De taille moyenne, plus dense que lourd et façonné par les éléments, Iskjan est un homme fait à la peau burinée par les vents et la poussière de la route. Ses cheveux noirs, souvent longs – sauf quand il se décide à les couper, auquel cas il les porte très courts pour se donner de la marge jusqu'aux prochains coups de ciseaux – aiment jouer avec les éléments pour finir dans des positions assez chaotiques. Il en va de même pour la barbe sombre qui mangent le visage du jeune conteur, généralement jusqu'à ce qu'elle soit assez longue pour être désagréable, auquel cas elle disparaît totalement laissant des joues plus blanches que les pommettes mais heureusement bien vite recouvertes à nouveau. C'est ce cycle sans cesse renouvelé qui, plus que tout, marque le passage du temps pour le Conteur.

Sous d'épais sourcils, noirs eux aussi, le presque trentenaire arbore des yeux bruns que le soleil ou l'amusement teintent de paillette noisettes. Très expressifs, ils sont totalement sous le contrôle de leur propriétaire qui y laisse passer, à l'envie, toutes les émotions qu'il souhaite véhiculer. Le plus souvent, cependant, vous les verrez pétiller d'un amusement mal réprimé aux bêtises de la vie. S'il n'a pas encore les pattes d'oie au coin des yeux - signe de sa jeunesse – on les sent venir, rançon de l'humour étrange du sang-mêlé. Autre indice du manque de gravité du jeune homme, sa bouche, bien que souvent dissimulée donc sous la barbe et la moustache noire qu'il arbore, montre un sourire en coin et une expression neutre mais bienveillante.

Un front haut et dégagé et un visage aux pommettes saillantes et aux joues creuses viennent compléter ce profil. De dégaine, il semble posé et tranquille, comme un torrent contenu dont on peut maîtrise le flux mais qu'on ne pourrait jamais vraiment arrêter. Quand il marche, ses longues jambes avalent les distances avec une endurance venue avec le temps. Il s'accompagne toujours d'un bâton qui tintent sur les rochers devant lui. Tout chez lui est naturel, spontané. C'est un homme éduqué mais qui a choisi d'être simple. Il est jeune, il est en pleine santé et la sève de la jeunesse qui pulse en lui se sent dans l'énergie calme de ses mouvements.

C'était un enfant heureux, libre et curieux qui  a quitté les Montagnes. C'est un homme posé et sûr de lui qui foule à présent les sentiers des Duchés mais il a gardé en lui les rêves de l'enfant qu'il était et ce besoin insatiable de savoir, de comprendre, d'écouter. Sociable mais solitaire, il apprécie les nouvelles rencontres, les histoires des uns et des autres, les chansons dans les tavernes, les fêtes de village, le partage du pain et des connaissances mais n'a aucune difficulté, le moment venu, à dire au revoir à ses nouveaux amis et à reprendre la route, seul, avec son propre esprit pour compagnon. Au fil de la route, il peaufine ses histoires et ses messages, observe la nature autour de lui, médite sur un sujet ou un autre qui  a piqué son attention et donc, ne s'ennuie jamais vraiment. Patient, il est tout à fait capable d'attendre des heures qu'arrive un événement donné, s'il pense important d'en être le témoin. Il aime regarder, être là, au milieu des événements, pas pour participer ni pour la gloire mais simplement pour le plaisir d'avoir été là.

Amoureux des mots, de leur sonorité et des messages qu'ils transmettent, Iskjan n'est pas très attaché à la Vérité telle qu'on la définit dans les milieux civilisés. Pour lui, les faits ont moins d'importance que leur retentissement et que leur message. Modifier la réalité, l’enjoliver, la tordre pour la faire rentrer dans ses desseins ne le dérange nullement et il n'a aucun problème pour inventer des choses dans les rares cas où le réel ne lui fournirait pas assez de matière à broder. Cependant, et sans que cette contradiction le dérange le moins du monde, c'est un homme loyal et honnête qui n'a qu'une parole. Il fait ce qu'il dit. Il ne dit pas forcément ce qu'il fait. Il ne raconte jamais ce qui est vraiment. Les mots sont sa musique, son instrument, sa vie. Il les utilise avec le plus de précision possible, les polissant jusqu'à ce qu'ils brillent tellement que l'auditoire en soit totalement ébloui.

Autre facette du Conteur qui est une conséquence directe de son métier, le jeune homme ne cherche pas à intervenir dans les événements qui rythme la vie des gens. S'il n'est pas « méchant », il lui est tout à fait possible de laisser quelqu'un au sol – figurativement ou non – si la leçon qu'il en tirera est plus bénéfique au long cours que de l'aider à le relever. Il n'ira pas non plus le frapper ou profiter de sa faiblesse mais hey, son rôle à lui c'est de voir et de raconter, pas de modifier le cours des choses. Les modifications sont après, dans les histoires qu'il en raconte. Doté de plus d'un humour assez caustique, frôlant le cynisme, il aime à se moquer des gens et des choses, surtout quand ceux-ci se prennent très au sérieux. Un titre de politesse qu'il utilisera pour converser avec un interlocuteur peut très bien, sous ses lèvres, se découvrir à double tranchant et ce d'autant plus qu'en amoureux des mots, il aime à bien connaître les subtilités de l'étiquette.

