Les participants :

• Lune de Forge
  
• Canaille
  
• Lawena
  
• taebryn Ruderacine
  

Description rapide des lieux : Situés au plus profond de Castelcerf, les cachots sont un lieu froid et humide où il ne fait pas bon passer l'hiver.Les murs suintent et la paille qui sert de lit aux prisonniers est constamment humide, moisissant plus rapidement que ne la dévorent les bestioles qui habitent ces lieux sombres.
Du fait de cette humidité ambiante, les grilles sont plus ou moins bouffées par la rouille. En posant ses mains dessus, il n'est pas rare de repartir avec un bout de métal rouillé sur la paume.
Cette dégradation extrême a bien sur pour but de saper le moral des prisonniers ; et puis, après tout, à quoi ça sert de dorloter des gaillards qu'on présume coupable ?



Situation de départ : Canaille, Lune et Lawena sont enfermées ensemble dans un cachot. Sur le mur en face de leur goêle, se trouve une torche qui dispense assez de lumière pour qu'elles se voient les unes les autres et constatent sans peine l'endroit où elles se trouvent. Elles ne se rappellent évidemment de rien qui puise expliquer pourquoi elles ont été enfermées.

Taebryn se réveille, quant à lui, seul dans la salle des gardes qui jouxte le couloir des goêles. Clouté sur la porte menant au dit-couloir, un message indiquant : « Gare aux prisonnières. Ne laisser sortir sous aucun prétexte. »

Aucun d'entre eux n'entend le moindre bruit indiquant qu'il y a d'autres personnes dans les environs. Seul persiste le toc régulier des gouttes d'eau tombant sur le dallage près de la porte de la cellule.



Evolution de la situation
- Alors que les quatre protagonistes font connaissance avec fougue, Taebryn transformé en geôlier pour la soirée retourne dans la salle des gardes, il y rencontre un soldat de fumée qui lui indique qu'une de ses trois prisonniers possède le vif et que c'est pour cette raison qu'elles sont toutes les trois enfermées.

Un ploc régulier. Un froid saisissant d'humidité. Qui l'envahissait depuis chaque parcelle de son corps.
Lune ouvrit un oeil et ne fit d'abord que les ténèbres. Où se trouvait-elle donc ? Elle sentait le sol glacé sur lequel elle était couchée. Que faisait-elle allongée ainsi par terre ? Elle eut un souvenir ancien qui lui vint d'abord à l'esprit : la vieille auberge et ce soldat trop entreprenant qui l'avait mise à terre. Ça aurait pu coller s'il n'y avait eu ce ploc et si elle avait ressenti la moindre douleur.
Où était-elle ? Elle se redressa sur le coude et constata que sa jolie robe bleue de service était tachée sur tout le côté où elle était couchée ; le sol était terriblement sale mais surtout complètement humide, sans être pour autant trempé.

Il faisait froid, il faisait noir. Et son dernier vrai souvenir remontait au début de discussion avec la rousse au tricorne. Où étaient les gens ? Où était la fête ? Était-ce fini ? S'était-il passé quelque chose de grave que son esprit ait préféré l'effacer de sa mémoire ? Voilà une chose de laquelle elle doutait fortement ; elle n'arriverait jamais à oublier ce qu'elle avait fait à son mari, alors elle risquait pas de rencontrer quelque chose de plus traumatisant. Peut-être était-ce un contrecoup de ses blessures de cet été ? Ces chiens rouges l'avaient quand même laissée pour morte ; ça devait bien laisser quelques séquelles.
Elle s'assit finalement et regarda autour d'elle. Comme si cela pouvait lui permettre de comprendre ce mystère. En parlant de la pirate (Canaille), elle reconnut son chapeau à la lumière de l'unique torche à la ronde. Elle remarqua alors la grille et se demanda d'autant plus où elle se trouvait. Où y avait-il des barreaux ? Des barreaux, du noir et une désagréable odeur de renfermé ?

Elle alla secouer la rouquine et tandis qu'elle la tirait des songes, elle remarqua une troisième personne avec elles.

" Tudieu on est où ? "
Lune ne se laissait pas aller souvent aux jurons mais là elle commençait à s'inquiéter vraiment. Alors c'était sorti tout seul.

Lawena n’était pas quelqu'un de particulièrement sujette aux cauchemars, même si son passé aurait pu en générer plus que quelques-uns. Pourtant, lorsqu'elle s’éveilla et prit conscience de ce qui l'entourait, ce fut sa première pensée. Il devait s'agir d'une réminiscence de ces geôles chalcédiennes, où elle avait parfois été jetée voilà bien longtemps, parce qu'elle avait désobéi à son maître d'alors. Mais elle vivait maintenant dans le bourg de Castelcerf, et les Duchés réprouvaient l'esclavage : ce ne pouvait être la réalité.
Elle referma les paupières avec force, puis les rouvrit, mais la scène qui s'offrait à elle était toujours la même. Mettre à contribution son sens du toucher ne fut pas plus efficace pour comprendre la situation, cela lui confirma juste qu'elle se trouvait dans une geôle infâme, habitée de petits êtres rampants qu'elle n'avait pas envie d'identifier. Comme elle se relevait doucement, de crainte de ressentir une quelconque douleur qui pourtant ne vint pas, elle remarqua que deux autres silhouettes humaines partageaient son logis du moment.

« Ça, j'voudrais ben l'savoir, moi d'mêm' ! Pis aussi pourquoi que j'me r'trouve enfermée dans c'te placard, où qu'on laiss'rait pas un chien. »
lança-t-elle avec son accent d’étrangère et de roturière, en réponse à la question de Lune, dont elle s'approcha.
« Tu sais c'que t'as fait d'mal, toi ? »
continua-t-elle avec le tutoiement qu'elle réservait à quasiment tout le monde, inconnus compris. Peut-être que la troisième prisonnière, qui n'avait pas encore repris ses esprits, pourrait aussi apporter un morceau d'explication ?

Le noir.

Le noir profond et froid. Le froid glacial et humide. Le sol humide, transpirant et sentant la moisissure. Voilà ce que pouvait distinguer la pirate alors que ses yeux demeuraient toujours clos tant le mal de crâne dont elle était affligée la lancinait. C’était pas quelques coupes de vin de Bauge qui lui avaient filés cette gueule de bois infernale ? Si ? Non… la rousse avait ingurgité bien pire, en plus grande quantité et de bien moins bonne qualité, dans sa vie. La bouffe alors ? Du poulet, de l’oie, du pain… rien de bien méchant, surtout si ces petits pompeux de nobles arrivaient à en manger, même que c’était franchement meilleurs que ce que la filou avait l’habitude de grailler en mer d’ordinaire…

Toutefois, avant de pouvoir se pencher davantage sur la question, Canaille se releva en un sursaut alors qu’on la secouait doucement. La rousse agrippa bien rapidement sa tête à deux mains, percevant des voix lointaines.

- Mordiable !

La pirate lâcha sa tête lourde et se frotta les yeux, alors qu’elle s’inspectait rapidement. Plus de dague, plus de sabre… C’était pas bon ça, pas bon du tout. La pirate se remit sur pied d’un mouvement vif, cachant au mieux un petit tournis qui la gagna quelques secondes, puis fit volte-face, prête à confronter les possibles voleurs qui l’avaient dépouillé pendant son sommeil sans rêve.

Au lieu de retrouver les sales têtes habituelles, celles qu’on pouvait condamner qu’à un seul regard, Canaille se retrouva à faire face à deux femmes. Enfin, si ses yeux plissés qui tentaient de percer la noirceur ne la trompait pas. La rousse reconnue rapidement Lune, mais pas l’autre…

- Par El ! Souffla la pirate alors qu’elle prenait enfin connaissance du lieu dans lequel elles se trouvaient, non sans angoisse.

