[Groupe 5 – Retour vers le futur]

Maître Vérichanteur Messages : 1042 Date d'inscription : 18/10/2010

Les participants :

Courage Hardod
Clément de l'If
Chiara Lunabille

Description rapide des lieux :

La salle du trône est tout en longueur et toute en majesté comme il sied à une salle de cette importance. Elle se doit de marquer la suprématie du suzerain aux yeux de tous les hôtes qui en franchissent les portes.
Ainsi la longue travée centrale qui mène jusqu’au trône est recouverte d’un tapis blanc argenté. Des torches sont accrochées aux lourdes colonnes qui délimitent les galeries latérales ; leur lumière est complétée par six chandeliers grandioses au plafond. Au fond, derrière le lourd trône de bois sombre, une haute fenêtre offre une vue incroyable sur le précipice et la mer.

Situation de départ :
Le groupe rouvre les yeux, soudainement aveuglés par la lumière franche du chandelier au dessus de leur tête.
S’ils n’entendent pas de bruit particulier, ils sont loin d’être seuls dans la salle du trône.
Une ombre siège sur le trône : un roi fantomatique dont on ne distingue qu'une silhouette sans âge. Dans la salle, des dizaines et des dizaines de soldats en livrée blanche et or. Des soldats immobiles, comme figés. Aucun ne semble voir les nouveaux arrivants.

Evolution de la situation
- Après des débuts difficiles dans la famille de Rippon ainsi qu'un essai d'Art infructueux, les cartes de Dame Lunabille indique que la solution de l'énigme se situerait au niveau des soldats.

Invité

Clément de l'If ~ Chevalier d'Ostrefer, Haurfond

D’ordinaire, lorsqu’on a les paupières closes, une nuit noire apparaît. A ce moment là, alors que je reprenais conscience de mon corps et de mon esprit de manière brumeuse, mes yeux fermés laissaient entrevoir la couleur rouge de la peau, indiquant une forte lumière à l’extérieur. J’ouvris péniblement mes paupières, battant plusieurs fois des cils pour m’acclimater à cette ondée lumineuse qui me fracassait le crâne à coup de marteau. Je grognais intérieurement, tournant mon visage vers le sol pour me cacher de cet éblouissement. Je pris appui sur mes mains et lançai un regard noir autour de moi. J’étais quelque peu énervé de ce réveil brutal. Réveil de quoi ? Très bonne question puisque je ne me souvenais pas m’être endormi. Qu’importe !

« Par El… qu’est-ce que… »

A mes côtés, je reconnaissais sans mal le moignon de Sire Courage. Cette vision me rappela les festivités de l’hiver au château de Castelcerf et le bas de cuisse de volaille que j’avais dévoré à pleines dents. Alors que je me tenais à genoux et que je me redressais, mon esprit s’éclaira des événements de la soirée. La raison de ma venue, d’abord, Vigueur et Studieux et la protection que je devais leur apporter. Je tournai alors sur moi-même, m’étant habitué à la forte luminosité, et cherchai des yeux celle que mon cœur et mon devoir m’ordonnaient de protéger contre tous les maux. Mes yeux ne heurtèrent qu’une silhouette féminine, gracieuse et richement habillée, endormie sur le sol. Je soupirai, manifestement frustré de ne point trouver l’objet de mon devoir.
J’époussetai mes vêtements et pris le temps d’admirer la pièce dans laquelle je me trouvais. C’était une pièce immense, au plafond haut et toute en longueur, achevée par un imposant siège de bois sombre.

« La salle du trône, murmurais-je à part moi. »

Je n’avais jamais eu l’occasion de pénétrer dans ce lieu auparavant, et je me sentis étrangement honoré de me trouver là. L’endroit avait quelque chose de sacré. Mais par El ! Je n’en oubliais pas pour autant le désagréable sentiment d’avoir été manipulé. Quelque chose qui vous cisaille le ventre à chaque fois que vous y pensez. De part et d’autre d’un long tapis argenté menant au trône de bois, s’élevaient de hautes colonnes de pierre. Au plafond de cette allée centrale, la raison de mon réveil si difficile : six immenses lustres ornés de pierreries qui décuplaient la lumière. C’est alors que je pris conscience des soldats qui nous entouraient. Aucun ne bougeait. Aucun ne parlait. C’était presque comme s’ils ne respiraient pas, suspendus dans le temps, aucun petit nuage de brume ne se formant devant leur bouche. Leurs livrées rutilantes semblaient elles aussi être sources de lumière, toutes faites de blanc et d’argent. J’en restai bouche bée quelques secondes, avant de retrouver le sens du devoir. Je m’avançai vers la dame encore allongée au sol et, m’agenouillant et tendant la main, lui proposai mon aide.

« Ma Dame, si je puis vous aider à vous relever ? Clément de l’If, Chevalier d’Ostrefer en Haurfond. »

Le coup avait été si brusque que Chiara n'avait rien senti, rien vu venir. Pourtant, il fallait bien qu'il lui soit arrivé quelque chose puisque voilà qu'elle reposait sur un sol dur, allongée comme la dernière des filles de cuisine. Le peu de dignité qu'il lui restait encore lui permit d'ouvrir les yeux sans gémir de douleur tant la lumière était aveuglante, mais il s'en fallut de peu. En ces fâcheuses et inexplicables circonstances, la fière duchesse se sentait d'humeur à mordre la première personne qui se présenterait à elle, fut-ce pour lui donner une explication rationnelle à sa présence en ces lieux.

Lieux qu'elle observa d'ailleurs, sitôt que ses yeux meurtris se furent quelque peu habitués à la vive clarté diffusée par d'énormes chandeliers qui lui semblèrent immédiatement familiers. Encore étendue, elle fit mentalement le compte de ses membres et se trouva finalement suffisamment entière et forte pour se redresser en position assise. C'est alors qu'elle reconnut la salle dans laquelle elle se trouvait. Elle n'y était venu que très peu depuis son arrivée à Castelcerf mais n'eut cependant aucun mal à identifier la salle du trône à ses colonnades jumelles et à l'atmosphère glaciale qui y régnait.

Étourdie et désorientée, elle cligna stupidement des yeux deux fois avant de s'obliger à adopter son habituelle attitude digne et hautaine. La Duchesse ne se laissait jamais aller. Jamais. Grâce à ce légendaire sang-froid, elle parvint à ne pas sursauter alors qu'un jeune homme lui tendait soudain la main pour l'aider à se relever. Un instant éblouie par les flammes des chandelles, elle crut qu'il s'agissait de Vaillant et s'apprêtait à sourire, mais non. Ce garçon-là lui était inconnu. De tous les mots qu'il prononça, elle ne saisit que deux choses : il allait l'aider à se remettre debout et il était chevalier. Le reste était confus, comme s'il avait parlé une langue étrangère. Ce qui devait être le cas puisqu'il avait manifestement énoncé des noms de lignage et d'origine qui lui étaient inconnus.

Inutile de s'humilier davantage cependant, c'est pourquoi elle accorda gracieusement au jeune homme une main petite et élégante afin qu'il la soutienne pour se lever. Ce n'est qu'une fois debout et après s'être assurée qu'elle était suffisamment stable sur ses jambes qu'elle observa plus attentivement son vis-à-vis. Il paraissait très jeune... et évidemment étranger. Elle ne l'avait même jamais aperçu à la cour de Vainqueur Loinvoyant. Inclinant légèrement la tête, elle lu iaccorda le droit de ne pas mieux connaître l'étiquette et daigna se présenter à son tour.

- Chiara Lunabille, Duchesse de Rippon, asséna-t-elle fraîchement afin de lui faire prendre conscience de la déférence dont il se devait de faire preuve envers elle. À présent, expliquez-moi ce que je fais ici avant que je n'appelle la garde.

Raki devait la chercher. Un instant elle était à table et il cherchait des yeux un serviteur, la seconde d'après voilà qu'elle se trouvait avec un inconnu dans la salle du trône désertée. Quoique... Il y avait là une seconde silhouette. Un autre homme à en juger par sa stature, et assommé lui aussi. Et... Par El, lui manquait-il une main ? Que tous les démons de Chalcèdes soient maudits, elle était abandonnée, seule avec deux inconnus dont un pirate ou un mercenaire quelconque. Il y avait là tant d'inconvenance qu'elle ne sut un instant comment faire face. Un très bref instant puisqu'aussitôt, lissant un pli imaginaire sur la manche de velours sombre de sa robe, elle jeta un regard peu amène sur les deux inconnus.

- Le Duc me cherche sans aucun doute, aussi ne saurais-je trop vous recommander de vous montrer directs et concis. Si c'est une rançon que vous réclamez en revanche, il ne saurait en être question. Nous sommes très fermes sur ce point en Rippon.

Sous-entendu : nous ne sommes pas des faiblards comme ces imbéciles dépensiers de Loinvoyant. Voilà ce qu'il en coûtait d'ouvrir sans arrêt les portes du château royal à n'importe quel pauvre hère. Eda soit louée, les choses ne se passaient pas ainsi à Castelorme.

Invité

Courage Hardod, Héritier du Duché de Rippon, Baron de Forbaie & Capitaine de la Marine Royale

* * * * *

Que c'était-il passé ? Quelles forces avaient été mises en oeuvre ? Voilà le genre de question que l'on pouvait se poser après avoir vécu ce genre de tour de magie. Était-ce Eliée voulant impressionner le Roi ? Aucune réponse ne put être trouvée.

Sentant qu'il y avait une extrémité de son corps qui avait froid, le Baron ouvrit un œil. Quelle ne fut pas sa surprise quand il découvrit qu'il était au sol. Il se releva comme il put à la force de ses bras et se mit, tout d'abord, sur son séant pour regarder autour de lui. Ayant Clément et la jeune femme derrière lui, il ne les remarqua pas directement. Il se tenait la tête pour sentir s'il était blessé. Apparemment rien ! Ayant froid au moignon, il le couvrit de sa cape avant de lever la tête pour tenter de reconnaître les lieux. C'est là qu'il remarqua qu'il n'était pas seul. En effet, il n'avait pas entendu la discussion qui avait débuté entre la Duchesse de Rippon et le Chevalier d'Haurfond.

"Je... Vous... Bonsoir !" bredouilla l'héritier.

Il ne savait que dire car il ne connaissait pas Clément. Il savait juste en regardant ses vêtements qu'il était au service de sa cousine Vigueur et qu'il se trouvait aux festivités organisées par Juste Loinvoyant. Et la dame qui se trouvait en sa compagnie lui était tout à fait étrangère également. Voyant les regards un peu étonné que lui lançaient ces deux personnes, ajouta :

"Sire de l'If, que s'est-il passé ? Et où sommes-nous ?"

