" C'est quoi ce bordel ?"
Lune regarda tour à tour le garde et la brune étrangère. Ils semblaient être d'accord sur leur version des faits. Pas d'attaques de pirates, pas de forgisés ? L'idée même qu'ils puissent ignorer cette histoire bien réelle qui lui coutait encore bien des souffrances lui donnait la nausée. Elle pâlit même, soudainement tremblotante.
Elle chercha alors le soutien de la balafrée et ajouta avec autant de véhémence qu'elle en était capable : " On est pas folles quand même ! On sait comment s'appelle notre roi et combien de Duchés ya. Ça fait des siècles et des siècles qu'yen a six : y a Cerf, Rippon, Bauge, euh... Labour, et... "
Elle avait levé ses doigts pour compter les Duchés à mesure qu'elle les énumérait. Mais la serveuse n'en savait pas davantage, pas assez cultivée pour cela mais Canaille compléta sans peine cette liste en ajoutant Béarns et Haurfond. (HJ : je me permets Nayou ^^ car je sais que le perso connait ces deux duchés côtiers )

Elle continua ensuite à l'attention du seul capable de les faire sortir d'ici. Oubliant presque qu'à côté d'elle, une autre personne remettait aussi en cause leur vérité.
" Reconnais qu'il y a bien un truc pas normal. On se réveille là sans souvenir ; on n'est pas d'accord sur des faits de base : le roi, les Duchés, la guerre. Comment on peut ne pas savoir ce que tout le monde sait ? On les a vécu ces attaques turdieu d'merde !!! "
Ces derniers mots furent presque hurlés à la face de cet homme qui remettait en cause la réalité de sa douleur. Les larmes lui étaient montées aux yeux. Elle ne savait plus quoi faire, comment se faire comprendre. C'était surréaliste au delà du possible.

Lawena ne comprenait pas. Comment le monde pouvait-il apparaître si différemment à des personnes qui venaient du même lieu ? Elle n’était pas bien au point sur le nombre de Duchés, mais certains de ceux évoqués par les deux autres femmes ne lui disaient vraiment rien. Et pour le nom du roi, elle admettait de nouveau que ses informations recoupaient celles du garde... On se retrouvait d'accord deux à deux, c’était vraiment à s'en faire fumer le cerveau. Elle fronça les sourcils aux mimiques de la rouquine, pas si certaine de partager son avis, malgré la nette antipathie qu'elle gardait pour leur geôlier.

« Z'avez pas l'air folles, »
tenta-t-elle pour la blonde, qui semblait plus que prête à éclater.
« J'y comprends r'en non p'us, mais j'vois b'en qu't'es sincère. Y'a r'en qu'est normal d'puis c'soir. Déjà, on se r'trouve ici sans savoir pourquoi ou comment qu'on est arrivées. Maint'nant, on s'rend compte qu'not' vie, l'est p't-êt' dans l'même endroit, mais pas avec les mêmes gens, ou les mêmes choses qui s'passent. J'sais pas comment qu'ça s'peut, mais moi, j'te crois. »

Elle se mit à arpenter la cellule, profitant de ce qu'elle passait contre le mur du fond, certes pas bien éloigné, mais c’était plus rassurant, pour tenter une nouvelle fois de contacter Suroît. Son amie était restée dans les parages, lorsqu'elle s’était rendue à la fête, et si elle parvenait ne serait-ce qu'à la joindre, elle se sentirait un peu rassurée... Quel que soit le résultat du test, elle reviendrait vers les barreaux la tête un peu plus claire, et s'adresserait à l'homme :
« T’obéis à c'roi Vainqueur Loinvoyant, toi, pas vrai ? Tu vois, celles-là, elles ont un aut' roi. M'est avis qu'tes ordres les concernent pas, du coup. T'as pas l'droit d'les garder prisonnières, dans c'cas. »
Peu de chances qu'un raisonnement aussi simpliste donne quelque résultat, mais bon, il fallait essayer.

Les quatre duchés ?! Le roi Vainqueur Loinvoyant ? Ça datait tout ça, ça datait fort. Pas que Canaille ait eut une éducation, non, la pirate avait toutefois écouté pas mal de racontars dans les miteuses tavernes qui avaient croisés sa courte vie. C’était toujours le genre d’endroit où l’on pouvait obtenir des informations, les contacts ou un bon tonneau d’alcool. Quoi qu’il en soit, pour l’action ou pour passer du bon temps, on y trouvait irréprochablement des vieux de la vieille qui pouvaient vous refiler des conseils ou des points de passages non surveillés. De vieilles cartes aussi se passaient de mains en mains, car bien qu’obsolètes, elles révélaient l’emplacement de trésors ou d’épave légendaires.

Canaille avait plus d’une fois posée ses yeux sur ce genre de cartes, la rousse pouvait donc plus ou moins mettre une date sur les quatre duchés et faire le lien avec la soit disant attaque de Chalcède. Mais bon sang ! C’était le passé tout ça et pas seulement celui de la veille !

La filou emprisonnée les avaient donc regarder de travers, l’œil inquiète, terminant tout de même l’énumération de Lune, parce que bon, elle connaissait tous les recoins des six par cœur c’était plus fort qu’elle.

Puis, ça n’avait aucun sens de les retenir comme ça, c’était quoi leur motif ?! Le vif ? Que ça ?! Pour sûr, Canaille le sentait, on leur sortirait un truc tiré par les cheveux de nouveau. Non, la pirate ne s’inquiétait même plus pour ses crimes, non, ce n’était clairement pas pour ça, mais leur geôlier n’avait pas l’air enclin à les laisser sortir d’ici non plus...

