Shyrin est une ravissante jeune fille de seize ans, fraîche, vive et aussi délicate qu’on peut l’attendre d’une princesse. Ses cheveux ont une belle nuance cuivrée matinée de reflets couleur miel, sa peau est dorée et ses yeux bleu foncé. Son corps tout en courbes délicieuses est une véritable invitation à la sensualité, ce qu’elle exprime d’ailleurs volontiers en dansant. La danse est son moyen d’expression préféré, ou du moins le plus aisé, mais qui sait observer avec attention pourrait remarquer qu’au fond des yeux quasi-aveugles de la princesse évaporée et capricieuse brille une lueur de profonde gravité.

Que tout le monde la croit à demi idiote et scandaleusement capricieuse ne dérange pas Shyrin le moins du monde. D’ailleurs, c’est en grande partie vrai, elle en a bien conscience. Elle aime être obéie, respectée, adulée même. Elle est la princesse chérie, la favorite de son père et tient bien trop à cette position pour faire quoi que ce soit qui la compromette.
Depuis quelques mois cependant, de nouvelles questions affleurent dans son esprit, des idées incongrues, dérangeantes et qui la tracassent plus qu’elle ne peut le dire. Elle a choisi de ne pas s’en ouvrir à qui que ce soit toutefois et préfère continuer à passer pour une ravissante imbécile. D’autant qu’elle peine à faire le point et à comprendre elle-même où tout cela la mène. Elle écoute donc religieusement Ava avec le sentiment confus et inexpliqué qu’il la guide sur une voie nouvelle où elle pourra révéler tout son potentiel au lieu de rester une princesse parmi d’autres.

En bonne favorite de son père, elle voue à ce dernier un amour inconditionnel et une immense admiration. Il est le roi de son univers et elle n’aime rien tant que lui faire plaisir de toutes les manières possibles. Elle se plait notamment à le charmer par ses danses et ses rires.
Shane, sa demi-sœur qui la suit comme son ombre l’agace bien souvent et lui sert de souffre-douleur mais elle ne pourrait pas se passer d’elle. Faire-valoir certainement, mais aussi aide précieuse, confidente, et sa seule et unique amie. Si tant est qu’on puisse la considérer comme telle.
Ses relations avec Ava sont tout aussi compliquées. Il est son esclave, ainsi l’a-t-elle voulu et ainsi le traite-t-elle, mais elle se rend bien compte qu’il a sur elle un ascendant qu’aucun esclave ne peut se flatter d’avoir sur son maître. Elle l’écoute, elle s’intéresse, elle cherche à comprendre ce qui l’intrigue tant, ce qui la travaille quelque part loin au fond d’une conscience qu’elle ne croyait pas posséder. Il se passe quelque chose avec lui, mais elle ne comprend pas et c’est plus irritant encore que les regards compassés de Shane.