- Non… non, s’pas possible… non… non…

La pirate se retourna lentement, laissant les paroles de Lune et de l’inconnue flotter dans l’air lourd de la cellule. L’instant même où Canaille reconnu des barreaux de cellule, elle s’élançait de toutes ses forces sur ces derniers, en panique, espérant sans doute qu’il s céderaient sous son poids plume.

- Non… NON ! TUDIEU D’SALES FOT-EN-CUL D’FOUTRE D’DIEU ! Et le flot d’injures allait de bon train pendant de longues minutes, alors que la pirate se démenait en coups de pied contre les barreaux rouillés sans que ces derniers ne semble bien vouloir bouger. Seule une fine poussière rougeatre ainsi que de petits morceaux volaient dans l’air viciée des geôles.

À bout de souffle, Canaille s’arrêta enfin, prenant appui sur ses genoux. Comment avait-elle bien pu atterrir dans une cellule ?! Elle n’avait rien fait ! Encore du moins… On l’avait trahi ? On l’avait vendue ? Le pigeon aurait osé ?! Non, pas logique… La serveuse ?

Canaille se retourna en direction de Lune, la détaillant du regard, le souffle toujours court.

Non, sinon pourquoi serait-elle enfermée elle aussi…  Et l’inconnue elle ?

Canaille était paniquée, affolée, mais essayait de reprendre son sang-froid. Il lui faudrait avoir l’esprit plus clair si elle voulait discerner la bonne opportunité pour se sortir de là. La pirate était résolue à ne pas passer la fin de ses jours dans un cachot, ça non, c’est El qui devait reprendre ses droits sur la vie de la pirate, pas ces petits chiards d’Eda.

- Aucun souvenir…  Lune ?

La rousse lançait un regard presque implorant en direction de la blonde ne sachant pas trop si le fait de savoir pourquoi elle était en cage l’aiderait à en sortir…

Le contact du bois sur sa joue le ramena à la réalité. Taebryn releva la tête et se frotta le visage, remarquant en grommelant que les nœuds et traits du bois s'y étaient imprimés. Le raclement de sa paume sur sa barbe naissante émit un son râpeux significatif qui résonna longtemps dans la salle. La salle..
S'était-il endormi? Il tourna la tête à droite et à gauche, cherchant à savoir où il se trouvait. Il reconnut avec difficulté la salle des gardes. Par les couilles d'El, que faisait-il ici? Il n'y venait jamais.
Il se leva, mais la tête lui tourna étrangement et il dû se retenir sur la large table en bois, le temps que ses jambes reprennent un peu de vigueur.
Qu'est-ce qu'il se passait ici? Et pourquoi la salle était vide? Les soldats étaient-ils tous à la fête? Et pourquoi lui n'y était plus?
Il rechercha dans sa mémoire les derniers évènements dont il se souvenait. Avant de se réveiller ici, il se tenait debout, droit comme un "i" derrière le couple ducal de Béarns. Son regard cherchait Acuité car il savait comment la jeune femme avait le coude facile dès qu'il y avait de l'alcool à portée.
Et voilà qu'il se réveillait dans la salle de gardes, nauséeux, alors qu'il n'avait rien bu. Agacé, il traversa la salle et se dirigea dans le couloir qui menait à l'extérieur, mais à sa grande surprise, lorsqu'il atteignit la porte, il la trouva fermée à clé. Il tambourina un instant dedans mais rien ne se passa.

Quelques instant plus tard, il entendit un juron qui s'éleva dans les airs en provenance de l'autre partie du couloir. Une femme criait sa colère avec un langage particulièrement grossier et lorsqu'il entendit en plus un bruit de barreaux que l'on secouait ardemment, il décida de se diriger vers les l'origine de ce tintamarre.
En repassant devant la porte de la salle de garde, il tomba nez à nez avec un message inscrit sur un vélin clouté sur le bois. « Gare aux prisonnières. Ne laisser sortir sous aucun prétexte. »

Intrigué autant qu'agacé, il fronça les sourcils et prit la direction de ce qu'il pensait être les geôles, imaginant sans peine que toute la garde de Cerf faisait la fête tandis que lui se retrouvait coincé ici avec ces soi-disant prisonnières à ne laisser sortir sous aucun prétexte. Il pesta en tapant du pied dans le mur. Ce n'était pas son rôle. comme s'il n'avait pas déjà suffisamment à faire en chaperonnant Acuité...

M'enfin, il ne risquait rien à jeter un coup d'oeil. Peut-être qu'en comprenant la situation, il pourrait trouver la personne responsable de sa présence ici.

la porte qui menait aux cellule s'ouvrit dans un grincement sinistre, et l'odeur de moisissure comme celle de l'humidité lui prit fortement le nez à son entrée.
Il fronça les narines et entra. Sur le râtelier à l'entrée, il trouva des armes accrochées mais continua son chemin. Il attrapa la seule et unique torche qui trônait dans la pièce et s'approcha de la cellule dans laquelle il détecta du mouvement. Trois femmes bavassaient et à nouveau, il enragea de se dire qu'il allait devoir jouer les nourrices pour des donzelles certainement saoules.

L'oeil vif et sévère, il les lorgna avant de lancer :

- Qu'est ce que vous foutez là?

La troisième prisonnière réagit avant que la rousse n'émerge complètement. Lune se tourna donc vers elle. Elle avait un accent étranger que la forgienne ne risquait pas de reconnaître vu qu'elle n'avait jamais été plus loin que Rippon. Après un instant pour être sure d'avoir bien compris tout ce qu'elle avait entendu, elle lui répondit.
" Rien. Je comprends pas... "

Elle n'eut cependant pas le loisir d'en dire davantage... quand bien même elle aurait su quoi dire de plus. Face à une situation aussi déconcertante, les petites gens restent souvent coites. Au début du moins... le temps d'analyser, de chercher à comprendre et... de se décider à faire quelque chose.
En parlant de faire quelque chose, la pirate ne se fit pas prier pour se faire bien remarquer... s'il y avait quelqu'un pour les remarquer. Elle se jeta sur les barreaux un désespoir flagrant l'ayant saisi à contempler leur déplorable situation. La flopée de jurons aurait fait saigner les oreilles d'un dévot mais fort heureusement, il n'y en avait pas dans l'assistance. C'était bizarre d'ailleurs qu'elles n'entendent personne d'autre, non ? La blonde avait toujours cru que les prisons étaient pleines ou du moins davantage que cela...

" Non je me souviens juste t'avoir dit que je m'appelais pas Petite serveuse et puis... rien. "
C'était limite effrayant à dire ainsi. Rien, le trou noir, le néant total, l'inconnu absolu. Elle frissonna et ce n'était pas le fait de l'humidité glacée. Ça lui était arrivé de ne pas se souvenir de ses actes. Elle aurait pu tuer un homme cette nuit-là si on ne l'avait arrêtée à temps et ramenée à la réalité... Était-ce encore arrivé ? Avait-elle été plus loin ; avait-elle été jusqu'à l'impossible ?
Ça n'expliquait cependant pas ce que faisaient les deux autres avec elle. L'étrangère ne lui disait absolument rien mais peut-être ne venait-elle pas de la fête ? La rousse en revanche était son dernier souvenir. Si elle avait perdu la raison, elle devrait le savoir pour elle.

Avant qu'elle ait pu interroger les autres sur leur dernier souvenir, une porte grinça et un homme vint à leur rencontre. Après les avoir durement jugé du regard, il leur balança une chose qui surprit Lune. C'était quoi ce garde qui ne savait même pas qui il devait surveiller ? Ou libérer... mais là ça semblait moins dans l'optique du gaillard.

" C'est c'qu'on aimerait bien savoir ! " répondit sèchement la plus âgée du groupe ici présent. Elle aurait pu passer pour ironique... si elle avait su ce que ça signifiait vraiment. Mais l'idée était là.