Parlant geôlier, la teinturière semblait en accord avec lui... Par El ! Ils étaient quoi ? Complètement retardés et souhaitant vivre dans le passé ? Sous l’emprise de l’Art ? De la drogue ? Ça pouvait faire ça l’Art d’abord ?
Canaille restait pantoise et silencieuse pendant que les trois autres s’obstinaient. Comment pourrait-elle se sauver le cul de ce merdier ? Deux fous qui s’imaginaient aux temps anciens, au moins il y en avait une de leur côté dans la cellule. Si jamais fallait un otage, au moins elle en avait un sous la main. Pas besoin de dague ou de sabre pour la tuer… Ça lui ferait une monnaie d’échange au cas où, sauf qui faudrait voir si ce fou ou les fous qui les retenaient de force s’en soucieraient, de cette petite teinturière ou lavandière, aller savoir...

- Excellente idée ! On a même pas l’même roi, mais on est tous pour les duchés, peu importe leur nombre, alors pourquoi nous r’tenir, hein ? J’vous l’demande moi ! Qu’est-ce que v’voudriez bin qu’on aille foutu pour s’retrouver ici ?! L’vif ? On l’a pas, pis, on a même pas l’air d’vivre à la même année mordiable, on est en quelle année déjà ? J’suis sûre qu’on peut s’entendre, ça pas d’sens, vous voyez bin ?!

Peut-être que ça les referaient revenir à eux, peut-être qu’à les confronter un peu, la drogue ou le maléfice d’art ou la stupidité dont ils étaient les victimes d’estomperait ?

Les trois femmes lui donnaient mal à la tête. Déjà, elle braillaient trop, et puis les arguments n'en finissaient pas. Peu importe ce qu'il leur disait, elles trouvaient toujours à répondre. La folie parlait pour elle vraisemblablement. C'était à la fois irritant et déstabilisant. Et la seule qui semblait posséder toute sa tête venait de sortir l'énormité la plus stupide qu'il n'avait jamais entendu.
" Elles ont un autre Roi". Mais oui...comme si on pouvait choisir...

Et si...une véritable magie était à l'oeuvre, si...les trois femmes en plus d'avoir le vif étaient sous l'emprise d'un sortilège? Les haies peut-être? Il n'avait jamais vu de cas aussi puissant mais...après tout on ignorait beaucoup de cette magie.

Il secoua lentement la tête avant de les regarder à nouveaux toutes les trois.

- Bon reprenons depuis le début, vif à part. Nous venons de passer en l'an 10, c'était le but de la fête de ce soir. Notre Roi est Vainqueur Loinvoyant qui dirige les Quatre-Duchés et qui prépare une guerre contre Chalcède suite à la destruction d'un village au sud. Celles qui possèdent les mêmes informations que moi lèvent la main, les autres, donnez nous votre version.

Taebryn était plutôt pragmatique mais...ses parents ne s'étaient-ils pas fait attaqué par un homme changé en ours lorsqu'il était petit? Il devait se rendre à l'évidence, certains détails de la vie relevait de la magie.
Ce soir n'y ferait pas exception, les indices étaient déjà fort nombreux pour prouver que tout ceci n'avait pas de sens.

Ils tournaient en rond. Rien n'avançait. Et rien n'était logique. Lune avait mal à la tête en plus d'avoir mal au coeur. Elle était fatiguée et énervée. Elle en avait marre, marre... elle avait l'impression d'être une idiote, une incomprise. Une folle, bien que la brune dise le contraire. Rien n'avançait.
Le gardien voulut tout reprendre depuis le début. La forgienne n'en voyait pas l'intérêt. La pirate et elle lui avaient déjà dit leur "version des faits". L'interrogatoire ne mènerait à rien de plus que ce qu'elles avaient déjà dit.

" A quoi ça va servir ? Tu vas nous faire sortir après ? "
Elle haussa les épaules en faisant une grimace dépitée. Elle n'allait pas prendre la peine de répondre vu qu'elle douta que ça serve à quelque chose.

" Tu sais des trucs que tu nous dis pas ? Sur ce qu'il se passe ici ? "
L'excuse du Vif était trop grosse... faire tout un tintouin pour ça...

(Désolée,  je vois pas quoi de plus à dire... Peut-être un nouveau fantôme à faire intervenir... ou autre chose MJ pour avoir de la matière pour les autres )

Lawena secoua elle aussi la tête, ne comprenant pas quel bénéfice leur garde chiourme espérait retirer en répétant ce qui avait déjà été dit.
« On l'a d'jà dit, moi j'sais les mêmes trucs que toi, et elles deux, non, mais elles sont d'accord entre elles, »
consentit-elle à lâcher, tout en s'abstenant soigneusement de suivre le reste des consignes. Lever la main ? Et puis quoi encore, il les prenait pour des enfants ? Lasse de batailler face à un mur, elle soupira bruyamment, et se retourna ostensiblement vers les pierres qui, elles, ne feraient pas semblant de chercher à comprendre.

« Vous m'direz quand vous aurez terminé. J'crois qu'j'voudrais b'en m'reposer un peu. Puis si ça pouvait m'faire sortir d'ce rêve complèt'ment débile, ce s'rait encore mieux. »
Sur ce, elle s'assit à même la paille qui n'avait pourtant rien d'attirant, tournant le dos aux autres, et bien décidée à ne plus intervenir dans ce dialogue de sourds. Après tout, peut-être était-ce cela : un songe né de son imagination. Et plus tôt elle se réveillerait, mieux ce serait.

Dans le coin de la cellule, non loin de l'endroit où se pose Lawena, deux yeux scintillants apparaissent en même temps qu'un grognement sinistre.
Il s'agit d'un chien énorme et qui à l'air plutôt en colère, il s'avance, menaçant vers les trois femmes.
Pourtant, à bien y regarder, il semble manquer de consistance, mais ses crocs paraissent toutefois bien réels, oseriez-vous tester?

Un autre animal de la même carrure apparaît en même temps du côté de Taebryn, lui bloquant l'accès au couloir menant à la salle de garde. Ils sont pris au piège, à moins d'affronter les animaux spectraux.

Juste devant les barreaux, côté prisonniers, une corps se dessine, suspendu depuis le plafond, pendu par le cou. Après quelques aboiements et grognements des deux mâtins, le corps s'enflamme.

