit avec difficulté, avalant son omission.

- Je te l'ai dit, répondit-elle d'une voix un peu rauque en haussant les épaules. On s'est disputé.

A son expression, elle vit immédiatement qu'il avait compris et elle s'empressa d'ajouter.

- Ça n'arrivera plus. Ca aussi, c'est réglé d'accord ?

Son regard le suppliait de la croire et sa main libre vint cueillir sa nuque juste pour s'assurer qu'il ne se détourne pas sous l'effet de la colère.

- Ça n'arrivera plus, répétât-elle en caressant ses cheveux.

Brun ne pouvait détacher ses yeux de la marque violette sur le bras d'Acuité. Ça n'était pas un reste de l'attaque, il aurait pu le parier, même s'il ne l'avait plus vue nue depuis lors. Ce que c'était, il craignait d'en avoir la confirmation et il l’eut, arrachée des lèvres récalcitrantes d'Acuité qui voulait lui faire croire que c'était normal, de se disputer jusqu'au sang sous la peau, et que c'était réglé, alors que ça n'aurait pas dû arriver. Ni à Castellonde, et encore moins ici, sous le toit du Roi. Sous son nez, encore une fois.

Mais cette fois, il n'était pas loin, il était là et il savait. Le Duc n'allait pas s'en tirer comme ça. Glace pouvait maltraiter sa fille, peut-être, mais pas la mère de son fils et encore moins son épouse. Comment osait-il ?!

Si Brun était un homme froid, sa rage fut brûlante. Le rendant indifférent aux caresses d'Acuité. A ses promesses. Il ne la croyait pas, et Glace, encore moins. Du chien qui avait la rage, on ne pouvait promettre qu'il ne mordrait plus ; il fallait l'abattre. En cet instant il aurait volontiers abattu le Duc de Béarns comme un chien, peu importe la raison dont il se réclamait et ce qu'à peine gagné, il avait y à perdre.

Brun se dégagea et se releva.
- Je reviens, grogna-t-il, et il fit un premier pas vengeur vers les appartements de Glace Loinvoyant.

Le hasard:

Le membre 'Brun Braveterre' a effectué l'action suivante : Le hasard en action

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'Hasard 6' : 6

Brun sembla insensible à son contact, autant qu'à ses mots. Sa mine fermée ne laissait rien entrevoir de bon. Elle ne reconnaissait que trop bien les traits tendus qui présageait d'une colère sourde, muette et violente. Voilà à quoi conduisait de dire la vérité. Elle regretta aussitôt.
Lorsqu'il se dégagea elle le regarda simplement, inquiète de ce qu'il déciderait. Car il était entrain de réfléchir, il était sur le point de décider de sa prochaine manoeuvre.
Au moment où il se redressa et dès qu'il annonça qu'il partait, elle sut immédiatement ce qu'il avait en tête et s'en effraya.
Bien que déjà, il n'écoutait plus, se dirigeant vers la porte de sa chambre, elle l'appela une première fois. Son attention n'en fut en rien détournée et convaincue qu'elle ne pouvait le laisser sortir dans cet état, elle finit par se redresser elle aussi, ignorant sa pudeur qui lui hurlait qu'elle était nue.
Par Eda, il l'avait déjà vue.

- Brun ! lança-t-elle à nouveau tandis que sa main saisissait le petit peignoir en lin fin à proximité.

Sans attendre qu'il réagisse ou même qu'il se retourne, elle enfila le tissu sur ses bras mouillés et replia chaque pan devant elle tout en se précipitant dans sa direction.
Ses pieds laissaient des traces d'eau sur le sol, des empreintes qui bientôt disparaîtraient, comme la marque sur son bras. Ce n'était pas grand chose, mais si Brun se rendait dans les appartements de son père, comme elle le soupçonnait, cela deviendrait réellement problématique.
Elle n'avait pas pris le temps de se sécher et le tissu collait sur sa peau, pourtant, cela ne l’empêcha pas de venir se placer entre la porte et l'homme résigné, comme une barrière pour empêcher le pire, l'esclandre et le cachot s'il attaquait.

