Un vilain défaut II [janvier 11 - PV Shyrin]

Maître Vérichanteur Messages : 1042 Date d'inscription : 18/10/2010

Le membre 'Vaillant Fructurive' a effectué l'action suivante : Le hasard en action

'Hasard 6' : 2

Shyrin fut ravie de repousser le verre d'alcool trop fort en attendant que Vaillant lui rapporte autre chose à boire, quelque chose de plus doux, espérait-elle vivement. Même si elle trouvait ridicule son idée qu'elle puisse avoir de l'influence sur Vainqueur, elle ne cessait de repenser à ce qu'il avait dit sur le pouvoir et sur les gens.

Une infime part de son esprit voulait garder l'espoir délirant qu'elle ne serait peut-être pas toujours une prisonnière honnie. Après des semaines de désespoir sans fond, elle ignorait d'où pouvait provenir cette dangereuse étincelle mais le fait était que Vaillant avait soufflé sur la braise et que l'idée faisait son chemin.

Repoussant sans pitié l'espoir qui menaçait de la briser définitivement s'il disparaissait pour de bon, elle se concentra sur le présent. Le musicien avait entamé un autre morceau et plusieurs personnes s'étaient levées, sans doute pour danser. La précision de leurs gestes lui échappait bien sûr, mais Shane saurait lui décrire les détails et la grâce floue avec laquelle ils évoluaient était plutôt plaisante à regarder. Distraitement, elle croqua un nouveau morceau de fruit puis leva les yeux vers son compagnon qui revenait à table.

- Vous être marié, oui ?

Vaillant s'assit et glissa la coupe vers Shyrin, songeuse.

- A la liberté, dit-il en faisant tinter les bords des calices, savourant le vin sucré comme le parallèle avec le mariage.
Le mariage avait toujours signifié pour lui la fin de la liberté. Mais aujourd'hui, c'était une prison dans laquelle il avait presque hâte de se réfugier, pour que cessent le doute et la solitude.

- Non, pas encore, répondit-il, songeur à son tour, en regardant l'assistance.
Les femmes qui dansaient semblaient toutes d'un certain âge. Comme si les jouvencelles n'éclosaient au château qu'avec le printemps.

- Désolé de ne pouvoir vous inviter à danser, reprit-il, une idée suivant l'autre. Mais il faudra que vous appreniez les danses d'ici. Comme notre langue. Je sais, c'est ennuyeux... Mais vous trouverez sans doute un bon professeur.

Là encore il n'était pas qualifié, même s'il l'exercerait volontiers à la conversation.

- Et vous, princesse ? Dansiez-vous pour quelqu'un ? osa-t-il, au risque d'aiguillonner sa mélancolie chatouilleuse.

Shyrin sentit avec soulagement le parfum du jus de fruits dans sa coupe et but avec plaisir après avoir trinqué avec Vaillant. À nouveau, elle balaya ses mots avec un sourire indulgent.

- Je pas danser.

Du moins, elle ne dansait plus. Non seulement elle n'avait pas envie d'apprendre les danses des Duchés, mais de plus, la danse nécessitait à ses yeux de mettre du coeur à l'ouvrage, de s'abandonner à la passion, or elle ne s'en sentait plus capable depuis qu'elle avait quitté sa demeure. Elle était sur le point de demander à son nouvel ami s'il serait d'accord pour l'aider avec la langue puisque la danse ne les séduisait ni l'un ni l'autre, mais il lui coupa l'herbe sous le pied et la prit de court avec sa question. Ses joues rosirent et elle détourna les yeux une fois encore avant de répondre sans réelle gêne mais avec une certaine mélancolie.

- Je danse pour mon père. Il aime ça regarder.

Elle avait dansé pour Bhaal Fanel aussi, une fois. Avant le désastre, quand elle croyait encore qu'il serait bon pour elle et même qu'il tenait à elle.Et puis Luve Fanel lui avait ouvert les yeux en lui offrant des chaînes d'esclaves en guise de cadeau de fiançailles. Elle lui avait dit qu'elle n'était rien de plus que la fille d'une putain esclave à leurs yeux. Elle lui avait dit ce que les Fanel faisaient aux esclaves. Elle lui avait dit... Pas tant de choses que ça mais elle avait pris peur. Alors elle avait troqué ses chaînes d'épouse soumise pour celles de prisonnière de guerre sans avenir. Au moins Vainqueur Loinvoyant la traitait-il correctement. la plupart du temps.

