Animation : Les flammes de l'Amour

Principes de l'animation :

- un topic HJ : vos actions relèvent de la fiction dans la fiction et ne sont donc pas intégrées dans la trame de jeu du forum. On est dans un registre onirique / délirant.
- un speed dating : à partir de la liste des personnages inscrits, des couples seront tirés aux dés. Pour s’inscrire et tirer les dés, c'est ici.
- le contexte : identique à celui du rp Les flammes de la Victoire : un banquet dans la cour du château de Castelcerf. La différence : une main maligne a glissé de fortes doses d'aphrodisiaque dans le vin. (Ce topic étant du registre WTF, ce contexte ne pose pas de problème pour les personnages Montagnards : ignorez allègrement les barrières géographiques et linguistiques.)

Dans la cour du château de Castelcerf, capitale des Quatre Duchés, la cérémonie funèbre s'est transformée en banquet, en fête. Oubliés, la guerre et les soldats tombés. Oubliées, la disette et la grogne. La bonne chère et le vin n'y sont pas pour rien. Surtout le vin... et son petit goût épicé qui chatouille les papilles et le ventre. Nul ne sait encore qu'une impressionnante quantité d'aphrodisiaque y a été versée.
Bonnes ou mauvaises intentions ? Quoiqu'il en soit, l'amour fait tomber les barrières et les inhibitions. Visages tatoués, uniformes des Duchés, fourrures Montagnardes, soie et haillons se mélangent et se mêlent le long des tablées, sur la piste de danse ou dans les recoins. Tout cela parait fou ou surnaturel. D'ailleurs, regardez : la neige s'est mise à tomber...

Les états d'ivresse :
Pour plus de précisions sur votre état et ses symptômes, se reporter à la nomenclature.

0/1 verre -> Naturel Equivalent phéromones : accort(e)

2 verres -> Pompette  Equivalent phéromones : émoustillé

4 verres -> Ivre Equivalent phéromones : excité

6 verres -> Bourré Equivalent phéromones : chaud lapin

8 verres ou plus -> Raide Equivalent phéromone : gros lourd

Chance -> Etat d’ivresse au choix

Le tout dans le respect de la ligne du forum (-16 ans et non -18 ans, métaphores bienvenues ou hide possibles).

Les couples inscrits / états d'ivresse correspondants :

Constance / bourrée	Hobes / pompette
Kairan / ivre	Discret / naturel
Mélisse / naturelle	Vaillant / ivre
Mésange / ivre	Kex / pompette
Lawena / raide	Brun / bourré
Shyrin / bourrée	Loyal / naturel
Elke / ivre	Discret / naturel
Acuité / pompette	Aksel / ivre
Persévérance / raide	Clément / pompette

[HRP] Pour l'event, et compte tenu du mélange des Nations et des personnages, je pars du principe que Acuité n'a jamais quitté le château. Elle a vécu la guerre via l'Art en aide au clan. Son passage dans les Montagnes et en Chalcèdes n'aura donc pas eu lieu, tout autant que sa grossesse. Cependant, elle est très amie avec Shyrin depuis l'arrivée de la Princesse. Bon c'est juste pour me donner un contexte simple à jouer, sinon y'a trop de paramètres".[HRP]

Acuité arriva dans la pièce le sourire au lèvres et le pas léger. Depuis le temps qu'elle attendait des festivités au château, Eda exauçait enfin son souhait. On lui avait dit que des personnalités de toutes les contrées seraient présentes et elle avait hâte de pouvoir les rencontrer. Elle était curieuse de voir à quoi le père de Shyrin ressemblait, curieuse de voir les Montagnards et pour mieux s'y préparer, elle portait une robe de velours bleu nuit, somptueuse au décolleté très sage. Sa silhouette toujours aussi menue et fine, avança avec grâce au milieu de la foule et elle saisit une petite coupe de vin en passant près d'une domestique. Elle en bu une gorgée et machinalement, entortilla une mèche échappée de son chignon bas entre ses doigts tandis que son regard balayait la pièce.
Au loin elle aperçut Shyrin et son sourire s'élargit alors même que ses pas la portaient auprès d'elle.

Elle voulait partager avec la Princesse ses premières impressions et recueillir les siennes en échange. Il fallait dire que leur complicité frôlait l'entendement.

- Tu es fort belle ! lança-t-elle à la jeune femme avant de saisir une seconde coupe qu'elle lui tendit, prête à trinquer.