Il regarda autour de lui et remarqua que c'était une pièce immense et que le plafond était très haut, qu'il y avait des lustres géants, des colonnades et un tapis menant à une estrade où se trouvait un siège sombre imposant.

*Par Eda ces gardes ne bougent pas ?!*

Revenant au siège, Courage se dit qu'il était digne d'un Roi !

*Ma parole, serait-ce la salle du trône ?*

En tant que cousin du Roi et ambassadeur de Rippon à la Cour, il avait arpenté cette salle tant et plus lors des réunions plénière de Sa Majesté avec son peuple. Elle était légèrement différente. Avaient-ils changé les choses pour la fête de fin d'année ? Possible !

"Que faisons-nous dans la Salle du Trône et pourquoi ces gardes ne bougent-ils pas pour nous venir en aide ?"

Sentant qu'il était peut-être malpoli de ne parler qu'à la personne qu'il connaissait vaguement de vue, Courage se retourna vers la splendide jeune femme, noble à voir sa parure.

"Pardonnez-moi Gente Dame, décidément cette histoire me fait oublier l'étiquette et le protocole. Baron Courage Hardod de Forbaie, pour vous servir !"

S'ensuivit un léger mouvement en avant de son buste pour s'abaisser en signe de respect et venir cueillir la main de la si jolie demoiselle afin de lui faire le baise-main comme il était de coutume de le faire pour tout noble. Etant indélicat de lui demander qui elle était, il laissa la jeune femme se présenter elle-même.

*Étrange quand même que je n'ai jamais vu cette personne. Il me semblait connaître la majorité des nobles de notre royaume.*

Invité

Clément de l'If ~ Chevalier d'Ostrefer, Haurfond

Avec force et délicatesse, j’aidai la noble Dame à se remettre sur pieds. Saisissant la main qu’elle me tendait, si petite et fine dans ma paume, j’eus le sentiment d’avoir affaire à une personne de haut rang. A mesure qu’elle émergeait de la brume qui nous avait apparemment tous enveloppés à notre réveil, elle semblait reprendre un port de tête et des allures de la noblesse. Le genre de choses qui ne trompe pas. Aussi, dès qu’elle se trouva droite sur ses jambes couvertes d’une robe aux dentelles travaillées, je lâchai sa main avec prudence. Toutefois, lorsqu’elle se présenta d’un ton à la fois supérieur et léger comme étant la Duchesse de Rippon, je ne pus que faire un pas en arrière et m’incliner, les yeux rivés au sol et les joues rougissant de ma maladresse. Ce n’était pas n’importe quel nobliau !

« Pardonnez-moi, Duchesse. »

Puis la Dame aux charmes certains exigea des explications. Je relevai les yeux, éberlué. Comment pourrais-je en savoir plus qu’elle ? N’étaient-ce pas à ces personnages ducal et baron de connaître les réponses aux intrigues du Château ? Moi qui espérais silencieusement en apprendre davantage, je n’allais pas être servi abondamment. Je cherchais une nouvelle excuse, aussi plate que la première, à offrir à la Duchesse Lunabille, lorsque sa voix s’éleva de nouveau. Le regard dédaigneux et méfiant qu’elle me jeta me mit mal à l’aise. J’avais plus l’habitude d’être admiré que méprisé.

Et quand elle se mit à parler de rançon, je ne retins pas mon étonnement. Je me sentis outragé d’être considéré comme un malfrat. Par El ! Heureusement, la forte voix de Courage se fit entendre derrière moi. J’abandonnai la Duchesse à ses préjugés sur mon compte et pivotai dans la direction du Baron de Forbaie. J’inclinai légèrement la tête pour le saluer et gardai le silence. L’homme venait d’émerger et allait avoir besoin de temps, sans nul doute, pour comprendre où il se trouvait. Après avoir posé quelques questions que je laissai sans réponses, je vis son regard s’éclairer alors qu’il découvrait l’immense pièce. Suite à son observation rapide des lieux, œil militaire habitué à la prise de connaissances rapide, Sire Courage me posa d’autres questions auxquelles ne je pourrais répondre. Pourquoi pensaient-ils tous que j’étais celui qui détenait les réponses ?

« Je ne sais, Monseigneur. Ces gardes semblent figés par le froid, sans qu’aucune chaleur ne s’échappe d’eux. »

J’eus l’impression qu’il écouta à peine ma réponse, soudainement illuminé par la Duchesse de Rippon. Je ne m’autorisai pas à lâcher un soupir devant toutes ces galanteries. Voilà pourquoi j’étais un homme d’armes. Je voulais quitter cette salle au plus vite et retrouver mes Barons d’Ostrefer, pour accomplir mon devoir. J'estimais que la situation, de par son étrangeté et les multiples questions qu'elle soulevait, autorisait qu'on se passât de ces belles paroles. Je me détournai des deux nobles pour observer, plissant les yeux, le trône de bois sombre qui se tenait au bout de la pièce. Je fis quelques pas en avant, visiblement fasciné. Le siège ne semblait pas vide. Je ne pouvais percevoir cette silhouette que du coin de l’œil, aussi, je décidai de m’approcher, laissant Courage et Chiara se faire des politesses à l’infini.

Le jeune homme parut offensé qu'elle ait songé à un traquenard de sa part - de leur part. A mieux y regarder, il paraissait bien délicat pour un malfrat. Ou alors il était d'une espèce nouvelle et qui lui était encore inconnue. Haussant légèrement une épaule, elle ajusta le cercle d'argent martelé qui lui ceignait le front et épousseta sa robe pour se donner une contenance. C'est alors qu'approcha le deuxième homme, celui qui n'avait qu'une main. A mieux le regarder lui aussi, elle révisa son jugement. Il était richement vêtu et avait des manières irréprochables de toute évidence. L'énoncé de son nom la fit s'empourprer de colère toutefois alors qu'elle lui retirait sa main un peu sèchement.

- Qu'est-ce que c'est que cette mascarade ? Me prenez-vous pour une sotte ?

Relevant le menton dans son attitude la plus ducale possible, elle toisa le malheureux avec un mépris manifeste.

- Vous avez bien mal choisi à qui débiter vos fadaises, jeune insolent. Je suis fort bien placée pour savoir qu'il n'y a pas de baronnie à Forbaie étant donné que je suis la Duchesse de Rippon.

Se détournant du pauvre baratineur qui était bien mal tombé, elle ramassa ses jupes et s'avança d'un pas décidé vers le trône où elle avait aperçu la royale silhouette.

- Puisque nous nous trouvons là, autant en finir immédiatement avec cette comédie ridicule. Sa Majesté Vainqueur va nous expliquer de quoi il retourne et pourquoi je me trouve enfermée avec une paire d'imposteurs au lieu de profiter des festivités avec les miens.

Invité

Courage Hardod, Héritier du Duché de Rippon, Baron de Forbaie & Capitaine de la Marine Royale

* * * * *

Pour toute réponse à la question posée par Courage juste avant, le Chevalier de l’If répondit qu’il ne savait pas mais nota qu’ils étaient figés par le froid et ne dégageaient pas de chaleur !

*Etrange*

Mais il ne put venir à la question vu qu’il avait remarqué la charmante demoiselle se trouvant avec eux. Quand il énonça ses noms et titres, elle retira sa main subitement, ce qui eut pour effet de la part du Capitaine de la Marine de lever directement les yeux vers la jeune noble en se demandant ce qu’il se passait.

« Qu’est-ce que… Pardon ? Quelle mascarade ? »

Loin de lui l’idée de prendre n’importe quelle noble pour un sot ! Courage était respectueux et ce trait de sa personnalité en faisait quelqu’un d’apprécier de la plupart. Voyant le regard de mépris de la jeune demoiselle, Courage s’empourpra ! Il avait beau avoir des manières exquises mais par moment, il avait le caractère emporté de son père !

« Vous avez bien mal choisi à qui débiter vos fadaises, jeune insolent. Je suis fort bien placée pour savoir qu'il n'y a pas de baronnie à Forbaie étant donné que je suis la Duchesse de Rippon. »

A l’entendre l’appeler jeune insolent, le Baron crut s’étrangler de stupeur. Quelle ne fut pas sa surprise en entendant la fin de sa phrase. Là, s’en était trop ! La moutarde lui monta au nez comme l’on dira dans quelques siècles ! Le noble entra dans une rage folle, chose qui ne lui était que rarement arrivé :

« C’est qui qui se moque de qui ici !!! Oser me traiter de menteur ! Personne n’oserait le faire au sein des Six-Duchés !!! JE suis le Baron de Forbaie et l’héritier du Duc de Rippon ! »

Tentant de se calmer pour ne pas étriper cette jeune femme sur place, il s’interrompit le temps de reprendre quelques respirations pour se calmer ! Son regard était colère et ses mains tremblaient par l’énervement. Il toisa la jeune femme comme si ce n’était qu’une fille de joie et lui dit d’un ton légèrement plus calme qu’auparavant :

« Vous prétendez être la Duchesse de Rippon, vous ? Je peux vous dire que vous ne ressemblez en rien à ma mère ! De plus, elle a un minimum de savoir vivre et sait s'habiller. Cela ne semble pas être votre cas ! On dirait une catin de luxe ! »

Le rang, les manières, le fait qu’elle soit très agréable à regarder, plus rien ne comptait ! Dans ces moments là, il n’y avait bien que le Roi qui pouvait se faire respecter ! En parlant de roi… Elle aperçut la silhouette sur le trône et leur dit qu’il n’y avait que lui pour mettre bon ordre dans cette histoire de fou. Alors que Courage s’avança avec elle en direction du trône, il s’arrêta immédiatement à l’entente du nom que la jeune Duchesse prononça. Il l’arrêta de son bras valide et lui demanda :

« Vous avez bien dit Vainqueur Loinvoyant ? Vous divaguez très chère ! Le Roi actuel s’appelle Juste Loinvoyant ! Vainqueur est mort il y a de cela plusieurs siècles ! »

L’incompréhension totale se lisait sur les traits du noble. Il ne comprenait pas ce que lui disait cette jeune femme. Etait-elle folle ? Faisait-elle partie de ces gens qui échappaient totalement à la réalité en se faisant passer pour des rois ou des reines ?