- Vous aidez moi avec la langue, oui ? Demanda-t-elle gentiment autant pour ne pas avoir à parler de Bhaal que parce qu'elle n'avait personne d'autre à qui demander d'être son ami et son professeur.

La réponse de Shyrin fut très sage pour une jeune fille de son âge. Mais ses joues rosissantes parlaient pour elle. Naïf, Vaillant l'était peut-être, mais pas assez pour croire que la princesse de Chalcèdes, en son pays, n'avait eu aucun soupirant ni profité des légèretés de la vie. Mais une fois de plus, le jeune homme brida sa curiosité. De même il ne la questionna pas sur son père, ce chef de guerre, comme il en avait envie. Il n'était pas bon de replonger Shyrin dans le passé.

Il aurait aimé la faire virevolter pour l'aider à oublier. Mais c'était sans doute trop pour une première apparition publique, et surtout, sa jambe ne lui permettait plus. Lui aussi, se retrouvait face à ses regrets.

- Si vous le souhaitez, princesse, répondit-il, heureux de changer de sujet. Nous parlerons. Mais il vous faut un vrai professeur. Un savant, qui vous apprenne la langue, l'histoire des Duchés... Comme si vous étiez née ici.

Une question le traversa soudain.
- Avez-vous du bien ? demanda-t-il à mi-voix, gêné d'aborder ce point bassement pécuniaire.
Vainqueur pourvoyait sans doute à ses besoins. Mais il lui répugnait d'aller mendier au Roi une prestation à laquelle il aurait dû penser lui même. Or il faudrait bien payer l'homme de lettres : Shyrin n'était pas encore assez en grâce pour que l'honneur de lui enseigner suffise par lui-même.

- Quant à moi, je vous apprendrai la géographie, reprit-il pour lui laisser la pudeur de ne pas répondre. Êtes-vous autorisée à sortir du château ?

La recommandation de vaillant de trouver un véritable professeur pou lui enseigner la langue la laissa dubitative. Elle avait pensé qu'avec un peu d'entrainement, ou beaucoup de conversations plus libres, elle se débriderait naturellement. Après tout, elle connaissait déjà les bases et quand elle se concentrait réellement, elle était capable de parler correctement et presque sans fautes. C'est ce que lui avait dit son professeur en Chalcèdes. Cela dit, si Vaillant estimait qu'elle avait besoin d'un savant, peut-être avait-il raison. Mais elle n'avait pas grand chose à elle, et c'est ce qu'elle lui répondit en secouant la tête avec un sourire désolé.

- Juste quelques bijoux à moi.

L'idée de sortir en revanche l'enchantait positivement. Mais elle n'était pas aussi facile à réaliser qu'elle pouvait le sembler de prime abord. Tapotant son verre du bout des doigts, elle reprit en souriant toujours mais le regard plus inquiet.

- J'ai droit sortir, oui. Mais avec escorte et chaperon.

Et Shane aussi si elle voulait avoir des yeux pour voir. Elle s'en était miraculeusement sortie une fois avec Vainqueur lors de leur promenade à cheval qui avait fini par une étrange tempête, mais une deuxième sortie, surtout pour apprendre la géographie, risquait de mettre à mal son secret.

- Peut-être, vous pouvez venir chez moi et raconter géographie ? Je suis bonne mémoire.

Vaillant acquiesça gravement. Des bijoux : elle n'avait pu emporter guère plus dans sa fuite. A quoi pensait-il ?! A un accord passé entre Vainqueur et Hobes, ou au simple sens de l'hospitalité du Roi. Mais visiblement il ne permettait pas à sa captive de vivre selon son rang. Il préférait la garder dans l’ignorance et la solitude. Par négligence, ou par défiance ?

- Vous ne les portez pas ? reprit-il pour aller vers un sujet plus léger.
Avec son châle, on ne voyait pas un bout de décolleté, ni par conséquent de collier. Avait-elle les oreilles percées ? Il pencha la tête, puis se surprit en train de l'observer, et se dit que non, un chaperon ne serait pas de trop. Ni une escorte pour sa sécurité parmi le peuple souvent bête et hostile.