Brun avait bu beaucoup de vin pour supporter cette soirée qui, de pénible et solennelle, était devenue franchement échevelée. En tout cas pour lui.

Il avait quitté la table royale depuis longtemps déjà pour rejoindre les simples soldats, qui partageaient tous son état d'ébriété, et l'avaient bien mérité. Quelques minutes avant qu'il se mette à neiger, ils avaient fait un concours de celui qui mangerait le plus de petits choux. Puis ils avaient bu pour faire couler, en jouant à "qui a les plus gros nichons de l'assemblée". Enfin, et conformément au traditionnel déroulé, ils s'étaient mis à chanter des chansons paillardes à gorges déployées.

A son tour, le maître d'armes entonnait "Margot et ses moutons", quand un mouton véritable traversa la cour. Les soldats se mirent à hurler de rire, certains allant jusqu'à pourchasser la bête. Irrité par la poussière que levaient leurs bottes, Brun finit sa chanson par un éternuement. Il sortit le mouchoir délicat qui était resté dans sa poche depuis des mois, et se moucha allègrement dedans.

A sa droite, Borné lançait le premier couplet de "La Chalcédienne à quatre pattes".

[HRP : Après la guerre et la crue, Vaillant est rentré à Castelcerf avec le reste de l'armée et des Artiseurs, plutôt que de partir en Bauge en solitaire. A son arrivée, il est allé voir la sorcière des Haies comme dans "Jour de pluie".]

Loin de cette vulgarité soldatesque, à laquelle il jetait de fréquents coups d’œil à mi chemin entre le dédain et l'envie, Vaillant siégeait à la table des Artiseurs. Avec tous ces sièges vides, il était difficile d'avoir le cœur léger, pourtant, il s'y employait. Pour se donner du courage, il gardait toujours une coupe de vin à la main, tandis qu'il travaillait Maya.

Il n'y avait rien à tirer de cette fille. Il avait essayé de lui soutirer les potins du château en leur absence ; sans succès. Il avait essayé de lui vanter les mérites de Nim pour susciter chez elle une étincelle d'intérêt féminin ; sans succès. Il avait fait des jeux de mots sur le verbe "butiner" avec l'abeille dans son collier ; un four total. Rien à faire. Elle était encore plus coincée qu'Acuité. Et c'est pas comme s'il pouvait compter sur Nim le puceau ou Herlem le neurasthénique pour mettre de l'ambiance. Ardent pouvait être drôle dans son genre, quand il parlait dans ses délires mégalomanes ; mais il était parti discuter avec Vainqueur.

Le Baugien soupira et finit sa coupe. Il savoura un petit four et les paroles de "La Chalcédienne à quatre pattes", qui lui tirèrent un sourire avant qu'il ne se rappelle que Chiara aussi était Chalcédienne, et que cette chanson n'était jamais que la liste détaillée de tout ce qu'il ne pourrait plus lui faire. Il soupira, se resservit, regarda le mouton passer, Maya, le mouton, Maya, le mouton, Nim, Maya, le mouton, tiens ! Mélisse !

- Hééé, Mééélisse ! cria-t-il en agitant le bras avec familiarité, comme s'il la connaissait depuis toujours, et non depuis quelques heures.

Assise à côté de son amie, Acuité souriait gaiement à ses propos. Les deux jeunes femmes attaquaient la soirée avec la naïveté et la légèreté de celles de leur rang. Ce soir, après l'obscurité des funérailles, la petite Duchesse ne pensait déjà plus qu'à boire et à manger, à profiter de la vie, ne serait-ce que pour honorer la mémoire de leurs camarades tombés au combat.
Cela aurait pu paraître étrange, mais c'était une façon comme une autre de faire son deuil.