- Brun, je t'en prie, reprit-elle d'une voix plus ferme en posant le plat de ses mains sur son torse.

Elle chercha son regard et son attention. La peur de ce qu'il pourrait envisager lui nouait le ventre, il fallait qu'elle le retienne coûte que coûte.

- Je me suis défendue, argua-t-elle, c'est réglé je te le promets. Fais moi confiance. S'il te plaît.

Sa dernière supplication s'échappa de ses lèvres dans une voix tremblante presque inaudible."S'il te plaît" répétât-elle tout bas en se rapprochant de lui, hésitante dans la manière de procéder afin de pouvoir l'apaiser. Ses mains quittèrent son torse, glissèrent le long de ses bras et vinrent s'accrocher à ses poings crispés. Pouvait-elle au moins lier ses doigts aux siens ? Se laisserait-il un peu aller ? Choisirait-il l'affection à la colère ?

Brun ignora l'appel d'Acuité, et il fut tenté de l'ignorer, elle, lorsqu'elle se mit en travers de son chemin. Il l'aurait facilement écartée, mais n'était-ce pas elle qu'il cherchait à protéger ? Et elle, pourquoi cherchait-elle à protéger son père ?! Pouvait-il lui faire confiance comme elle le lui demandait, avec ses mots et ses mains ? Brun savait de quoi Acuité était capable, pourtant il n'y croyait pas ; elle lui paraissait trop faible devant l'autorité paternelle, trop faible devant lui. Il fallait que Glace comprenne qu'elle était à lui désormais, et qu'il n'avait pas le droit de la toucher. Etait-ce vraiment d'amour dont il s'agissait ?

- Personne ne te touchera. Je ne le tolérerai pas, articula-t-il comme s'il la mettait en garde.
Pourtant, il la laissa déserrer ses doigts. Ses supplications le touchaient, sa présence le touchait, et il sentit la colère refluer ; pas suffisamment, mais assez pour qu'il ne la visse plus uniquement comme un obstacle sur sa route. Alors il la vit, essayant de le calmer, essayant d'attirer son attention par ses contacts réitérés, mouillés ; elle était toute nue sous ce maudit peignoir.

Dépliant ses phalanges encore un peu blanches, Brun caressa sa gorge. Les marques avaient presque disparu ; dans l'obscurité grandissante, il fallait savoir qu'elles étaient là. Puis il fit glisser le peignoir sur son épaule pour dévoiler son bras. L'hématome était là et le narguait, comme s'il lui disait qu'Acuité ne lui appartiendrait jamais. Alors Brun l'effleura pour l'apprivoiser, et de la même main ferme et douce, la courbe de son sein, si proche, puis son sein lui-même. Sa colère était tapie et cela se sentait dans le baiser téméraire qu'il lui donna, ou plutôt qu'il lui prit.

La manière dont il la regarda lui laissait à penser qu'elle n'était qu'un obstacle sur son chemin. L'écarterait-il sans plus de manière ? Elle en doutait. Pourtant, les paroles qu'il prononça étaient aussi dure que des menaces. Il exigeait plus qu'il n'exprimait ce qu'il ressentait sur l'instant. Que personne ne la touche, qu'il ne le tolérerait pas.
Parlait-il toujours de son père ? Ou bien étendait-il ces mises en garde à tout homme qui l'approcherait ? Elle eut le sentiment qu'il instaurait là les limites qu'il supporterait et qu'il lui indiquait par la même occasion celles de sa possessivité. Elle comprenait parfaitement que sa colère  fut justifiée par les récents événements, pour autant, elle ne pouvait pas le laisser s'abandonner à sa fureur car elle le connaissait suffisamment désormais pour savoir de quoi il était capable.
Heureusement, elle sentit ses poings se desserrer et en fut instantanément soulagée. Son visage s'illumina un peu plus, lorsqu'il la regarda vraiment. Elle aurait voulu sourire, le rassurer encore, mais le sérieux qu'il affichait la dissuadait de le faire.

