Espoir avait mal à la tête et ce n'avait rien à voir avec l'Art. Il s'était habitué depuis longtemps aux migraines, en général de l'air frais et de l'obscurité lui faisait du bien. Cette nuit, il pouvait profiter des deux.
Perché sur les remparts, il ne se décida à bouger que lorsque le bout de ses doigts ne répondirent plus à ses mouvements.
Alors, le nez glacé, il renifla bruyamment et s'emmitoufla davantage dans sa peau de bête qui faisait office de manteau.
Il avait beaucoup réfléchi aux paroles de son père adoptif mais rien n'y faisait, il ne comprenait pas quel secret il avait tenté de lui révéler. Il regrettait déjà ses paroles, cet affront de vouloir quitter le Duché alors même que sa mère préparait son anniversaire.
Partir un tel jour la peinerait pour sûr, mais à présent qu'il l'avait craché au visage de Brun, il ne pouvait plus faire marche arrière, à moins d'être traité de couard.
Il avait beaucoup pleuré et ses longs cils noir, héritage de sa mère s'étaient presque figés avec le froid glacial de Béarns.

La lune était déjà entrain d'amorcer sa descente, alors il jugea qu'il était temps de rentrer.
Tel une ombre, il pénétra le chateau. Les domestiques dormaient, seuls quelques gardes tenaient leurs postes.
Il se dirigea vers les ailes familiales puis s'engoufra dans sa chambre.
Là, il demeura un instant le dos à la porte close, le nez tourné vers le plafond, l'esprit engourdi et le coeur lourd.
Trop de pensées l'accablaient et son coeur était encore gonflé par la dispute. Il voulait juste dormir mais il savait que le sommeil ne viendrait pas de suite. Certainement au petit matin lorsqu'il faudrait se lever, il commencerai à s'endormir.
L'espace d'un instant, il avait voulu artiser Aimée mais s'était ravisé, ne souhaitant pas l'inquiéter.
Il retira son manteau puis ses bottes avant d'allumer une bougie.
C'est alors que les ombres dansantes et vascillantes dévoilèrent une masse sur son lit. Quelque chose qui bougeait.

La peur le saisit instantanément et il tira sa dague de ses doigts engourdis, petit couteau attaché à sa ceinture. Elle servait plus à orner ses atours qu'à tuer mais la pointe pourrait toutefois faire des dégats, enfoncée bien loin.

- Qui va-là ? clama-t-il la voix forte et qui ne tremblait presque pas.
Ses traits respiraient la peur et son coeur battait au rythme d'un souffle saccadé.

Il était minuit passé lorsqu'Espoir rentra dans sa chambre. Le fils de la Duchesse n'avait pas été très discret, pourquoi l'eut-il été alors qu'il était dans ses propres quartiers ? Les bruits de la porte et des bottes avaient troublé l'obscurité, à peine éclaircie par la faible portée de sa chandelle. La chose s'était mise à remuer dans le lit.

- Qui va là ? clama Espoir, et dans le silence qui s'ensuivit, il entendit la chose...
Dé 1 pair : grogner.
Dé 1 impair : gémir.

En plus de son arme, Espoir tendit sa bougie et, sous les draps, crut apercevoir...
Dé 2 1/2 : la silhouette épaisse d'un homme
Dé 2 3/4 : la silhouette mince d'une femme voire d'un enfant
Dé 2 5/6 : les poils bruns d'un animal

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'Hasard 6' : 5, 5

Pour toute réponse, quelque chose s'agita au loin, dans son lit. Il entendit le bruissement du tissu et puis, un gémissement intriguant. Espoir ne pouvait définir l'origine du bruit, à savoir s'il était plus humain qu'animal.
Il tendit la bougie en direction du lit pour mieux y voir mais les bougies n'avait pas le pouvoir d'éclairer si loin, alors il fit un pas, puis un second, toujours sur la défensive.
La lueur de la flamme l'aveuglait plus lui en définitive, qu'elle n'éclairait vraiment.
Pourtant, là, au milieu des draps défaits; une masse hirsute respirait et gémissait tout à la fois.