Elle remarqua le garde en livrée bleue qui dévorait Shyrin des yeux et le lui en fit part immédiatement, bien au courant de ses problèmes de vue. Un sourire au coin des lèvres, elle alla même jusqu'à le lui décrire. Jeune, brun, les traits virils bien que manquant d'assurance, il était bel homme et la jeune femme se voyait déjà en arrangeuse de couple.
Shyrin sourit au bellâtre ce qui fit d'autant plus glousser la Duchesse dans un rire complice et mutin.
Cet éclat cependant, s'estompa lorsqu'elle entendit plus loin les voix masculines, braillant des chansons paillardes à foison. Le sourire s'effaça définitivement lorsqu'elle aperçut le Maître d'Arme, se comportant comme ses hommes c'est à dire marqué par l'alcool et par les paroles salaces des chansons interprétées. Elle lui lança un regard lourd de mépris mais à la fois terriblement triste.
Avant le départ des troupes, elle s'était offert à lui et ivre comme un âne gavé de pommes fermentées, il l'avait accueillit dans son lit. Éperdument amoureuse alors, elle avait cru qu'ils avaient partagé une quelconque émotion, un quelconque sentiment, mais avec les mois qui s'étaient écoulés, elle avait finit par comprendre qu'il n'en était rien.
Elle doutait même qu'il se souvienne de quoique ce fut et avait fait son deuil de cette relation avortée.
Ce terrible secret n'était partagé qu'avec son amie et si elle ne voulait pas l'inquiéter avec son changement d'attitude face à cette vision d'horreur, elle ne put cependant ce recomposer un visage serein et avenant, alors que Brun déployait le mouchoir qu'elle avait laissé sur son chevet, dans le but de lui porter chance durant la Guerre, pour se mouche dedans comme s'il s'agissait d'un vulgaire torchon.
Elle accueillit ce geste comme un affront personnel et se renfrogna légèrement, sans pour autant le quitter des yeux. En d'autres circonstances, elle se serait levé et aurait porté ses pas jusqu'à lui dans le but de lui octroyer une gifle afin de laver l'humiliation dont il la gratifiait sans le savoir. Mais à son grand dam, la foule qui s'amusait autour d'eux l'empêchait d'agir, car leur secret était bien gardé.

Ne voulant pas gâcher la soirée de Shyrin, elle lui proposa alors d'aller quérir de nouvelles coupes de vin, espérant peut-être que laisser la Princesse seule inciterait peut-être son prétendant à venir lui parler.
Au moins une des deux pourrait passer une bonne soirée. Elle savait d'ores et déjà que la sienne venait juste de se putréfier dans l'instant. Sa rancoeur et sa colère grandissante serait bien trop difficile à calmer. Mais l'alcool peut-être...

Elle se détourna du Maître d'armes et se leva, en quête d'un domestique chargé d'un plateau. Sur son trajet, son regard dévia sur la table où siégeait le clan d'Art et elle aperçut Vaillant faire de grands gestes en direction d'une femme qu'elle ne connaissait pas. Où était passé Chiara Lunabille ? Pour lui aussi, la Guerre avait changé bien des choses.
La séparation du clan entre ceux qui étaient resté ici et ceux qui s'en étaient allé, avait creusé une sorte de gouffre entre les parties. Et la rivalité qui opposait le Baugien et la Béarnoise n'avait jamais été aussi exacerbé.

La sorcière, non seulement répondit à son appel, mais s'installa sans gêne à côté de lui. Vaillant en fut ravi. Il se poussa un peu pour lui faire de la place, posa sa main sur son genou et se pencha à son oreille :
- J'ai bu quelques verres. Même si ça n'est "pas la solution à mon problème", chuchota-t-il, singeant ses propres paroles.

A son air consterné, il éclata de rire, retira sa main et s'en servit pour pointer un à un les membres de la tablée.
- Mélisse, voici mes amis Artiseurs. Nim, dont tu as forcément entendu parler. Tristement célèbre dans les Duchés. Mais la rumeur ne rend pas justice à sa gueule d'ange. Il est mignon, pas vrai ? Pas vrai, Maya ? Bon. Voici Maya. C'est l'abeille ouvrière de notre groupe. Vous chantiez, eh bien, dansez maintenant, tout ça. Allez, souris ma jolie ! Lui, c'est Herlem. Eh, Herlem ! Réveille toi, on te parle ! Voilààà. Là-bas, c'est Acuité. Acuité Loinvoyant, oui Madame, y'a du beau monde. En bleu, style la reine des neiges, tu vois ? Eh, Acuitééé !

Il fit de grands gestes à nouveau. Est-ce qu'elle le voyait ? Oui, elle le voyait, avec son air pincé. Il lui fit signe de les rejoindre. Qu'est-ce qu'elle foutait toute seule ?

- Et debout là-bas, c'est Ardent, le chef, tu vois. Et à côté, bon, c'est le Roi. Le super chef. Pas besoin de présentations, je crois.
Et, soudain rembruni, il porta sa coupe à ses lèvres.

