La pièce était sombre, à peine éclairée par les rayons d'une Lune pleine, fuyant à travers les volets. L'odeur est familière, un mélange de bois de cèdre et de sève de pin.
Taebryn connait bien ces odeurs mêlées. Ce sont celles de chez lui. Chez lui pas à Castellonde, chez lui dans la cabane où il a passé les premières années de sa vie.
Une cabane simple, fait par les propres mains de son père.
Il se relève d'un coup et se rend compte, incrédule qu'il est dans son lit. Son lit d'enfant.
Surprit, il regarde ses mains, et les cals qui ont fait de ses mains des mains d'homme ne sont plus. A la place, des petits doigts et une paume tendre, une peau lisse à peine égratignée par les jeux d'enfant.
L'atmosphère lui semble pesante, presque étouffante. Il n'a jamais eut peur de la nuit pourtant, une intuition fugace, lui souffle qu'il est sur le point de se passer quelque chose.
Ses yeux s'écarquillent de terreur. Il sait à présent. Il se rappelle cette fameuse nuit. Ses parents, le sang, l'Ours.
Il reste tétaniser dans son lit. Peut-être que s'il n'y va pas, il ne leur arrivera rien. Mais le temps semble avoir stoppé son élan, attendant qu'il agisse.
Au bout d'un moment qui lui parait être une éternité, il sort de son lit, et marche pieds-nus sur le parquet grinçant. La porte d'entrée n'est pas loin, il continue son avancée.
D'une main hésitante, il tourne la poignée et avance finalement à l'extérieur.
Son angoisse ne fait qu'empirer. C'est bien la même lune, blanche et immense.
Elle le regarde et semble sourire.
Le sol est couvert d'une file couche de neige, qui ne sera plus là au matin, il s'en rappelle.
Ses pas d'enfants le mènent sur le chemin, dans les bois. Ses parents ne sont toujours pas revenu du marché où il vendent leur production.
Il les a attendu longtemps et c'est ça qui l'avait poussé à prendre le chemin des bois, pour les retrouver.
Soudain, un hurlement retentit. Cela commence songe-t-il, effrayé. Et malgré les tremblements qui secouent son corps, il continue à avancer, il accélère même jusqu'à courir. Ses yeux le piquent, il sait déjà ce qui l'attend là-bas, mais il y court avec ses jambes d'enfant.
Ses petits poings se crispent et il arrive à l'endroit si particulier. A quelques mètres d'un arbre, sa mère gît sur le sol, couverte de sang. Son père n'est pas loin, mort lui aussi dans une vaine tentative de la défendre contre le prédateur.
Leurs corps sont mutilés, déformés, seuls leurs visages restent incroyablement ressemblant à ceux qu'ils étaient lorsque la vit faisait encore battre leurs veines.
Le petit garçon qu'il est alors sent quelque chose qui se déchire en lui, et à genoux, couvert du sang, il hurle sa peur, sa détresse, sa terreur face à cet adversaire redoutable qui lui a tout pris. Son enfance, ses espoirs, sa vie.
Un grognement retentit dans les fourrés. Instinctivement, l'enfant se tait et tourne son visage sans un bruit vers sa mort. Son regard n'est que terreur, pourtant, une certaine détermination brille dans sa pupille, jusqu'à ce que l'ours surgisse et le dévore en une bouchée.