- Volontiers, répondit-il. Mais nous irons voir les vrais paysages. Les cartes vous seraient d'un ennui mortel !
Il porta sa coupe à ses lèvres. Il réfléchissait déjà aux endroits qu'il allait pouvoir lui faire visiter. Le choix était réduit à moins d'une journée du château. Car Vainqueur n'allait certainement pas lui laisser battre la campagne.

- Votre "escorte et chaperon" ont-ils déjà été nommés ? s'enquit-il.
Il observa l'audience, qui cessait sa danse, et un souvenir lui revint.
- L'homme blanc n'est plus avec vous ?

Shyrin rosit légèrement en secouant la tête. Elle ne portait pas ses bijoux, non. Elle en avait peu et, même si elle avait eu le goût à se faire belle et à les porter, ils lui semblaient à la fois trop exotiques et pas assez élégants pour la cour de Castelcerf.

- Je pas beaucoup sortir. Je préfère simplicité.

Elle n'avait guère revu Vainqueur depuis la promenade qui avait tourné au désastre neigeux. Il devait désigner son chaperon mais personne ne s'était manifesté, aussi avait-elle pensé qu'il n'avait pas eu le temps de s'en préoccuper. Il avait sans doute bien d'autres choses plus importantes qu'elle à gérer. À nouveau, elle secoua la tête.

- Je pas savoir. Sa Majesté rien dire à moi depuis promenade.

Quant à Ava... Elle promena son regard autour d'eux spontanément à la mention de son esclave mais il n'était pas là, bien sûr. Peut-être pourraient-ils passer une soirée douce au coin du feu tous les trois ce soir-là ? Elle avait envie de retrouver un peu de la douceur de son foyer.

- Peut-être vous pouvoir demander à Vainqueur ?

Vaillant regarda pensivement Shyrin, un instant silencieux.
- Oui, je lui demanderai, princesse, concéda-t-il.
Ne l'avait-il pas suppliée de le laisser l'aider ? Lui refuserait-il cette épaule sur laquelle elle semblait avoir tant besoin de s'appuyer ?

Pourtant il n'était pas le mieux placé pour mendier des faveurs à Vainqueur. Qui était-il pour plaider la cause de la captive ? Comment justifier leur semblant d'amitié ? Le soutien qu'il lui apportait, autrement que par un élan naïf du cœur ? Une candeur dont il ne se croyait plus capable, et dont le Roi guerrier était sans doute dépourvu.

- Mais il accéderait plus aisément à vos requêtes, si vous lui formuliez directement, osa-t-il d'un ton mesuré, espérant que cela ne passerait pas pour une lâcheté.
Il songeait avant tout à l'intérêt de la jeune fille, même s'il serait soulagé d'échapper à une entrevue officielle avec celui qui l'avait tant meurtri.

De ce passé douloureux, Shyrin ignorait tout... comme il ignorait, lui, ce dont elle s'était rendue coupable aux yeux du roi, et qui l'empêchait, peut-être, de rien oser lui demander. Vaillant hésitait à la questionner, quand...

1-2 il fut invité à danser.
3-4 Shyrin fut invitée à danser.
5- Shane murmura quelque chose à l'oreille de Shyrin.
6- Le ménestrel tira sa révérence, dans un tonnerre d’applaudissement.

Maître Vérichanteur Messages : 1042 Date d'inscription : 18/10/2010

Le membre 'Vaillant Fructurive' a effectué l'action suivante : Le hasard en action

'Hasard 6' : 1

Shyrin hocha docilement la tête mais au fond, elle était certaine que Vainqueur n'écouterait pas ce qu'elle avait à dire et ne serait jamais enclin à lui accorder une faveur si elle la demandait elle-même. Certes, la promenade à cheval avait quelque peu arrondi les angles entre eux. En tout cas, elle avait accepté de lui parler. Cela dit, elle n'avait pas réellement le choix. Il n'en restait pas moins qu'ils ne pourraient jamais avoir confiance l'un en l'autre. Elle resterait la prisonnière qui avait menti pour protéger une fugitive et il serait à jamais celui qui avait impitoyablement violé son esprit sans défense. Mais ça, elle ne pouvait pas l'expliquer à Vaillant.