Elle observa la main qu'il leva vers elle, lentement, pour venir se poser sur sa gorge. Comme il la caressait, elle ferma les yeux un moment et releva le menton pour lui laisser un peu plus d'accès. Le poids du regard qu'il posait sur elle était palpable, il analysait, se rendait compte des blessures occasionnées. Elle le laissa faire, jugeant cette étape nécessaire à ce qu'il retrouve un semblant de sérénité. De lui-même, il se rendrait compte que ce n'était au final pas grand chose, qu'elle avait survécu à pire et que tous deux étaient en sécurité désormais.
Sa main poursuivit sa route avec une douceur inattendue. Acuité retint son souffle mais sentait déjà son coeur sur le point d'exploser, ses battements désordonnés frappant sa poitrine et Brun continua, faisant glisser le peignoir sur son épaule, jusqu'à dénuder la marque de son bras.

Elle rouvrit les yeux, l'observa. Il semblait chérir chaque parcelle de la peau qu'il caressait, la cajolant avec affection et respect. Elle le laissa faire surprise par cet élan de tendresse, par ces contacts qu'elle n'espérait plus. La colère semblait s'être dissipée et lorsqu'il effleura la ligne de son sein, elle crut à un hasard jusqu'à ce qu'il n'y revienne pleinement.
Lorsqu'il l'embrassa, elle le laissa faire à nouveau. Peut-être voulait-il la marquer d'une certaine manière, s'assurer qu'elle lui appartenait bel et bien ?
Avait-il besoin de cette audace pour se rendre compte qu'elle était sienne ? Et tandis qu'elle lui rendait son baiser, elle songeait à ce qu'il lui avait dit. "Nous serons ensemble". Elle aussi avait ses exigences, elle non plus ne voulait pas le partager en rien. Elle le désirait, de la même façon qu'elle l'avait toujours fait, peut-être même plus encore car il l'avait repoussée à plusieurs reprises, la forçant à patienter jusqu'à ce que leurs voeux soient prononcés.
Allait-il réitérer cette attitude dans la foulée ?

Le goût de sa bouche et leurs souffles mêlés la poussèrent toutefois à glisser ses bras autour de son cou, à se hisser contre lui au plus près. Corps contre corps, pouvait-elle sentir les battements de son coeur ? Étaient-ils aussi violents que les siens ? S'enfonçant lentement dans l'exaltation de ses sens, elle préféra ne pas y penser. Elle profiterait pleinement de ce qu'il voudrait bien lui donner et se laisserait faire, le laisserait mener, laissant libre cours en priorité à ce que lui souhaitait.

Acuité répondit à son baiser et alors Brun oublia complètement Glace Loinvoyant, ce qu'il voulait lui prouver et se prouver à lui-même. Son désir qui s'embrasait plus fort que sa colère était une preuve suffisante, s'il y avait encore besoin de preuves, après tout ce temps. Il voulait Acuité, il la voulait profondément, violemment, comme amante, comme épouse et comme mère de ses enfants. Il la voulait d'autant plus qu'elle n'arrêtait pas de lui échapper, qu'il n'arrivait pas à la saisir, à la cerner.

Cette fois elle n'allait pas s'échapper, au contraire elle se pressait contre lui, mais elle n'était pas encore assez près, pas assez, et il avança jusqu'à ce son dos touche la porte. Le peignoir avait glissé au sol comme une mue indésirable, et comme des serpents ils s'emmêlaient, bouche contre bouche, poitrine contre poitrine, hanches contre hanches, et Brun leva l'une des cuisses d'Acuité pour mieux s'emmêler encore.

Mais alors il sembla se rendre compte de ce qu'il faisait, et il laissa sa jambe aller, et il rompit leur baiser. Brun n'avait jamais été aussi proche des yeux noirs, il les regardait et il entendait tonner le cœur d'Acuité. Sous sa tunique, il sentait sa poitrine se soulever. Pourtant il n'y eut pas de honte, cette fois, juste la certitude de ce qu'il voulait ou plutôt, de ce qu'il ne voulait pas. Il ne voulait pas être "peu délicat". Il voulait mettre les formes que contre la porte il ne mettait pas.