Le jeune homme fronça les sourcils puis recula d'un pas, puis de deux.
Quelle espèce d'animal pouvait bien avoir investi sa chambre ?

Elle s'éveilla...

Dé 1/2 D'un affreux cauchemar.
Dé 3/4 D'un rêve érotique.
Dé 5/6 D'un rêve où elle était un ours.

Elle s'éveilla à cause des bruits et de la faible lumière, encore toute engluée des ténèbres de son cauchemar. Au milieu de la touffe brune de sa chevelure, son visage émergea de sous la couverture. Elle ne savait plus où, quand, ni qui.

- Espoir ? gémit-elle en croyant discerner une silhouette dans l'obscurité, et le reflet menaçant de la lumière sur une lame.
- Espoir, c'est toi ?

Volonté n'avait jamais été craintive. Peut-être était-ce pour cela que le fils de la Duchesse ne reconnut pas sa voix. Ou peut-être, parce qu'il y a avait plus de trois longues années, qu'elle l'avait quitté.

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'Hasard 6' : 1

Espoir déglutit. Cela n'avait aucun sens. Un animal dans sa chambre ? Et par où serait-il entré ? Pourtant, sa main ne lâcha pas la dague et son pied fit un nouveau pas en arrière. Il se rapprochait de la porte sans pour autant tourner le dos à ce qu'il jugeait être une bête.
Espoir n'avait jamais excellé dans le domaine du combat. Il savait se battre mais n'était pas doué. Mieux valait l'avoir à distance, par l'Art ou encore l'arc.
Aussi, que pouvait-il bien faire à cette heure tardive tandis qu'un danger rôdait dans sa chambre ?

Un visage émergea enfin et il fut rassuré de s'apercevoir que la créature était humaine. Il ne reconnut pas immédiatement la voix de celle qui s'était enveloppée dans ses draps. La faute à la nuit, à ce gémissement étrange ou bien au fait que la probabilité de présence de celle dont il redécouvrait les traits devait avoisiner le néant.
Il demeura un moment immobile, incrédule. Trois années qu'il ne l'avait pas vu. Trois années qu'elle l'avait abandonné. Trois années à essayer de tourner la page.

- Volonté ? demanda-t-il à la fois surpris et inquiet.
Cette voix ne lui ressemblait pas.
- Volonté, c'est bien toi ?
Malgré les mots, il peinait à y croire vraiment et c'est certainement pour cela qu'il hésita à faire un nouveau pas en avant, puis un second. Il déposa la dague sur la commode et saisit la bougie à la place qu'il leva plus en hauteur pour l'éclairer d'avantage.

Volonté, elle, reconnut aussitôt la voix d'Espoir. Et puis, elle était dans sa chambre. Qui cela aurait-il pu être d'autre ? Son cauchemar l'avait laissée bien bête.

- Parce qu'y'a beaucoup d'autres femmes dans ton lit ? plaisanta-t-elle, reprenant ses esprits, et ce ton railleur qu'il lui connaissait mieux.

Puis elle réalisa qu'elle n'en savait rien. Il ne lui était pas venu à l'esprit qu'elle pourrait en trouver une autre en venant ici. Pourtant, ç'aurait été bien naturel, et c'est tout ce qu'elle pouvait souhaiter à son ami. 

N'avait-elle pas appris en revenant sur le continent qu'il était fiancé à Aimée ? De cela, elle lui en voulait. Mais rien qui n'éclipse la joie de le retrouver, même si elle n'était guère à son avantage, son mauvais rêve l'ayant laissée transpirante et décoiffée. 

Espoir levait sa bougie pour la voir, et elle aplatit ses cheveux d'une main, tandis qu'elle tendait l'autre vers lui.

La remarque le vexa. Pas pour les mots en eux même non, plutôt parce qu'elle en plaisantait. Par ce biais, elle le jugeait incapable d'avoir eu d'autres relations depuis elle.
C'était insolent mais Volonté ne l'avait-elle pas toujours été ?
Un moue se dessina sur ses traits et il demeura là, simplement à la regarder à la lueur de la bougie.
Il se demandait encore ce qu'elle faisait là et par El, par où était-elle arrivée et quand ?
Taebryn était-il au courant ?