Lawena était venue pour en profiter, et elle avait bien suivi son programme. Elle avait mangé, et bu, un peu, beaucoup… et puis encore un peu, parce que bon, c'était la fête, et elle n'allait sûrement pas s'en faire, surtout quand les tonneaux semblaient déverser leur nectar sans fin. Pas mal, ce pinard, vraiment pas mal. Au début, elle avait bien apprécié son goût, en tout cas. Ensuite, ça aurait pu être de la piquette, qu'elle ne s'en serait plus vraiment rendue compte. Mais ça donnait bien chaud au ventre.

En quête de nouveaux amis pour s'amuser encore un peu, parce que ses voisins immédiats n'avaient pas l'air des plus engageants, cette bande de rabat-joie qui sortait d'elle ne savait où, elle commença à déambuler, enfin, à se déplacer comme elle le pouvait. Quel était l'imbécile qui faisait tourner la salle comme ça ? Elle jura sans la moindre discrétion dans sa langue maternelle, et continua au jugé, en direction de voix mélodieuses (:p). Et quelle chance, elle tomba sur toute une troupe de fringants soldats qui semblaient bien s'amuser en cette soirée de fête.

« Héé, sa… »
commença-t-elle à lancer à la cantonade, ravie de son aubaine. Elle qui, en d'autres circonstances, aurait certainement regardé d'un mauvais œil ces représentants de l'ordre établi, les trouvait présentement séduisants au possible, dans leurs beaux uniformes. Mais, son état étant ce qu'il était, elle s'empêtra dans ses jupes aux couleurs vives, ce qui la fit jurer de plus belle.
« 'alut les gars ! »
acheva-t-elle pourtant, en s'efforçant de reprendre son équilibre, sans grand succès.

« Belle soirée, hein ? Belle chanson, ça, »
commenta-t-elle en levant un index, l'air le plus sérieux du monde. Elle finit par réussir à se relever, et son regard accrocha celui d'un brun qui n'était pas en soldat, lui, mais… mais il avait l'air de… bah elle ne savait pas trop de quoi, mais bon, il lui plaisait bien. Ou alors, c'était juste parce que c'était le premier dont elle croisait le regard.
« Chantes pas ? Connais la suite ? J'peux… t'expliquer, heinnn… »
proposa-t-elle en se raccrochant à sa veste pour maintenir son équilibre, puis en se collant à lui dans la plus pure absence de subtilité.

Tout assassin qui ce respecte se doit d'être au courant des dernières nouvelles, et je m'était donc rendu à la... Et bien, à la quoi d'ailleurs? je ne savais pas du tout si j'allais arriver au milieu d'une grande fête ou bien dans une veillée funèbre... Je descendais depuis ma chambre quand je compris à l'animation qui s'échappait de la grande salle que la question était stupide et que la tristesse de la guerre avait rapidement était oubliée... si elle avait été là.

    Il y avait des personnes, nobles, serviteurs et même du peuple partout dans les couloirs, certains plus ou moins soûls.
Dehors il neigeait depuis peu, et en entrant dans le vif de l'animation, j'entendis jaillir une chanson fort explicative sur l'art de jouer à sauter les moutons (qui me fis sourire) en même temps qu'un cri de plaisir depuis un couloir sombre.

    Étrange tout de même... Il y avait eu des morts, et même si le vin était un bon moyen d'oublier, il n'avais pas forcément ce côté à la limite de l'obscène.
Peut-être n'y avait-il pas que du vin dans le vin, et je m'encourageais à faire attention.
Au loin je vis Loyal, un soldat de la garde fixer intensément sur la Princesse Chalcédienne, sans s'en rendre compte, à la limite de l'indécence...

    Plus j'observais les gens s'enlacer, se rapprocher sans même se connaître, parfois même s'éloigner furtivement vers des recoins discret du château et plus j'étais sûr de savoir où était passé tout le gingembre et la salsepareille, ainsi que de la girofle des cuisines et de l'infirmerie étaient passés...
    En effet ce matin, j'avais discrètement appris que les réserves des repas avaient été pillées, sans raison. En me rendant à la clinique, Karen, un apprenti, m'avait aussitôt appris que nous avions aussi été volés, nous aussi en produits de ce genre. Quand je lui avait demandé surpris, une quantité, il m'avait répondu, me faisant sourire derrière mon dégout de façade, qu'il y en avait assez pour réveiller un dragon, parce que les vierges, ça saigne... Une expression de son père, qu'il s'empressa de m'expliquer (comme si j'étais le dernier des imbéciles) et resta bloqué sur le dragon.
   