- Tu dois avoir froid, dit-il alors que l'eau s'évaporait presque à vue d’œil de la peau d'Acuité.
Et sans lui laisser le temps de protester, il la leva dans ses bras et la ramena au baquet.

Le désir les embrasa comme un feu naissant. D'abord timide, l'air sembla ensuite se raréfier consumé par les flammes de la passion qui les dominait. Brun devint entreprenant et cette fois, ni l'alcool ni l'Art n'était en cause. Il la désirait au moins autant qu'elle le désirait, depuis tout ce temps. Elle se laissa guider jusqu'à ce que son dos heurte la porte derrière elle, s'inquiéta une fraction de seconde du bruit entendu de l'autre coté dans les couloirs, avant de sentir sa volonté et sa raison voler en éclats.
Combien de fois avait-elle pensé à ses baisers, à ses mains, à la chaleur de son corps mêlée à son odeur ? Combien de fois avait-elle espéré connaître encore le plaisir de le sentir contre elle ? Trop de fois et trop longtemps.

Le fin peignoir s'échoua entre eux sans un bruit, la laissant nue et brûlante dans une bulle qui n'appartenait qu'à eux. Là, elle pouvait sentir la puissance des battements furieux de leurs coeurs qui à défaut de battre à l'unisson, s'emballait au bord de l'implosion. Elle mourrait d'envie de lui retirer sa tunique, de laisser leurs peaux se reconnaître enfin dans la chaleur de leur étreinte. Fidèle à ses résolutions de le laisser mener leur union, elle n'entama aucun mouvement, ne prit aucune initiative et se contenta de suivre ce qu'il lui dictait.
Même lorsqu'elle sentit les doigts de Brun agripper sa cuisse, même lorsque dans le même élan, il la leva pour réduire encore la distance entre leurs corps. Elle sentit ses jambes devenir coton, lorsqu'il se pressa contre elle et demeura pantelante un moment lorsque subitement il mit fin à l'embrasement.
Le souffle court, elle le regarda les yeux flous, l'esprit encore embrumé par les effluves du désir et de l'excitation.

Elle se savait brûlante et lui pensait qu'elle avait froid. Alors qu'il l'emportait dans ses bras, un sourire en coin se dessina sur les lèvres de la Duchesse. Son corps n'était qu'une fournaise, une fournaise avide de pouvoir se consumer entièrement. Là encore, elle ne protesta pas, ravala sa frustration dans la promesse muette de pouvoir partager à l'avenir bien plus et accueillit le retour dans son baquet d'eau comme le point final de la tentation entamée. Sa respiration se calma, son coeur ni criait plus.

De nouveau assise dans l'eau, elle pressa l'onde entre ses doigts, aspergeant sans scrupule le visage de son futur époux.

- Pourquoi ne me rejoins-tu pas ? lança-t-elle un sourire espiègle flottant sur ses lèvres. Il y a de la place pour deux et ça te ferait le plus grand bien.

Le ton sur lequel elle le lui signifia prêtait à confusion. De quel bien parlait-elle vraiment ? Trouvait-elle que son odeur méritait lavage ou bien que ses soucis se dissoudraient dans l'eau chaude ?
Volontairement, le regard un brin moqueur, elle le mit au défi de s'y soustraire, espérant qu'il entrerait dans le jeu et consoliderait les instants complices que par le passé ils avaient pu avoir.

Brun déposa Acuité dans son baquet, comme un objet précieux qu'on se retient de toucher. Bientôt son corps disparut sous l'eau, il ne pouvait plus la regard...
- Héééé ! protesta-t-il lorsqu'elle aspergea ses yeux indiscrets.
Ses yeux blessés ? Il fut tenté de jouer la comédie, comme dans les Montagnes, mais ils avaient eu assez de frayeurs. Brun préféra l'apaisement que le bain lui promettait. Ça te ferait le plus grand bien, avait dit Acuité ; c'est vrai qu'il était sanguin, à tous les sens du terme, après toute une nuit et une journée passées à douter.