« Ben nous v'là bien... »
Si l'autre ne savait pas non plus comment, ni pourquoi, elle se trouvait enfermée... Mais voilà que la troisième camarade de prison s’éveillait, avec visiblement de l’énergie à revendre.
« J'crois qu'même en s'y mettant à nous toutes trois, on arriv'rait à r'en, »
commenta-t-elle en suivant les gestes de la rousse au chapeau,
« mais au moins, ça a que'ques chances d'rameuter du monde. »

Comme les deux semblaient se connaître, Lawena les laissa confronter leurs souvenirs, ou leur absence. Elle non plus ne comprenait pas bien comment elle avait pu passer d'un banquet offert par les Loinvoyant à cette geôle immonde, sans transition aucune. Mais tout allait sûrement finir par s'arranger, malgré l’étrangeté de la situation.
« C't'une erreur qu'ils ont faite, v'là tout. Un pari d'gardes qu'ont abusé d'la cervoise à la fête, p'têt. Tiens, v'là quelqu'un, c'est-y qu'y z'ont fini par s'rend' compte d'leur connerie ? »

En effet, le grincement s'accompagnait d'un bruit de pas, bientôt suivis de l'apparition d'un homme, de charmante humeur à l’évidence. Il n'avait pas vraiment l'air de venir faire son mea culpa, ni celui de ses collègues.
« Ouais, parfait'ment, »
renchérit-elle à la suite de Lune,
« vous d'vriez tout d'même êt' au courant d'pourquoi qu'on est là, pa'c'que nous, on n'en a pas plus d’idée que d'bouton sur l'nez d'la p'tite fiancée du roi. »

Lune ne savait pas non plus… Là c’était pas bon, pas bon du tout. Il devait pourtant y avoir une explication ?! Encore que, si Canaille s’était réveillée toute seule en cellule, les idées se seraient bousculées dans son crâne sur le pourquoi elle y était, après tout, la pirate n’était pas un enfant de cœur. Sauf que, de passé comme ça, d’une discussion tranquille au sol glacé d’une cellule… avec deux autres femmes qui n’avaient pas trop le profil de criminel estampé au visage…

Voilà que la femme inconnue s’adressa une fois de plus à elles. La rousse lui prêta un peu plus attention, maintenant qu’elle se savait coincée ici. Canaille reconnue un petit accent du Sud, en dehors des Duchés. mais avant même que l’inconnue ne termine sa phrase, une porte s’ouvrit avec grincement, laissant présager l’arrivée de quelqu’un.

- Ouais, une erreur… s’pas possible être aussi vernis. Mordiable… Grinçait la pirate entre ses dents serrées, alors qu’un garde, probablement, approchait.

L’homme se posta devant la cellule et les lorgna de pied en cape d’un œil peu commode. Si ça n’avait été des barreaux et de sa dague absente, Canaille lui aurait crevé un œil pour la peine… Fallait chasser bien vite ce genre de petite pensée pour l’heure, si c’était… cet homme leur seule porte de sortie. Le gaillard avait pas du tout l’air d’un garde cela dit et ce qu’il leur demanda par la suite ne faisait que le prouver pour la pirate.

Avec la gueule qu’il se traînait, il devrait être de l’autre côté des barreaux, mais bon ça, c’était l’hôpital qui se foutait de la charité en voyant quelle gueule elle, elle se trimbalait.

Quoi qu’il en soit, les deux autres femmes répondirent à ça question et Canaille renchérie.

- Ouais, aucune idée et maintenant on est enfermée. Trouvez ça normal vous d’enfermer des gens comme ça pour rien ? J’sais pas si c’est un jeu ici, mais s’pas amusant du tout ! J’aimerais bien r’tourner à mon bateau maintenant, j’ai une cargaison à livrer en Rippon et s’pas à côté.

Petit mensonge certes, sauf que c’était aussi naturelle pour la pirate que de respirer, mais il était certain que si elle sortait d’ici en un morceau, Canaille allait mettre les voiles plus loin, beaucoup plus loin.

A peine avait-il posé sa question, que les trois femmes s'étaient précipitées sur les barreaux, arguant à qui mieux mieux qu'elles n'avaient rien à faire ici.
Pire, elle osaient lui dire qu'elles ignoraient leur présence dans ces cellules.
Taebryn ne put réprimer un sourire, qui se mua en rire, avant de poser la torche sur son socle accroché au mur. Il croisa ensuite les bras sur sa poitrine et s'avança, curieux, vers cette prise sortie de nulle part. Cependant, il conserva une distance respectable, les armes étaient peut-être sur le râtelier à l'entrée, les femmes possédaient souvent des armes cachées.

Il avait un mal fou à comprendre celle avec un accent terrible, tandis que la blonde et la rousse lui apparurent particulièrement virulentes. La rousse, surtout. A travers son regard, il eut la forte impression que si elle avait pu, elle l'aurait tué dans la seconde. La méfiance lui sembla de rigueur et il s'éloigna un peu en haussant les épaules.

Puis il s'installa sur une chaise, juste en face et se balança lentement d'avant en arrière, cherchant à réfléchir à sa présence ici et au mot affiché sur le mur.
Mais les piaillements incessants des trois femmes le déconcentraient.

- La ferme!! Hurla-t-il soudain. Je n'ai pas la moindre idée de ce que vous foutez là...je ne sais même pas pourquoi moi aussi je suis là.

Il avait bien cherché à sortir mais la porte était verrouillée, le condamnant à trouver une autre solution. Puis il était tombé sur elles...qui semblaient ne pas savoir non plus la raison de leur présence. Se pourrait-il qu'ils soient tous les quatre victimes de la même farce? Et si oui,pourquoi étaient-elles derrière les barreaux et lui non?
Ce qui lui sembla clair cependant, c'était qu'elle ne devaient pas sortir d'ici.

- Alors? Quels sont vos crimes? les nargua-t-il avec un sourire narquois.

La rouquine aux cicatrices semblait approuver la possibilité d'une erreur, mais ça ne les avançait pas à grand chose. Pas plus que d'apprendre qu'elle naviguait sur un bateau marchand, d'ailleurs. Et le type se moquait d'elles, à l’évidence. Ou s'en fichait totalement, vue son attitude.
« J'crois qu'va pas falloir compter sur c'ui-là pour nous servir à quelqu'chose, »
avança-t-elle à l'adresse de ses compagnes de derrière les barreaux. C’était rageant, il était pourtant le seul dehors, et aucun son n'avait trahi la présence proche d'une tierce personne... Elle réfléchissait elle aussi, lorsque l'homme explosa.

« T'es pas un' sorte d'garde ? C'pas ton boulot, d'êt là ? »
questionna-t-elle directement, sans cacher son hostilité. A moins qu'il ne soit simplet ? Il n'en avait pas l'air, mais l'habit ne faisant pas le moine, il pouvait souffrir d'une déficience cachée, qui lui aurait fait oublier sa mission. Elle suggéra donc, moins rudement :
« Pis c'est nous les enfermées, hein. T'pourrais p'têt aller trouver un d'tes supérieurs, pour y d'mander des explications, si t'as pas ben compris c'qui t'ont d'mandé. »

Elle échangea un regard avec les autres femmes alors qu'il insistait pour connaître les raisons de leur présence dans cette geôle.
« C'est-y qu'certaines couleurs sont dev'nues interdites ? J'suis r'en qu'une honnête teinturière du Bourg, et c't'un scandale de s'retrouver ici ! Aussi pire qu'chez ces Chalcédiens, tiens ! »
Là-bas, auprès de sa maisonnette à demi incrustée dans la falaise bordant la Cerf, Suroît devait se faire du mouron. Et l'herbe honnie des jardiniers ne faisant pas partie du régime de sa compagne de Lien... mais tiens, d'ailleurs, est-ce quelle pouvait encore sentir la femelle guêpier, en tendant vers elle son Vif comme elle en avait tellement l'habitude ?