Canaille état à deux doigts de perdre son sang-froid, franchement ils tournaient tous en rond là. En plus, l’autre pas commode qui disait qu’on se trouvait à l’an dix, si c’était pas fou ça ! Fou, complètement fou ! Bon pour être jeté en pleine mer et se faire bouffer par des requins. C’était dangereux les fous et voilà que la petite serveuse et elle-même étaient encerclées et enfermées avec deux cinglés.

Lever la main ? Ouais en plus il les infantilisait… Canaille avait des envies de meurtre, couplé au fait qu’elle était prisonnière, s’il fallait qu’elle ait une seule chance, une petite ouverture, l’autre en paierait le prix fort pour s’obstiner à les garder captive. Au moment où la pirate allait faire un geste obscène en réponse à la demande de levée de main, un truc complètement dingue se produisit.

Un gros chien apparut, oui ! Apparut juste à côté du garde de fortune. Canaille aurait bien sourit, si le fait qu’un chien ne venait pas d'apparaître comme ça de rien. En plus… étrangement, le molosse n’avait pas l’air… là, mais y était. Genre… la description qu’on faisait des fantômes…

- Par les couilles d’El… soufflait Canaille, apeurée.

Elle n’avait pas vu encore le corps pendu qui venait d’apparaitre juste à côté du garde. Les yeux grands écarquillés, la rousse retenait son souffle, franchement sous le choc. Faisant volte-face afin de voir ses deux comparses de cellule, afin de confirmer que la pirate n’était pas en train de perdre l’esprit, Canaille sursauta en voyant un autre clébard au fond de leur propre cellule.

Serrant les poings, prête à se défendre sans arme, Canaille était toutefois complètement déstabilisée devant des apparitions. Ça ne pouvait qu’être magique ! Y’avait rien au monde qui pouvait apparaitre ou disparaitre comme ça ! Si ? Non ? Des fantômes peut-être ?

Par El ! Avait-elle commis une erreur en volant certain butin ? En accostant sur certaines îles ? C'était une malédiction ? Était-elle condamnée ?! Les autres dans tout ça ?

Les chiens grognèrent, aboyèrent tout en avançant sur eux. Canaille reculait de quelques pas, son regard fouillant rapidement la cellule, une fois de plus pour y trouver une arme, quelque chose, n’importe quoi !
C’est à ce moment que le corps, de l’autre côté des barreaux prit feu.

D’ordinaire, pas si superstitieuse que cela, la pirate eut définitivement la chair de poule pour la première fois depuis de nombreuses années. Qu’est-ce qui se passait ? Pourquoi ? Qu’est-ce que ça voulait dire ?

Retirant l’une de ses bottes, Canaille n’allait pas se laisser dévorer sans se battre. La pirate se rapprochait donc du chien dans la cellule, gardant tout de même une petite distance sécuritaire entre eux, le visage crispé d’un mélange de peur et de colère.

- On est trois, on peut p’être avoir l’dessus ! Grommelait-elle en ne lâchant pas le clébard des yeux, une botte à la main. Ça vous dit pas d’nous laisser sortir maintenant trou duc ?! On s’fait manipuler par des esprits TUDIEU ! VOYEZ BIEN MORDIABLE !

je laisse ma place à Lune et Lawena si elle veulent réagir à l'apparition des chiens et du corps.

Les autres filles étaient d'accord avec elle. Leur gardien tournait en rond, semblait vouloir gagner du temps et tout ce qu'ils réussissaient à faire, c'était énervé les prisonnières. Il n'obtiendrait aucune réponse de leur part de cette manière, aucune coopération ; c'était évident !
L'étrangère préféra même s'isoler vers l'arrière de la cellule pour attendre la fin de ce palabre inutile. Alors que la balafrée semblait vouloir ajouter encore à l'exaspération générale, une chose... une chose...

Dans le cerveau de Lune, une pause se fit.
Ce qui apparaissait sous ses yeux était trop énorme, trop impensable, irréel pour qu'elle arrive à l'analyser et à l'accepter. Pourtant il fallait bien.
Il y avait ces yeux, ces dents, cet aspect fantomatique. Puis ce corps pendu ; ce corps de fantôme pendu à deux pas d'elle. Les grognements des (*comment ça "des" ?* pensa-t-elle alors, n'ayant vu que celui qui se trouvait de l'autre côté des grilles.) molosses résonnaient dans l'espace exigu de la prison et la seconde d'après, les flammes apparurent, dévorant le cadavre. Elle recula, bousculant un peu Canaille pendant que cette dernière attrapait sa botte. Là, elle remarqua le deuxième chien à deux pas de la brune.

Mais comment ? Comment ?
Comment ?
Et surtout pourquoi ?

Qu'Eda leur vienne en aide !
L'entendement était dépassé ; les derniers mots qu'elle avait prononcé à l'encontre de Taebryn résonnaient entre ses oreilles, écho aux aboiements d'outre tombe qui les entouraient. Pour sur, il se passait quelque chose de pas normal ici... mais de là, à voir des chiens apparaitre de nulle part et un pendu prendre feu sans autre logique ; oui, c'était plus que ce qu'elle pouvait supporter. Elle avait l'impression d'avoir perdu 30 ans d'un coup ; d'être redevenue une toute petite fille incapable de parler, de réfléchir ; simplement capable de pleurer et de hurler.
Pourtant aucune larme ne vint à ses yeux, ni aucun mot ne franchit sa bouche. Tétanisée ? C'était peu de le dire.
Alors la voix de la rousse surpassa ses craintes enfantines et la ramena à la réalité. Étrange, troublante, effrayante mais réalité quand même. Du moins, jusqu'à preuve du contraire...

Elle ne savait pas bien quoi faire de plus, aussi s'arma-t-elle de la même manière que la pirate : une chaussure. Maigre consolation, d'autant qu'elle se trouvait encore trop proche du macchabée en train de flamber.