La musique reprenait de plus belle quand une femme approcha pour inviter son compagnon à danser. Un peu surprise tout d'abord, elle eut cependant un sourire indulgent et fit un petit geste signifiant à Vaillant qu'il pouvait la laisser sans remords. Au besoin, elle pouvait faire appel à Shane et regagner ses appartement. Ou sortir... Oui, puisqu'elle avait à présent le droit d'aller et venir à sa guise, elle pouvait prendre l'air quand bon lui semblait. Cela dit, il faisait tellement froid dehors, qu'elle hésitait un peu. Elle fit néanmoins signe à sa soeur qu'elle approche afin qu'elle puisse lui demander à voix basse de lui apporter de quoi se couvrir pour sortir.

Vaillant fut pris au dépourvu. Il était inhabituel qu'une femme invite un homme à danser. Surtout lui.

Il hésita à laisser Shyrin, mais il était tout aussi grossier de refuser l'invitation. La princesse sembla l'encourager à quitter son siège, et c'est ce qu'il fit pour rejoindre bon gré mal gré la piste de danse. Heureusement, la foule bigarrée était dense autour de lui, ce qui masqua son jeu de jambe inexistant. De toute manière, Shyrin regardait ailleurs et sa cavalière semblait goûter davantage les plaisirs de la conversation.

Le moment fut d'autant plus plaisant qu'il fut bref, et Vaillant rejoignit bientôt la princesse solitaire.
- Je soupçonne ma cavalière d'être plus intéressée par votre mystérieuse présence que par mes talents de danseur, plaisanta-t-il en se rasseyant, pour se relever aussitôt.
Shane plaçait un gros châle sur les épaules de sa maîtresse.

- Vous souhaitez sortir ?
Il sembla se rappeler du vœu interrompu qu'elle avait formulé avant qu'il ne l'entraîne dans la grande salle.
- Où souhaitez-vous aller ? Les jardins, peut-être...?
Les femmes aimaient toujours les jardins.

Shyrin ne crut pas vraiment à ce que disait Vaillant. Il était sans doute trop modeste pour reconnaître que les femmes lui tournaient autour. Hochant la tête avec un léger sourire, elle prit appui sur le bras de Shane pour se lever, elle aussi, un épais châle drapé sur ses épaules.

- Oui, jardins. Je vouloir profiter de la liberté.

Voilà qu'elle se mettait à plaisanter... Les choses avaient bel et bien changé. Et Vaillant y était sans doute pour beaucoup. Même si la conversation avait mal commencé, ils avaient finalement trouvé à s'entendre et la présence du jeune homme lui faisait du bien. Le seul fait de discuter d'égale à égal avec quelqu'un était infiniment agréable et elle se rendait compte à quel point ça lui avait manqué. Vaillant était le tout premier ami qu'elle rencontrait depuis qu'elle avait quitté Chalcèdes.

- Vous emmenez moi ?

Vaillant sourit à la plaisanterie de Shyrin. Il eut préféré qu'elle le pense vraiment, mais c'était encourageant.

Il la regarda se lever et s'éloigner de quelques pas au côté de sa petite ombre brune. A peine sortie de sa cage elle volait déjà de ses propres ailes. Il approuvait et regrettait à la fois cette indépendance nouvelle. Elle n'aurait pas besoin de lui longtemps... Bientôt il devrait s'effacer pour la laisser poursuivre sa route glorieuse.

Il eut une pensée fugitive pour Chiara et se demanda s'il avait tord de s'attacher ainsi à cette deuxième Chalcédienne aux cheveux de feu. Mais les deux femmes, si tant est que Shyrin en soit déjà une (en l'état elle ressemblait plutôt à un oisillon enfoncé dans son jabot de plumes), ne se ressemblaient pas. Il décida que ça n'avait rien à voir et lui proposa avec plaisir son bras. Finalement, elle avait encore besoin de lui un moment.