Princesse parmi les princes, Shyrin fut accueillie comme il se devait par son père. Aucun importance qu’elle ait été conçue avec une esclave, elle était et resterait sa petite favorite, le bonheur de ses jours. Élevée dans cette optique, la fillette développa très vite une personnalité particulièrement optimiste, heureuse, riante et rayonnante. Elle devait rester le joyau de son père.
Outrageusement gâtée dès l’enfance par ce père qu’elle adulait, Shyrin devint une adolescente capricieuse et caractérielle à qui rien de ne devait être refusé sous aucun prétexte. Une personnalité bien commode pour dissimuler à tous, en particulier à son idole de père, qu’elle ne voyait réellement pas plus loin que le bout de son nez. Le monde était flou pour elle. Complètement. À force de travail et avec l’aide secrète de sa demi-sœur Shane, elle parvint à dominer son handicap mais en conserva à tout jamais le sentiment honteux d’être imparfaite.
Comme sa mère, elle suivit les rites et enseignements pour devenir danseuse et se révéla incroyablement douée. À la voir évoluer, il semblait que ses pieds ne touchaient pas le sol, qu’elle vivait dans son propre monde. Sans doute un effet secondaire de son épouvantable vision, mais personne ne s’en aperçut jamais ou n’osa en faire part à voix haute.
Au premier regard, au premier son, elle comprit qu’Ava, l’esclave blanc, était à elle. Pour ses yeux presque aveugles, il n’était qu’une silhouette divine, pâle et lumineuse, mais Shane eut tôt fait de le lui décrire avec force détails. Il était si spécial, si unique, il ne pouvait qu’appartenir à sa petite cour personnelle. Comme un bijou fait spécialement pour elle, ou comme son écureuil apprivoisé, une particularité qu’elle se plaisait à entretenir pour toujours être au-dessus de la mêlée. À nulle autre pareille, telle était Shyrin. Et Ava lui fut donné.
Elle n’était pas née homme pour commander son clan, ni prince héritier ou noble des Quatre-Duchés, mais qu’importe. La petite princesse scandaleuse saurait faire sa place et gagner ainsi l’admiration et l’amour de son père. Plus que pour sa beauté, son esprit ou ses dons de danseuse, il l’aimerait un jour de manière inconditionnelle et serait plus fier d’elle que d’aucun de ses autres enfants.
Se rendit-elle compte de la place qu’Ava prenait petit à petit dans sa vie et dans son esprit ? Nul ne peut le dire. Ce qui est certain c’est qu’on ne la voit plus sans lui aujourd’hui et qu’elle écoute chacun des mots qui sortent de sa bouche.
Elle fait mine de le dédaigner et le traite en esclave en public, mais la vérité c’est qu’ils ont noué une relation particulière et unique. Elle a vu ses faiblesses, ses doutes, ses crises d’angoisse, elle a été là pour lui et pour l’aider à dissimuler son secret. Lui aussi a été présent et s’est révélé un ami précieux pour elle. Le résultat c’est qu’aujourd’hui son cœur bat plus fort en sa présence. Elle a besoin de lui, de sa voix envoûtante et de sa douceur. Surtout avec Bhaal qui rôde dans l’ombre. Elle sait que le guerrier l’a remarquée et si son cœur de jeune fille en a tout d’abord été flatté, elle s’est vite rendue compte qu’elle ne pourrait pas l’aimer. La raison est simple : il la terrifie. Il a cette lueur vorace dans les yeux, cette ambition démesurée. Elle est certaine qu’il dissimule des choses mais en ignore quoi. Elle l’évite autant que possible sans que personne n’en comprenne vraiment la raison. Toute jeune fille chalcédienne ne rêverait-elle pas d’être courtisée par un aussi fier guerrier ?
À présent qu’elle est en âge de se marier, elle se rend compte qu’elle n’aura peut-être pas le choix. Aussi prend-elle soin de rester dans les bonnes grâces de son père. Elle a toujours su le charmer et le plier à sa volonté quand c’était nécessaire, or elle désire ardemment que rien ne change. Danser, cajoler son géniteur, bavarder avec Ava et Shane, la vie lui convient telle qu’elle est.

Âgée d'à peine dix-sept ans, Shyrin avait épousé Vainqueur Loinvoyant, Roi des Quatre - désormais Cinq - Duchés, et mis au monde leur premier enfant neuf mois règlementaires plus tard. De cette union bancale et incertaine étaient bientôt nés deux autres héritiers, Prospère et Chance, scellant ce qui était en train de devenir un mariage uni et solide ainsi qu'une histoire d'amour profond et passionné.

Le temps passant et cicatrisant peu à peu les plaies ouvertes, la famille connut des années de bonheur et d'amour sincère, entourée de ses amis et au milieu de la foule des courtisans de Castelcerf qui apprenait finalement à respecter la prisonnière chalcédienne devenue Reine. Jamais les rumeurs ou les défiances ne s'éteignirent tout à fait mais on lui reconnut bien volontiers la légitimité de sa place auprès de son époux.

Tempérant le caractère emporté de Vainqueur, elle sut se trouver à ses côtés à chaque instant, le conseiller au mieux et le soutenir dans tous les aspects, délicats comme heureux, de son règne. Pour le vingtième anniversaire de son règne, elle organisa des festivités somptueuses qui furent l'occasion pour le couple royal de retrouver Acuité et Brun Braveterre, partis pour Béarns occuper la place qui leur revenait. Les enfants poursuivaient avec toute leur innocence la construction du lien indéfectible entre les deux familles malgré la rancœur d'Acuité envers Vainqueur et malgré les excuses, les preuves de loyauté et les années.

Si Shyrin ne put jamais aplanir totalement cette difficulté pour son mari et sa meilleure amie, elle n'eut cependant jamais à douter de l'amitié de la Duchesse de Béarns. Elle seule sait que c'est après cet anniversaire fastueux que sa santé commença à chanceler avec la perte d'un enfant dont elle n'avait même pas eu le temps d'annoncer la venue à Vainqueur.

Aimée s'était alors révélée douée de l'Art et, testant ses aptitudes nouvelles sur sa mère, avait découvert bien des choses incompréhensibles pour une fillette de cet âge. Ce n'est pourtant qu'après avoir dévoilé bien des secrets dont le sens lui échappait encore pour le moment qu'elle réalisa à quel point elle faisait souffrir sa mère en fouillant ainsi son esprit. Avec tout le sérieux de statut de princesse, elle prit son père par la main et lui ordonna de l'aider à protéger les souvenirs de sa Maman. Ce souvenir comme tant d'autres, Shyrin le chérit jusqu'à la fin.