A peine assise, que l'ex-esclave bondit de nouveau sur ses pieds. C'était quoi, ça ? Elle recula d'un pas en toute hâte, en grommelant quelque chose d'inintelligible. Puis d'un autre. La cellule n'était pas bien grande, et ce petit-jeu là prendrait bientôt fin. Elle jeta un regard aux deux autres prisonnières, qui ne semblaient pas plus rassurées qu'elle, et tenta de se raisonner à haute voix.
« C'pas possible, un clébard qu'apparaît d'nulle part. Y'avait r'en t't à l'heure, j'suis sûre. Y peut sûr'ment pas nous faire d'mal… »
Pourtant, sa voix manquait singulièrement de conviction sur ces derniers mots. Un nouveau regard à l'entour lui apprit que le garde avait hérité d'une bestiole semblable : tant mieux, au moins, il y avait une certaine forme de justice. Enfin, peut-être…

Le pendu s'enflammant acheva de lui faire perdre son calme, et alors que ses deux comparses s'étaient armées d'une botte, Lawena laissa déborder sa frustration face à la situation en grognant et en montrant les dents à “leur” chien. Puis, sans se soucier de ce qui se passait de l'autre côté des barreaux, car elles avaient déjà assez à faire ici, elle détacha le tissu qui lui couvrait les cheveux. Tenant ferme l'une des extrémités, elle lança l'autre en direction du molosse. Déjà, elle verrait bien si celui-ci avait une certaine consistance, ou s'il s'agissait vraiment d'un genre de fantôme au travers duquel l'objet passerait.

Bon alors là clairement, le peu de logique qui restait dans cette situation s'envola en fumée lorsque les deux molosses apparurent juste avant le cadavre du pendu en feu.
Taebryn sursauta aux grognements mauvais de l'animal qui lui faisait face et qui lui montrait des crocs menaçants. Il tourna la tête avec vivacité, observant quelques secondes la situations des trois femmes qui déjà s'étaient misent à hurler, brandissant leurs bottes comme armes.

- Par les couilles d'El, murmura-t-il en écho à la rouquine.

Tout cela n'avait aucun sens, aucun, mais la précarité de leur situation, aussi dangereuse soit-elle, ne laissait pas le temps de songer à des explications plausibles ou non.
Deux créatures les attaquaient et vu leur allure fantomatique, il hésitait clairement sur la marche à suivre. Prudent, il recula de quelques pas, lentement, très lentement, s'isolant des cris des femmes pour ne se concentrer que sur la bête qui lui faisait face pour ne pas avoir à lui tourner le dos.
Il butta contre la table face à laquelle il était encore assis quelques minutes à peine et sa main chercha à tâtons le broc d'eau dont le contenu avait été renversé sur la prisonnière la plus récalcitrante du groupe.

Avec agilité, il lança le récipient à la tête du molosse mais comme il s'y attendait, celui-ci passa à travers. L'animal émit un grognement plus rauque encore avant de japper avec force, comme s'il se défendait par les mots subitement, plus que par les crocs.
Il en fallait cependant plus à Taebryn pour être impressionné, même si dans l'immédiat, il ne voyait pas quoi faire. Envoyer un nouveau taquet à l'animal ne servirait à rien.
Il bifurqua, toujours sans tourner le dos à l'animal et contourna le cadavre flambant pour se diriger vers la porte de la cellule et enfonça lentement la clé dans la serrure, comme si le moindre geste brusque pouvait exciter un peu plus les deux animaux menaçants.

- Poussez-vous ! ordonna-t-il à la rouquine qui se cramponnait aux barreaux.

Il poussa alors la grille et se replaça, dos au mur pour être certain que nulle attaque ne viendrait dans son dos. Alors de ses mains, il fit un geste universel pour qu'elles se bougent le cul et le rejoignent.
Malgré leurs mésentente, ils allaient bien être obligé de s'allier s'ils souhaitaient sortir d'ici, vivant.
D'autant plus que le molosse s'était placé entre eux et la porte menant à la salle des gardes.

De quelle malédiction étaient-ils victimes ? D'abord se réveiller sans souvenirs au milieu d'un cachot humide et maintenant être attaqués par des créatures tous droits venus du jardin maudit du Grêlé. Cela faisait froid dans le dos, et simplement armée de sa chaussure plate, Lune se sentait bien petite et inutile.
L'étrangère tenta de lancer un morceau de tissu sur le chien ; ça lui passa à travers sans le chatouiller une seconde. Derrière les barreaux, le garde taciturne faisait également chou blanc avec son broc vide, en un bruit plus sec quand il rencontra le vide au lieu de la fourrure du molosse. Ils avaient un gros, un très gros problème. Car ces dents, ces canines pointues semblant suinter de salive avaient l'air d'être parfaitement capables de les rogner, tout humain qu'ils étaient, jusqu'à l'os.

L'homme consentit, à situation exceptionnelle, solution exceptionnelle, à leur ouvrir la cage. Refermer les barreaux derrière elles suffirait-il à contenir le démon ? La blonde en doutait mais espérait quand même. Alors qu'elle passait la porte, elle sentait ses jambes flageoler et se serait alors bien mise une baffe pour se remettre les idées en place... si elle avait eu le courage de lever la main et si il y avait une raison pour les idées se remettent en place. Tout était tellement indéfinissable que réfléchir semblait superflu. Pourtant il faudrait bien... quel sort les attendait s'ils restaient les bras ballants à attendre de voir ?

En passant à côté, elle leva les yeux vers le cadavre flambant. C'était qui ? Le propriétaire des chiens fantômes ? Pourquoi pendu et brulé ? La demi-minute où elle s'intéressa à ce corps suspendu à quelques pas d'elle, le temps que toutes les prisonnières se joignent à elle et au garde hors la geôle, elle se posa donc ces questions. Sur son visage se mêlaient successivement la peur et le dégout à cette contemplation macabre.

" Y a quoi par là ? " demanda-t-elle finalement en désignant le seul endroit vers lequel ils pouvaient fuir. Soit à l'exact opposé de la sortie... sans qu'elle le sache.