Mais bien sur, il n'avait aucune idée de ce qu'il faisait ici... ! Ce n'était pas croyable ça ! Il en savait forcement plus que ce qu'il voulait bien leur dire ; comment cela pourrait-il en être autrement ? Cela dit, le ton qu'il employa pour préciser cela était assez surprenant. Lune devait bien le reconnaitre. Elle n'en restait pas moins sceptique d'autant que leur garde s'empressa de les narguer depuis sa chaise en leur demandant leurs crimes.
Non mais franchement, s'il n'avait vraiment aucune idée de sa présence ici, il aurait du être plus prévenant avec elles aussi qui ne se rappelaient de rien. Donc oui il se moquait bien d'elles. Et s'en délecter même de leur mettre de fausses idées en tête. Il n'attendait vraisemblablement qu'un aveu pour condamner définitivement l'une des trois femmes.

La brune au fort accent répondit la première à l'impudent gardien. Les remarques qu'elle formula étaient pertinentes et sa requête d'aller quémander des supérieurs tout à fait judicieuse. Lune secoua la tête à l'affirmative à cette idée.

Un coin de sa tête se demandait quand même si on ne l'avait pas arrêté pour ce qu'elle avait fait à Distrait mais surtout comment quelqu'un aurait pu être au courant de son crime. Si tant est que l'on puisse appeler cela un crime, vu que l'Etat lui même organisait désormais des traques pour éliminer les forgisés. Elle avait participé à cet effort de "guerre", même si cela lui en avait couté bien davantage qu'à un soldat.

" C'est qu'tu t'obstines en plus... ? Moi suis juste une serveuse. Demande donc au duc de Rippon... enfin p'être pas à lui mais à ses gens. J'étais sur son bateau pour la croisière au printemps ; j'ai soigné son fils à la bataille de l'Andouiller c'été. "
Lune croisa alors les bras et s'arquant sur ses pieds, elle se pencha un peu en avant pour être sure que l'autre la voit bien : " Moi, j'ai rien à me reprocher ! "

Ce n'était évidemment pas vrai mais elle en souffrait suffisamment chaque jour qu'Eda faisait pour ne pas avoir à subir le regard des autres sur son abomination. Sa souffrance, elle faisait tout pour la garder pour elle. En cet instant, elle paraissait simplement sure d'elle. Alors que son cœur battait d'une cadence folle en souvenir de son tendre époux. (*)

Rester ses compagnes d'infortune... Pour le peu qu'elle connaissait la rousse, elle pensait bien qu'elle avait quelques histoires à son palmarès mais elle ne voyait pas pourquoi elle émettrait ouvertement des doutes sur la pirate à ce gardien désagréable. Et puis pour l'étrangère, elle lui paraissait bien innocente. Elle lui confirma son impression en indiquant à leur geôlier qu'elle était teinturière en ville.

" T'es sur que c'est ton cas gardien ? " continua-t-elle. Les soldats avaient toujours des choses honteuses à cacher. Pourquoi celui-ci ferait-il exception à la règle ? " Laisse-nous donc sortir, car même s'y a une de nous qu'a fait quelque chose, c'est pas comme ça qu'on arrête les gens ! "





(*)Pour info : Lune a tué son mari qui est revenu forgisé de l'attaque des pirates sur Forge.

Oh, il était tout simplement charmant… et visiblement tout aussi ignare de leur présence à tous ici, dans ce lieu tout droit sorti des pires cauchemars récurrents de la pirate. Les geôles. C’était pas possible de se foutre dans des situations pareilles. D’ailleurs, si au moins elle savait comment elle avait atterrie ici et ce qu’elle avait fait pour mériter ça, cette fois.
Apparemment, personne ne le savait, c’était quand même étrange. El ! Ils avaient peut-être bien été tous drogués finalement ? Ça ne faisait pourtant aucun sens. À qui ça profiterait et surtout pour quoi ? Visiblement la tête d’enflure, de l’autre côté des barreaux, avait pas trop envie d’en savoir plus. Aussi rapide du bulbe qu’un escargot de mer celui-là.

La rousse l’examina rapidement alors qu’il les narguait, à l’ abri assit sur une vieille chaise de bois hors de portée. Pas si stupide que ça finalement nota Canaille. La pirate n’eut même pas le temps d’ouvrir le bec que ses deux comparses de cellule confrontèrent rapidement le ‘’garde’’. Un supérieur, pas mauvaise idée, mais si ce dernier était aussi ouvert et respectueux que ce butor devant elles, c’était pas gagner de sortir de ce trou dont même les rats ne voulaient pas.

Son esprit tournait rapidement, angoissant, émettant une foultitude d’idées et de plans pour se sortir de cette cellule miteuse, mais avec une serveuse et une teinturière, c’était pas gagné. Il le faudrait bien pourtant, car la pirate doutait passer la porte vers la liberté avec seulement de jolis mots. C’était pas l’équipe habituelle, mais elles allaient trouver une solution, il le fallait !

C’est alors que Lune retourna la question au lanceur. Avait-il quelque chose à se reprocher, ce butor ? Hey, fallait quand même avouer que s’il disait la vérité, il était aussi verni qu’elles en fin de compte ! Bon un peu plus, il était du bon côté des barreaux, mais tout de même. Ne pas savoir ce qu’on fout là et s’amuser à narguer des prisonnières… Qu’est-ce qu’il foutait encore là assis sur son siège ?

Canaille se rapprocha des barreaux, alors qu’une idée germait dans son esprit. S’appuyant de côté contre la grille qui les séparait du garde, c’est sans regarder ce dernier tout en faisant mine de se récurer les ongles que Canaille s’adressa à lui d’un ton amusé.

- Ouais, m’sieur l’garde, t’as rien à t’reprocher t’es sûr ? Parce que si t’sais pas plus s’que tu fous là, pourquoi t’perds ton temps à causer avec nous, hein dit ? Moi j’s’rais d’jà dehors à essayer d’comprendre ou à trouver que’q’un pour m’dire…

Lâchant ses ongles, la pirate adressa un large sourire au garde de fortune. Ça passerait ou ça casserait. Le point positif c’est que s’il dégageait, il n’y aurait plus personne pour les emmerder au moins et peut-être qu’un autre garde se pointerait. Par El pourvus que le prochain soit plus con et se rapproche assez qu’elle puisse lui piquer les clefs…

Une serveuse, une teinturière et une...mal élevée? Quelle belle brochette!
En tant normal il s'en serait volontiers amusé un peu, mais le fait d'être bloqué ici avec elle, sans même savoir pourquoi occupait son esprit. Il tiqua légèrement lorsque la blonde lui parla d'une bataille à l'Andouiller avec le fils du Duc de Rippon. Songe Lunabille était bien trop jeune pour guerroyer...quand bien même il aurait été plus âgé, le jeune garçon se prêtait plus à la flemmardise qu'à la bataille. L'idée que les trois donzelles étaient saoule lui effleura l'esprit.

Il espéra secrètement qu'il n'était pas là seulement pour les voir dégriser ou bien le Duc de Béarns ne serait pas très joyeux. A moins que...peut-être l'avait-il envoyé ici pour une punition? peut-être jugeait-il que ses services n'étaient pas correct...
Après l'incident d'Acuité il avait pourtant fait de son mieux mais...cette dernière prenait un malin plaisir à lui filer entre les doigts...

Il secoua lentement la tête lorsque la serveuse lui parla d'ouvrir les grilles, car il ne le pouvait simplement pas. La mention sur le vélin était simple " à ne laisser sortir sous aucun prétexte."
Et puis de toute façon, même s'il le voulait il n'avait pas les clés ouvrant la grille et...