Je compris d'où tenait son goût épicé le vin et me promis encore une fois de faire attention.
Réfléchissant, je me dis rapidement qu'après-tout, autant en profiter. Ce n'était pas les jolies filles qui manquaient, et je n'était pas si mal bâti.

Au loin j'entendis de chansons de ménestrelles qui contrastaient drôlement avec la chanson des gardes qui aurait du faire ardemment rougir la princesse étrangère s'il elle n'avait pas été sous l'emprise de son verre.

Il était difficile de ne pas la voir, avec toutes ces couleurs à vous en donner mal à la tête, rien que de les regarder. Elle n'était pas en très glorieux état, et le maître d'armes se demanda s'il était mieux que ça. Il lui aurait fallu se lever pour le savoir.

Elle aussi, il lui fallait se (re)lever, mais apparemment elle n'y arrivait pas. Malgré la froidure de novembre, que la chaleur des brasiers faisait oublier, il avait une vue plongeante sur son décolleté. Mais bientôt il eut bien plus que la vue, sans avoir rien demandé.

Les soldats se mirent à siffler, amusés de voir leur supérieur se faire ainsi accoster. Envahir était un mot plus juste, mais Brun se fichait bien des mots. Il était trop occupé à agripper à la fille pour la décoller de lui et l'empêcher de tomber. Ne semblant pas capable de porter son propre corps, elle pesait un âne mort.

Las de la soutenir, il la fit basculer sur ses genoux.
- Ah ah, la Chalcédienne, rigola-t-il en avisant son tatouage, comme s'il venait juste de comprendre sa blague.
En temps normal, et bien qu'il sache faire la différence entre un maître et un esclave, ces origines l'auraient mortifié. Mais il n'était pas "en temps normal".

Borné continuait de chanter, énumérant toutes les positions de la Chalcédienne. A vrai dire Brun aurait bien eu besoin que Lawena lui explique : il n'en avait pas fait la moitié dans sa vie. Mais c'eut été dégradant pour elle comme pour lui, pas vrai ?

Mince. Elle avait eu le malheur de regarder et voilà qu'à présent Vaillant lui faisait signe en l'interpellant.
Il avait l'air d'humeur joyeuse, trop même pour être honnête, aussi, elle resta simplement immobile à le regarder alors qu'il était accompagné de cette femme brune qu'elle ne connaissait pas.
Elle fronça légèrement les yeux puis haussa un sourcil avant de relever le menton. Un léger sourire étira le coin de sa bouche lorsqu'elle sentit les picotements de l'Art aux frontières de son esprit. Idiot, jamais tu n'y arrivera, songea-t-elle.
De tout le clan, elle était la "forteresse". Si elle avait du mal à user de la magie, c'est parce qu'elle refusait de s'ouvrir aux autres et pour cause. Elle voulait ses secrets bien gardés, pas comme cet imbécile qui avait lancé une alarme en partageant ses ébats. Par Eda, elle possédait un secret aussi lourd que puissant et se demanda si un jour elle en ferait usage. Mais pour l'heure, elle décida de ne pas répondre à son appel. Après tout, ils n'avaient rien à partager, sauf ses souvenirs du front. Front auquel elle n'avait pas eu le droit de participer à cause de sa lignée.
Amère de sa participation moindre à la Guerre elle allait s'en détourner lorsque des sifflements lui parvinrent à travers les chants.

Mais lorsqu'elle se tourna vers l'origine de ce raffut, elle resta stupéfaite devant la scène qui se déroulait sous ses yeux incrédules. Au milieu des hommes de la garde en état d'ébriété avancée, le Maître d'Arme tenait sur ses genoux une espèce de...de quoi ? Était-ce une prostituée ? Avec toutes ces couleurs on ne voyait qu'elle et son décolleté dans laquelle il plongea la main sans aucune pudeur.
Sur le moment, la jeune femme sentit son souffle se couper et le temps sembla stopper sa course l'espace de quelques secondes pour la laisser face à face avec l'échec et l'humiliation.
Elle aurait dû se détourner, donner le change, faire comme si elle n'avait rien vu, mais la vérité c'est qu'elle se sentait profondément blessée de devoir assister à cela. Et même si tous ici ignorait ce qu'il s'était passé cette nuit précédent le départ des troupes, elle le savait.
Pourtant, elle s'était fait une raison, elle avait embrassé cette voie à sens unique, puisque c'était l'alcool qui avait poussé le maître d'armes à la faire sienne, et ce soir, il récidivait avec une autre qui bien que vulgaire aux premiers abords possédait les formes féminines qui manquaient cruellement à la jeune Loinvoyant.