Il leva la bougie plus haut, comme pour s'assurer qu'il ne rêvait pas, car la simple présence de la jeune femme défiait toutes les lois de la physique qu'il connaissait.
Et puis surtout, à quel genre de retrouvailles elle songeait ?
Après la douleur de son départ, croyait-elle pouvoir réapparaitre et se jouer de lui à nouveau ?
Alors pourquoi se recoiffait-elle comme si ça avait de l'importance et pourquoi tendait-elle sa main vers lui ?

Il serra les dents un instant et dévia le regard vers la tapisserie du mur, comme s'il cherchait la réponse à ce geste.
Le croyait-elle encore sous son emprise ?
Il s'avança alors vers son lit et déposa la bougie sur la table de chevet avant de s'assoir sur le rebord. pas trop près, parcequ'il se devait de garder une distance de sécurité.
Sa présence demeurait un choc.

- Qu'est-ce que tu fais là ? Et par Eda, comment es-tu arrivée jusqu'à ma chambre ?

Il ne souhaitait pas se bercer d'illusion mais l'espoir fou qu'elle soit venue le voir lui spécialement l'enchantait.

- Le chemin n'a pas changé, plaisanta Volonté du bout des lèvres.
Le coeur n'y était plus : Espoir semblait si distant ! Il l'avait regardée d'un air dubitatif avant de détourner les yeux. La jeune femme laissa retomber en silence sur son jupon la main qu'il n'avait pas saisie. Il daigna quand même s'assoir sur le lit, à côté d'elle, ou presque.

Volonté fit comme si l'attitude d'Espoir ne la touchait pas, forçant sa bonne humeur pour dissiper les angoisses de son cauchemar et les tiédeurs de son ami. A quatre pattes, elle s'avança derrière son dos et se pencha par dessus son épaule.
- Tu n'as pas l'air très content de me voir, murmura-t-elle à son oreille gauche.
- Moi qui pensais te faire plaisir pour ton anniversaire ! susurra-t-elle à son oreille droite.

Elle recula pour mieux prendre ses aises, s'allongeant à demi sur le bord du lit, les jambes repliées faute de place suffisante, la tête posée sur les genoux de son ami qu'elle contempla du dessous, à la lueur de la bougie.
- Toi non plus tu n'as pas changé, sourit-elle, les cheveux épanouis.
Ses mimiques, son odeur étaient les mêmes. Elle les connaissait depuis l'enfance, et réalisait tout juste, à quel point elles lui avaient manqué. C'était comme si elle était partie la veille, et en même temps, il y a une éternité.

Pourtant Espoir avait l'air plus triste, et plus fatigué.

Volonté, elle, avait gardé ses mauvaises manières et sa vitalité. Ses traits et ses formes s'étaient affirmés. Elle était devenue femme plus vite que lui, et avait désormais perdu toute trace de l'enfance. Mais dans sa tête, ils étaient encore les deux gosses aux yeux noirs qui jouaient à celui qui le premier, détournerait le regard.

Et Volonté n'avait toujours pas cillé.

Volonté n'en avait toujours fait qu'à sa tête. Depuis leur plus jeune âge, elle ne se pliait à aucune convenance ni à aucune règle. Il l'admirait pour cette capacité à prendre la vie telle qu'elle venait sans pour autant hésiter à la tordre dans le sens qui lui convenait.
Sa nouvelle plaisanterie le fit grimacer, agacer qu'encore une fois, elle se joue de lui. Il avait toujours été le rabat-joie du duo, le petit garçon trop sérieux ou trop triste. Contrairement à elle, il avait des comptes à rendre. Contrairement à elle, il était un bâtard avéré. Un bâtard sans avenir à l'époque et toujours sans passé aujourd'hui.
Il songea à la dernière discussion de cette nuit avec Brun Braveterre. Quelque chose lui échappait mais il n'arrivait pas à savoir quoi.
L'impression frustrante de toucher la vérité du bout des doigts sans pour autant la visualiser.