- Tourne-toi, dit-il en enlevant ses bottes, et il attendit que la petite Duchesse s'exécute, car d'abord elle ne  sembla pas y croire, ne l'avait-il pas vue toute nue ? Mais ça n'était pas pareil, il ne voulait pas qu'elle voit l'effet "peu délicat" qu'elle lui faisait.
Brun enleva le reste de ses vêtements et s'installa dans le baquet, en face d'Acuité. L'eau était chaude, la lumière déclinait mais ses yeux s'étant habitués à l'obscurité, il voyait encore, à la surface, la marque sur son bras et la naissance de ses seins ; et il sentait ses jambes frôler les siennes.

Pour s'en divertir, Brun attrapa son pied, le sortit de l'eau et s'absorba dans la contemplation de la forme de ce pied que bientôt il devrait connaître au même titre que le reste du corps de son épousée. Forcément, la petite Duchesse avait un beau pied ; tout était beau chez elle, d'ailleurs il devrait peut-être le lui dire, d'autant que son père l'avait dépréciée ; mais les mots ne lui venaient pas. Avec ses pouces, il lissa la voûte de son pied et la naissance de ses orteils en un massage improvisé. Il ne réfléchissait pas, il ne voulait pas réfléchir, d'ailleurs il n'y arrivait pas, il pensait trop au reste de son corps qui flottait dans le baquet.

- Je ne sais pas si la date du mariage a été décidée, reprit-il d'une voix un peu enrouée. Mais j'aimerais que ça se fasse rapidement.
Etait-il pressé d'en finir avec ce mariage ou pressé de le consommer ? En tout cas, il était pressé.
- Ton père t'a-t-il dit s'il comptait y assister ?
Rien de tel pour calmer ses ardeurs que de parler de Glace Loinvoyant ; à moins qu'il ne songe avec perversité au moyen qu'il avait, dans ce bassin, de se moquer du Duc et de sa bénédiction. Acuité ne protesterait pas ; son consentement, il l'avait depuis deux ans.

La réaction de Brun valait le détour. Acuité n'était pas mécontente de son petit méfait. Pourtant, à sa proposition de la rejoindre, Brun hésita un court instant avant de lui demander de se tourner. Elle n'en croyait pas ses oreilles et le regarda incrédule jusqu'à ce que l'idée achève son trajet dans son cerveau : il la rejoignait.
Elle se tourna comme elle le lui avait demandé, offrant la partie de son dos émergée sans honte. Il connaissait son corps au complet.
Son coeur s'emballait au fur et à mesure qu'elle entendait le bruit des vêtements glisser jusqu'au sol, un à un, Brun s'en débarrassait. Lorsqu'elle sentit l'eau qui l'entourait remuer, elle patienta encore, suffisamment du moins elle l’espérait. L'instant d'après, il lui faisait face dans ce baquet tandis que légèrement, elle s'empourprait.
Était-ce concevable de prendre un bain avec son futur époux ?
Sous l'eau, elle sentit ses jambes frôler les siennes et son ventre la chatouilla drôlement. Comme s'il se souvenait les précédentes émotions et l'envie qui les avait tous deux secoués.