Ava, son serviteur et ami, l'avait quittée depuis quelques temps déjà, appelé par une mission secrète et d'importance capitale dans le Désert des Pluies. Il ne lui avait révélé que l'essentiel afin qu'elle lui facilite la tâche en lui donnant les moyens d'accomplir sa Destinée. Les mots qu'il avait employés ne lui parlaient guère mais elle avait néanmoins accédé à toutes ses requêtes sans barguigner. Catalyseur donc, mais incapable de savoir ce que cela pouvait signifier pour lui ou pour Vainqueur.

Parmi ses amis encore, elle avait œuvré autant qu'elle le pouvait pour réhabiliter le nom et le statut de Vaillant Fructurive. Lui le premier s'était intéressé à son sort et à sa peine, lui apprenant quelques tours et détours pour survivre dans les eaux dangereuses de la Cour de Castelcerf. Homme tourmenté et pourtant profondément bon, elle avait su déceler sa blessure et tenté de l'adoucir sans y parvenir toutefois. Touchée par la naissance d'une fillette aux cheveux roux et portant son prénom, elle ne perdit jamais le lien avec cet ami de la première heure, écrivant malgré sa maladresse de longues missives pleines d'humour et d'amitié.

À l'aube de sa trente-sixième année, alors que ses enfants étaient déjà de grands adolescents et qu'elle avait renoncé pour toujours à donner d'autres héritiers au Roi, elle se découvrit à nouveau enceinte. Immédiatement, elle comprit que ce serait plus difficile que les autres fois. Malade au point de peiner à se lever dès les premiers jours, elle ne quitta guère sa couche que pour prendre un peu d'air et de soleil dans le jardin offert par son mari qu'elle avait façonné et chéri pendant de nombreuses années.

Refusant d'inquiéter Vainqueur ou pire, de l'inciter à user encore sur elle de l'Art comme par le passé au risque d'y laisser lui-même sa santé, voire sa vie, elle fit tout ce qu'il lui était possible de faire pour se maintenir en bonne santé et lui cacher son état d'épuisement. Mais l'enfant prit tout d'elle et refusa finalement de naître, l'entraînant avec lui dans les limbes dont elle ne reviendrait pas et où elle manqua d'attirer Vainqueur malgré son refus de le laisser faire.

Grâce à Sâ, elle avait eu le temps de se préparer à cette éventualité toutefois et chacun recevrait en temps voulu son souvenir ou son amour sous la forme qu'elle avait choisie. Pour Acuité et Vainqueur, ce fut immédiat, chacun ayant pu lui faire ses adieux et ayant reçu après sa mort un mot de sa main tremblante l'assurant de sa paix et de son amour, leur recommandant à tous deux de faire table rase du passé comme elle s'y efforçait depuis toujours, pour le bien de leurs enfants et leur avenir dans ce royaume, les enjoignant surtout à être heureux.
D'autres missives et cadeaux attendaient leur heure et leur destinataire...

Toute sa vie, Shyrin est restée une femme petite et plutôt frêle mais dotée d'une force peu commune transparaissant dans la couronne cuivrée aux reflets d'or qui lui ceignait la tête ou dans les regards intenses de ses yeux au bleu changeant. Ravissante poupée au bras du sombre colosse qui lui tenait lieu de mari, elle trouva sa place sans faire d'esclandre, animée d'une force de caractère qui ne se démentit jamais.
Née pour régner, elle le fit dans un pays étranger et hostile mais pourtant sans difficulté apparente. Les doutes et les souffrances qui l'habitaient pourtant - nombreux et fréquents - ne transparurent jamais aux yeux de ses sujets et courtisans.

De fillette capricieuse et gâtée, elle devint une Reine douce et calme, respectueuse et respectée, un soutien constant et d'une loyauté sans faille pour Vainqueur. Elle éleva ses enfants avec autant d'amour que de fermeté, se heurtant souvent au caractère emporté d'Aimée mais riant et jouant avec eux en chaque occasion. Elle s'efforça de leur transmettre tout son savoir et tout ce qu'elle estimait indispensable pour trouver sa place dans la vie.
Seule sa fille s'intéressa réellement à son héritage chalcédien, cependant.