Tout en discourant sur les jardins de Gué-de-Négoce, il la mena au cœur du château jusqu'au jardin de la Reine. Il devait avouer que malgré son extrême sobriété, renforcée par l'hiver, l'endroit était d'une élégance rare. Il aimait particulièrement, en retrait du jardin, la petite fontaine de pierre grise où il avait coutume d'Artiser jadis, avant que les jardins ne lui rappellent de trop langoureux souvenirs.

Il ignorait ceux de la princesse pour ce jardin particulier.

Shyrin écoutait Vaillant et ça lui permettait de ne pas penser à l'endroit où ils se rendaient. Bien que le monde qui l'entourait soit flou et impossible à reconnaître, elle se souvenait de l'escalier sans fin qui menait au magnifique jardin où Brun Braveterre lui avait fait si peur. Le plaisir de la compagnie de Vaillant et la beauté de l'endroit pouvaient-ils lui faire oublier les mauvais souvenirs ? Cette fois, elle n'aurait pas à repartir seule, honteuse, perdue et en larmes. Cette fois, c'était une promenade officielle, Vaillant la ramènerait à ses appartements ensuite, comme il se devait. Oui, elle avait peur, mais elle avait également hâte de revoir ces jardins qui l'avaient marquée malgré sa peine.

Une fois les dernières marches escaladées et le seuil franchi, elle fut soudain éblouie par les reflets du soleil sur la neige qui couvrait le sol, immaculée et vierge. Du moins la voyait-elle ainsi. Tout comme la dernière fois, le jardin scintillait de mille éclats et reflets magiques. Un large sourire radieux s'épanouit sur son visage.

- J'aime beaucoup jardins, murmura-t-elle comme si elle craignait de troubler la magie des lieux.

C'était complètement différent de ses jardins chez elle en Chalcèdes, évidemment, mais le plaisir était tout aussi intense.

- Vous corriger moi si je suis erreur ? Poursuivit-elle, la langue libérée par le plaisir de cette promenade.

Vaillant s'assit sur le rebord de la fontaine, qui ne chantait plus. Jadis il avait laissé sa magie couler au rythme de l'eau ; ce genre de bruit calme et régulier favorisait la pratique de l'Art. Légèrement penché, il promena son ongle sur la surface gelée, s'amusant de ses craquelures.

- J'aime beaucoup les jardins, corrigea-t-il la princesse sur sa requête, avec un sourire indulgent.
Il ignora sa seconde phrase. Il y avait trop à faire, et il ne se sentait pas le courage d'une leçon de grammaire.

- Il y en a plusieurs, en vérité. Nous sommes dans le jardin d'agrément, mais il y a, près de l'entrée, le jardin médicinal. Pour soigner, précisa-t-il.
- Sans doute les jardins de Chalcèdes sont-ils différents ? Plus de fleurs, sans doute ? Ici, en hiver... il n'y a guère de fleurs que les flocons de neige. Et cette curieuse fleur violette qu'on appelle "pensée". On dit qu'en infusion elle est sérum de vérité.
On disait aussi qu'elle donnait de l'esprit aux femmes, mais il préféra n'en rien dire.

Un gland était pris dans la glace.
- Vous avez toujours votre écureuil ? demanda Vaillant, se rappelant tout juste de l'existence de la bestiole.
Elle n'avait peut-être pas survécu au voyage.

Shyrin acquiesça encore d'un petit hochement de tête, acceptant la correction et la notant pour ne pas oublier. Elle ne voulut pas s'asseoir immédiatement cependant mais fit quelques pas autour de la fontaine qui ne chantait plus.

- Nous avons les jardins très beaux, oui. Je avons jardin à moi avec les bassins, les fleurs, les arbres...

Curieuse, elle l'observa tandis qu'il parlait - ou du moins parut le faire - et secoua doucement la tête en joignant ses mains devant elle.

- Je connais peut-être pensée. Je pas certaine.

Surprise qu'il se soit souvenu de Naolann, elle sourit à nouveau et hocha positivement la tête.

- Il reste au chaud. Naolann êtes comme moi : froid.

Elle se détourna, les mains serrées dans son giron et promena son regard presque aveugle sur les beautés qui les entouraient.

- Je pense qu'il meurt bientôt, ajouta-t-elle tout bas.