Volonté se pencha derrière lui, posant son menton sur son épaule. Il sentit sa chaleur dans son dos et l'odeur de ses cheveux avant qu'elle ne se joue de lui d'un côté puis de l'autre.
L'envie de la faire basculer sur le lit le titilla un instant, juste pour la faire taire.
Cette nuit là, il était contrarié et triste, une bien mauvaise compagnie pour des retrouvailles.
Mais comme elle lui annonçait être venue juste pour lui, la flamme des sentiments qu'il avait pensé éteinte depuis longtemps, vacilla sur le brasier de son coeur.
L'heure n'était toutefois pas aux illusions.
Il l'observa sans mot dire, la mine grave tandis qu'elle s'étendait sur le rebord, la tête sur ses genoux. Ses longs cheveux ébènes s'éparpillant sur ses cuisses jusqu'à pendre au sol, ses yeux sombres plantés dans les siens. Ils se ressemblaient tant physiquement ! Un moment, il observa ses traits. Elle n'avait pas vraiment changé, enfin si, quelque chose en elle la rendait plus femme, encore plus désirable.
"Toi non plus tu n'as pas changé"lança-t-elle et il se demanda s'il avait parlé tout haut ?

Comme toujours, il fut le premier à détourner le regard. Certaines choses ne changeraient jamais.

- À croire que vous vous êtes tous donnés le mot pour rendre cet anniversaire inoubliable, maugréa-t-il avec beaucoup de sarcasme.

Sa ressemblance avec son père adoptif le frappa de plein fouet dans cette attitude. Il se laissa tomber en arrière et glissa un bras replié sur son visage, pour se masquer la vue. Un long soupir s'échappa d'entre ses lèvres tandis qu'il songeait aux paroles de Brun.

- Tu es...vraiment venue pour ça ? Ton père le sait-il ?

Volonté était encore jeune un vrai feu-follet que même le fort Taebryn Ruderacine ne pouvait contrôler. Et puis, depuis le départ pour les îles d'Outremer, l'avait-il seulement revue ?

Espoir s'éloigna d'elle encore, par le corps et par le regard.
Pas résolue à abandonner, Volonté s'allongea à côté de lui en travers du lit, levée sur un coude pour le regarder - sans succès, posant alors une main sur sa poitrine, sursautant en la découvrant si froide.

- Il n'est pas rentré, répondit-elle.
Espoir devait bien savoir que Taebryn faisait partie de l'escorte de la princesse en Haurfond. Mais elle, l'avait découvert à son arrivée. Cela l'angoissait plutôt, et elle n'avait pas l'habitude de se faire du souci pour son père ; à moins que ce ne soit son cauchemar ?
- Tu as des nouvelles ? Ne lui dis pas que je suis là ! Je veux lui faire la surprise à lui aussi.

Etait-elle rentrée pour son père, pour Espoir, pour elle-même ?
- Je voulais rentrer avant l'hiver. J'ai choisi de vivre ici, répondit-elle sobrement, en déplaçant sa paume sur la poitrine de son ami pour le réchauffer petit à petit.

Puis, avec plus d'intérêt :
- Que s'est-il passé à ton anniversaire ?
Elle hésita une seconde avant d'autoriser sa langue à fourcher :
- Tu t'es encore fiancé ?

Car ça aussi, elle l'avait appris à son arrivée ! A croire que la princesse avait résolu d'emporter tous ceux qu'elle aimait !

Espoir sentit le contact de la main, chaude, de Volonté. La dernière fois qu'elle avait posé sa main sur sa poitrine, ils n'étaient que des adolescents, découvrant leurs corps avec maladresse. Enfin, surtout lui.
Espoir avait toujours été plus intellectuel que physique, même dans ce genre de situation.
Un frisson commençait à se diffuser en lui, étrange sensation à la savoir si proche et au contact.
À mesure qu'elle parlait de Taebryn, il se rendit compte d'à quel point sa présence était inconcevable.
Les îles d'Outremer étaient si loin...il avait pensé ne jamais la revoir. Et voilà qu'elle avait navigué sans personne pour l'accompagner jusqu'ici.
Tandis qu'il secouait la tête pour indiquer qu'il n'en dirait rien, elle répondit à ses interrogations d'elle-même.
Elle était rentrée pour venir vivre ici.
Instinctivement, il dégagea son bras de son visage et la contempler.