Par les couilles de El. Alors qu'il songeait à cette idée, sa main s'était échouée nonchalamment sur sa ceinture et le trousseau était bien là. Stupéfait, il se tourna dos aux femmes pour qu'elles ne voient pas son visage ahuri par cette magie.
Pourquoi portait-il les clés des geôles? C'était à n'y rien comprendre, tout cette situation était sans dessus dessous. Il n'était pas garde au château...ni même gardien de prison.

Rhoo et la rousse qui persistait à vouloir le provoquer....Il se saisit d'un pichet d'eau qui traînait là, et sans même savoir ce qu'il contenait, il envoya le liquide sur la femme qui s'appuyait contre les grilles. Un sourire en coin, il fit demi-tour et reprit le couloir dans la direction opposée.
Qu'elle plaie celle-là...Il regretta presque de ne pas avoir pris le temps ni la peine de voir le visage qu'elle affichait, mais l'écho de sa voix rebondissait contre tous les murs. Elle était visiblement en rogne. Grand bien lui fasse!

Lorsqu'il fut de retour à la salle des gardes, un homme se tenait debout près de la notification. Les yeux ronds de surprise de Taebryn laissèrent place à un sourire de soulagement. Peut-être allait-il enfin comprendre ce qu'il se passait. Il le héla en courant dans sa direction mais sans même le saluer l'homme lui dit simplement " Une de vos prisonnières possède le vif."
Taebryn fronça les sourcils...si une seule avait le vif pourquoi en avoir capturé trois?

L'homme se détourna de lui et se dirigea vers la porte, Taebryn voulu le rattrape mais quand il tenta de lui saisir le bras, celui-ci passa au travers comme si le garde n'était qu'ombre colorée.
Interdit, le béarnois resta un instant immobile, complètement incrédule à cette situation.
Le garde se dirigea vers la porte mais au lieu de l'ouvrir il passa simplement à travers.

Taebryn eut un mouvement de recul. Quelle était cette magie? A son tour, il toucha la porte, cherchant le moindre indice mais rien ne lui parut anormal. A nouveau, il tenta d'actionner la poignée afin de sortir d'ici mais là encore, l’échec l'attendait.
A priori...il n'avait plus qu'à surveiller les prisonnières et tâcher de savoir laquelle était porteuse de la tares des bâtards.
Il se dirigea à nouveau vers les cellules et lorsqu'il y entra leur annonça de but en blanc :

- Je sais pourquoi vous êtes là.

Et comme la rouquine le fusillait du regard il reprit avec un sourire :

- Oh c'est bon, c'était juste de l'eau...croupie certes mais...de l'eau.

Il prit la peine de tourner sa chaise dos à la cellule et de s'y asseoir face à elles, les bras croisées sur le dossier.
Comme les trois semblaient suspendues à ses lèvres, il acheva :

- L'une de vous trois possède le Vif.

Ses yeux s'étrécirent, à la recherche du moindre indice que l'une ou l'autre pourrait laisser paraître.

Et le voilà qui s'en allait sans demander son reste, ni répondre à aucune de leurs interpellations... sauf à Canaille à qui il envoyait le contenu d'une cruche voisine. Ce genre de comportement l'exaspéra certes moins que la pirate concernée par le geste, mais pas mal quand même. Il se prenait pour qui à les prendre de haut, à ne leur adresser que des regards méprisants et désormais à les fuir sans d'autre explication. Un exemple de vrai goujat.

Puis tout goujat qu'il était, il revient le sourire aux lèvres et leur annonça l'impensable. Non seulement, il savait maintenant pourquoi elles étaient là, mais la raison qu'il évoqua manqua de faire s'étouffer la serveuse.

" C'pas vrai... n'importe quoi... " soupira-t-elle d'exaspération.

Lune n'en croyait pas ses oreilles. C'était pour une histoire aussi bâtarde qu'elle se retrouvait enfermée ici. Une histoire de querelle entre magiciens ! Vraiment, ça la désespérait. Elle n'en avait jamais rien eu à faire des artiseurs et des vifiers ; les seules magies qu'elle fréquentait étaient les sorcières des baies, qui, malgré tout leur savoir, n'avaient jamais pu l'aider à enfanter. Autant dire qu'elle n'y croyait donc plus beaucoup non plus à ces bonnes femmes.

" Qu'est-ce que ça peut nous fiche ? Vous avez pas plus important que de courir après les vifiers ? Genre la guerre contre ces chiens de pirates rouges ? Ils saccagent tout sur leur passage et ces messieurs d'la cour trouvent encore moyen de se prendre le chou avec le Vif ? Non mais franchement, faut qu'y arrêtent ! "
Oui, il leur fallait réfléchir aux priorités. La population souffrait bel et bien des attaques de ces barbares ou des forgisés. Elle-même en avait fait les frais et en payait encore les conséquences dans son cœur. Elle en souffrirait tout le restant de ses jours.

" Tudieu ! " conclut-elle en croisant les bras, finalement gagnée par la rage. Cette situation était surréaliste ; quelle plaie d'être enfermée ici ! Elle aurait bien été leur dire deux mots aux têtes pensantes qui les avaient mises là toutes les trois, elle aurait bien été leur secouer les puces pour leur remettre les idées en place et leur faire entendre raison sur ce qu'il importait au peuple.
La blonde donna un coup de pied par terre, comme si cela pouvait lui amener un peu de réconfort. Cela ne fut guère le cas, aussi préféra-t-elle s'éloigner des barreaux, entamant de tourner en rond dans ce petit réduis misérable et puant.

La blonde était, comme elle, une simple travailleuse de la base. Lawena se demanda bien quelle était cette bataille mentionnée, mais cela ne l’inquiéta pas trop, elle savait bien que guerroyer faisait partie des passe-temps préférés de certains nobles, et se tenait le plus possible éloignée de ces affaires-là. Et voilà que leur soi-disant gardien les abandonnait de nouveau, non sans avoir lâché sa hargne sur la rouquine à coups d'eau stagnante. Elle s’était montrée provocatrice, certes, mais n’était-il pas naturel que leur situation les pousse à ce genre d’extrémité ? Un gardien de prison dénué de tout sang froid ne devait pas faire long feu... Légèrement éclaboussée, la tatouée ne se priva pas de faire entendre un cri de protestation, autant pour elle-même que par solidarité envers la marchande, ou du moins était-ce la profession que lui supposait Lawena.

Lorsqu'il revint, l'homme prétendit savoir ce qui les retenait ici.
« Eh ben, v'là qu'ça change vite ! »
Ne se sentant pas du tout visée par l'accusation, la teinturière devait bien avouer qu'elle ne comprenait rien du tout au discours de Lune, ainsi qu'en témoignaient ses sourcils froncés. Elle prit le parti de s'adresser, encore une fois, à leur garde-chiourme, même si elle n'avait que peu d'espoir dans l’utilité de la démarche.
« Pis c'est quoi, d'abord, c'te vif ? On n'a qu'nos vêt'ments ici, comment qu'tu veux qu'on cache que'qu'chose ? »
Elle avait beau vivre depuis un certain temps dans les Duchés, son statut d’étrangère avait empêché les locaux d'aborder trop franchement certains concepts sensibles devant elle. Aussi ne savait-elle pas que le lien avec un animal, comme celui qu'elle partageait avec Suroît, portait ce nom de Vif. Plus simplement, elle supposait qu'on leur reprochait le vol d'un objet, certes nommé bizarrement, mais elle restait bien consciente que certaines coutumes locales lui échappaient encore.