Invité

Clément de l'If ~ Chevalier d'Ostrefer, Haurfond

Je sursautai en entendant le ton monter entre les deux personnages de haut rang. Ce n'étaient plus des politesses qui s'échangeaient dans mon dos, la discussion avait des allures d'escarmouche. J'arrêtai donc ma marche en direction du trône pour me retourner et contempler, l'oeil ouvert de surprise, les nobles se quereller. La Duchesse nous accusait encore de la détenir contre son gré; le Baron vexé n'avait plus aucune retenue dans ses propos. Je m'amusais presque de voir ces deux visages s'empourprer au fur et à mesure que les paroles s'échappaient de leurs bouches. Cependant, la tournure des événements me fit retrouver mon sérieux bien rapidement. C'est lorsque Courage insulta Chiara de "catin de luxe" que je sentis qu'il faudrait certainement calmer le jeu.

Je ne connaissais que de réputation le capitaine de la marie royale, et j'en avais toujours eu des échos lui faisant une réputation d'homme vaillant au combat et délicat avec les femmes -car il est bien connu que Courage en était friand, des femmes-. Je fus bien surpris de le voir s'exclamer de cette manière et pousser l'insulte suprême. Que de provocation ! Je devais admettre que la Duchesse Lunabille l'avait cherché. Mais une dame de sa condition, ne devait-elle pas être défendue par un chevalier lorsque son nom est sali ? J'allais m'avancer vers eux pour tenter de calmer le jeu sans défier le Baron de Forbaie par mon intervention lorsqu'ils se lançèrent d'autres piques au sujet du Roi. Brillante décision ! Notre Seigneur allait stopper la querelle !

Je fronçai les sourcils en entendant la Duchesse Lunabille évoquer le Seigneur Vainqueur Loinvoyant. N'importe quel brave paysan, illétré et ne parlant qu'un obscur patois, connaissait le nom de notre Roi. Comment cette femme pouvait-elle affirmer que Juste Loinvoyant n'était pas le Seigneur sur le trône actuellement avec autant de certitude et de légéreté. Sonné par les dernières phrases de la Dame de Rippon, je fus convaincu de ce qu'affirmait à haute voix Courage : Cette femme divaguait. Il n'y avait pas d'autre explication. Cherchant à faire avancer la situation, je pressai les deux nobles :

" Hé bien, allons vérifier qui de Vainqueur ou de Juste siège sur ce trône en bon Souverain. "

Au fond de moi, je savais que nous allions retrouver Juste sur son siège de bois. Je voulais que la Duchesse se trouve devant l'évidence. Vainqueur était mort. Elle était folle. Et chacun de retourner à ce qu'il avait entrepris en cette froide nuit d'hiver.

Mais les choses ne se produisent pas toujours comme on l'entend...

Le crétin s’était mis à hurler, débitant insanités et sottises comme si sa vie en dépendait. Chiara crut s’étouffer de rage en s’entendant traiter de catin, puis un grand calme l’envahit alors qu’elle se redressait de toute sa – petite – hauteur. Jamais elle n’avait tremblé ou faibli devant plus grand qu’elle, surtout une masse hurlante et désordonnée telle que ce jeune impudent. Même les esclavagistes chalcédiens n’avaient pas su lui faire baisser les yeux. Toisant le jeune homme avec dédain, un pli méprisant étirant le coin de ses lèvres, elle lui asséna de son ton le plus glaçant de duchesse la vérité qui ne manquerait pas de le remettre à sa place.

- Vous êtes complètement à côté de vos chausses, mon pauvre garçon. Et personne ne s’adresse sur ce ton à la Duchesse de Rippon, permettez-moi de vous le dire.

Arquant un sourcil dédaigneux, elle poursuivit avec un demi-sourire plein de morgue et de sarcasme.

- Par ailleurs, la prochaine fois que vous tenterez de forger une escroquerie de cette ampleur, veillez à mieux vous renseigner. Notre contrée se nomme les Quatre-Duchés et je souhaite à votre pauvre mère de reposer en paix plutôt que de voir quel déplaisant et sot personnage vous êtes devenu.

Baissant brièvement les yeux sur la main qui retenait son bras, elle tressaillit cependant à la mention de son roi. Cet homme devait être fou à lier et elle commençait à craindre pour sa vie. Eda seule savait de quoi étaient capables les hommes qui avaient perdu tout sens des réalités. S’était-il inventé un monde dans lequel il serait baron pour échapper à sa condition de mécréant ?

- Il n’y a pas et il n’y a jamais eu de roi Juste. Vainqueur Loinvoyant a succédé à son père Prospère, lui-même héritier de Sagesse. Vous divaguez, jeune homme.

Elle s’était radoucie bien que restant froide. Ces gens-là étaient si imprévisibles, peut-être valait-il mieux ne pas le provoquer davantage compte tenu de son embrasement à la simple mention de son rang. Il l’avait tout de même traitée de catin, cet ahuri ! N’importe quel gueux savait qu’on ne parlait pas ainsi à une duchesse impunément. Ce caractère emporté, elle devait toutefois le reconnaître, ressemblait fort au sien – même si elle se dominait sévèrement pour ne jamais hurler comme une fille de cuisine – ou même à celui de Raki. Le Duc savait se maîtriser, tout comme elle, mais elle connaissait ses rages froides et ses emportements brûlants, en ayant été jusque là seule témoin. Tout ceci ne résolvait cependant rien. Ils devaient parler au roi. Ce que suggéra justement l'autre imposteur même pas capable de se fonder sur un duché existant pour évoquer son titre.

- Allons voir ce trône, approuva-t-elle à la suite de ce dernier. Nous serons fixés sur lequel de nous deux a bu trop de vin chaud, ne put-elle s’empêcher de conclure, un peu sournoisement.

Maître Vérichanteur Messages : 1042 Date d'inscription : 18/10/2010

Sur le trône est assis une silhouette fantomatique d'homme sans âge et sans réel visage. Ce n'est qu'une ombre aux contours délicats d'un Roi arborant sa couronne, qui siège devant son armée figée.

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Courage Hardod, Héritier du Duché de Rippon, Baron de Forbaie & Capitaine de la Marine Royale

* * * * *

Quelle emportée assourdissante pour le Baron lui si coutumier d’être le gendre idéal pour toutes les mères cherchant un bon parti à leur progéniture féminine. James aurait été là, il aurait stoppé son suzerain bien avant qu’il ne commette l’irréparable. D’ailleurs c’est vrai, il était où lui ? Profitant du temps de calme qu’il y avait entre son intervention et celle à venir de la Duchesse, il se permit de regarder rapidement autour de lui pour voir si son Conseiller était présent. De visu, aucune trace !

La réaction de la donzelle se fit moins bruyante que la sienne. Apparemment, elle maîtrisait mieux ses émotions que lui. Tant mieux ! Le pauvre Clément n’aurait pas à sursauter une deuxième fois. Le visage de la jeune noble indiquait qu’elle méprisait au plus haut point la personne qu’était Courage. Ce regard, il ne l’avait vu que chez quelques personnes que sa famille exécrait au plus haut point. Cette attitude également.

A nouveau elle lui dit être la Duchesse de Rippon ! Ce qui vint après, le retourna au plus haut point. Ne voulant pas montrer à quel point son intervention lui semblait farfelue, il fit un énorme travail sur lui-même.

*Les Quatre-Duchés ? Elle a trop bu ou quoi ?*

La suite déplut au plus haut point au noble de Forbaie. Dire de lui que c’était un sot personnage et qu’il était préférable que sa mère meurt plutôt que de voir ça. Ses traits se crispèrent mais se fut la seule réaction visible de sa colère. Elle parlait d’une voix glaciale mais non moins méprisante. Lançant ses couteaux pour tenter de faire mal comme elle avait pu souffrir de la remarque déplaisante qu’il lui avait faite.

Feu, il fallait qu’il réplique ! De son ton le plus calme mais légèrement menaçant, il dit :

« Non mais regardez-vous… Vous qui vous croyez si importante. Votre attitude ne vous rend pas service… Vous dites que je divague ? Nous sommes deux dans cette salle à penser la même chose ! Qui divague dans ce cas ? Votre attitude hautaine me donne envie de vomir. Vous êtes aussi méprisable que les Chalcédiens ! A croire que vous en êtes une vous-même ! »

Ca, il ne pouvait pas le savoir… Il avait lâché cette phrase car tout en elle lui faisait penser à ce peuple exécrable ! Continuant dans son délire, qui restait logique pour elle, elle continua de dire que Vainqueur était le Roi, qu’elle n’avait jamais entendu parler de Juste et parla du père et du grand-père des aïeux de la lignée Loinvoyant. Son ton était froid mais plus doux. Avait-elle peur ?

*Au moins, elle connait très bien la lignée…*

Il enleva sa main du bras de la jeune dame. Elle s’était arrêtée, il ne fallait pas continuer à la retenir. Ca ne servait à rien. Il ne lèverait jamais la main sur elle. Ce comportement était bon pour les porcs habitant au-delà d’Haurfond ! Clément, chevalier protecteur de sa cousine, parla d’aller voir le trône pour que tous se rendent compte qui s’y trouvait dessus. L’idée sembla satisfaire la jeune dame. Le Capitaine de la Marine Royale n’ayant aucune contestation à faire, il emboîta le pas aux deux personnes le précédant.

Cela lui permit de réfléchir à ce que venait de dire la jeune femme sur les Quatre-Duchés, la lignée Loinvoyant. Courage regarda une nouvelle fois la salle et les soldats plus loin qui ne semblaient rien remarquer. Cette Salle du Trône était légèrement différente de celle qu’il connaissait. Etrange ! Il était loin de se douter qu’une magie étrange avait fait son œuvre pour l’envoyer lui ainsi que Clément quatre à cinq siècle en arrière.

Arrivé près du trône, quelle ne fut pas leur surprise en voyant que c’était un fantôme qui se trouvait sur le siège royal et non un être fait de sang et de chair. Aucun visage donc impossible de le reconnaître. Les seules indices faisant penser que c’était bien un roi, c’était sa couronne.

*Qu’est-ce que c’est que cette entourloupe ?*

Il s’avança devant ses compères pour tenter de toucher le personnage mais rien, il passait au travers. Se retournant vers les deux autres, il leur demanda :

« Vous voyez la même chose que moi ? »

Que se passait-il donc dans cette salle ? Y avait-il quelqu'un qui se souciait de leur sort ?