Même si l'écureuil n'était qu'un petit animal de compagnie, un caprice offert par son père quelques années auparavant, elle y était très attachée et avait de la peine à le voir si mal adapté à ce climat capricieux. Elle priait Sâ chaque jour qu'il l'aide à tenir jusqu'au printemps. Elle était certaine qu'une fois le temps plus clément, Naolann s'adapterait, peut-être même qu'elle aussi y parviendrait une fois que tout serait moins glacial.

Vaillant tâcha de se représenter les jardins de Chalcèdes. Il partit des jardins de Castelorme et y ajouta des détails exotiques : des bassins avec des plantes aquatiques, des fleurs de toutes les couleurs, avec des oiseaux de la taille d'insectes (ou des insectes de la taille d'oiseaux) voletant de l'une à l'autre ; le tout sous un soleil de plomb, rond et orange ; avec pourquoi pas des danseuses peu vêtues servant des rafraichissements...

L'effort d'imagination devenait plutôt plaisant, voire lui réchauffait les sangs dans l'air vif de Castelcerf. Les derniers mots de Shyrin furent comme une douche froide. Encore à demi pris dans les voiles des langoureuses Chalcédiennes, il n'avait absolument aucune idée de quoi dire à la jeune fille pour la consoler. Il savait ce qu'il ne fallait pas dire : la vérité. A savoir qu'elle prendrait un autre animal de compagnie et oublierait vite le premier. Ça n'est pas ce qu'elle avait besoin d'entendre. Mais qu'avait-elle besoin d'entendre ? Il chercha Shane des yeux pour l'appeler à l'aide, mais la petite brune se tenait en retrait.

- Je pourrai... commença-t-il.
Le soigner par l'Art ? s'étonna-t-il, découvrant le fil de ses propres pensées. Un écureuil ? Par Eda il avait perdu l'esprit. Il devait tempérer ses envies de venir absolument en aide à la princesse. Il n'était pas un dieu, pas son ange gardien ni même capable de soigner par la magie, pratique qu'il avait récemment découvert dans un grimoire et qui l'obsédait depuis, pour des raisons assez évidentes. Pourquoi Maître Ordajonc ne leur en avait-il jamais parlé ? Comptait-il le faire avant de mourir, ou cela comptait-il au rang des nombreuses pratiques répréhensibles de l'Art ?

- Je pourrai vous montrer des pensées, reprit-il pour rectifier le tir.
Et, bien qu'il n'ait pas plus envie de jouer à l'herboriste qu'au grammairien, il saisit la main de Shyrin pour partir à la recherche de la fameuse fleur.

Surprise par la soudaineté du changement de sujet, Shyrin se laissa entrainer sans résister dans le jardin, un large sourire étirant ses lèvres. Elle aimait tant être dehors, comment avait-elle pu se laisser enfermer aussi longtemps ? Même s'il faisait un froid glacial, l'air et la lumière lui faisaient du bien. Le soleil lui manquait infiniment. Elle devait vraiment se forcer à sortir à présent qu'elle n'était plus confinée dans ses appartements. Avec l'aide et le soutien de Vaillant, elle aurait peut-être un peu plus souvent le courage de le faire.

La neige crissait sous ses chaussures trop légères, son châle glissait et des mèches folles s'échappaient déjà de sa tresse mais elle n'y pensait plus. Pour la première fois depuis des mois, le froid qui la glaçait jusqu'aux os se laissait un peu oublier. Le plaisir de parcourir ces jardins féériques repoussait la mélancolie. La pensée la traversa que ce n'était sans doute pas convenable d'être venue là seule avec Vaillant, avec Shane pour tout chaperon, mais qui le saurait ?

- Alors, vous trouve ? S'amusa-t-elle.

Shyrin se laissa entraîner plus loin dans le jardin. Elle était si légère que Vaillant sentait à peine le poids de son bras, seulement la sensation froide de sa main.

1-2 Ils ne trouvent pas de pensée.
3-4 Ils trouvent tout un parterre de pensées.
5-6 Ils trouvent une unique pensée, émergeant de la neige.