Canaille s’écarta un peu pour laisser la porte s’ouvrit derrière elle, ne lâchant pas le molosse fantomatique des yeux. Elle avait eu du mal à en croire ses yeux lorsque l’étrangère avait lancé un bout de tissus sur le chien et que ça lui était passé au travers.
Étaient-ils tous mort ? Coincés dans l’enfer du grêlé ? Non parce que l’enfer d’El devait être mieux quand même… Puis, qu’est-ce que la petite serveuse, l’étrangère et le garde ferait dans l’enfer d’El d’abord, c’était des gens d’Eda ceux-là, la rousse en était persuadée.

Trêve de réflexions, la pirate recula doucement, tout en sortant de la cellule. Canaille aurait volontiers cassé deux trois trucs au garde pour la peine, mais avec deux molosse et un flambé, il avait de la chance, elle le laisserait bien tranquille.
Alors qu’elle allait ouvrir le bec, maintenant qu’ils étaient tous réunit en tas, ne cherchant pas à s’approcher des cauchemars fantomatiques devant eux, Lune la devança.

- Ouais euh… maintenant on peut foutre le camp ? El ! J’tiens pas à rester ici…

Plus que tout, Canaille voulait déguerpir et retrouver un bateau pour quitter cette terre maudite ! Aussi bien aller dans la seule direction qu’il leur était possible d’emprunter.

- On y va ? Non parce que moi j’y vais si vous y allez pas ! Dit tout bas la pirate, comme pour ne pas inciter les machins fantômes à la suivre.

Ni d’une ni de deux, la pirate, frôlant presque les murs, se dirigea rapidement dans la direction pointé par Lune quelques secondes plus tôt, ne demandant pas son reste aux molosses et au pendu.

Enfin, le garde semblait prendre une initiative plus intelligente que de leur envoyer des immondices, physiques ou verbaux, à la figure. Son lourd récipient n'eut pas plus de succès avec le second chien, que le pan de tissu qu'elle avait déroulé pour tester la nature du premier, et il se décida à les libérer. Les circonstances auraient été autres, qu'elle en aurait soupiré de soulagement, mais ils semblaient loin d'être tirés d'affaire, avec ces apparitions de formes fantomatiques.

Elle ne se fit cependant pas prier pour abandonner la cellule à l'un des molosses, bien que doutant de la solidité des barreaux pour un être (ou non-être) qui apparaissait à sa guise, et ne se souciait visiblement pas des obstacles matériels. Son regard suivit un instant celui de Lune, et, la voyant peu vaillante sur ses jambes, elle lui proposa discrètement le soutien de son bras, tout en prononçant quelques mots, à demi pour elle-même :
« Pendu et brûlé, pauv' gars, j'me d'mande bien c'qu'il a fait… R'marque, c'est p't-êt' lui qu'a c'te Vif, et les toutous ce s'raient les siens ? Dans c'cas, ils ont plus d'raisons d'en vouloir à toi qu'à nous aut', »
termina-t-elle pour l'homme, avec aux yeux une lueur de défi. Et si les rôles s'inversaient ?
Dans tous les cas, elle ignorait s'il était possible de se lier à deux animaux en même temps : ce qu'elle partageait avec Suroît était venu tout naturellement, et les connaissances du Lignage lui étaient parfaitement étrangères.

Comme la rousse au chapeau semblait la plus pressée de fuir les lieux, elle ne creusa pas plus la question, préférant elle aussi dégager rapidement.
« Ça vaut r'en d'rester là, pour sûr, »
approuva-t-elle en emboîtant le pas à l'autre femme. Peut-être que lorsqu'elles seraient sorties d'entre ces murs, le monde redeviendrait plus normal.

Si vous prenez la direction indiquée par Lune, vous entrez dans les dédales d'un labyrinthe souterrain dont même Taebryn ignore tout, il n'est pas garde au château et ne connait pas ces parties là.
Les couloirs sont poussiéreux, sombres, il n'y a aucune torche d'allumée alors si vous voulez de la lumière, il va falloir en allumer une dans l'urgence. Peut-être sur le cadavre?

Si vous persistez à fuir de la sorte, vous découvrirez alors d'autres cachots dans lesquels gisent des débris d'os calcinés. L'atmosphère est malsaine et sent la mort autant que l'humidité, comme si quelques atrocités avaient été commis ici.
Les chiens vous suivent toujours mais l'un des trois semble perdre en consistante, comme si s'éloigner du pendu en feu lui fait perdre sa magie.
Lawena à travers son vif se sent particulièrement mal à l'aise, elle ressent l'énorme douleur des chiens, leur peine à la perte de leurs humains liés à eux. Et c'est cette colère et cette tristesse qui semble les rendre agressif.

La situation dérapait un peu plus, encore une fois, mais face à cet étrange aventure et pour la première fois, le groupe composé des prisonnières et de leur geôlier avaient placé leurs griefs de côté et avançait désormais ensemble.

- Allons-y, lança Taebryn donnant ainsi raison à Lune.

Il les laissa passer devant et décida de fermer la marche pour garder un oeil sur ses créatures étranges, au cas où. Avant de s'engouffrer à la suite des trois femmes, dans le couloir de pierre, il se saisit d'une torche comme si cette dernière pouvait éloigner les chiens fantasques qui les suivaient, bien qu'au fond de lui-même il savait pertinemment que le feu ne leur apporterait aucune aide.
La magie à l'oeuvre dans ce cachots était tout autre, même un fou s'en serait aperçu. Il était peut-être temps de mettre les divergences de côté et d'avancer ensemble, pour une fois.
A cet idée, il porta un coup d'oeil en coin à la rouquine, se demandant s'il arriverait à lui faire suffisamment confiance pour leur propre salut. Nul doute qu'elle le poignarderait dans le dos à la première occasion. Heureusement pour lui, sa formation d'homme de main le protégerait, et même s'il rechignait à frapper une femme, il n'hésiterait pas une seule seconde dans le but de protéger sa vie.
C'est dans cet optique qu'ils s'aventurèrent tous dans les dédales souterrains avant de tomber nez à nez avec de nouvelles cellules, vides, ou plutôt dont les derniers habitants n'étaient déjà plus que poussière.
Les os calcinés qu'il pouvait apercevoir à travers la lueur de la torche ne laissait aucun doute sur le destin qui avait attendu ces restes d'hommes.
Les chiens étaient toujours à leurs trousses et il se demanda ce qu'attendait celle qui possédait le vif pour calmer les mâtins. Il lui semblait désormais évident, que la magie qui opérait était ivre de remords et de haine suite au drame qui s'était déroulé dans ces cachots.