Pour seule réponse, Canaille reçut un saut d’eau croupie en pleine gueule… Cet homme… si elle sortait un jour d’ici, elle le traquerait, le torturerait et le ferait crever comme un chien galeux ! El ! Si besoin, elle demanderait l’aide de l’assassin qui lui avait gentiment offert ses services il y avait de cela quelques mois.
Oui, si elle sortait d’ici, la pirate prendrait son temps et ferait perdurer le plaisir en lui coupant tous ses doigts, un à un, pour commencer…

L’effort surhumain que du faire la rousse pour ne pas éclater dans une fureur noire et se jeter sur les barreaux lui demanda énormément de concentration. Reculant de quelques pas, les dents serrées, ne lâchant pas cet escot de barnecs qui s’était trouvé bien malin de lui balancer un saut, jusqu’à ce qu’il quitte son champ de vision.

Une rage palpable émanait de la pirate au regard assassin. Sauf que Canaille ne souffla mot, même pas un grognement et se contenta de retirer son tricorne usé pour que l’eau dégoûte un peu par terre. La pirate se contenta en effet que de secouer un peu ses vêtements trempés, maison pouvait voir qu’elle était agitée, cherchant autour d’elles encore vainement de quoi utiliser comme arme.

C’est à ce moment que ce cuide revint.

Oh, tout d’un coup, le garde de l’année avait des renseignements. Super ! Qu’il s’approche seulement des barreaux et Canaille s’arrangerait pour lui fracasser le crâne a répétition dessus en l’agrippant de par l’intérieur de la cellule.

Juste de l’eau… La pirate avait bien envie de lui répondre que ce serait juste du sang… quand il pisserait de son précieux liquide rouge de partout lorsqu’elle mettrait la main dessus. Évidemment, Canaille se retint et se contenta de serrer les poings, tout en imaginant tout ce qu’elle lui ferait subir, une fois hors de ce trou.
Le vif ?!

Canaille regardant les deux femmes avec qui elle était prisonnière du grand garde-du-con-premier. Elles étaient là… pour ça ?! Que pour ça ?! Par les couilles d’El ! Tout ça, pour ça !

- Le vif ? Sérieusement ?! MORDIABLE ! J’pourrirai pas en cage pour un truc du genre TUDIEU ! Y’a un test pour prouver qu’on l’a pas ? Doit bien y avoir un truc ?! Parce que j’lai pas et je paierai pas pour ceux qui l’ont !

Même si elle trouvait ça totalement débile comme guéguerre. Y’avait bien pire que des gens qui pouvait communiquer avec des animaux, ou des gens animaux. Franchement. Quand un ours rodait trop près d’un village ou tuait les villageois, on l’abattait. Canaille ne voyait pas le soucis avec quelqu’un qui se prenait pour un animal, suffisait de le traiter comme, tout simplement !

Les pires dans cette histoire, c’était les Artiseurs. Eux fallait s’en méfier quand on voyait arrivé l Marine Royales, c’étaient eux les plus dangereux. Sauf qu’on condamnait ceux qui avait le vif. La belle histoire…

Et puis, Lune soulevait un bon point : les rouges qui forgisaient et tuaient tout le monde ! C’était pas bon pour la piraterie ça, donc pas bon pour la rousse. C’était bien plus important que leur stupide croisade contre les vifiers ! Et la p’tite teinturière qui savait même pas ce que c’était…
M’enfin… Canaille s’en fichait un peu, tant qu’elle sortait d’ici en un seul morceau.

Le Vif...il était enfermé ici, à surveiller ce groupe de femme pour une histoire de Vif. Il savait bien que le Duc Glace Loinvoyant cherchait à exterminer ces mécréants usant de magie bâtarde, et il ne pouvait le lui reprocher. Depuis son enfance, il vivait avec l'idée que ses parents avaient été assassiné par un vifier, lié à un ours. L'image de ses parents rougies par le sang lui revint en mémoire, et il frissonna. Les pratiquants de cette magie ne méritaient pas de vivre, alors que ses parents, d'honnêtes gens ne le pouvaient plus. Sans grande peine, il s'était rangé du côté de celui qui avait achevé son éducation, Glace lui avait apprit à haïr ces énergumènes, et le jeune garçon de l'époque n'avait pu que boire ses paroles, et agir selon ses ordres.

Mais les femmes déjà s'agitaient, arguant ne pas avoir le vif, inventant n'importe quel prétexte pour ne pas se prêter à la conversation. La rouquine le fusillait du regard.
Il haussa les épaules et poussa un long soupir, portant son attention sur la blonde, la serveuse.

- Je ne sais pas de quels pirates tu parles. Nous sommes en guerre il est vrai, contre la racaille vifière et d'ici peu, contre Chalcèdes qui grappille nos frontières, l'informa-t-il.

Il baissa ensuite son regard sur les clés de la cellule et murmura plus pour lui même.
"Ce foutu Roi Vainqueur nous brûlera tous dans ses rêves de conquêtes."

Cette situation commençait réellement à l'agacer. Il avait autre chose à faire que de surveiller des donzelles, son rôle de chaperon pour Acuité lui prenait suffisamment de temps.
Il se leva à nouveau et rangea sa chaise avant de tripoter les clés, qui tintèrent dans un son de promesse d'un futur libre.
Il les regarda à nouveau une à une. Comment reconnaître un vifier? Nul ne le savait, lorsque le lien était bien caché, ces vils possesseurs de magie ressemblaient à des citoyens lambda.
La teinturière ignorait jusqu'à la définition de ce mot...leur cas était désespéré, et il ratait la fête.

- Bon, commença-t-il avec fermeté. Voilà ce qu'on va faire, je laisse celle qui possède le Vif se dénoncer. Comme la loi le stipule, elle sera pendu et son corps sera brûlé au dessus de la rivière. Les deux autres seront libres.

Il agita alors le trousseau devant leurs nez toujours en conservant une distance respectable, ne portant aucune confiance en la rouquine qui semblait attendre le moment propice de s'en prendre à lui.

- Je répète donc la question. Qui parmi vous, mes Dames, possède cette magie?

Il n'aimait pas ça, mais alors pas ça du tout. Son sourire s'était effacé depuis longtemps, les croyant ici pour un menu larcin. Mais la réalité les frappaient lui et ses souvenirs, et il se demanda si les Dieux ne lui offraient pas d'assouvir sa vengeance?

Lune continuait de faire les cent pas dans la cellule. Le garde lui rétorquait qu'ils étaient en guerre contre les vifiers et contre Chalcèdes. Encore une histoire invraisemblable... Elle n'avait beau n'être qu'une cerfienne de basse extraction, c'était le genre d'informations que toute la population connaissait ou finissait par connaitre. Une guerre contre Chalcèdes qui grappille les frontières ? Ce n'était pas fini depuis longtemps cette histoire déjà ? La vieille mère de Forge, celle qui connaissait tant et tant d'histoires des temps anciens, en avait raconté plusieurs sur cette époque-là ; si elle se souvenait bien, le roi d'alors avait même épousé une princesse de là-bas pour calmer les esprits. Oui, même que la vieille lui donnait un accent impossible à comprendre à ct fille-là.
Enfin, elle se dispersait. Qu'il divague si ça lui chantait à ce trouble-fête mal luné ! Elle ne rentrerait pas dans son jeu, car elle était dans son bon droit.

Et il voulait que la coupable se dénonce. Il était optimiste. Un peu trop.
" Vu le châtiment, penses p'être que ça donne envie ? Barbares ! " conclut-elle en crachant littéralement le dernier mot à Taebryn. Oui barbares et bien que le mot soit fort, elle le pensait. Ils s'acharnaient sur la mauvaise cible, ils s'acharnaient et tuer de façon horrible des gens qui pouvaient leur être utile dans une autre guerre bien plus importante.
Il s'attendait surement à ce qu'elles s'accusent les unes les autres, qu'elles se déchirent pour connaitre la vérité et obtenir la liberté. Vu la fougue de la rousse, c'était fort probable que ça arrive. Aussi Lune lui attrapa le bras et avec un geste de tête, l'entraina vers le fond de la cellule. Elle fit signe à l'étrangère de venir également.