Invité

Clément de l'If ~ Chevalier d'Ostrefer, Haurfond

La Duchesse au caractère bien trempé appuya mon insistante proposition à se rapprocher du trône. Je marchais devant eux, mes bottes claquant sur le carrelage congelé. C'est en entendant le bruit de mes pas remonter jusqu'aux voûtes du plafond que je pris conscience du silence qui régnait ici. A part quelques courants d'air qui nous refroidissaient le cou, depuis que les deux seigneurs s'étaient tus, aucun son ne s'élevait. Un silence de mort. Un frisson remonta le long de mon échine et un sentiment de mal-être se propagea en moi. Je n'étais pas du tout à l'aise dans cette salle du trône. Comme si un élément n'était pas à sa place. A vrai dire, je préférais la chaleur des chamailleries des nobliaux !

A mesure que j'avançais vers le siège de bois, je laissais mon regard errer sur les soldats qui nous entouraient. Ils étaient de la plus parfaite immobilité. Pas même un tremblement ne les agitait. J'aurais bien approché l'un d'eux pour mieux les observer, cependant le temps pressait et je préférais voir notre Souverain. D'ailleurs, nous étions maintenant tout proches du trône et je pouvais voir clairement ce que mes yeux ne parvenaient pas à distinguer plus tôt. Par El ! C'était impossible !

J'ouvris de grands yeux et mes lèvres s'écartèrent de surprise. Ma respiration s'en interrompit ! Par quel enchantement pouvait-on créer cela ? Car il s'agissait forcément d'une création. Sans doute un tour d'une sorcière des haies pour les festivités ? Non... Rien de rationnel ne pouvait expliquer ce que je voyais. Car, bien que je gardâs le silence, je sentis la stupeur s'échapper de mes deux comparses.

Ce qui se trouvait devant nous n'avait pas de nom. Cette chose n'avait pas de visage distinct. Comme une ombre, elle n'avait pas de substance et seule la couronne que nous pouvions percevoir nous indiquait qu'il s'agissait d'un roi quelconque. Lorsque Courage, arborant son noble nom, s'avança pour tâter la chose, il ne la percuta pas. Il la traversa. Aussi simplement qu'une main coupe l'air. Il ne rencontra aucune matière. Pas de chair ni d'os. Que du vent. Stupéfait, il se retourna vers nous pour s'assurer que nous voyions bien les mêmes faits que lui.

Instinctivement, je dégainai mon épée, qui pendait toujours à mon côté. Cette situation ne me rassurait pas. Et aucun raisonnement ne parvenait à expliquer la présence de ce spectre.

" De quel sortilège sommes-nous les victimes ? Quelle engeance nous veut du mal ? Qu'ils se montrent ces scélérats, nous combattrons ! "

Pour me donner un sentiment de sécurité, je scrutai tout autour de nous les profondeurs de la grande salle. Personne d'autre que nous. Nous et ces soldats figés. Et ce roi maudit. Toutes ces choses peu naturelles me donnaient la chair de poule. J'avais l'habitude de combattre des pirates, des malfrats, des voleurs et d'autres chevaliers. Déjà la forgisation me faisait froid dans le dos parce que rien ne se rationnalisait. Mais là, cette situation dépassait l'entendement. Quitte à mourir, je me battrai jusqu'à la mort. Fièrement et noblement. A moins que nous ne soyions déjà morts ?

" Est-ce la mort qui nous a cueilli dans ses bras ? Serait-ce son royaume ? "

La lame de mon épée s'abaissa et frotta le sol dur et froid. Dépité de ne trouver aucun ennemi à affronter, je me sentis soudainement démuni. J'espérais que les nobles allaient avoir une explication. Ou un acte à accomplir.

De sa vie, on n'avait parlé ainsi à Chiara. Ou plutôt, de ce qu'elle prenait en compte comme sa vie, soit depuis ses treize ans environ. La dernière volée vint alors, plus douloureuse encore que toutes les précédentes. Il l'aurait giflée qu'elle n'en eut pas été plus choquée. La traiter de Chalcédienne ne manquait pas de sel, elle devait le reconnaître en son for intérieur, mais c'était sans doute également le pire outrage que l'on pouvait lui faire. Elle avait élevé la noblesse au rang d'art de vivre, personne ne portait la couronne ducale comme elle et ce petit impudent se permettait de la rabaisser au niveau de ces rustres esclavagistes ? C'était une infamie. Au point qu'elle en pâlit dangereusement. Personne au monde n'avait encore réussi à la faire approcher si près de l'explosion de fureur.

Hors d'elle, elle s'immobilisa et ferma les yeux pour tenter de contenir la rage folle qui menaçait de la faire hurler, trépigner et sans doute même frapper l'insolent petit bâtard estropié qui prétendait lui donner des leçons. La tête se mit à lui tourner et elle se rendit compte que, sous l'effet du choc, elle avait cessé de respirer. Déjà comprimée dans un corset fort étroitement lacé pour l'occasion, elle avait eu le souffle coupé par les répliques cinglantes du sale type et cela n'arrangeait rien à présent qu'elle tentait de dominer sa colère. Extrayant un délicat mouchoir de dentelle brodé au chiffre de Rippon de sa manche, elle le plaqua sur ses lèvres en s'efforçant de respirer aussi calmement que son état le lui permettait.

Le rustre se prétendait héritier de Rippon et ne savait reconnaître la Duchesse quand il la voyait. Rien que pour cela, elle eut aimé lui rabattre son caquet à grand coups de cravache. Il ne voyait pas les saphirs Lunabille ni la couronne ducale forgée pour elle, cela ne faisait qu'ajouter à la certitude qu'il ne connaissait pas le duché ni sa famille régnante. Quant au fait qu'ils soient deux à être fous, cela n'en rendait pas leur folie plus réelle. Ne voyaient-ils pas le présent ? La réalité ? Les faits ? Les pensées entêtantes tournaient et retournaient dans son esprit, achevant de la bouleverser, mais aussi de la pétrifier tandis qu'elle essayait de rester froide. Une à une, elle repoussa ces idées malsaines, la peur qui lui nouait les entrailles et la folie qui guettait jusqu'au moment où elle put rouvrir les yeux. Peu à peu, la violence refluait en elle, mais elle en tremblait encore.

Les deux fous avancèrent finalement vers le trône et elle se mit en marche, raide et empruntée, encore concentrée sur l'attitude qu'elle adoptait pour ne pas exploser face au grossier personnage. L'ignorance est le plus grand des mépris, se répétait-elle inlassablement dans sa tête. Ce malotru ne méritait rien d'autre de sa part, surtout pas de la voir sortir de ses gonds. Elle était duchesse, que diable !

Elle avait eu à peine le temps de se reprendre qu'ils étaient devant le trône. Au lieu de disparaître, son trouble s'accrût alors. En lieu et place de l'habituel et arrogant Vainqueur Loinvoyant se tenait une sorte de fantôme inconsistant dont elle ne reconnaissait même pas la silhouette. Voilà un tour fâcheux dont elle était bien incapable, elle-même. D'autant qu'il y avait bien longtemps qu'elle dissimulait son art aux yeux du monde. Seul Raki connaissait ses aptitudes particulières. Lui seul savait qu'elle avait fait des amulettes de certains bijoux de la famille Lunabille.

Restée silencieuse jusque là, elle affichait à présent une mine des plus incrédules en regardant la main de Courage passer et repasser à travers la silhouette inconsistante qui trônait sur l'estrade. Par tous les démons de Chalcèdes ! Ils devaient avoir été tous maudits ! Une sorcière sans doute, leur avait jeté un sort. Une sorcière bien plus puissante qu'elle et qui avait eu vent de ses innombrables péchés, qui désirait la punir, lui faire payer ses fautes. Ou bien étaient-ce les deux autres illuminés qui étaient visés ? Après tout, personne ne savait qui elle était. Elle était sans doute l'innocente victime d'un complot destiné à punir ces deux malfrats à la langue trop bien pendue. Reculant d'un pas, livide et la main plaquée sur son cœur, elle avait laissé échapper le délicat mouchoir de dentelle.

- Par El, Eda et tous les démons de Chalcèdes, murmura-t-elle, soudain plus désemparée que jamais.

Elle n'était même pas armée, ses aiguilles étant restées dissimulées dans ses affaires dans les appartements qui leur étaient réservés. Comment aurait-elle pu se douter que cette soirée tournerait ainsi au désastre ? Et où était Raki à présent qu'elle avait besoin de lui ? Chancelante, elle dut à nouveau faire un immense effort pour ne pas céder à la panique. Elle était plus forte que cela, elle savait se dominer. Carrant les épaules, elle redressa le menton et tourna les talons pour se diriger vers le garde figé le plus proche à qui elle entendait bien emprunter son épée. Même si elle ne serait guère habile avec une arme aussi lourde, elle pourrait au moins se défendre un tant soit peu.

- Nul doute que nous nous souviendrions être morts aussi brutalement. En tout cas, pour ma part, je n'étais pas proche de la potence avant de vous rencontrer tous deux, j'en étais même fort éloignée...

Ne leur avait-elle pas dit et répété qu'elle était la Duchesse de Rippon ? Cela seul eut du suffire à leur édification. Tournant sur elle-même, l'épée du garde tenue à deux mains mais traînant cependant au sol quand elle ne pouvait plus la soulever, elle avait repris force et courage, tout comme sa prestance ducale. Elle n'était pas de celles qui se pâment et attendent que le destin les achèvent.

- Une magie puissante est sans nul doute à l'oeuvre, murmura-t-elle pour elle-même plus que pour les autres.

L'épée qu'elle tenait ne servirait absolument à rien contre la magie, mais au moins avait-elle l'impression de faire quelque chose pendant qu'elle se creusait la cervelle à la recherche d'incantations oubliées pour la protection des âmes perdues.

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Courage Hardod, Héritier du Duché de Rippon, Baron de Forbaie & Capitaine de la Marine Royale

* * * * *

Les Chevaliers… Courageux comme personne devant un danger palpable mais ajoutez-y un élément un tant soi peu qui sorte de l’ordinaire et qui touche au divin et là, ils ne savent que faire ni que dire. Sir Clément de l’If était prêt à se battre et le Baron savait qu’il pouvait se sentir en sécurité avec lui. Il était Chevalier d’Haurfond et Courage savait que son cousin, le Duc Téméraire d’Haurfond, n’était pas homme à prendre à la légère l’élévation au titre de chevalier au sein de son domaine. Cet homme se trouvant avec les deux nobliaux, s’étant chamaillés, était un homme qui avait prouvé sa valeur… Comment ? Le Capitaine de la Marine Royale ne le savait pas mais il était rassuré intérieurement de compter un homme de valeur à ses côtés.