- Vainqueur Loinvoyant : son ennemi, son bourreau, son geôlier, son roi, puis son époux t son grand amour, elle se découvrit amoureuse alors qu'ils venaient de se marier et ne cessa dès lors jamais de l'aimer profondément. Ils s'accrochèrent parfois - souvent - mais jamais elle ne lui fit défaut devant le reste du monde. Fidèle à son serment de mariage, elle fut d'une loyauté sans faille et le soutint dans tout ce qu'il entreprenait ou le conseilla de son mieux quand elle le voyait faire fausse route.
Hautement consciente de sa valeur inestimable en tant que roi, elle lui cacha autant qu'elle put sa santé chancelante et les difficultés de sa dernière grossesse de crainte qu'il n'y perde plus qu'un enfant tardif ou une épouse si le pire devait advenir. Elle ne sut l'empêcher de tenter de la sauver toutefois et s'efforça de lui transmettre avant de le quitter tout ce qu'elle désirait lui faire savoir : son amour, sa confiance, son désir de le voir heureux à jamais et la promesse de le retrouver un jour, avec leur enfant, dans un autre monde.

- Sa fille aînée, Aimée : princesse adorée et fierté de ses parents. Shyrin lui donna toutes les clés et ne se plaignit jamais de ses emportements ou de ses manières brusques héritées de son père, notamment pour l'Art. Un lien puissant existait entre elles et c'est à elle qu'elle remit transmis l'essentiel de son héritage chalcédien. Si elle prit la peine de lui expliquer certains souvenirs découverts dans sa tête ou de lui raconter certains événements du passé, elle se garda bien de lui donner toutes les clés et lui laisse le soin de faire son propre chemin dans la vie.

- Son fils aîné, Prospère :


- Son petit dernier, Chance : Enfant vif, rieur et énergique, plein d'amour et d'humour, il anima chaque instant de sa vie et lui apporta une joie sans mélange. Elle lui a laissé des souvenirs et des mots d'amour, s'est assuré qu'il aurait assez de preuves de son amour indéfectible pour surmonter son deuil et trouver sa voie et son bonheur.

- Son amie Acuité : D'une amitié folle, née en pleine guerre, est né un lien plus profond et sain après des mois d'incertitudes et de déchirements. Une fois les difficultés aplanies, les fautes admises, les excuses acceptées, leur lien ne fit que se renforcer au fil des années.

- Brun Braveterre : Prudente vis-à-vis de Brun, Shyrin a pourtant choisi de pardonner à l'ancien Maître d'armes sa haine et ses injures quand il a lui aussi décidé de lui pardonner ses origines, les fautes et les malentendus successifs qui les avaient conduits à se méfier l'un de l'autre. S'ils ne furent jamais les meilleurs amis du monde, ils parvinrent après quelques temps à s'apprécier sincèrement et se respecter.

- Espoir Loinvoyant : Le premier né d'Acuité a toujours eu une place spéciale dans son cœur, notamment à cause des circonstances de sa naissance qui firent de lui un bâtard aux yeux du monde alors qu'il était l'enfant de l'amour. C'est elle qui suggéra d'en faire le filleul du couple royal pour le mettre hors de portée de Glace Loinvoyant et le rendre à ses parents. Elle s'assura tout au long de sa vie qu'il avait toutes les chances de son côté malgré les difficultés d'enfant naturel qu'elle ne pouvait aplanir.

- Vaillant Fructurive : Son premier ami à la cour de Castelcerf. Elle n'oublia jamais sa gentillesse et ses attentions quand il lui aurait été plus facile de cracher sur l'ombre de ses pas, comme tout le reste de la Cour. Il lui offrit un chaton blanc, l'aida à trouver un précepteur pour lui apprendre la langue, et la soutint également quand les accrochages avec Vainqueur se faisaient trop difficiles à supporter. Elle finit par savoir ce qui était arrivé à sa jambe et pourquoi il vouait une haine aussi féroce à son époux mais ne le jugea jamais pour cela et ne tenta pas de les réconcilier. En revanche, elle fit tout son possible pour l'aider à revenir en grâce et à trouver une place à sa mesure quand il se fâcha avec le Roi. Elle œuvra pour sa cause, adoucissant l'opinion de Vainqueur autant qu'elle le pouvait et trouvant des soutiens pour son ami.
Si elle eut jamais des doutes concernant ses amours contrariées, elle ne força jamais les confidences de Vaillant concernant ses maîtresses ou ses enfants.

- Shane, sa demi-soeur et confidente de toujours : elles sont restée très proches même si l'appartenance de Shane au Clan d'Art, puis son mariage et son bébé, ont diminué le temps qu'elle pouvait consacrer à sa sœur. Elle a toujours été une tante attentive pour les enfants, a permis à Aimée de pratiquer son chalcédien et aux garçons d'apprendre ce qu'ils souhaitaient sur cette part de leur héritage.