Enfin, par-dessus la nature de l'enfant qu'il était, recouvrant l'homme de lettres et de vent qu'il est devenu, Iskjan est aussi défini par les Interdictions que lui a inculquées Mesure tout au long de son apprentissage. Interdiction de boire autre chose que du cidre – et encore, pas trop – Interdiction de ressentir le moindre intérêt pour ses propres pulsions sexuelles qu'il a apprit à canaliser en une énergie plus créative presque sans y penser à présent, Interdiction de jamais perdre le contrôle. Pourquoi ? Parce que, répondait Mesure en lui infligeant une nouvelle série de méditations. A présent, le jeune homme a intégré ses Interdits en lui au point qu'il n'a plus besoin d'y réfléchir. Il voit bien l'ivresse et l'amour chez les autres, autour de lui. Il peut écrire dessus, les reconnaître, les comprendre. Mais il ne les a jamais vécus et ne les vivra jamais. Il est le Conteur, Celui qui Regarde. Il n'est pas fait pour entrer dans la danse

(en italique des précisions qu'Iskjan n'a pas forcément)

Mesure est l'homme qui est allé chercher Iskjan dans ses montagnes et lui a offert les routes. Homme des Duchés, à présent proche de la soixantaine, il est le mentor d'Iskjan. C'est lui qui lui a apprit à lire, à écrire et à compter, les plantes des Duchés, les histoires de partout et d'ailleurs. Il lui a également apprit la discipline, la méditation et la plupart des règles auxquelles le Conteur se soumet aujourd'hui. Ayant obtenu un tout petit lopin de terre au soleil, il coule des jours heureux à raconter aux enfants les souvenirs enjolivés de ses propres aventures.
Iskjan s'est souvent demandé s'il ne s'agissait pas de son père biologique – question qui reviendra lorsqu'il saura pour son pouvoir d'Art. Ou bien un artiseur à qui son père aurait demandé de le conditionner correctement. Ce n'est pas le cas. Mesure a en effet connu le père d'Iskjan mais celui-ci ne lui a rien demandé. De plus, Mesure ne possède pas l'Art. C'est un homme tout ce qu'il y a de plus commun.

Neige c'est tout ce qu'Iskjan a de son père biologique et il est assez certain qu'il ne s'agit pas de son vrai nom mais d'une astuce trouvée par sa mère pour répondre à ses (trop) nombreuses questions. Il lui invente des vies diverses et des tempéraments mais ne sait rien de son géniteur. Parfois, il se dit qu'il s'agit de Mesure.
Neige – qui ne s'appelle pas Neige - est un descendant d'un bâtard Loinvoyant qu'une « exploration » de jeunesse au delà des frontières de Bearns a mené à rencontrer une jolie montagnarde qu'il a mise enceinte presque par mégarde. Il est mort dans la Crue d'Art qui décima le Clan de Vainqueur et n'a jamais su qu'il avait un fils.

La mère d'Iskjan est une femme dont la beauté reste malgré les années et la vie au grand air. Elle est d'une nature douce et tranquille avec un humour qui se retrouve parfois en l'aîné de ses fils. Après s'être retrouvée enceinte de ce dernier, elle a épousé un autre éleveur, veuf avec petit garçon qui avait promis de prendre soin de l'enfant à venir. Elle en a eu deux autres enfants. C'est elle qui a décidé d'appeler Iskjan « fils de Neige » car le père « s'est évaporé comme la neige au printemps ».

Père adoptif d'Iskjan c'est un homme simple et bon des Montagnes. Malgré un fils aîné et deux autres enfants avec Jaksell, il a toujours traité le jeune garçon comme l'un des siens, avec les mêmes droits, les mêmes devoirs, les mêmes corvées aussi.

Alkas, Jegora et Sleik sont les frères et sœurs adoptifs d'Iskjan. Ils ont tous grandi et ont repris l'affaire familiale, Jegora tressant la laine, Sleik s'étant retrouvé dans les teintures tandis qu'Alkas suit bravement les traces de son père. Des gens sans histoire dans une famille sans histoire avec les colères et les réconciliations d'usage.

Iskjan ne parle jamais de sa famille des Montagnes. Il n'a pas cherché à les revoir depuis son départ sur les routes et n'a aucune idée de ce qu'ils sont devenus. Pour autant, il n'a pour eux que tendresse et vœu  de bonne santé.