Le coeur aux bords des lèvres, elle ne se rendit pas compte que sa coupe avait abandonné ses doigts. C'est un jeune page qui la ramena à la réalité et petit à petit, à travers ses " Dame Acuité?" persistants, elle revint à la fête et à la musique qui semblait pourtant avoir disparu juste avant.

- Oui ? bredouilla-t-elle par réflexe mais le regard toujours dans le vide.
- Allez-vous bien ? vous êtes toute pâle ?

Il ne feignait pas son inquiétude et comme à son habitude, elle répondit aimablement à celui qui la servait.

- Oui, merci. Un moment d'égarement.

Comme cette nuit qu'elle maudissait désormais, autant que cet homme qui l'humiliait en public et ne s'en souciait guère.
Mais malgré la colère qui l'agitait, un mal encore plus grand s'emparait d'elle, un mal qu'il ne fallait surtout pas que la foule découvre et encore moins le clan.
Attrapant au passage une nouvelle coupe, elle s'éloigna d'un pas quelque peu rapide, cherchant à mettre le plus de distance entre lui et elle.
Elle ne voulait plus, ni le voir, ni l'entendre.

Étrangement, ses pas la menèrent en plein coeur d'une foule animée qui dansait à bout de souffles et de rires. Elle vida sa coupe d'un trait, la reposa sur un plateau qui passait par là et se mit à son tour à danser. Seule, les yeux clos, elle tournait, sautait, ravalait les larmes menaçantes qui risquaient de lui faire perdre la face et repoussait la douleur qui lui cuisait la poitrine ou bien encore la nausée qui lui broyait le ventre signe annonciateur d'un profond dégoût.

Une délégation avait été dépêchée à la cour de Castelcerf suite à l’invitation inattendue du Roi des Quatre-Duchés. Curieux et parlant la langue inconnue à nombre des montagnards qui seraient du voyage –et accessoirement parce qu’il est l’espion de Jhaampe-, Kex fit partie du groupe qui atteignit la forteresse quelques jours avant le fameux banquet.

Tôt le matin, il s’était lavé, taillé la barbe et avait revêtir une tenue sobre, faite de nuances de gris comme à son habitude avant de déambuler tranquillement alors que le petit personnel s’affairait déjà pour que tout soit prêt à temps. C’était là l’occasion d’observer tout ce monde s’agiter et de mettre à l’épreuve ses capacités. L’assassin ne souhaitait pas non plus qu’il paraisse trop suspect et, malgré être déjà prêt, il fit un tour aux écuries où se reposaient les bêtes ayant portés l’amoncellement conséquent d’affaires de Kaïran et les quelques breloques des montagnards plus mesurés. Le maître des écuries se montraient être un homme très compétent, tout autant que ceux qui l’assistaient dans sa tâche, et après quelques échanges aussi brefs que polis, Kex regagna la cour où les premiers convives arrivaient déjà, attirés par les mets fumants et les senteurs enivrantes des boissons qui coulaient déjà à flots pour certain.

Rapidement, la foule noircit de monde la cour du château et les groupes de connaissances se formaient déjà. Arrivé trop tôt, il n’avait eu l’occasion d’apercevoir Aksel, Kaïran ou Elke se joindre à la fête. Cela faisait de lui un bien piètre observateur, le jeune homme préférant mettre cela sur le compte du délicieux vin dont il avait déjà terminé un verre plutôt que sur son incompétence. Son regard s’attarda sur les jolies fleurs qui dansaient là, bavardaient ici et en charmaient certaines. Les beautés de la cour contrastaient réellement avec la simplicité –toute relative pour l’une d’entre elles- des femmes qui habitaient à Jhaampe. Cela changeait au moins, et pour une fois, la plus extravagante des Montagnardes aurait de la compétition.