Canaille aurait vite prit ses jambes à son cou si elle avait seulement su où elle se trouvait. Ne connaissant pas l’itinéraire pour ressortir des geôles, la rousse avançait donc à tâtons, trop pressée qu’elle avait été pour penser prendre l’unique torche au mur. La pirate dût se résoudre à ralentir le pas pour que la lumière, que le garde avait eu l’esprit d’attraper avant de les suivre, ouvre un peu la voie dans les ténèbres poussiéreux ambiants.

Se retournant et tout en reculant pour continuer sa route, la pirate regardait derrière leur ex geôliers, repérant les molosses qui les suivaient toujours de loin.

- Tudieu… soufflait la rousse entre ses dents serrées, avant de poser son regard inquiet sur le garde.

Il avait l’air bien malin d’un coup, coincé comme elle avec des fantômes. Bien fait. S’il avait juste pu les faire sortir plus tôt, ils auraient tous pu déguerpir avant l’arrivée du pendu et de ses chiens de gardes. Le vif, oui ! Ça devait qu’être ça, mais le vif après la mort ? C’était… une malédiction, ils étaient maudits pour le coup ?

La rousse se retourna de nouveau, faisant de nouveau face vers la direction qu’ils avaient choisie d’emprunter pour échapper à ce cauchemar éveillé. Le petit groupe finit par aboutir parmi d’autres cellules. Vides au premier coup d’œil, jusqu’à ce que le détenteur de la torche se rapproche un peu pour éclairer les restes squelettiques carbonisés des anciens occupants. La pirate blêmit un peu, s’éloignant des barreaux sur lesquels elle s’était appuyée pour se rapprocher et mieux voir.

- Donc… Chiens fantômes, pendu fantôme en feu, tas d’os calcinés, c’est joyeux tout ça ! On sort comment l’garde, non parce que j’commence à m’sentir un peu étouffée là, avec ces toutous à notre cul en plus…

Il devait savoir, il avait les clefs, l’attitude de merde d’un garde véreux et était prêt à leur faire un procès ! Il était du coin c’était certain !

La pirate se rapprocha des deux autres femmes, lança un petit coup d’œil par-dessus son épaule pour voir les chiens qui ne les lâchaient pas.

- Ça sent pas bon, j’veux dire, hormis l’odeur d’mort… M’enfin, c’est hanté, maudit, ce que vous voulez, mais faut qu’on foute le camp d’ici avant d’faire partie de la p’tite bande des brûlés moi j’dis. On est genre où ? Un cimetière/prison pour vifiers jugés coupable d’une connerie ? Si vous avez une idée d’génie, c’est l’moment avant qu’les molosses nous croquent !

Certes, la pirate avait plutôt besoin de parler un peu, de venter un peu la peur qui la taraudait de l’intérieur plus que de proposer une véritable solution. La vérité, c’est que Canaille n’avait aucun plan, sauf d’avancer en espérant trouver une sortie.

Ils avaient suivi le seul chemin qui leur était possible d'emprunter. La pénombre ne se dissipait qu'à la lueur de la torche qu'avait eu la présence d'esprit de saisir leur garde. Sans quoi, les trois femmes auraient tout aussi bien pu avancer sans rien y voir, tant la peur guidait leur pas. Derrière eux, l'écho des molosses emplissait chaque espace des cellules qui les entouraient, se répercutant sur les murs de pierre telles des complaintes funestes. Ils les suivaient, les poursuivaient enragés, sans que les humains ne puissent faire quoi que ce soit pour les comprendre ou les calmer. Leur hargne avait nécessairement un rapport avec ce pendu... ou du moins avec la raison de leur présence ici. C'était la seule logique que Lune était en mesure de trouver à cette situation surréaliste.
La lumière faiblarde de la torche laissait deviner dans chaque cachot les restes calcinés d'hommes ou de femmes morts depuis ce qui pouvait être une éternité. Ce spectacle macabre lui rendit la bouche sèche et inquiète, la blonde scrutait les tréfonds de chaque cellule qu'ils croisaient pour ne pas se laisser surprendre par une nouvelle manifestation surnaturelle.

Ils ralentirent l'allure, prenant le temps de réfléchir un instant, tandis que les chiens continuaient leur progression en grognant dans leur direction. Lune aurait bien aimé qu'ils ne s'arrêtent pas, mais ce couloir semblait ne pas finir... et il paraissait donc logique que leur garde leur indique un autre chemin plus rapide pour regagner l'air libre et salvateur d'un espace lumineux et sécurisé. La pirate s'en enquit alors auprès de lui, tout en continuant en affirmant que l'endroit sentait le maudit, la malédiction.

" Maudit c'est sur ! C'est comme si les chiens voulaient se venger, nous punir de chais pas quoi... Sauf qu'on a rien fait nous à ce gars. "
Les femmes n'avaient rien fait ; en était-il de même pour l'homme qui parlait avec conviction un instant plus tôt de la sentence à faire subir aux vifiers ?
" Ça t'donne toujours envie de faire bruler les gens ? " demanda la blonde avec un brin de provocation à l'encontre de Taebryn. Le ton n'était pourtant pas très assuré, car les chiens se rapprochaient et dans le noir du couloir, leurs silhouettes fantomatiques se dessinaient progressivement.