Elle émit un léger hoquet interloqué lorsqu'il attrapa son pied sous l'eau. Elle l'observa, stupéfaite, tandis que lui-même observait la plante de son pied. Et puis un sourire se dessina sur ses lèvres à mesure que ce moment insolite se déroulait. Il massa doucement la voûte, glissa ses pouces jusqu'à la base de ses orteils. Etranges sensations qui apparaissaient en elle. Le contact était plaisant, agréable même bien que tout cela la chatouille fortement.
Elle retint son rire, se mordit la lèvre inférieure pour ne pas céder et s'abandonna finalement aux bienfaits qu'il lui prodiguait.
A ses paroles, elle ne sut que penser. Voulait-il rapidement l'épouser pour enfin se laisser aller à l'ardeur de ses désirs ? Ou bien souhaitait-il en finir une bonne fois pour toute avec cette histoire ?
Son corps frissonna légèrement au souvenir de leur envie commune qui les avait rapproché peu de temps avant mais le sérieux qu'affichait Brun la força à se raccrocher au présent. Il parlait de son père encore et ses doigts glissaient toujours sur son pied.
Un mouvement peut-être moins adroit lui arracha un éclat de rire et elle récupéra son pied, jugeant que cela était préférable. Avec un sourire d'excuse, elle le repositionna sous l'eau avant de dévier son regard sur le côté du baquet où pendait le carré de tissu dont elle se servait pour se laver.
Elle s'en saisit et glissa dans l'eau pour venir se placer à côté de lui. Ses hanches frôlèrent les siennes et le mouvement liquide sembla la transporter jusque dans ses bras. Elle réussit à se stopper pourtant, trempa le tissu dans l'eau chaude et le le fit glisser sur le bras de Brun, remonta le long de son épaule jusqu'à son cou. Avec minutie et concentration, elle nettoya trapèze, mâchoire, lèvres et menton, redescendit jusqu'à sa gorge et poursuivit sur son torse. Elle s'arrêta là et le regarda. Épaule contre épaule, son souffle s'était calmé.
Elle secoua la tête :

- Mon père ne veut pas assister aux vœux officiels devant les pierres témoins, d’ailleurs il veut que personne n'y assiste. En revanche, il veut que nous soyons à Castellonde juste après la prochaine Lune pour célébrer avec le peuple. Je suppose donc que la date du mariage lui importe peu, il suffirait de voir avec Vainqueur tu ne crois pas ?

Elle lui offrit un sourire et se remit au nettoyage de ce corps qu'elle chérissait tant en se penchant légèrement pour atteindre l'autre épaule. A nouveau son regard croisa le sien, ils étaient si près.

- Je me demande pourquoi tu es si pressé...se moqua-t-elle tout bas avant de reprendre sa place à ses cotés et de déposer un simple baiser sur son épaule.

Acuité lui déroba son pied et il la regarda avec une certaine méfiance mêlée d'envie se rapprocher de lui. Munie d'un linge, elle commença à le laver, et il la laissa faire avec circonspection. Etait-il si sale ? Il n'avait rien fait de la journée.
Brun avait déjà remarqué cette tendance ridicule qu'avaient les amoureux à se traiter comme des enfants, et il se demanda si c'était ça. Cela semblait faire plaisir à Acuité de le cajoler, et à vrai dire, c'était agréable, presque trop ; il n'aurait pas fallu qu'elle s'aventure plus bas.

Jusqu'à ce que ses paroles le refroidissent. Un mariage public à Castellonde ? Vainqueur ne lui avait pas dit ça. Sans doute était-il parti trop vite, pressé qu'il était d'annoncer la nouvelle à Acuité. Brun lâcha un profond soupir, qui n'avait plus rien à voir avec la sensualité.

- Je ne suis plus si pressé, maugréa-t-il.
Ça ne lui plaisait pas, sur tous les plans.
- Espoir restera ici. Hors de question qu'il retourne à Castellonde.
Il n'avait pas confiance. D'ailleurs pourquoi devrait-il accepter ? Cela faisait-il partie des conditions négociées ?
- Il t'a dit, pour le premier-né ? demanda-t-il, ignorant dans quelle mesure Glace en avait informé Acuité.

Ce fut au tour d'Acuité de soupirer face à l'attitude de Brun. Elle savait qu'il n'aimait pas son père, elle savait qu'elle n'aimait pas Castellonde, mais par Eda...s'il l'épousait il devrait s'y faire ! L'un comme l'autre faisait parti de sa vie de Duchesse.
Elle eut envie de lui jeter le tissu humide en plein visage pour qu'il cesse d'être si négatif et de donner des ordres, encore !
A la place, elle prit sur elle, pinça les lèvres et fronça les sourcils tout en essorant le tissu et en le replaçant à sa place, sur le rebord du baquet.

Ensuite, elle croisa les bras et s'adossa à nouveau contre le bois. Elle inspira profondément pour tenter de taire la mauvaise intuition qui lui soufflait qu'une nouvelle dispute était sur le point de naître. Comment faisaient-ils pour passer d'une émotion à une autre en si peu de temps ?