- Ici en Bearn ? demanda-t-il bêtement.
Sa réponse devrait attendre, voilà qu'elle le moquait à nouveau. Il leva les yeux au ciel et soupira.

- Des disputes, comme ma famille sait si bien les faire. J'ai demandé des informations sur mon père et on me répond avec des enigmes. Quand aux fiançailles...ma mère est entrain de se fâcher avec le Roi en personne pour les annuler figure toi.

Un pointe de fierté transparaissait dans sa voix. Sa mère était bien la seule capable d'une telle prouesse. Rien ne semblait lui résister, en dehors de son père adoptif borné.

- Les annuler ? répéta Volonté.
Son sourire s'élargit alors qu'elle se penchait sur lui.
- Tu es presque libre alors ?
Et sans attendre la réponse, elle l'embrassa.

Volonté sembla surprise. Qui ne l'aurait pas été ? Personne en ce bas monde n'aurait souhaité annuler ces fiançailles et l'accès au trône. Personne sauf lui à priori.
Il n'eut pas vraiment le temps d'y réfléchir davantage qu'elle se pencha sur lui et l'embrassa.
Ce fut son tour d'être surpris. Pourtant, il ne rompit pas le baiser, il y répondit même.
Ce baiser avait le goût des souvenirs et de la nostalgie.
Contre toute attente, cela lui fit du bien après la soirée qu'il venait de passer. Ce retour dans le passé le renvoyait à des jours plus gais avant que Volonté ne le quitte, avant que Victoire disparaisse.
L'amertume de ces deux souffrances lui fit interrompre l'étreinte que son corps, contre toute attente, lui réclamait.
Récupérant le visage de la jeune femme entre ses mains, il planta son regard dans le sien.

- Tu ne peux pas rester, murmura-t-il gravement. Si on te voit sortir de ma chambre demain matin, nous aurons des ennuis. Par Eda, j'espère que personne ne t'a vu y entrer...Il ne manquerait plus que le Roi croit que j'annule les fiançailles pour toi.


Ne lui avait-elle pas brisé le coeur ? Et voilà qu'aujourd'hui, elle se tenait là, contre lui et qu'il était incapable de la repousser. Etait-il si faible ?
N'avait-il pas assez souffer de son départ ? Sa seule certitude, c'était qu'elle recommencerait.
Il ne pouvait croire qu'elle demeurerait ici. Quand bien même, ce n'était pas son cas à lui. Il devrait rentrer en Cerf dès le lendemain.

Volonté s'oublia dans le baiser qu'Espoir lui rendit. Elle oublia les incertitudes, le voyage, la grisaille et le cauchemar. La chaleur de l'étreinte et du désir l'enveloppa, et elle serait allée jusqu'au bout de l'étreinte et du désir sans hésiter, si les mains et les mots du jeune homme ne l'avaient arrêtée.

- Tu ne peux pas rester.

Volonté cilla, une fois, deux fois. Les paroles de son ami avaient du mal à toucher son esprit comme ses caresses avaient touché son corps. Elle comprenait maintenant, les mots mais pas leur sens, cela n'avait pas de sens, comment pouvait-il la repousser pour des "si" et des on-dit, alors qu'ils venaient juste de se retrouver, qu'elle avait traversé les mers pour le retrouver ?

A nouveau, ses mains retombèrent ses cuisses, puis elle les serra sur sa poitrine, elle avait froid soudain, elle sentait une blessure en dedans.

- Tu me demandes de partir ? dit-elle, entre colère et désespoir. Ce que les autres croient... c'est ça qui est important pour toi ?
Les ennuis, le Roi, même les fiançailles, elle n'en avait rien à foutre. La seule chose qui pouvait l'empêcher d'être avec Espoir, c'était Espoir. Elle se sentit stupide d'avoir cru qu'il n'avait pas changé, que rien n'avait changé, qu'il était libre ou accepterait de l'être, avec elle.

Volonté ne semblait pas comprendre et Espoir remarqua dans son attitude qu'il l'avait blessée. Ce n'était pas ce qu'il voulait, cependant, cette nuit, tout semblait aller de travers peu importe ce qu'il envisageait.
Il soupira doucement, tandis que la jeune femme se recroquevilla. Il ignorait comment analyser son attitude, tristesse, colère, un peu tout à la fois.