Ainsi donc, Clément se proposa de sortir son épée et de lancer un défi à l’ennemi se moquant de nous. L’homme était prêt à faire couler le sang alors que l’on était seulement au début du processus amenant à la compréhension de la situation. Certes, traverser un corps de sa main n’était pas chose courante. Certes il y avait de quoi avoir peur. Pour une personne disposant des capacités du Baron de Forbaie en magie, il fallait beaucoup plus rationaliser les données.

La Duchesse quant à elle avait été également frappée de stupeur en voyant que la main du petit insolent qui l’avait si furieusement bousculé en paroles passait à travers le fantôme. Son mouchoir précédemment pris pour tenter de calmer sa colère à venir se retrouvait maintenant à cacher la poussière d’une demie dalle de la Salle du Trône. La main plaquée sur le cœur, elle en avait appelé aux dieux et aux démons. Réaction toute logique devant un phénomène inexplicable. Courage faisait le tour de ce trône et regarda par la fenêtre se situant derrière. Il n’y avait rien d’anormal, juste la mer à perte de vue et les rochers se dressant comme des pics et invitant tout imprudent à tenter l’ascension vers une mort certaine. Tandis qu’il revenait vers le trône et que la Duchesse revenait après avoir emprunté une lame aux soldats figés, Clément sembla au bout de sa réflexion personnelle… La mort !

Le Chevalier d’Ostrefer pensait que les trois personnes ici présente étaient décédées… Comment ? Quand et par quels artifices ? Point de lame n’était venue toucher notre peau. Point de poison pénétrer notre corps… Comme l’héritier de Rippon le pressentit, Clément abaissa son arme qui fit un léger poc sur les dalles froides de cette salle immense. N’ayant nulle explication rationnelle à fournir, son courage s’étiolait petit à petit. Chiara non plus ne pensait pas qu’ils étaient morts. Tentant de porter son arme comme elle le pouvait, la Duchesse Lunabille semblait avoir retrouvé toute sa détermination et son courage malgré le poids un peu trop important de son arme.

Le noble de Rippon n’entendit pas que la jeune noble avait parlé de magie mais il y arriva de lui-même par ses propres pensées. Pour avoir fait plusieurs rêves d’Art notamment quand il avait rencontré Orage Fortevoix, il reconnaissait certaine similitude comme la non explication du pourquoi les gardes étaient figés. Le corps sans visage et surtout ce froid qui rentrait jusqu’à l’intérieur même de nos os. Était-ce un rêve d’Art ?

« Je suis d’accord avec elle. Nous ne sommes pas morts Sir de l’If ! Nous sommes peut-être dans un rêve d’Art. Pour cela, il faut que je m’assure de quelque chose. »

S’avançant vers la première colonne la plus proche, il dit d’une voix assez forte pour se faire entendre :

« Je vais m’installer là et utiliser l’Art ! Pendant que je tenterai de rentrer en contact avec cette chose, mon corps sera sans défense. Ainsi, Sir de l’If, je compte sur vous pour me protéger ! S’il devait m’arriver quelque chose alors que j’utilise ma magie, je ne pourrai jamais réintégrer mon corps. »

La mission était d’importance et voilà pourquoi en général on pratiquait l’Art dans un endroit sécurisé ou du moins à l’abris des regards indiscrets. Arrivé près de la colonne, il dégrafa sa cape pour la mettre au sol afin de ne pas se faire mal aux fesses. Là, le prix payé pour défendre les côtes des Six-Duchés était flagrant. Les deux autres personnes embarquées dans le même bateau que lui purent voir son avant-bras gauche réduit d’une quinzaine voire une vingtaine de centimètres. Son moignon était donc clairement visible. S’asseyant, il bougea son dos de gauche à droite pour trouver la position la plus confortable. Une fois cela fait, il ferma les yeux pour faire le vide en lui et posa son moignon et sa main valide sur son ventre.

Percevant le flux de l’Art, Courage y pénétra doucement. C’était comme s’il s’était approché d’un cours d’eau et qu’il décidait de se baigner. Il fallait bien faire attention à ne pas s’éloigner de son objectif sinon l’on se perdait pour toujours dans cette magie tout comme l’enfant emporté par le courant d’une rivière. Il percevait les pensées de Clément ainsi que celles de Chiara. La tentation était forte d’aller farfouiller dans l’esprit de la jeune noble afin de vérifier si oui ou non elle n’était pas folle. S’il avait eu moins de scrupules, c’est ce qu’aurait fait le Baron sans une once de pitié. Il n’était pas comme ça et plus important, il fallait voir si c’était un rêve ou la réalité. Pouvait-on entrer en contact avec ce fantôme ?

Approchant sa conscience de la volute de fumée comme un garçon sur une barque s’approchant de la berge d’en face, il en fit le tour avec son esprit pour voir par où il pouvait tenter d’entrer en communication et s’il y avait des défenses de dressées. N’étant jamais assez prudent, Courage érigea ses propres défenses au cas où il se ferait attaquer. L’examen une fois réalisé, il se lança :

« Bonjour, je suis Courage Hardod et vous qui êtes-vous ? »

Il lança sa phrase au gré du courant mais avait limité ce courant pour qu’il n’y ait que cette forme vaporeuse pour l’entendre. Telles étaient les facultés de l’Art ! Ainsi, même si Clément et Chiara étaient dotés de l’Art et connecté au flux, ils n’auraient pu entendre sa phrase. Cette forme allait-elle répondre, attaquer ou ne pas réagir ? Il n’allait pas attendre pour le savoir, les puissantes défenses de Courage s’érigèrent tandis qu’il attendait le moindre signe pour s’y réfugier.

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Clément de l'If ~ Chevalier d'Ostrefer, Haurfond

Mon regard vide descendit depuis le visage spectral jusqu'au sol glacé et poussiéreux. Quel la mort m'accueille, je savais que cela arriverait un jour. Mais que je ne sache ni comment ni pourquoi m'était impensable ! Qui chanterait mes actes de bravoure et les circonstances héroïques de mon décès ? Et plus encore, je me voyais dépité de ne pas pouvoir continuer à défendre mon duché. Dans ces tristes constatations, je ne vis même pas la Duchesse de Rippon s'emparer de l'arme de l'un des gardes. Sa bravoure m'aurait certainement impressionné si je n'avais pas été persuadé que tout était vain en cet instant. Ce fut le râclement de la lame sur le sol, désagréable et strident, qui me fit dresser les cheveux sur la tête et sortir de ma torpeur. Surpris, j'observai alors la Duchesse brandir son arme et affirmer que la mort ne pouvait nous avoir vaincus. Inconsciemment, je redressai ma lame, probablement par un petit orgueil de chevalier, ne voulant pas me montrer plus abattu qu'une femme de société.

Pour la première fois depuis notre arrivée dans la salle du trône, Le Baron de Forbaie s'accorda avec la Duchesse de Rippon. Cela me surprit d'autant plus qu'il l'affirma haut et fort. Son ton sûr de ce qu'il me disait me rassura quelques peu. L'explication logique qu'il me servit ensuite acheva de me redonner courage. Un rêve d'art disait-il. C'était probable. Je n'avais pas lu énormément de choses à ce sujet, et bien souvent les quelques manuscrits que j'avais trouvés dans la bibliothèque du Baron Studieux d'Ostrefer, mon suzerain, m'avaient semblé si obscurs que j'avais dû renoncer à leur lecture. L'Art m'était ainsi resté aussi mystérieux et fermé que le trésor renfermé de l'huître.

Je regardai Courage Hardod s'approcher de l'une des colonnes qui soutenait la très haute voûte de l'immense salle et poursuivre ses explications. Il comptait utiliser l'Art -et cela avait l'air tellement facile à l'entendre !- pour entrer en contact avec le roi spectral. En contre-partie, je devais me charger de la sécurité de son corps si le danger venait à se présenter. Je m'approchai de lui, restant toutefois assez éloigné pour ne pas perturber sa méditation, et brandit mon épée, scrutant les alentours.

" Au péril de ma vie, Sire Courage. "

Je hochai la tête pour lui signifier mon dévouement. De temps à autres, je jetais un regard au Baron, intrigué de le voir s'installer confortablement, fermer les yeux et rester là, immobile. Ses deux bras reposant sur son ventre. Il avait l'air terriblement paisible dans ce silence presque dévot. Je restais perplexe quant à ce qu'il pouvait se produire dans son esprit. Mes yeux restèrent quelques longues minutes sur son moignon et je repensai à la cuisse de volaille que je lui avais comparée à part moi pendant les festivités. Honteux, je me remis à observer si des changements s'opéraient dans la salle.

Voyant la Duchesse de Rippon toujours armée de sa lourde épée, cela me rappela mes débuts dans la chevalerie. Quand je n'étais encore qu'un maigre petit noble envoyé aux armes. Oh ! J'étais heureux de devenir Chevalier cependant j'étais parfaitement lucide quant aux difficultés que j'allais rencontrer ! Et ce soir, le Capitaine de la Marine Royale m'avait demandé de le défendre. Mais de cette Duchesse, je ne savais que dire ou faire. N'avait-elle pas aussi le fameux don de l'Art en sa possession ? Plus encore, quelle attitude adopter envers celle que j'avais pensé folle ? Après tout, si notre souverain n'était devenu qu'un fantôme sans traits ni contours, nous étions tous fous ici. Alors je regardais juste cette femme avec son épée trop lourde pour ses muscles fins, sans rien dire. Me rendant compte que je risquais de paraître déplacé, je détournai le regard pour fixer celui du roi spectral.

Bien que prodigieusement irritée que l'imposteur de Rippon parle d'elle à la troisième personne en sa présence, Chiara prit à nouveau sur elle. Ses manières étaient déplorables, c'en était affligeant, mais ce n'était pas le plus important. Plus maintenant.

Voilà que ce petit coq arrogant - et à une seule main ! - voulait artiser à présent. Comme si l'Art était la solution à tous les problèmes de ce monde. Par Eda, que c'était agaçant. Et l'autre menteur qui venait jouer les chevaliers servants à présent. Ils étaient véritablement bouleversants de stupidité !

Abandonnant les deux compères à leurs fourbes manigances et à leur comédie de bas quartier, elle revint vers les marches conduisant au trône et s'assit sur l'une d'elle, sur le tapis immaculé qui la couvrait. L'épée empruntée au garde pétrifié reposait à côté d'elle mais c'est d'un autre outil qu'elle voulait se servir à présent.