- Bien-sûr qu'il m'a dit pour le premier-né et pour bien d'autres choses...la suite tu la connais, nous nous sommes violemment disputés, s'agaça-t-elle en regardant droit devant elle, ses pieds qu'elle pouvait voir à travers la surface de l'eau. Elle joua un court instant avec les remous que provoquaient ses mouvements dans l'ondée essayant de ne pas ressasser toutes les vilaines choses que son père lui avait reproché.

Après un nouveau soupir, elle tourna son visage vers lui.
- Je suis la première héritière de Béarn, lui rappela-t-elle. Evidemment qu'il veut fêter mon mariage à Castellonde, évidemment que mon peuple voudra le fêter. Tu te limites à Glace Loinvoyant, mais derrière lui, il y un peuple à contenter. Crois-tu qu'il trouverait normal que Acuité Loinvoyant se marie sans que rien ne soit célébré ? Que son premier fils ne soit pas présent ?

Elle se renfrogna et resserra ses bras sur sa poitrine, visiblement contrariée par l'attitude de Brun. A lui seul, il faisait voler en éclat la bulle de complicité qu'ils avaient tant de mal à créer.

- Je suis désolée de trainer ce bagage avec moi, ajouta-t-elle quelque peu sarcastique. Une roturière aurait surement arrangé tes affaires...

Ils ne pouvaient plus vivre dans l'anonymat, pas dans les Duchés, c'était impossible. Elle restait Acuité Loinvoyant, Duchesse héritière de Béarn. Son père était peut-être exigeant mais son peuple l'était encore plus. Il l'avait vu grandir, elle l'avait observé. Ils étaient liés. Brun ne pouvait et ne devait surtout pas l'ignorer. En l'épousant elle, c'était avec un Duché tout entier qu'il se liait.
Peut-être n'avait-il pas pensé à cela...peut-être que la réalité le rattrapait à présent et qu'il ne voulait plus de ce futur.

Acuité avait raison et cela le fit rager. N'empêche qu'il n'avait pas envie de tout ça. Au terme de cette journée, Brun n'avait plus envie de faire d'efforts ou de penser à tous les efforts qu'il devrait faire pour être le digne époux "d'Acuité Loinvoyant". Acuité Loinvoyant boudait dans son coin et lui lançait des mots méchants. Effectivement, il aurait préféré épouser Alisel, et il fut tenté d'approuver ; mais il ne voulut pas saisir ce fouet qu'elle lui tendait.

Brun fit miroir à son air renfrogné. Il commençait à en avoir assez qu'elle défende Glace Loinvoyant. N'était-elle pas sensée se ranger de son côté ?
- Et tu es d'accord avec ça ? s'indigna-t-il. Qu'il prenne notre enfant pour l’endoctriner à Castellonde ? Qui sait s'il ne le traitera pas comme il t'a traitée, toi ?
Espoir resterait ici et ses frères et sœurs avec lui, si jamais il y en avait. Car s'ils n'étaient pas capable de s'entendre à la veille de leur mariage, comment allaient-ils partager leur lit ?

L'indignation dont Brun fit preuve n'apaisa pas Acuité. Bien au contraire. Ses paroles la touchèrent de plein fouet, comme s'il la tenait pour complice des revendications de son père.
Glace Loinvoyant était intraitable, son père et elle avaient eu bien des maux depuis qu'elle était rentrée. Il l'avait brimée, giflée à plusieurs reprises tentant de reprendre la main sur son aînée pour qui il espérait un grand futur. Ce futur, elle l'avait brisé et comprenait la colère et la frustration de son père.
Malgré les mauvais traitements, elle l'aimait. Quelques mois ne pouvaient effacer des années heureuses et prometteuses.
La manière virulente dont il s’exprimât et ses propos traitant son père tel un monstre finirent de la mettre subitement en colère.

- Bien sur que non ! s'emporta-t-elle écœurée. Cela n'arrivera pas.