" On peut pas rester là ! Et on a rien pour se défendre contre ça... "
Leurs options étaient minces ; elles se résumaient même à une seule possibilité : continuer à s'éloigner en espérant qu'un miracle se produise... Pas une seconde, la forgienne ne pensa qu'il y avait surement une vifière parmi elles trois, ainsi que l'autre l'avait affirmé, et que cette personne pourrait être l'intermédiaire pour calmer les ardeurs des fantômes.

Puisqu'il n'y avait qu'une issue de possible, les voilà donc partis dans cette direction. Le moins qu'on pouvait sire, c'est que l'endroit n'était pas engageant, et il fallait bien la menace des chiens pour les entraîner dans ces cellules-catacombes.
« Ça va pas, ça va pas du tout, par ici, »
grommela-t-elle en intercalant un juron dans sa langue maternelle des contrée pirates, à l'intention de personne en particulier. Elle cherchait seulement à se rassurer en mettant des mots sur son malaise persistant, voire qui ne faisait qu'augmenter. Sauf que ce Vif que tous avaient visiblement à l'esprit, elle ne savait s'en servir que de manière complètement spontanée, dans ce Lien qui s'était créé naturellement avec le petit oiseau coloré qu'elle avait libéré de sa cage en s'échappant.

Elle frissonna, de crainte et de dégoût plus que de froid. Finalement, ce fut ce même sentiment de crainte qui la poussa à utiliser sa magie, sans vraiment l'avoir prévu, alors qu'elle se retournait comme ses compagnes pour constater que les chiens les suivaient toujours, même si l'un d'eux semblait tendre à s'évanouir dans le néant dont il était venu.
Ouste ! Nous, rien à voir avec tout ça.
Le nous désignait leur groupe d'ex-prisonnières, et le tout ça était naturellement le charmant environnement de restes humains où elles évoluaient.

Ils continuèrent à se ruer dans les couloirs, jusqu'à arriver à de nouvelles geôles bien plus sombres et plus morbides que les précédentes. Comme il pouvait s'y attendre, les anciennes prisonnières l'invectivait régulièrement, comme s'il possédait des réponses à tout ça. Mais la réalité était tout autre, il n'en savait foutre rien. Il n'était même pas garder au château.

-C'est pas moi qui fait les lois, rétorqua-t-il à la blonde en grinçant des dents avant d'ajouter pour la rousse. Je ne suis pas garde au château, je suis chaperon d'Acuité Loinvoyant, alors j'en sais rien de comment on sort d'ici.

Il ne pouvait pas leur dire qu'il était l'homme de main du Seigneur Glace, l'histoire du chaperon était sa couverture. Tuer, il savait faire, observer et analyser aussi, mais se battre contre des mirages ne faisait pas parti de ses aptitudes.

La réalité les rattrapait puisqu'il s'aperçu à la lueur des torches que ces cellules étaient confinées dans un cul de sac. Il entreprit de faire flamber une nouvelle torche accrochée au mur, espérant à nouveau que le feu éloignerait les matins. Mais il n'en fut rien, là encore, les ombres sournoises s'avançaient, grognant et ouvrant leurs gueules béantes pour leur montrer leurs crocs acérés.
Si l'une des trois femmes possédaient le vif, comme il le pensait, il était temps ou jamais d'en faire usage par El!
Comment se débarrasser de fantômes sinon?
La rouquine perdait son sang froid, il la sentait bien à deux doigts de péter les plombs, mue par la peur. La blonde semblait gérer sensiblement la situation, puisqu'elle se permettait même de l'attaquer verbalement. Quand à l'autre...il ne comprenait pas de base ce qu'elle racontait alors il n'y fit pas attention.
Les chiens s'approchaient encore à pas mesurés, comme s'ils savaient qu'ils avaient gagné. Il ne courraient plus, posant patte après patte pour grappiller les mètres qui les séparaient de leurs cibles. Taebryn se plaça entre les femmes et les bêtes dans un réflexe de protection. Il s'arma de sa torche toujours enflammée pour leur faire face, mais subitement, les animaux se mirent à geindre et à se regarder l'un l'autre, quand le troisième disparu. Ils finirent par s'asseoir, visiblement en proie à une inquiétude ou plutôt, comme s'ils ne savaient pas comment réagir.
Taebryn se détendit sensiblement, car même s'ils n'étaient plus prompts à l'attaque, ils étaient quand même sur leur passage. Alors comment pourraient-ils sortir d'ici?
Fallait-il fouiller les corps? Trouver une trappe? Il l'ignorait et commença à reculer, sans tourner le dos aux chiens pour s'aventurer dans une première cellule.

- Il doit bien y avoir des indices, n'importe quoi nous permettant de sortir? une trappe? Faites ce que vous voulez, mais moi je profite que les fantômes se soient calmés pour chercher.

Ils durent s'arrêter. Le cul de sac était leur seul issue. En constatant ça, il était évident que leur garde ne bossait pas dans ces goêles, ce qu'il finit par confirmer. Chaperon d'une dame... c'était même très loin d'être la même chose. Bien moins valorisant d'ailleurs. Enfin ce n'était pas le moment de réfléchir à ça...

Il rétorqua d'ailleurs que ce n'était pas lui qui faisait les lois. Lune se contenta de le fixer en secouant la tête. Bien sur, bien sur... mais il ne rechignait pas non plus à faire appliquer ces sentences inhumaines. C'était peut être réducteur mais la forgienne ne s'était jamais sentie concernée par les questions de justice et de punitions.

Les chiens les rejoignaient déjà, continuant à grogner, agressifs. Puis alors qu'un d'entre eux perdait en substance, les autres finirent par se calmer. Était-ce lié ? Pourquoi étaient-ils apparus ? Pourquoi l'un des trois disparaissait finalement ? Que leur voulaient ces créatures ? Et surtout... Où étaient-ils réellement ? Ça ne pouvait être réel, et en même temps, les quatre participants à cette histoire étaient tous aussi perdus les uns que les autres. Un rêve ne fonctionnait pas comme ça non ?