Glissant les mains dans une poche cachée de ses jupes, elle tâtonna jusque sous son jupon et finit par extraire un pochon de velours de l'emplacement secret aménagé dans tous ses vêtements. Ses cartes lui diraient la vérité. Elle battit le paquet avec soin, caressant les lames avec une tendresse visible, puis abattit son premier tirage : la Dame d'Argent, la Lune solitaire et l'Envol. Pas de danger immédiat mais les réponses n'étaient pas claires, comme si les cartes ne savaient pas quoi de quoi il retournait. Un second tirage éclaircirait peut-être les choses.

- De quel duché m'avez-vous dit venir ? Interrogea-t-elle le chevalier servant tout en se remettant à battre les cartes.

Maître Vérichanteur Messages : 1042 Date d'inscription : 18/10/2010

Lorsque Courage essaye d'utiliser l'Art, il est immédiatement renvoyé à la réalité à moitié assommé, comme s'il s'était heurté à un véritable mur. Un mur de magie inébranlable, qu'il ne peut traverser. Aucun de ses assauts ne fonctionnera dessus.

En revanche, les cartes de Chiara semblent lui indiquer que la réponse à leurs questions se trouve parmi les soldats immobiles.

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Courage Hardod, Héritier du Duché de Rippon, Baron de Forbaie & Capitaine de la Marine Royale

* * * * *

Rien… Aucune réponse à sa question ! L’entité ne l’entendait pas ? Fallait-il réitérer son appel pour faire comprendre à cette fumée qu’il y avait quelqu’un pour lui parler ? Ne voulait-elle pas répondre ? Courage tenta sa chance à nouveau :

« Je m’appelle Courage Hardod et vous qui êtes-vous ? »

Son esprit était tendu car il avait peur que l’esprit se trouvant en face du sien ne prenne sa nouvelle tentative de communiquer pour une attaque. Il devait être prêt pour protéger ses pensées en cas d’agression. Mais rien, l’esprit semblait calme et inébranlable. Le Baron n’était pas du genre à faire le pied de grue en attendant que l’on remarque sa présence. Il se décida à affronter ce qui semblait être un mur de protection…

Lançant son esprit pour éprouver le bouclier, il ressentit un grand choc qui le repoussa en arrière. Il comprit directement qu’il n’y arriverait pas s’il ne réitérait pas son effort en y donnant un maximum de puissance. Calmant son esprit pour ne pas sa faire emporter par le courant d’Art, Courage se raccrocha à son bouclier le temps de bien regarder ce qui lui faisait face. Croyant voir quelque chose à exploiter, il lança son esprit avec beaucoup plus de puissances que la première fois mais rien ne se passait… Aucune fissure ! A croire que cet esprit était bien plus doué que lui pour utiliser la magie Loinvoyant. Par contre, il fut repoussé avec une telle violence qu’il avait l’impression de perdre le contrôle. Son esprit retomba dans le courant d’Art sans rien à quoi s’accrocher. Courage était un peu comme un enfant tombant dans l’eau et qui se faisait emporter par les flots tout en tentant de se raccrocher à n’importe quoi. Mais il n’y avait rien ! Il tentait de reprendre le contrôle de son esprit qui semblait ne rien vouloir entendre. Il n’y avait que le plaisir de l’Art et rien d’autre n’avait d’importance.

Le Baron était assez puissant pour un artiseur mais hésitait beaucoup à l’utiliser car il savait l’enivrante sensation de pouvoir que l’on ressentait à l’utiliser. On était libre ! Aussi libre qu’un capitaine sur son navire ! Personne pour vous dire que faire ou que dire. Qui ne se montrerait pas heureux à maîtriser ce don ? Une magie si puissante qu’elle pouvait réduire l’esprit d’un homme et lui donner l’intelligence d’un concombre. Il fallait une redoutable volonté pour ne pas se laisser aller à ses plus bas instincts. La recherche du pouvoir était un moteur pour nombres de personnes. L’héritier de Rippon avait les facultés nécessaires pour y arriver. Avec un peu de chance, en convainquant Eliée de s’associer à lui en échange d’un titre de noblesse majeur pour elle et sa descendance, il arriverait à s’en faire une alliée de poids et pourquoi pas une reine ?

Non ! Il ne fallait pas penser ainsi !!! Il fallait lutter contre les atouts pervers de cette magie. Elle ne servait pas à satisfaire des desseins personnels mais bien à aider le peuple ! Fragile, sa sœur, serait terriblement déçu de voir son frère mal agir. Tout d’un coup, il repris courage et avec toute la force de sa volonté, remonta le courant pour se raccrocher à un souvenir qui l’aiderait à en attraper un autre et ainsi de suite jusqu’à récupérer pleinement conscience de lui-même et réintégrer son corps ! Il avait l’impression que cela avait pris des heures voire des jours… mais non, il n’y avait eu qu’un instant !

Le noble revint à la réalité avec un mal de crâne abominable et la tête qui tournait. Il appuya sa main valide sur le sol pour ne pas tomber et de son moignon, se tenait la tête. Sa respiration se faisait rapide et son cœur s’emballait. Il tentait de reprendre son souffle mais avait l’impression d’être tombé sur le dos. Aucune brise pour venir lui chatouiller les poumons. Il devait se calmer, il devait se calmer !

Il voyait Clément mais pas Chiara. Là, tout de suite, ce n’était pas très important mais disons qu’il tentait de se rattraper à ce qui l’entourait pour tenter de calmer son corps et son esprit. Il avait trop forcé lors de son dernier assaut et il en payait le prix. Il ferma les yeux l’espace de quelques instants pour se retrouver dans le noir et pouvoir récupérer sa respiration. Il resta bien cinq minutes comme ça à entendre l’échange entre Clément et Chiara. Sentant qu’il pouvait à nouveau respirer normalement, il tenta de se lever doucement car la tête lui tournait toujours un petit peu. Il s’appuya à la colonne puis fit quelques pas qui furent chancelant au départ mais rattrapa un rythme régulier.

« Rien, je n’ai rien pu faire ! Ce fantôme est protégé par un bouclier comme je n’en avais jamais vu auparavant ! J’ai bien failli perdre mon esprit dans les flots de l’Art ! »

Rien qu’à y penser, il en tremblait de peur. Est-ce qu’Eliée saurait y faire quelque chose ? En cet instant, il regrettait la présence de Chiara et aurait espéré celle de la Maîtresse d’Art de la Cour ! Il ne savait pas trop ce que cette prétendue duchesse faisait. Autant lui demander :

« Est-ce que l’on peut savoir ce que vous êtes en train de faire Ma Dame ? »

Il s’était approché et à nouveau adossé à une colonne parce qu’il ne se sentait pas encore tout à fait maître de lui pour tenir sur ses jambes. Il avait puisé beaucoup dans son énergie et il allait ressentir une terrible migraine très bientôt ! Heureusement, il avait toujours sur lui un peu d’écorce elfique pour combattre les migraines d’Art. Espérons qu’il pourrait trouver de l’eau et la faire chauffer !

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Clément de l'If ~ Chevalier d'Ostrefer, Haurfond

De toute évidence, ce spectre n'esquisserait aucun mouvement. Assis sur son siège de bois, aucun souffle ni soubresaut ne venait témoigner de la vie qui aurait dû demeurer en lui. Je fronçais les sourcils. S'il ne respirait pas, de même que les soldats qui peuplaient la grand salle, il n'en était pas moins radicalement différent. Là où le fantôme n'était qu'une aura transperçable et sans visage, les soldats semblaient conserver une propriété solide et presque charnelle. Je ne m'étais pas approché d'assez près de l'un d'eux pour en attester, cependant ils s'approchaient bien plus de l'humanité que leur souverain. Des bruits de pas sur le carrelage dur et froid me ramenèrent à l'observation de la duchesse désormais assise sur l'une des marches menant au trône de bois.

Je la vis sortir une poche de velours de je ne sais où, dont elle retira un paquet de cartes. La dame de Rippon les mélangea dans un son sec et répété qui s'éleva le long des colonnes et sembla se multiplier, pour achever de se perdre dans les immenses arcades plafonnières. Intrigué, je la regardais positionner devant elle trois cartes. Je fronçai les sourcils, perplexe. Ce domaine-là m'était bien obscur et je n'en saisissais aucun méandre. Occupation de femmes, pratiques de divinatrices, que sais-je encore !

Je me détournai alors de mon observation curieuse pour m'avancer vers l'un des soldats figés. Je songeais que si le secret de notre venue ici se cachait dans l'un de ces hommes d'armes, nous perdrions probablement une semaine à les explorer tous ! Ils étaient d'un très grand nombre. Avec une certaine pointe d'ironie, j'allai même jusqu'à les imaginer s'éveiller pour prendre l'épée et nous défaire. Trois contre une armée. Deux et demi, en réalité, puisque la charmante Duchesse avait quelques difficultés à soulever sa lame, et les cartes ne heurtent pas aussi bien que l'acier.

Toujours l'épée en garde, je fis quelques pas pour m'approcher de l'un des soldats, lorsqu'une voix s'éleva dans la salle du trône comme gelée dans le temps. Seuls nous trois pouvions être comme les protagonistes enchantés prisonniers d'une peinture royale. La Duchesse Chiara avait parlé. Pivotant pour lui faire face alors que je lui répondrais, je m'éclaircis la voix avant de dire :

" Je viens du Duché d'Haurfond, ma Dame. De la Baronie d'Ostrefer pour être exact. Le Baron Hardod n'est autre que le cousin de l'épouse de mon suzerain. J'aurais préféré faire sa connaissance en d'autres faits d'armes. Probablement pour une situation moins... étrange. "

Ayant achevé ces mots, j'allais retourner explorer les soldats lorsqu'un bruit sourd se fit entendre. En réalité, il ne s'agissait que de la respiration de Courage qui s'était brutalement accélérée. Et cela m'avait semblé être un vacarme en comparaison du calme presque mortel qui siègeait en roi dans cette pièce. Je me tournai vers le Baron de Forbaie qui avait rouvert les yeux et se tenait la tête de son moignon. Piètre vision pour un noble que d'apparaître ainsi, mais pour un soldat c'était tout à son honneur. Courage Hardod demeurait le Capitaine de la Garde Royale et pour cela, il était extrêmement respecté. Je m'avançai vers lui prudemment, afin de m'enquérir de ce que l'Art avait pu amener comme réponse. Je ne savais pas vraiment à quel moment le Baron de Forbaie était revenu parmi notre étrange trio. Il essaya de se lever et j'accélérai le pas pour l'appuyer toutefois la colonne de pierre le supporta plus rapidement que moi.