- Je te demande de...commença-t-il las. Ce qui est important, c'est de préserver l'image de ma famille et de ne pas offenser le Roi alors même qu'il est invité. Les fiançailles ne sont pas encore rompues, j'aimerais éviter que des racontars ne lui rapportent avoir vu une fille quitter ma chambre.

Il lui offrit un regard d'excuse et un sourire compatissant. Ce n'était pas lui qui dictait les règles et tout bâtard qu'il était, on l'avait quand même éduqué à la cour. Volonté était son premier amour et elle l'avait quitté du jour au lendemain. Depuis, il avait tourné la page même si une part de lui persistait à espérer. Tant qu'il était promis à Aimée, il ne pouvait pas envisager autre chose.

La réponse d'Espoir fut limpide, reprenant les mêmes mots et établissant clairement ses priorités, même s'il n'osait lui demander explicitement de partir. Il avait giflé la joue droite de Volonté, et elle avait tendu la joue gauche. Maintenant ses joues étaient en feu.

Il était plus facile de se réfugier dans la colère que de reconnaître la détresse que suscitait chez elle le rejet de son ami. Si elle avait voulu y voir clair, elle aurait reconnu qu'Espoir ne semblait pas heureux de la revoir, mis à part ce baiser qu'il lui avait rendu, et qui peut-être ne signifiait rien, ou pas grand chose. Elle aurait reconnu, aussi, qu'elle avait été sotte de croire que ses sentiments à son égard n'avait pas changé, depuis trois ans qu'elle l'avait quitté. Sotte de croire qu'il la considérait encore comme sa propre famille.

Toujours serrée dans ses propres bras, Volonté s'éloigna sur le bord du lit, puisqu'il la rejettait, sans pouvoir encore se résoudre à se lever et partir - pas sans rendre les coups. Elle le foudroya du regard, lui et son pauvre sourire, et répondit froidement :
- Je vois. Espoir Loinvoyant ne fréquente aucune fille car il appartient tout entier à Aimée Loinvoyant et Vainqueur Loinvoyant. Espoir Loinvoyant fait tout pour préserver l'honneur de sa famille et rien dont son coeur... (elle se reprit) dont son corps ait envie. Mais en a-t-il vraiment envie ?
Sotte de croire qu'un simple baiser pouvait lui faire tout oublier, même pour une seule nuit !

Humiliée, la jeune femme détourna les yeux et murmura comme pour elle-même, écho cruel à leurs jeux d'enfants :
- Qui va à la chasse perd sa place.

Réfugiée dans ses propres bras, Volonté le toisait comme elle seule savait le faire. Ses iris sombres, héritage de sa mère, pétillaient d'une colère sourde qui ne tarderait pas à exploser.
Il n'aimait pas la voir ainsi, pas après tout ce temps. Force était de constater cependant, que malgré les années leurs rapports ne s'étaient point adoucis.
Il était toujours le réservé quand elle était celle qui menait la danse.
Il eut le culot de se demander s'il l'avait blessée. Pouvait-on blesser un cœur qui était devenu dur comme la pierre par le passé, pour pouvoir l'abandonner ainsi ?
Espoir l'ignorait. Volonté avait toujours été un feu follet, mystérieux et brûlant pour qui osait toucher.
Lui-même s'était déjà brûlé les ailes à trop vouloir croire qu'elle l'aimait et à lui donner cœur et son corps alors.

Face à ses propos, il soupira, déjà vaincu.
- Tu sais très bien que c'est plus compliqué que ça...

Oui elle le savait mais n'avait pas envie d'en tenir compte, tout simplement. Volonté n'en faisait qu'à sa tête, qu'à sa propre volonté.
Jamais prénom n'avait été aussi bien porté en ces contrées.
- Allez, ne fait pas ta mauvaise tête, tenta-t-il en tendant la main pour caresser son épaule.

Car toute caractérielle qu'elle était, elle ne pouvait ignorer ce qu'on attendait de lui. Il était pieds et poings liés.