Bien que ce retranchement ne soit que symbolique, vu la dimension de leur prison, il leur offrait un brin d'intimité. Aussi la serveuse murmura à l'attention de ses co-détenues, de façon à ce que leur geôlier n'entende pas.
" Moi j'ai pas le vif, mais chais pas vous mais j'ai pas envie de lui donner ce qu'il demande. "
Puis se tournant vers la brune, elle se rappela qu'elle avait demandé ce qu'était le vif. Peut-être qu'elle était vifière sans le savoir, car dans son pays ça ne s'appelait pas pareil. Aussi la forgienne tenta-t-elle de lui expliquer.
" Le vif c'est quand on peut communiquer avec les animaux ; j'sais pas comment, j'sais pas non plus pourquoi ça leur plait pas... Tu peux faire ça toi ? Promis, on dira rien, n'est-ce pas Canaille ? "
La soif de s'échapper de la pirate pourrait lui faire faire l'inverse que ce qu'imposait le bon sens. Lune craignait qu'elle ne parle pour sauver sa peau, alors qu'elle préférait elle-même se taire pour mécontenter davantage leur bourreau. Peut-être commettrait-il un impair, une faute qu'elles pourraient exploiter pour sortir toutes ensemble de là.

Visiblement, la plus grande incompréhension régnait entre tous les acteurs de cette sinistre farce. Et on s’énervait, et on faisait en sorte d’énerver les autres... Alors que le garde énonçait les perspectives d'avenir pour qui se dénoncerait, elle ne put retenir un commentaire cynique :
« Trop aimab' pour ell'... »
Pensait-il vraiment que la "coupable" allait se dénoncer gentiment, par simple bonté d’âme envers ses camarades, alors qu'elle se saurait promise à une mort atroce ?

Le premier geste sensé vint de la blonde, qui initia un complot de fond de cellule, et expliqua ce que personne n'avait encore daigné éclaircir pour elle. Ah. Voilà qui changeait ses perspectives. Sauf qu'elle s'employa à n'en rien montrer.
« C'est comm' ça qu'ça s'appell' ? Ouais, j'ai b'en entendu qu'c'est pas l'truc qu'a la cote, ces temps-ci. »
Elle éluda volontairement la question la concernant de près, car elle ne se sentait pas prête à faire confiance à aucune de ces deux femmes concernant ce qui la liait à Suroît. Personne en Cerf n’était au courant, de toute manière. Personne tout court, même : elle avait fait en sorte que ses anciens maîtres ne se doutent pas de son amitié pour l'oiseau aux riches couleurs, apparemment avec succès.

Le reste, par contre, emportait son enthousiasme, même si elle s’efforçait de parler suffisamment doucement pour qu'aucune oreille masculine n'ait vent de leurs paroles.
« J'suis d'accord, on va pas fair' c'qu'i' veut ! Eh, r'marquez, il a l'air b'en sûr qu'c'est juste une de nous qui l'a, c'truc. On pourrait s'accuser toutes les trois, i' saurait plus où donner d'la tête. »
L’idée l'amusait, rien que pour voir la réaction de leur pseudo-garde. Et puis, plus pragmatiquement parlant, il aurait sans doute plus de mal à séparer la vérité du mensonge si elles le prenaient à contre-pied.

Pas en guerre contre les rouges ?! C’était… Il allait bien celui-là ?! Même les pirates de l’espèce de Canaille étaient en guerre contre les rouges ! Tout le monde était en guerre contre les rouges !!! Chalcède ? Qui grappillait les frontières ? Certes les rapports étaient tendus entre les deux royaumes, mais… pour y être allée quelques fois quand même, la guerre pour prendre les Six n’était pas au menu du jour.

Ça y est… elles avaient été capturé par un fou furieux, tout simplement ! Voilà ! Il les avait drogués et enfermées ici pendant que les autres faisaient la fête ! Quel tordu. Qu’il s’approche seulement dans la cellule et elles lui feraient sa fête !
Pour le coup, même si c’était vachement inquiétant, Canaille se calmait doucement. Si elles étaient retenues de force par un cinglé, un garde viendrait probablement faire sa ronde et les verraient là. Ce serait plus simple d’argumenter avec quelqu’un qui avait toute sa tête qu’avec ce goujat siphonné qui marmonnait tout seul dans son coin maintenant.

Bon le voilà sur le chapitre du vif, encore. Les belles menaces. Canaille se contentait de croiser les bras, pas réceptive du tout. Si elle dénonçait quelqu’un, la pirate aurait des chances de se faire réserver le même sort que la coupable, par complicité, alors même pas la peine d’y penser. En temps normal, la rousse n’aurait pas hésité pour se sortir de cette situation débile, mais risquer de se faire pendre et brûlée n’était pas dans les plans immédiat de la pirate. Il faudrait la jouer plus… finement.

C’est à ce moment que Lune lui agrippa le bras pour la traîner vers le fond de la cellule, en mode cocus. La pirate se laissa traîner tout en ne rompant par le contact visuel avec leur ‘’gardien’’ jusqu’au dernier moment.

- J’ai pas non plus, sinon j’aurais commandé toutes l’bestioles du coin d’le bouffer et d’me ramener les clefs… mais bon, par El, j’dirai rien non plus, j’pense que même si on accusait quelqu’un, y nous pendrait toutes pour complicités ! Vaut mieux faire gaffe, là. Puis, perso, désolée si j’vous choque, mais j’ai rien contre l’vif moi…

Canaille regarda encore dans la direction du cinglé, puis revint aux femmes avec elle.

- En plus… j’sais pas s’qu’il raconte le concombre de mer là-bas, mais… pas en guerre contre les Rouges ? Et Chalcède qui veut entrer en guerre ? Il est pas bien ou quoi ? J’crois qu’on s’est fait droguer et enfermer ici par un fou furieux, pendant qu’les autres sont à la p’tite fête…

Très rapidement, les trois femmes disparurent au fond de leur cellule, fomentant très certainement quelque complot dont Taebryn n'avait cure. Les ombres les camouflaient à moitié, tant et si bien qu'il ne pouvait que les apercevoir et les deviner. Heureusement, leurs couleurs de cheveux étaient une aide en la matière. Blonde, brune, rousse. Quel trio!

Juste avant ça, elles s'étaient toutes insurgées sur cette histoire de vif, arguant à qui mieux mieux ne pas le posséder, ne pas vouloir se dénoncer avec une telle sanction.
Ne connaissaient-elles pas les lois? Il ne les avait pas inventé, c'était juste un fait établi; tout vifier était pendu haut et court au dessus de la rivière, son corps était brûlé puis démembré.
Pourtant, aux propose de la blonde, il ne put réprimer un léger sourire. Que voulait-elle qu'il dise? Que celle qui se dénoncerait gagnerait un gâteau ou de l'or? C'était stupide.
Autant en finir rapidement qu'il puisse retourner à cette fête idiote où les nobles et les gueux dansaient ensemble.

Les interrogations au sujet de la fête flottaient toujours dans son esprit. Tant de choses étranges s'étaient déroulées depuis qu'il était enfermé ici....
D'abord le simple fait d'être enfermé dans cette salle de garde vide, et elles, ces trois femmes dont il ignorait tout et qui se retrouvaient emprisonnées sur simple dénonciation.
Dénonciation effectuée par un garde d'ombre, un fantôme.

Il secoua la tête, cherchant en vain à comprendre ce qu'il se passait. Et puis, il finit par replier son bras pour poser son menton dessus, afin peut-être de mieux y réfléchir.
Peut-être fallait-il en discuter avec ces trois femmes...peut-être savaient-elles quelque chose?