Les yeux clos, le monde lui paraissait moins cruel et moins dur. Elle aurait pu continuer à danser ainsi jusqu'à ce que la tête lui tourne. Complètement absorbée par son envie de faire le vide, d'oublier tout comme si elle pouvait d'une seule pensée être loin et ne plus être elle-même, elle sursauta légèrement à la main posée sur sa taille et ouvrit les yeux de surprise.
Alors qu'elle allait se retourner pour savoir qui osait un contact si franc, sans même s'annoncer, une voix masculine lui souffla des mots simples, lui indiquant qu'elle n'était plus seule pour danser.
Sur l'instant, elle ignora s'il s'agissait de la voix, si calme, si douce mais elle eut l'impression qu'elle n'était plus seule, tout simplement.

Pourtant, l'entrave à l'étiquette était bien présente, mais si l'on pouvait tripoter aisément une courtisane devant la foule, alors une main sur la taille pour danser ne devait pas être un acte si vilain. Elle chassa rapidement ses idées sombres, bien décidée à ne plus se laisser envahir par sa peine alors que ses doigts se glissait dans la main de l'inconnu qui la fit tournoyer encore avec délicatesse et maîtrise. Le contact était comme la voix, doux mais ferme et elle n'eut qu'une seule envie : se laisser guider.
Acuité osa alors un regard à l'encontre de l'inconnu tandis qu'une de ses mèches blondes se détachait de son chignon dans le mouvement qui la plaça face à lui.
Il n'était pas d'ici, d'ailleurs, n'avait-elle pas remarqué le léger action qui donnait à ses paroles précédentes un peu plus de poésie ?
L'avait-il choisi en toute connaissance de cause ? Parce qu'elle était une Loinvoyant ?
Elle l'ignorait et quand bien même s'en fichait éperdument alors qu'elle posait sa main libre sur l'épaule de l'homme qui lui faisait face.

Ils firent à nouveaux quelques pas, puis il la fit tourner encore jusqu'à la ramener à lui à nouveau et durant tout ce temps, elle n'avait toujours pas dis un mot. Que dire de toute façon ?
Son regard sombre se perdait dans celui, bienveillant de l'inconnu qui brillait d'un éclat de générosité autant que de vivacité. Jamais elle n'avait vu de pareils yeux, rien que par leur couleur, ils n'avaient pas d'égal en ce monde. Sa peau était pâle au moins autant que la sienne et ses cheveux arboraient quelques notes de gris usé. Il semblait d'un certain âge mais gardait dans ses traits, une beauté d'un autre âge quelque peu effacée par une certaine lassitude ou mélancolie.

Etait-il triste lui aussi ? Etait-ce ce sentiment qui les rapprochait ?
Par Eda, deux âmes perdues pouvaient elles se trouver et se soutenir dans ce monde sans intérêt ?

Il était bon danseur et elle se morigéna intérieurement de laisser ses pensées vagabonder de la sorte quand elle devait se concentrer sur ses pas, mais la simple présence de cet homme la perturbait, sans qu'elle sache pourquoi. C'était comme si quelque chose dans l'atmosphère repoussait les frontières et l'incitait à baisser sa garde auprès de lui.
Alors tandis qu'elle reposait la main sur son épaule et qu'il l’entraînait dans une nouvelle série de pas, elle osa, du bout des lèvres :

- D'où venez-vous Messire ? Je n'ai pas souvenir de vous avoir déjà vu par ici...

Gênée par son indiscrétion, ses joues se teintèrent légèrement et ses lèvres esquissèrent l'ombre d'un sourire.

Les paroles de Mélisse tirèrent Vaillant de sa soudaine morosité. Elles se lisaient à double sens. Je comprends pourquoi vous buvez tant ! Tu m'étonnes ! Ils étaient chiants comme la pluie, et elle le disait devant leur nez tout en restant très polie. Malin !

Trop occupé à s’esclaffer, il ne réagit pas lorsqu'elle lui subtilisa sa coupe. Pourtant il n'avait pas bu autant qu'elle le disait. C'est pourquoi il avait envie de boire encore.
- Rends-moi ça ! dit-il sans oser lui reprendre. C'est pas pour les filles comme il faut comme toi.

En parlant de filles comme il faut, il chercha du regard Acuité. Comme d'habitude, elle l'avait snobé et... tiens, elle était là ! En train de virevolter dans les bras d'un vieux maigrichon ! Eh bien, dansez maintenant ! C'était pas son affaire.