Il n'est pas né en hiver. Pourtant, un fils de Neige, on aurait pu croire, mais non. Après, quand on est petit, quelle importance, la saison qui nous a vu naître tant que l'on a de l'amour et de la nourriture à foison ? Et ça, Iskjan en avait. L'amour de sa mère. Celle de son beau-père qui, bien que lui ayant toujours dit qui il était et d'où il venait l'a élevé comme un fils de sa chair, et celui, plus volatile, de ses frères et de sa sœur. Avec les Montagnes comme terrain de jeu, la Nature en professeur et l'horizon comme seule limite, l'enfant était un gamin joyeux, éveillé, curieux, incapable de tenir en place ou de rester silencieux. Il devait tout voir. Tout savoir. Tout comprendre. Les rares choses à lui tenir tête le faisaient rentrer dans des colères sourdes et silencieuses tandis qu'il fusillait du regard un monde qui lui paraissait soudain noir et grondant comme l'orage avant qu'une nouvelle éclaircie lui fasse oublier momentanément la cible de sa colère. Eclaircie qui s'appelait souvent Maman, plus rarement Garthe. Oh, il y revenait, à ce qui l'avait frustré. Il y revenait toujours. Têtu et pugnace, jusqu'à ce qu'enfin, les mystères du caillou-qui-brille ou bien ceux des nuages-qui-s'effilochent aient un début de réponse.

Enfant bâtard dans une famille recomposée qui vivait bien de son commerce et de son élevage sans pour autant être riche, le jeune garçon avait tout ce dont il pouvait rêver. Sa seule inquiétude concernait son avenir. Il aimait bien les bêtes et la vie nomade mais passer sa vie au milieu des chèvres ne le faisait pas rêver. Il aspirait à d'autres choses, ailleurs. D'autres choses à voir, d'autres choses à comprendre. Il ne savait pas quoi, il n'y avait rien de dégradant à garder des chèvres. C'étaient des bêtes sympathiques qui montaient n'importe où, dont aux arbres mais voilà, ça ne faisait pas vibrer son petit cœur de berger. Sauf qu'il ne se voyait pas vraiment faire autre chose. Tout le monde s'occupait des chèvres autour de lui. Tous les parents de ce monde là aussi, et leurs enfants feraient certainement pareil.

C'était durant le printemps de ses 10 ans que Mesure passa dans la vie de l'enfant. Mesure, c'était un Etranger. Un homme des Duchés qui étaient les terres de l'autre côté des Montagnes qui étaient comme les terres des Montagnes mais en plat et avec une herbe qui ne valait rien pour les chèvres mais qui étaient les terres d'où venaient son Vrai Père qui viendrait un jour le prendre sur son cheval s'il avait un cheval ou autrement s'il avait autre chose. Mesure donc, il avait un accent bizarre et des mots partout qui faisaient rêver. Toujours dans ses pattes, Iskjan lui raconta ses origines comme s'il avait parlé de la pluie et du beau temps, sans y penser ni y mettre de malice, parlant en même temps du troupeau, des paysages et des merveilles qui faisaient vibrer son imagination d'enfant. Fasciné par le personnage, il tomba cependant des nues lorsque Garthe lui apprit que Mesure avait proposé de le prendre en apprentissage s'il le voulait bien. N'ayant aucune raison sérieuse de garder ce fils adoptif qui montrait si peu d'envie à apprendre le Métier, l'éleveur n'avait conditionné son accord qu'à ceux de Jaskel et du gamin, celle-ci se pliant au desiderata de l'enfant qui n'hésita pas bien longtemps. Quitter sa famille serait difficile mais c'était pour apprendre ! Et ne plus jamais s'occuper d'une chèvre !

En effet, les débuts furent difficile pour l'enfant. Si la route ne changeait pas de sa vie nomade d'avant – quand bien même Mesure était moins doué pour le bivouaque que les Montagnards – mais parce qu'il fallait apprendre à lire, à écrire, à compter, ainsi qu'à parler la langue des Duchés et bien en plus. Et puis il y avait les séances de méditations, difficiles pour un enfant aussi actif que lui. L'adolescence fut particulièrement difficile, abordant de front le passage de garçon à homme et l'intensification du volet spirituel de sa formation. Clashs, mots durs, séparations et retrouvailles rythmèrent les hommes aussi sûrement que les saisons. Au final, Iskjan revenait toujours à Mesure, son port d'attache. Petit à petit, toujours sur les routes, de Bauge en Bearns, de Chalcèdes au Montagnes, il apprit l'indépendance, prenant parfois la route seul quelques temps jusqu'à ce que les temps seuls deviennent aussi longs que ceux à deux. Jusqu'à ce que la neige tombe sur les cheveux de Mesure pour ne plus en partir. Jusqu'à ce qu'un jour, Mesure reste en Rippon.

Depuis ce temps là, Iskjan voyage seul avec son bâton, l'esprit plein de mille aventures, certaines qu'il a vécues, d'autre qu'il n'a fait qu'écouter. Il est des routes, oubliant le temps et les saisons, concentré sur ces gens qui font le sel de la terre. Depuis quelques temps, ses pas semblent le mener à Castelcerf. Il s'y presse, sans vraiment savoir pourquoi, ses pensées le ramenant sans cesse à ce lieu que pourtant il ne connaît que peu. Un appel