La rousse le regarda de loin et il redressa la tête. C'était vraiment la pire des trois....

Elles étaient au moins d'accord sur un point : aucune ne parlerait, ne s'accuserait ou ne dénoncerait une autre pour faire plaisir à cet huluberlu-là. En revanche, ça ne les avançait pas des masses sur la suite des opérations. L'étrangère proposa de se dénoncer toutes les trois en même temps pour tenter de perturber le gardien.
" Ça serait un coup à ce qu'il cherche pas plus loin que l'bout de son nez et nous envoie les trois à la potence... " rectifia Lune en secouant la tête à la négative. Pourquoi se casserait-il la tête si pour le prix d'une, il avait trois proies à brûler : innocentes ou pas, elle n'était pas sure qu'il s'encombre à chercher la différence. Il avait vraiment pas l'air de porter les vifiers dans son cœur, tant il semblait véhément sur le sujet. Allez savoir pourquoi... Ce n'était que des gars comme les autres, à une exception près.

Puis pour rebondir sur ce qu'avait dit Canaille, elle renchérit : " Pareil, il a pas semblé comprendre pour l'attaque de c'été. Y a un truc pas net ; ou il est juste attardé ? "
C'était dur de savoir. Ce qui semblait si évident pour elle (elles, si elle incluait au moins la pirate) ne l'était apparemment pas pour le seul homme présent ici. Qui ne pouvait pas être au courant de tout ce qu'il se passait sur les côtes, surtout en vivant à Cerf ? La serveuse n'incluait pas nécessairement l'étrangère, bien qu'elle ait indiqué qu'elle travaillait dans le Bourg. La brune pouvait n'en avoir rien à faire des mésaventures locales, ou n'être arrivée que récemment et donc ne pas comprendre l'importance que cela avait.

Autant en avoir le cœur net !
De toute façon, elle ne voyait aucun moyen de sortir d'ici, sinon en convaincant le gardien de leur ouvrir... ou en l'assommant pour lui prendre les clés.
La forgienne revint donc vers les barreaux et d'un ton curieux, elle demanda : " Tu connais pas les pirates rouges ? Les forgisés ? Tu débarques des Montagnes ou bien ? Tu sais comment s'appelle le roi au moins ? T'as tout bien en place dans ta tête, dis ? "
Elle ne se voulait insultante ou offensante en demandant cela ; mais c'était bien la seule manière de savoir... Y aller franchement !

L’interprétation que faisait la rouquine du don de communiquer avec les animaux était amusante, et nul doute que c’étaient de telles incompréhensions qui avaient engendré la peur actuelle envers les Vifiers. Mais au moins, aucune des deux femmes ne semblait disposée à en dénoncer une autre pour une hypothétique remise en liberté... Même si sa proposition n'emportait aucun enthousiasme. Tant pis, bien que cela vexât un petit peu, elle aurait au moins tenté. Et elle devait bien avouer que sa compréhension des deux autres était loin de s’améliorer.
« Mais si, pas qu'ça m'plaise d'dire qu'il a raison, mais pour c'te fois, il a pas raconté qu'des bobards. Les Chalcédiens l'ont rasé un village, du côté d'Bauge. J'ai fait la route avec l'gars qu'en a réchappé, tout seul, qu'il était, et dans quel état, c'pauv' gamin... l'allait à la capitale raconter son histoire au roi, et sûr qu'ça pouvait laisser personne indifférent. Pis c't'engeance-là, ça aime point rester les bras croisés si on touche à son territoire. Alors maint'nant, tout l'monde parle plus que d'guerre. Par cont' j'connais pas d'histoires d'pirates. »
Elle avait suivi le mouvement en même temps que la blonde, tout en continuant à expliquer ce dont elle était au courant, et attendait maintenant que l'homme donne sa version des faits.

Canaille balançait son chef à l’affirmative alors que Lune confirmait que leur geôlier ne chercherait pas plus loin pour les pendre toutes les trois. La rousse aurait fait pareil, ils avaient l’air d’avoir le même tempérament, sauf que la pirate se retrouvait du mauvais côté des barreaux.

Une vague d’angoisse remonta alors qu’elle songeait encore une fois à la cage dans laquelle elle se retrouvait. Les épais murs ne broncheraient pas quoi qu’elle fasse et la pirate avait même l’impression d’un coup qu’ils se rapprochaient doucement, mais inexorablement. Un frisson de panique lui traversa tout le corps avant que Canaille ne tente au mieux d’enterrer la peur grandissante en elle. Non, il fallait que la filou conserve toute sa tête, c’était peut-être la seule façon de sortir de ce trou moisi et de retrouver la mer, sa mère d’adoption.

- Ouais, tout le monde est au courant, tout le monde a peur, s’pas logique, y s’fout d’notre gueule, j’vous dit ! J’suis sûre que c’est un… Canaille se mit à siffler en faisant un signe circulaire au niveau de son crâne, mimant un dérangement mental imagé.

La blonde se rapprochait des barreaux tandis que l’étrangère ouvrait la bouche. La pirate l’écouta attentivement, alors que Lune s’adressait au garde. Chalcède avait attaqué ? À Bauge ? C’était… invraisemblable ! Elle en aurait entendu parler, forcément ! Canaille trainait partout, s’informait de tout, c’était vitale, surtout Chalcède qui attaquait sa réserve favorite de vin !

La rousse se tourna donc vers Lune et le garde, une expression perplexe au visage pour la première fois depuis qu’elle avait ouvert les yeux.

- Euh… par curiosité, juste une question stupide, mais comme on semble pas sur l’même niveau : À quand date vos info ? Non parce que je doute que Chalcède s’en soit prit à sa royale personne le roi du-co… le roi Juste Loinvoyant… pas juste du tout si vous voulez mon avis, maugréait la pirate dans sa barbe, non parce que, aux dernières nouvelles, c’est pas la mer à boire entre Chalcède et les Six aux dernières nouvelles…

Oui, encore une fois Canaille n’avait vu aucun indices qui aurait pu laisser présager une guerre, ni plus ni moins ! Alors pour le coup, la pirate voulait savoir à quel point elle avait du retard ! Peut-être même leur soutirer leurs sources, ça serait pas mal ça tiens, avoir des sources plus fiables, car visiblement que les siennes étaient aussi douées qu’un hareng hors de l’eau.

A priori, le vif n'était pas le seul problème chez ces trois là. Elle étaient également complètement folles ou à côté de la plaque. On lui parlait d'un Roi Juste Loinvoyant, de pirates rouges et quoi d'autres? De "forgisés"?

Il se releva et se campa solidement sur ses jambes, les bras croisés sur sa poitrine. Son regard balaya les trois femmes, l'air complètement incrédule. Par El et Eda, était-ce une mauvaise blague?
Tout ceci commençait à le fatiguer terriblement. Il se passa une main sur le visage, comme pour se réveiller et regarda la blonde :

- Les pirates rouges n'ont pas attaqué depuis des années....

Puis tourna son visage vers la rouquine :

- Le Roi Vainqueur Loinvoyant règne sur les Quatre-Duchés et non pas Six. La brune à raison. Bauge à été attaqué et le Roi prépare ses représailles. Vous êtes sûres que c'est le Vif votre seul problème? demanda-t-il un sourcil levé.

Peut-être que les trois femmes étaient simplement enfermées en cellules de dégrisement? C'était plausible...oui, sauf que cela n'expliquait pas ce que LUI faisait ici et comment les clés étaient apparues à sa ceinture et comment le garde d'ombre avait traversé la porte. Un rêve? Acuité jouait-elle avec l'Art? Non, cette magie était-elle capable de ce prodige?

Il râla et donna un coup de pied dans la chaise sur laquelle il était assis quelques minutes plus tôt.