Blessée qu'il ne place en elle que si peu de confiance elle le regarda, déçue. Pensait-il réellement qu'elle accepterait qu'on lui enlève son enfant ? Leur enfant ? Il croyait vraiment qu'elle obéirait aveuglément alors qu'elle venait de lui dire qu'elle s'était disputée puis battue avec son père ?
Ses lèvres se mirent à trembler nerveusement et elle finit par se lever du baquet. Peu lui importait sa nudité. Elle sortit du bain et s'avança jusqu'à son peignoir échoué près de la porte. La vision de cette dernière lui rappela avec douleur leur étreinte inachevée, comme toutes les autres avant ça.
Elle enfila son peignoir humide, sur sa peau humide. Le tissu ne glissait pas, il se collait sur les surfaces de son corps. Elle l'ajusta comme elle le put et en revenant près du baquet lui lança :

- Cela va surement te surprendre mais j'ai eu une enfance heureuse.

Elle se retint d'ajouter un "moi"appuyé. C'eut été vraiment méchant. Pour autant, appuyée sur le rebord du baquet elle se pencha en avant, vers lui, son visage à quelques centimètres du sien.

- A quoi ça rime tout ça ? Qu'est-ce que tu cherches ? Une nouvelle dispute ? Une nouvelle excuse pour justifier ton rejet ? J'en ai ma claque de tout ça !! Dis moi pour de bon ce que tu veux vraiment, ce que tu attends de moi !

Ses doigts agrippaient le rebord en bois pour empêcher ses tremblements qui pourtant, s'entendaient dans sa voix.

Cela n'arriverait pas : comment Acuité pouvait-elle le savoir ? Elle n'avait pas entendu les garanties qu'à Brun, Vainqueur avait données. Que lui avait dit le Duc ? Quelles étaient ces "autres choses" que le Duc lui avait dites ?

Brun n'eut pas le temps de le lui demander ; déjà, Acuité sortait du bain, et il ne lui fit ni l'honneur, ni l'outrage de la regarder. Dans son dos, il entendit la petite Duchesse se rhabiller avec de petits bruits mouillés ; elle ne vit pas la moue dubitative sur le visage de son futur époux, lorsqu'elle affirma qu'elle avait grandi dans le bonheur.

A son arrivée à Castelcerf, Acuité ne lui avait pas franchement semblé être une jeune femme épanouie. Heureuse ? Enfant peut-être, mais adolescente elle avait fui sa vie d'héritière, dans le déshonneur, l'anonymat, la violence et l'exil.

Est-ce qu'elle allait fuir encore, sa propre chambre ? Ou est-ce qu'elle allait le congédier comme la veille ? C'était à lui de partir. Il n'aurait pas dû se laisser aller. Il n'aurait pas dû entrer dans ce bain. Comment allait-il en sortir avec un minimum de dignité ? Brun s'imaginait déjà se rhabiller sous les yeux noirs d'Acuité. Ces yeux noirs soudain proches, furieux, désespérés. Cette bouche qu'il avait embrassée disait des mots insensés.

- Je ne te rejette pas, je t'épouse, grinça-t-il en affrontant ces yeux là.
Il n'attendait rien d'elle, que la paix qu'elle ne lui donnait pas, jamais. Lui aussi, il en avait marre des disputes, d'être en colère, de devoir calmer ses éclats. Ne voyait-elle pas qu'il prenait soin d'elle comme il le pouvait ?

Brun fit un ultime effort et posa sa main sur la sienne, sur le rebord. Si leurs esprits n'arrivaient pas à se comprendre, peut-être que leurs corps le pouvaient.
- Reviens. C'est encore chaud, dit-il.
Il n'avait pas d'autre réponse à lui apporter.
- Ensuite nous irons dîner.

Il était l'heure et ils devaient paraître, bien qu'encore séparément. Glace exigerait-il que leur mariage reste clandestin jusqu'à ce qu'il soit prononcé à Castellonde ? Brun n'en pouvait plus d'attendre. Il lui semblait que chaque jour, malgré les étincelles, sa relation avec Acuité se détériorait.