C'est alors qu'il nous confia, dépité, qu'il n'y avait rien eu à faire. J'essayais de m'imaginer, me souvenant de ce que j'avais pu lire dans la bibliothèque du Baron Studieux d'Ostrefer, ce que ces bouclier et flots d'Art pouvaient bien illustrer. Toutefois, j'étais entièrement démuni face à ces informations. Si nous ne pouvions communiquer avec l'entité, que pouvions-nous faire ? Comment agir ? Car El sait que j'avais besoin d'agir en cet instant !

Je n'écoutai que d'une oreille le Baron et la Duchesse reprendre le cours d'une conversation que je ne voulais pas me disperser à suivre. Maintenant que le Baron était revenu dans le monde réel et non plus dans ce "flot", je m'approchai des soldats. Je gardai mon épée en main, certain qu'après la liaison d'Art, une mauvaise nouvelle allait s'abattre sur nous. Que se passerait-il si nous en frappions un ? Ces soldats de gel pouvaient-ils mourir s'ils n'avaient plus un souffle à expirer ?

L'un des imposteurs artisait comme si sa vie en dépendait - cet ahuri ! - et l'autre fouinait dans la salle. Sans avoir besoin de lever la tête, Chiara savait très précisément où se trouvait chacun d'eux. Elle aurait presque pu inventer leurs mensonges à leur place tant ils lui semblaient tous deux aussi transparents qu'insipides. Arquant à peine un sourcil ironique, elle esquissa une moue sceptique. Le duché d'Haurfond, rien que ça... Où diable avait-il pu pêcher un nom pareil ? Elle ne fit cependant aucun commentaire, c'était inutile, de toute évidence. Les deux jeunes gens n'étaient pas prêts à entendre raison. Elle avait tiré la première lame de son jeu pour un second tirage quand la voix de l'artiseur mythomane s'éleva pour lui demander plutôt grossièrement ce qu'elle faisait. Concentrée, elle observa la Colline Ouverte posée devant elle puis tira le Démon Vert. Les cartes avaient une réponse pour elle.

- Vous avez votre magie, jeune insolent, répondit-elle sur un ton plus léger. Et j'ai la mienne.

Elle tira une troisième carte et sourit plus franchement en voyant apparaître la Lune d'Hiver. Posément, sans se presser, elle rassembla donc ses cartes, les battit tendrement puis les rangea dans leur pochon de velours qui retrouva sa place sous ses jupons via la fente invisible dans sa robe. Elle se releva ensuite en lissant ses jupes et noua les mains devant elle dans une attitude plus ducale que jamais. Elle se sentait même d'humeur magnanime, à vrai dire.

- Les cartes disent que la réponse se trouve parmi les gardes figés, annonça-t-elle non sans une certaine fierté.

Toujours aussi royale, elle descendit les quelques marches et avança dans la salle pour approcher à son tour des étranges soldats gelés, semblait-il. Elle avait ramassé au passage l'épée trop lourde pour elle et la rendit à son légitime propriétaire. Les cartes n'avaient pas parlé de danger, juste de réponses. Et même si les deux hommes qui l'escortaient étaient des menteurs pathologiques, elle osait espérer qu'ils ne laisseraient pas une femme innocente se faire malmener devant eux sans réagir.

Une fois la lame remise à sa place, elle observa le garde avec une attention réelle, cherchant le moindre signe de vie ou un indice quelconque. Elle étudiait le moindre détail, comparant ce garde à son voisin, analysant leur visage, leur livrée, leurs armes également. Ils allaient bien finir par trouver quelque chose.

Invité

Courage Hardod, Héritier du Duché de Rippon, Baron de Forbaie & Capitaine de la Marine Royale

* * * * *

Ce Sir Clément était un bon Chevalier soucieux de son prochain ! Il s’était avancé vers Courage quand celui-ci tentait de marcher mais comme le noble s’était appuyé sur sa colonne, il n’avait pu rien faire. Pas grave, le geste était l’essentiel. Malgré la douleur, il remercia le protecteur de sa cousine d’un sourire. Tandis que l’attention du Capitaine de la Marine Royale (et non de la Garde Royale tire_langue

) se tourna vers Chiara, le jeune sir de l’If se dirigea vers les soldats afin de voir s’il pouvait distinguer quelque chose aidant le trio dans sa quête de réponse !

La prétendue Duchesse répondit à son fillot de manière peu commode. Elle n’en démordait pas et pensait toujours qu’ils étaient de simples imposteurs devenus fous ! Certes, elle ne le dit pas ouvertement mais c’est son ton et ses paroles qui parlaient pour elle. Quelle jeune fille stupide… Comment pouvait-elle être à la tête de l’un des duchés les plus important avec une incapacité à cacher ses émotions de la sorte ? Impossible ! Elle devait divaguer à moins que la politique à cette époque ne soit qu’une futile plaisanterie…

Ainsi donc, elle avait sa magie… Les cartes répondaient à ses questions ? C’est bien parce que la situation ne s’y prêtait guère car sinon l’héritier de Rippon se serait tenu les côtes à force de rire tellement cela lui paraissait insensé ! Le noble ne croyait absolument pas au pouvoir des cartes… C’était un simple jeu d’observation et de psychologie… La personne avait juste un don d’observation légèrement supérieure à la moyenne et savait reconnaître les signes pour continuer à questionner sa victime… Il était évident que vu qu’il n’y avait rien à tirer de l’homme sur le trône, il fallait se diriger vers les soldats… Pas besoin de cartes, Clément l’avait compris de lui-même ! Mais là, Chiara sembla fière… Une enfant à qui l’on donnait sa première récompense… Voilà à quoi pensait Courage en regardant la jeune fille.

« Est-ce que vos cartes peuvent m’indiquer s’il y a de l’eau et de quoi faire un petit feu ? Histoire que je puisse faire une tisane avec les feuilles que j’ai dans mes poches… »

La migraine d’Art était quelque chose d’horrible qui plongeait la personne qui en était victime dans une certaine torpeur. En cet instant, Courage n’avait guère d’énergie à revendre. Voyant la noble avancer vers les soldats et remettre l’arme, il espérait que Clément serait prompte à répondre par les armes si jamais l’un d’eux bougeait pour les attaquer. Lui, en était incapable ! Du moins pour le moment.

*Une petite agression ne pourrait pas lui faire de tort… Elle serait peut-être plus apte à laisser son air supérieur de côté et se montrer plus avenante !*

Il n'était pas dans ses habitudes de penser à mal de cette manière mais cette femme faisait ressortir le pire de la personnalité du noble qu'il était. Heureusement pour Chiara que Courage ne soit pas en mesure d’artiser tout de suite sinon il aurait pris son esprit de force pour lui montrer ses souvenirs afin qu’elle se rende compte qu’il n’était pas l’insecte qu’elle pensait qu’il était ! Une fois cette preuve dans son esprit, sans doute se montrerait-elle plus magnanime et tenterait réellement de comprendre ce qu’il s’était passé plutôt que de chercher à tout prix à ne plus se retrouver en présence de ces deux personnes indésirables.

Allaient-ils vraiment trouver quelque chose en fouillant de ce côté ? Ne devait-il pas tenter à nouveau d’utiliser l’Art ? Il fallait avant tout qu’il boive sa tisane !

Maître Vérichanteur Messages : 1042 Date d'inscription : 18/10/2010

A moins de découper le bois du trône sur lequel est assise la figure couronnée, Courage ne trouvera pas d'autre matériel susceptible de brûler dans la salle.

Au milieu des soldats se dessine une apparence différente, plus douce. Elle porte l'armure aussi bien que ces camarades mais, sous son heaume, de long cils et une bouche pleine composent son visage aux traits délicats.
Dans son dos, une longue natte blonde s'échoue sur ses reins.
Elle est l'unique, la seule qui diffère du lot, mais elle se tient pourtant comme tous les autres, effaçant ses différences avec dignité. La trouverez-vous? Et si oui, que lui direz-vous?

Invité

Clément de l'If ~ Chevalier d'Ostrefer, Haurfond

Curieusement, alors que je n'écoutais que d'une oreille ce que se disaient les deux nobles, les paroles de la Duchesse pénétrèrent mon esprit. Ainsi, son tirage de cartes lui avait prédit que les soldats pouvaient être la clé de notre insolite situation. Bien que je ne sois pas de ceux qui prennent la divination pour parole divine et de vérité, je me sentis comme encouragé par cette annonce. De manière silencieuse, l'espoir de trouver une solution se propageait en moi et diffusait comme une onde chaleureuse. Discrète mais présente. Une fois devant l'un des soldats figés, je le mis en garde, prêt à devoir l'affronter. Rien ne se passa. J'en fis le tour, observant chacun de ses détails. La finesse de son armure, semblable aux autres, le brillant de l'or et la pureté du blanc tout aussi resplendissants que sur ses congénères. Les visages, également, étaient tous identiques.

Je finis par relâcher la tension de mes épaules et baisser ma lame. Visiblement, ces statues demeureraient aussi immobiles que la montagne face à la tempête. Je passai une main devant le visage de celui que j'étudiais. Les probabilités de ma première observation se confirmèrent. Aucune respiration ne s'échappait de ces lèvres jointes, aucun souffle ne soulevait la poitrine de ces soldats. Ainsi, nous n'avions pas face à nous des créatures de vie. Du bout des doigts, je touchai le visage de ce guerrier la silhouette jumelle de ses voisins. Au contact de ma peau réchauffée, une petite fumée s'échappa à la rencontre du froid glacial.

" Telle de la pierre gelée, murmurais-je, à part moi. "

Comme un maccabé laissé dans la glace pendant une semaine. Comme le marbre gelé des palais après la première neige. Je fronçai les sourcils, perplexe face à tant de mystères. Je ne vis rien d'autre à observer de près sur ce soldat. Je commençai alors à me déplacer, cherchant quelque chose à effectuer. Soudain, une idée me vint. Peut-être que le nombre de soldats était une réponse à l'énigme de notre arrivée ici ? A mi-voix, je me mis à compter les silhouettes immobiles. Une, deux, trois, quatre... cinquante-sept... ?!

Je m'interrompis brusquement et secouai la tête de dépit. Il m'avait semblé voir une différence chez l'une des silhouettes, mais c'était impossible. Je plissai les yeux et repris mon compte. Malheureusement, je l'avais perdu. Fichtre ! Je grommelai intérieurement et poursuivis ma déambulation à travers les gardes figés. Je sentais le froid me gagner dès que j'étais immobile. Je ne pus m'empêcher d'imaginer que nous trois finirions probablement aussi gelés que ces statues humaines ! Si la mort venait à nous gagner, la faim puis la soif, le froid. Autant de maux pour nous laisser dépérir.