Volonté ne réagit pas à la caresse d'Espoir, comme elle préféra ne pas réagir à ses dernières paroles.

- Il n'y a rien de compliqué, répondit-elle d'une voix qu'elle aurait voulu égale.
Si quelqu'un faisait preuve de mauvaise volonté, ça n'était pas elle !
- Personne ne m'a vu entrer et personne ne me verra sortir. C'est toi qui inventes des obstacles. Tu n'as pas envie que je revienne, comme tu n'avais pas envie que je parte.
Leurs yeux noirs se rencontrèrent.
- Mais je suis libre ! Et toi tu préfères rester enchaîné à ce nom que tu ne portes qu'à moitié.

Ses paroles étaient dures, mais elles venaient du coeur.

Volonté ne réagit pas dans un premier temps. Il aurait pu en être vexé mais il savait qu'elle était en colère et cherchait à le punir en l'ignorant. Il ne s'était pas attendu en revanche à des mots si durs de sa part.
Sa machoire se crispa légèrement et il quitta le lit, légèrement contrarié ou déçu, il ne savait plus. Sa soirée avait étéi lourde des deux ressentis.
Il soupira puis commença à se déshabiller pour se coucher, ignorant la présence de la jeune femme.

- Et tu es aussi libre de partir. N'est-ce pas ce que tu fais de mieux ? M'abandonner pour ta liberté ? Alors je t'en prie...Ne change rien. Je ne comprends même pas ce que tu es venu chercher cette nuit mais j'ai eu mon lot d'intrigues pour l'année à venir je crois.

Complètement nu dans l'obscurité, les lueurs des flammes de la bougie léchaient sa peau tandis qu'il enfilait sa chemise pour la nuit.
Il détacha sa queue de cheval et se passa de l'eau sur le visage grâce au broc d'eau posé sur la petite commode.
En revenant vers le lit, il souleva les épaisses couvertures et se glissa en dessous, bien décidé à montrer à celle qui depuis toujours le menait par le bout du nez que cette nuit, que lui aussi pouvait bouder.

Espoir n'était pas du genre à faire des éclats, et d'ailleurs il ne le pouvait pas, s'il voulait rester discret. Il se contenta donc de quitter le lit, d'inviter encore Volonté à partir, et de se déshabiller comme si elle n'était déjà plus là.

Volonté aurait voulu rester vexée par ses paroles dures, mais elle ne put s'empêcher de le regarder. La lumière de la bougie sur sa peau, son corps longiligne, ses cheveux qui tombaient sur son visage mouillé. Espoir se cachait déjà sous les couvertures, comme un gamin, et Volonté regretta leur baiser trop bref, et leur étreinte trop lointaine.

- C'est toi que je suis venue chercher, mauvaise tête, répéta-t-elle en se penchant vers lui.
Elle avait envie de le toucher, mais elle n'osait plus, de peur qu'il la repousse encore.
- Tu m'en veux encore, hein ? dit-elle avec un sourire triste.

Pourtant elle avait cru qu'entre tous, Espoir aurait été capable de comprendre la nécessité de partir à la découverte de ses origines. Mais lui était encore dans le noir, comme un enfant abandonné.

Volonté s'était penchée vers lui le sourire triste. Il ne savait pas comment réagir à ses propos. Pouvait-il vraiment croire qu'elle était revenue pour lui ? Elle qui était partie et qui depuis, ne lui avait laissé aucune nouvelle.
Combien de fois avait-il été tenté de venir voir par l'Art à quoi elle occupait ses journées...? Il n'avait pas souhaité souiller la magie en s'en servant pour lui-même.

- Bien sûr que je t'en veux encore, lâcha-t-il en essayant de paraître détaché bien que la seule chose qu'il parvint à faire soit de paraître tel un enfant capricieux. Tu aurais pu m'écrire...Ou revenir plus tôt...ou bien encore...

Lui dire qu'elle l'aimait ? Depuis quand avait-il besoin de mots d'amour ? Peut-être depuis que sa famille ne savait plus les dire. En avait-elle déjà été capable ?
Pour l'heure, le jeune homme se sentait désœuvré et Volonté avait été la seule à goûter à ses baisers et à son corps d'homme fait, même s'il se doutait que l'inverse n'était pas vrai.