Le chaperon proposa alors de chercher une sortie cachée. Lune frémit à l'idée de tourner le dos aux molosses alors qu'ils étaient à deux pas d'eux. Pourtant ils n'avaient pas le choix. Pour sortir d'ici, il n'y avait pas d'autres solutions. Elle se rendit donc auprès du mur et, tout en jetant un oeil régulier (et pas rassuré) aux chiens, elle tatonna la paroi, soulevant la poussière qui s'y trouvait. Une porte cachée... il leur fallait une porte cachée.

Devant, il y avait un mur. Derrière, les chiens. La teinturière n'en menait pas large, et pourtant, quelque chose sembla se passer chez les molosses. Était-ce à rapprocher de sa tentative presque inconsciente ? Les rouages tournaient vite dans son cerveau, et des possibilités nouvelles se dessinaient… Ses camarades étaient bien assez nombreux, à trois, pour chercher une éventuelle issue de secours, aussi resta-t-elle dans le couloir, son tissu à la main comme arme dérisoire face aux bêtes.
« Allez-y, moi j'surveille ceux-là, et j'essaye qu'y vous suivent pas, mais oubliez pas d'me dire si vous trouvez que'qu'chose, hein. »
Sous le prétexte de garder les arrières de ses camarades, elle comptait bien se livrer à quelques expérimentations. Il lui semblait incroyable de pouvoir échanger avec des animaux aussi éloignés de sa petite Liée, et pourtant, n'avait-elle pas réussi une certaine forme de communication, tout à l'heure ?

De la même manière qu'elle ouvrait son esprit à Suroît pour partager ses pensées et sentiments, elle se tendit mentalement vers les deux cabots restants, même si c'était tellement plus compliqué. Comment leur faire confiance, alors qu'ils semblaient prêts à leur sauter à la gorge un instant plus tôt ? Pourtant, peut-être que si elle parvenait à comprendre ce qui se passait pour eux, elle pourrait aussi les en débarrasser totalement ?
Sages, les bestiaux, là, c'est bien,
tenta-t-elle de les encourager dans leur attitude passive.
Ils voudraient pas repartir d'où ils viennent, les gentils toutous ?
Qu'ils rejoignent donc leur maître aux Enfers, les gentils toutous fantômes !

Des cachots poussiéreux, pleins, trop de cellules, des chiens fantômes, des os calcinés… Canaille n’aurait su exprimer avec assez de force à quel point son souhait de sortir de cette endroit sordide était puissant ! Leur ex geôlier semblait aussi coincé qu’elles, ça c’était au moins la bonne nouvelle… Sauf que la pirate garderait quand même sa rancœur à l’encontre de ce, ce Chaperon ?! Après tout, à jouer les gros dures à cuir, prêt à sentencier de pure inconnues, il fallait savoir assumer les conséquences de sa connerie, surtout quand on endossait un rôle de garde qui se la jouait juge, prêt à les bruler toutes. Non, la pirate ne pardonnerait pas ça, sauf que l’heure n’était pas encore à la vengeance, pas encore…

- Mouais. Marmonnait la rousse tout en imitant l’homme qui se décidait à chercher des indices ou peu importe.

Canaille resterait près de lui, savait-on jamais s’il ne les laisserait pas moisir ici s’il trouvait une sortie. Non, la fille d’El ne se ferait pas avoir de la sorte, hors de question. Hésitant un peu à entrer dans une cellule, tout près des autres, la louve de mer se stoppa dans le seuil de la porte barreaudée. Ravalant un peu sa peur d’être renfermée, Canaille entra d’un pas déterminé, poussant les os avec ses pieds, repoussant la paille moisie, fouillant et touchant les murs pour trouver une faiblesse, une trappe, qu’importe tant que ça pouvait les faire sortir de cet enfer.

Vous remarquez tous que lorsque Lawena reste avec les molosses d'ombre, ceux ci semblent s'apaiser. Les grognements deviennent des gémissements plaintifs, lorsqu'ils comprennent que la jeune femme peut communiquer avec eux. Ils voient en elle une porte de sortie.
Lawena elle, ressent la grande peine des deux chiens, l'autre ayant définitivement disparu. Ils lui envoient de fortes émotions liées à une perte, une très grande perte et une trahison.
La notion est floue pour eux mais l'un des deux chiens devait être lié depuis très longtemps, au fils des ans il s'est accoutumé à penser comme un humain. Ce dernier s'avance dans la cellule annexe et se couche à proximité d'un squelette en geignant. Lawena comprend que le tas d'os brûlé était son maître, et que comme on le suppose son esprit n'a pas survécu au feu.

Le second chien cherche encore, la queue basse une personne. Il hume, renifle et envoie un sentiment d'insécurité et d'inquiétude à la jeune femme avant de trouver son propre maître,un squelette dans un coin qui n'a pas été brûlé, mais dont la lame qu'il a pris en pleine coeur est rouillée mais présente.
Assis à ses côtés, le chien se met à hurler sa peine. Le spectre du mort apparaît alors, c'est une femme aux traits floues qui caresse machinalement la tête de son chien. Elle ne peut pas parler mais on remarque dans son regard le soulagement de retrouver son compagnon à quatre pattes.
Son regard balaye ensuite les cellules et une émotion plus grande que les autres s'éveille dans la pièce. La tristesse et l’échec.
Elle regarde tour à tour chacun d'entre vous, surprise de voir des survivants et adresse un sourire à Lawena avant d'ordonner un mot muet à son molosse.

Ce dernier passe devant vous et se mets à gratter sur le sol, un semblant de trappe apparaît. En réalité il s'agit d'un tunnel creusé dans la terre fermé par quelques planches de fortunes camouflées par la poussière et la crasse.

En dehors de Lawena qui saisit plus facilement les émotions qui flottent dans les airs, les autres n'en perçoivent pas les subtilités, mais ressentent fortement qu'un drame à eu lieu ici.
Il ne faut pas être un génie pour comprendre qu'elle est celle qui possède le vif.