Il reporta son attention sur Mélisse qui sirotait toujours sa coupe.

HJ:

Celui qui était sans doute le doyen à cette fête cervienne n'avait pas changé ses habitudes pour autant. Cheveux et barbe de neige bien lissés, il était vêtu de simple, sombre et sobre, contrastant avec le plumage plus chic de son successeur. Avec lequel il s'était bien abstenu de frayer, d'ailleurs. Il participait, mais de loin, même si sa place sur l'estrade témoignait de son rang passé. Ce monde-ci n'était plus vraiment le sien, désormais, et seule la conversation discrète qu'il avait entretenue avec la reine-mère l'avait dissuadé de quitter la grande table. Maintenant qu'elle se retirait, il s'apprêta à en faire de même. Les vieillards, c'était censé dormir, la nuit, pas comme ces jeunes qui préféraient s'amuser…

Pour goûter tout de même un peu à l'ambiance plus populaire de la soirée loin de la tablée royale, il fit un détour dans la cour, et accepta quelques coupes de plus. Rien de trop important, mais juste assez pour se sentir bien, et oublier qu'il était tellement plus vieux que tout ce monde-là. Sans trop savoir ce qu'il cherchait, mais sans plus aucune envie de se retirer dans sa chambre solitaire, il se mit à déambuler au hasard, saluant d'un geste Vaillant qui semblait bien épanoui.

Puis il se trouva face à face avec une jeune femme brune en cuir noir et coton blanc. La pensée incongrue qu'elle était, comme lui, tout en noir et blanc, l'effleura. Il ne lui semblait pas l'avoir déjà rencontrée, mais elle avait l'air un peu… perdue ? Sans doute parce qu'elle ne connaissait personne, songea-t-il avec une certaine naïveté. Sa jeunesse était si loin, d'autant qu'il s'était montré plutôt sage à cette époque, il n'identifia donc pas le souci réel qu'elle pouvait avoir, et lui offrit un bras secourable.

= « Demoiselle ? Tout va bien ? Voulez-vous que je vous présente quelques personnes de ma connaissance ? »
proposa-t-il, avec un regard vers la table de "ses" jeunes artiseurs. Certainement qu'elle pourrait s'amuser avec eux, c'étaient des gens charmants, et il trouvait bien dommage qu'elle se trouve ainsi esseulée en un moment de fête.

Pas gênée pour deux sous, Lawena siffla elle aussi en réponse à la réaction des hommes. Et pour la peine, elle se mit bientôt à accompagner Borné le bien-nommé en sifflant un contre-chant à la mélodie simpliste, qui aurait risqué de rendre sourd tout ménestrel qui se respecte. Mais elle s'en fichait, elle s'amusait bien. Et se retrouver sur les genoux du bonhomme ne la dérangeait pas non plus. C'était un peu dur, il ne devait pas avoir beaucoup de rembourrage, mais c'était toujours plus stable que la position debout.

« Ben moi j'te… e l'dis les Chalc… céd… ouais, là, ces filles-là. Ben c'pas si bien. C'est d'la poule domesti… hic. »

Elle tendit le bras pour attraper le gobelet de vin le plus proche (pour faire passer son hoquet, bien sûr), tout en se retenant de l'autre aux épaules de Brun. Elle en but une gorgée, puis le porta d'autorité aux lèvres de sa victime du moment, avant de rejeter le contenant vide avec une moue de dépit. C'est qu'elle en aurait bien repris une rasade… Sans se décoller de l'homme, elle continua le fil haché de ses explications, en soutenant ses mots de grands gestes qu'effectuait sa main libre.

« D'la volaille qu'a pas d'goût, f'ra tout c'que tu veux, mais pas b'en d'origina… lalalala… ouais, t'jours pareil quoi. T'préfères pas une sorte p'us… sauvage ? »

Elle avait beau être dans un état peu reluisant, on n'allait pas lui faire dire qu'elle était Chalcédienne. Elle montra les dents un instant, sans qu'il n'y ait le moindre doute sur le fait que l'alcool l'avait domptée totalement, et entreprit de tâter la marchandise d'une main glissée dans la chemise du maître d'armes. Il avait un peu l'air d'un gringalet de loin, mais en fin de compte, c'était vraiment pas mal du tout, et elle lui offrit ce qu'elle imaginait un sourire engageant, et qui devait plutôt refléter son état d'avinage.