Volonté éclata de rire, et ses larmes - de rire ou d'émotion - tombèrent sur le visage d'Espoir, alors qu'elle restait penchée sur lui.

Il savait bien, qu'elle n'aurait pas pu lui écrire, car presque aucun bateau ami ne franchissait la mer entre les deux nations ennemies. Aurait-elle souhaité revenir un an plus tôt, qu'elle n'aurait peut-être pas réussi. Un monde les avait séparé durant trois années. Désormais une autre distance les séparait, celle qu'Espoir voulait garder entre eux - pas parce qu'elle n'était plus importante pour lui, comme Volonté l'avait cru d'abord, mais parce qu'il lui en voulait encore, d'être partie, d'avoir mis la quête de ses origines et sa soif d'aventures avant leur amitié.

Volonté aurait pu s'excuser, mais ça n'aurait pas été sincère. Elle avait fait ce qu'elle devait faire, par fidélité à elle-même. Elle avait vu, appris, vécu ce qu'était le pays de sa mère, et à présent elle faisait le choix de revenir vers ce qui restait son pays à elle, le pays de Taebryn et d'Espoir plutôt que de Vainqueur et d'Aimée Loinvoyant. Espoir et ce pays allaient-ils lui faire payer ses infidélités ? Etait-elle encore bienvenue, avec ses yeux en amande et sa liberté farouche ?

- Toi aussi tu m'as manqué, avoua-t-elle, se penchant encore pour boire ses larmes sur le visage de son ami - sur son front, sur sa joue, au coin des lèvres.
Espoir ne se débattit pas, comment l'aurait-il pu sous les lourdes couvertures ?
- Tu me fais une place ? Promis je serai discrète, murmura Volonté.

Et en vérité, c'était tout ce qu'elle désirait : une place, au plus proche, contre son corps et son coeur.

Le retour de Volonté le perturbait. Bien entendu, il était heureux de la retrouver, fichtre, la surprise avait été de taille. Une part de lui-même en revanche était pétrie de ressentiments. Il savait bien qu'elle n'avait eu aucune possibilité de lui donner des nouvelles, et lui s'était refusé tout contact par le biais d'Art. Envers les individus dénués de magie, il avait le sentiment de violer leur intimité.
Et Volonté ne méritait pas d'être traquée voire espionnée.
Non, il avait rongé son frein, avait enfermé son amour pour elle à double tour et avait souhaité son bonheur. Qu'avait-il pu bien faire d'autre ?
Et cette nuit, plutôt que de lui dire à quel point elle lui avait manqué, il se comportait comme un gamin, laissant ses mauvais sentiments prendre le dessus.

C'était égoïste quelque part, car il était mieux placé que quiconque pour comprendre pourquoi elle était partie à la recherche de ses origines. Ne prévoyait-il pas d'aller dans les Montagnes ?
Après la discussion de son père adoptif, il n'en était plus si certain.
Au lieu de lui apporter la lumière de la vérité, ses parents le menaient sur un chemin d'ombres.
C'était pénible et blessant, d'autant plus qu'il pensait que n'importe quelle vérité ne serait jamais pire que toutes celles qu'il avait imaginées.

De l'eau lui coula sur le visage et il releva les yeux vers Volonté penchée vers lui. Pleurait-elle ?
Toi aussi tu m'as manqué avoua-t-elle avant d'embrasser sa peau.
Il fut tenté de lui rendre ses baisers mais quelque chose l'en empêchait.
À son murmure, il soupira mais ne put le lui refuser.
Alors il ouvrit les couvertures pour lui faire une place, presque gêné de se retrouver nu et si proche.
Son bras se proposa comme un nouvel oreiller, si elle le souhaitait. Dès qu'elle se fut installée et qu'elle avait cessé de gigoter, apportant la fraîcheur de la nuit avec elle, il reprit dans un murmure:
- Je suis surpris mais heureux de te voir. Qui d'autre sait que tu es de retour ?

Son père n'était plus ici, était-elle au courant ? Oui probablement. Et de sa main libre, il acheva de sécher les larmes sur le visage aux yeux d'ailleurs.