J'avais atteint l'autre extrémité de la salle, celle par où nous étions arrivés. Enfin... "arrivés" n'était probablement pas le verbe adapté. Je commençais à désespérer de ne rien trouver à faire. Pour le moment, je n'avais pas osé lever la main sur l'un des soldats immobiles pour le sortir de sa torpeur, mais je comptais bien en demander l'autorisation au Capitaine de la Marine Royale (il faut rendre à Courage, ce qui est à Courage ). Après avoir jetai un dernier regard sur l'ensemble de l'immense pièce aux colonnes, je retournai me frayer un passage entre les gardes pour rejoindre les deux nobles de haut rang qui devaient encore débattre de la situation et de qui en était le responsable. C'est alors que je me trouvai de nouveau face à la silhouette qui avait perturbé mon compte quelques instants plus tôt. Il y avait bien une différence chez cet homme glacé ! Bien que le terme de femme soit probablement le plus concordant à cette longue natte plongeant sur un creux de reins féminin.

" Sire Hardod ! Duchesse Lunabille ! Je vous prie de bien vouloir venir observer ce qu'Eda a mis sur ma route ! "

Ma voix s'élevait, résonnant le long des pierres froides. Je recommençai mon observation attentive de la nouvelle silhouette, cherchant les différences et les similitudes d'avec ses congénères.

La question du jeune impertinent au sujet de ses cartes parut tellement stupide et incohérente à Chiara qu'elle n'y répondit même pas. Pas un geste ni un trait de son visage ne trahit en quel mépris elle tenait les êtres comme ce rustre qui prenaient la divination pour une sottise. Tous ces Artiseurs avaient des leçons d'humilité à prendre, à n'en pas douter, étant donné la manière dont ils jugeaient la magie des Haies.

Laissant là ce sujet qui ne pouvait que raviver la tension déjà palpable entre eux, elle poursuivit son inspection avec minutie. Il y avait tant de gardes cependant, qu'il semblait impossible de finir avant plusieurs jours. Par chance - ou parce qu'il était impliqué dans cette vaste mascarade, allez savoir - le deuxième jeune homme trouva quelque chose et les interpella. Au moins l'appelait-il par son titre et son nom, il avait quelques notions de bonnes manières. Quoique, pour être absolument honnête avec elle-même, elle devait reconnaître qu'il s'était montré courtois depuis le début de cette sordide aventure.

Soulevant avec sa grâce coutumière le bas de ses jupes, elle rejoignit d'un pas mesuré le jeune homme qui se prétendait chevalier d'un duché inexistant. Il avait trouvé, semblait-il, un soldat différent de tous les autres. Et pour cause, ce garde-là était une femme comme en témoignaient ses traits adoucis et la longue natte dorée qui lui balayait le dos. Comme c'était curieux. Bien sûr, il y avait des femmes dans la garde de Castelcerf, personne ne l'ignorait, mais celle-ci n'avait rien de commun avec elles. D'ailleurs, aucun de ces gardes n'avait rien de commun avec ceux qu'elle connaissait de vue, même si l'on omettait le fait qu'ils paraissaient tous figés dans la glace et le temps.

Le temps... Celui qui prétendait s'appeler Courage avait dit qu'il pensait Vainqueur mort depuis des siècles. Il y avait quelque chose... Une idée tentait de se frayer un chemin dans son esprit troublé mais c'était comme lorsqu'un mot qui vous échappait : plus elle se concentrait, moins elle trouvait. Elle laissa donc l'idée de côté et revint à la jeune femme qui leur faisait face.

Droite et ducale comme toujours, les mains paisiblement nouées devant elle, elle se composa un visage avenant et serein, comme lorsqu'elle s'apprêtait à recevoir l'un de ses congénères. Après tout, on n'appâtait pas les mouches avec du vinaigre. Et puis cette jeune fille était jolie et se tenait parfaitement, ce qui suffisait à placer Chiara dans de bonnes dispositions pour un début.

- Demoiselle ? Auriez-vous la bonté de nous aider ?

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Courage Hardod, Héritier du Duché de Rippon, Baron de Forbaie & Capitaine de la Marine Royale

* * * * *

Courage devait boire sa tisane… Il voulait boire sa tisane ! S’il ne le faisait pas, il traînerait son mal de tête durant plusieurs heures… Impossible ! Il avait besoin de retrouver la sérénité de son esprit pour pouvoir aider ses congénères. De plus, il avait l’air d’être le seul artiseur du groupe et ils auraient peut-être besoin de son don. Laissant le Chevalier farfouiller au milieu des soldats, le Baron chercha ce qu’il pourrait brûler pour allumer un feu… S’appuyant à la colonne, il fit le tour de la salle. Mis à part la colonne de soldats avec leur arme et leur armure, du marbre partout, des tentures, Clément, la Duchesse Chiara et ses cartes ainsi que le spectre sur son trône de bois, il n’y avait rien…

*Hey mais le trône est en bois… Est-ce que j’oserai ?*

Il pouvait débiter quelques morceaux du siège royal pour se faire un petit feu de joie ! Il se déplaça jusqu’au trône d’un pas légèrement ensommeillé. Là, il resta à bonne distance du spectre qui ne semblait absolument pas regarder le noble. Allait-il attaquer quand Courage allait frapper ? La première fois que l’homme avait tenté de toucher la chose, sa main était passée au travers et nulle réaction de sa part ne se fit sentir. Il n’y avait qu’avec l’Art qu’il avait senti de la résistance. Apparemment, les attaques physiques n’étaient pas ressenties comme une menace par cette entité. Il n’y avait pas d’épée à sa ceinture… Il était allé à une fête avec deux gardes du corps… Normal qu’il n’ait pas pris d’arme avec lui. Il avait bien un couteau se trouvant à sa ceinture dans son dos mais il en aurait pour des heures à casser le solide trône en chêne massif. Il lui fallait une arme pouvant défoncer cette matière ! Regardant autour de lui, il tomba sur les soldats figés. Eux étaient armés. Comme Chiara avait piqué une épée, nul doute qu’il le pourrait aussi ! D’un pas plus décidé par la motivation à se retrouver à côté d’un bon feu, il s’approcha des statues, prit une épée et la détacha pour revenir près du siège du spectre royal. Il le regarda une petite fois tout en disant d’une voix basse :

« Je n’ai rien contre toi mon gars mais j’ai besoin d’un morceau ton siège ! »

Il leva l’arme et l’abattit sur la partie la plus fine de l’édifice qui se trouvait être l’accoudoir. Il l’entailla et le bruit se répercuta dans toute la salle. Faisant fi de la réaction que pourraient avoir ses partenaires, il leva une deuxième puis une troisième fois son arme pour découper des morceaux. Quand il estima avoir assez, Courage tapa dans les morceaux pour les écarter du fantôme qui n’avait pas bougé d’un poil. Comme il le pensait, il se moquait des attaques physiques. Se trouvant à distance respectable, l’héritier de Rippon se mit à débiter des morceaux plus petits. Pensant que son travail suffirait, le noble laissa tomber l’arme à ses pieds et se dirigea avec un morceau de bois près d’une torche allumée. Une fois le bois que le bois s’était allumé, il retourna vers sa préparation de fortune et posa la torche en dessous. Le bois crépita peu à peu pour faire un joyeux feu de camp. Regardant ce que faisait son compagnon tandis qu’il allait chercher un casque pour mettre sa tisane, Courage vit que Clément semblait compter le nombre de statues qu’il y avait. Grand bien lui fasse. Revenant avec son casque, il prit l’écorce elfique qu’il avait dans sa besace et toucha sa gourde.

*Oh se pourrait-il qu’elle soit remplie ?*

Il avait complètement oublié qu’il avait une gourde à sa ceinture et lui qui se moquait de Chiara tout à l’heure pour voir si elle saurait lui trouver de l’eau… Il prit sa gourde qui n’était pas remplie à fond mais ce qu’il restait d’eau était suffisant pour faire une petite tisane. Il versa le contenu de sa gourde dans le casque et y mit l’écorce. Voyant le miracle de l’infusion se produite, le noble fut tout excité à l’idée de pouvoir faire disparaître ce maudit mal de tête. N’ayant pas besoin que ça soit bouillant mais juste chaud, Courage retira le casque du feu en se protégeant la main de sa cape. Ensuite, il laissa tomber l’habit et tapa du pied dessus pour éteindre la flammèche qu’il y avait dessus. Il regarda son breuvage, enleva l’écorce et trempa les lèvres pour sentir la température. C’était chaud mais pas bouillant ! Tant mieux.

Après avoir bu, il s’affaissa contre la colonne se trouvant non loin du fantôme qui semblait regarder dans le vide. Il ne voulait plus bouger jusqu’à sentir les effets de sa mixture faire effet. Durant quelques instants, il y eut le silence quasi-total. En effet, on entendait les pas de Sire Clément et c’était tout. Doucement, le mal disparaissait et le noble retrouvait le sourire. C’était infect et amer mais nécessaire et bienfaiteur. Il n’en avait pas trop mis par peur de ne pouvoir faire appel à l’Art en cas de besoin. L’écorce était quelque chose de magnifique si l’on savait s’en servir correctement et à de justes fins. Certains Maîtres n’hésitaient pas à en faire ingurgiter à l’excès pour annihiler tout espoir d’utilisation de l’Art à un élève qui leur avait déplu.

Soudain, la voix du Chevalier d’Ostrefer se fit entendre. Il semblait avoir trouvé quelque chose d’intéressant. S’étant légèrement assoupi, Courage sursauta quelque peu et se leva d’un bond. Il regarda en direction de la voix et vit la jeune Duchesse prendre son air hautain pour se rapprocher du compagnon de Courage. Sentant sa tête libre, le Baron se déplaça vers Clément à son tour et fut fortement supris de tomber sur la trouvaille de leur jeune ami. Ainsi donc parmis tous ces soldats, il y avait une femme ! Quelle splendide créature. Ses traits étaient fins et harmonieux. Ses cheveux de la couleur des blés et descendaient jusqu’à ses reins. Nul doute que si elle pouvait bouger tout comme ses partenaires, elle aurait son petit succès.

La première à réagir avec la statue fut la noble. Elle regarda la soldate et lui demanda si elle ne pouvait pas les aider. En lui-même, Courage se dit qu’elle n’allait pas répondre. Mais qui ne tentait rien n’avait rien… Il s’était pris assez le chou avec Chiara pour aujourd’hui… Mieux valait s’entraider même si cela allait demander de lourds efforts pour l’un comme pour l’autre. Au moins, elle tentait quelque chose !

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