Au hasard de leur exploration, ils trouvèrent tout un parterre de ces fleurs d'hiver dont il lui avait parlé. Vaillant pensait s'en moquer, mais la vision de cette armée de pétales violacées dépassant de la neige le toucha un instant.

- Vous pourriez demander un lopin à la Reine, si vous le souhaitez, reprit-il après un temps. Pour faire pousser, euh... ce que vous voulez.
N'avait-elle pas dit aimer les jardins ? A moins qu'elle apprécie seulement les regarder, ce qu'il comprendrait bien. Il ne voyait rien de passionnant à s'agenouiller pour gratter la terre.

- Vous l'avez sans doute déjà rencontrée ? La Reine-Mère ?
Cela lui paraissait évident, mais il ignorait la nature de leur relation. Il supposait qu'hostile à la guerre, Bienséance serait bien disposée envers celle qui avait permis la paix.

Maître Vérichanteur Messages : 1042 Date d'inscription : 18/10/2010

Le membre 'Vaillant Fructurive' a effectué l'action suivante : Le hasard en action

'Hasard 6' : 4

Devant le splendide parterre de fleurs violettes, Shyrin s'illumina de plaisir. Elle adorait les fleurs. Dans ce paysage flou et blanc de neige scintillante, les pensées semblaient irréelles, c'était magnifique. Ramenée au présent par la proposition de Vaillant, elle tourna vivement la tête vers lui, soudain pleine d'espoir.

- Vous croire ?

Il y avait bien des choses qu'elle n'avait plus le coeur à faire depuis sa reddition sans condition aux mains du Roi Vainqueur. Mais l'idée de pouvoir à nouveau entretenir un jardinet, planter des fleurs, les soigner et les voir s'épanouir, la grisait littéralement. Son coeur en battait plus fort soudain. Au point qu'elle faillit ne pas entendre la question de son chevalier-servant.

- Rencontrée, oui. Mais je ne connais pas vraiment. Jamais nous être parlé ensemble. Je suis ennemie.

Elle avait ajouté cette dernière phrase plus bas et avec un sourire désolé comme si elle s'excusait d'être qui elle était. En tout cas, elle n'était pas étonnée que la mère du Roi n'ait pas cherché à la rencontrer de manière plus précise. Que pouvait-elle avoir à faire d'une prisonnière ennemie sans influence ni pouvoir ?

Vaillant sourit, à la fois heureux et inquiet de la joie que manifestait Shyrin à l'idée de si modestes plaisirs. Son hiver ici avait dû être bien morne. Dans le froid, entourée d'ennemis, réels ou imaginés. Avec pour seule compagnie son rongeur mourant, sa jeune servante et ce mystérieux homme blanc qu'il n'avait pas revu.

Après avoir admiré les pensées, les avoir comptées jusqu'à trente pour tester les nombres de Shyrin, ils déambulèrent dans le jardin. En silence ou en échangeant des mots banals, seuls à l'exception de quelques promeneurs, profitant de ce moment flottant. Vaillant eut froid assez rapidement, n'étant pas vêtu pour l'extérieur. Prétendant se soucier de sa chaleur à elle, il lui proposa de rentrer.

A sa porte il s'arrêta et dit :
- J'espère vous ramener bientôt des nouvelles du Roi. En attendant, promenez-vous dans le château. Il y a de quoi vous occuper pendant un moment ! Et le ménestrel devrait rester quelques jours.

Il baisa sa main et poursuivit :
- Bonne journée princesse. N'hésitez pas à m'envoyer Shane. Sauf le matin où nous serons en leçon d'Art.
Il eut un coup d’œil pour la servante, petit fantôme dans le couloir. Il avait du mal à imaginer qu'elle ferait bientôt partie du Clan. Et qu'il la connaitrait mieux qu'il ne connaitrait jamais Shyrin.

» Des mots aux gestes [Shyrin et serviteurs - fin 12/10]
» Promenade en terre inconnue [Shyrin - Janvier 11]
» Les héritières | pv Shyrin|
» Tu n'es pas celle que j'attends [Shyrin]
» Déjeuner en paix (Shyrin)

Un vilain défaut II [janvier 11 - PV Shyrin]

Un vilain défaut II [janvier 11 - PV Shyrin]

Sujets similaires

Sujets similaires