Avec l'arrivée du duc de Béarns à Castelcerf, la vie s'était considérablement compliquée pour Brasier.

Le comte était arrivé depuis 2 mois à la citadelle quand, enfin, il avait obtenue une audition auprès du roi. Là, il avait dit tout ce qu'il avait sur le coeur. L'assassinat de son fils pour la seule raison qu'il était vifier, les persécutions incessantes que lui et les siens subissaient en Béarns et la politique d'oppression menée par leur duc, Glace Loinvoyant, qui ne faisait qu'envenimer la situation.

Vainqueur et Brasier avaient, depuis, tenu salon régulièrement, échangeant autour du Vif de façon à ce que le roi obtienne de cette magie une vision objectif et complète. Le chemin était long, à ce qu'il semblait, pour que le roi comprenne cette pratique honnie autant qu'intime. Brasier n'avait vraiment pas besoin d'obstacles supplémentaires et c'était pourtant ce que le duc Glace Loinvoyant lui opposait constamment depuis son arrivée à la cour en compagnie de sa duchesse de femme.

Un casse-tête, voila ce qu'était la vie de Sire Brasier. Ses promenades quotidiennes à travers Cerf prenaient des allures d'échappatoire depuis quelques temps, le menant toujours plus loin de Castelcerf. Ce jour-là, ce fut vers la Cerf que le vieil homme jeta son dévolu. Voir l'eau couler, puissante et inébranlable, avait quelque chose de rassurant. Hypnotique, même. Sous le charme, Brasier finit par s'asseoir à l'abri d'un saule et se prit au jeu, réservé aux rêveurs et aux riches, de regarder l'eau couler.

Que ses sombres pensées accompagnent le cour du fleuve et il serait débarrassé! Seul signe extérieur de sa frustration, un caillou quitta sa main pour finir dans le courant du fleuve.
Plouf, fit-il, décevant.

Croyance marchait d'un pas vif dans les herbes folles. Elle suivait un minuscule sentier. Un long ruban, fait d'herbe couchée par le passage de plusieurs créatures, s'étendais derrière elle.
Sa jupe ample dansait, suivant la cadence de sa marche, et l'herbe bruissait doucement sous ses pas. Le froufrou du tissus, le bruit léger de l'herbe qui par endroit était jaunie et craquante, ces sons calmes étaient propices à la rêverie.

A ces sons s'en ajoutaient d'autres tout aussi légers; le murmure de l'eau dominait, et parfois s'ajoutait le chant de quelques oiseaux et le bourdonnement d'un insecte.
Une brise faisait frémir, par moment, l'herbe verte, qui se teintait de reflets argentés.
Quelques cheveux rebelles s'agitaient sur le visage de Croyance. Elle avait légèrement chaud, aussi appréciait elle de sentir l'air tiède passer sur ses joues.

Le son de l'eau devenait de plus en plus puissant, depuis qu'elle avait cessé de longer la rive de loin.
Croyance adorait particulièrement ce bruit, ce coulis chantant qui avait quelque chose de rafraîchissant.
Elle aurait pu passer des heures à l'écouter.
C'est bien plus beau que tout ce que des ménestrels pourraient créer, songea t-elle. Puis elle se repris : Non, elle avait cette pensée parce qu'il y avait trop longtemps qu'elle n'avait pas eu le plaisir d'entendre un ménestrel. Elle s'émerveillait simplement, comme toujours, de ce qu'elle avait sous les yeux.

L'âme en paix, emplie de douceur et de bien-être, Croyance s'approcha du bord de l'eau.
A cet endroit, il y avait une butte de terre, et la rivière coulais en contrebas, trop loin pour qu'elle puisse s'en approcher.
Plus tard, peut-être qu'elle descendrais voir de plus près. Elle joua avec cette idée, caressant du regard la pente douce qui l'amènerais au bord de l'eau.
En attendant, elle avait un peu de temps, une petite heure à savourer. Il fallait aussi cueillir une réserve de menthe pour la tisane, mais elle allait d'abord s’asseoir une seconde.
La jeune femme se décala un peu puis s'assis en tailleur dans un coin d'herbe confortable. Elle cueillit un brin, qu'elle fit tournoyer entre ses doigts, songeuse, les yeux perdus dans les reflets lumineux de l'eau.
Puis elle cueillis deux autres brins et commença à les tresser, en levant de temps en temps les yeux pour regarder la rivière.

Soudain, elle eût le sentiment inexplicable que quelqu'un se trouvait non loin d'elle.  Elle se tourna légèrement et aperçut un homme, assis sous un arbre.  Il était un peu trop loin pour qu'elle le voie en détail, et puis, il lui tournait presque le dos.
Croyance se demanda s'il était déjà là lorsqu'elle était arrivée, et s'il l'avait vue.
Partir ? Rester ?
Elle hésita une fraction de seconde puis décida de ne pas s'inquiéter de l'inconnu. Elle ne ressentait rien d'alarmant émanant de lui.
Elle pris alors un brin d'herbe à mordiller, puis repris son tressage.

Brasier avait croisé de nombreuses personnes depuis qu'il avait quitté Castelcerf, leur accordant un salut silencieux ou se contentant de les effleurer de son vif. Depuis qu'il était assis à l'abri du saule, plus dune dizaine d'individu étaient passés, ignorants de sa présence, dont certains étaient allés jusqu'à s'installer à moins de 2 mètres de lui avant de reprendre leur route.
Quand une jeune femme vint s'installer, à son tour, il ne lui accorda pas plus d'attention qu'aux autres. Ou si peu. C'est quand elle remarqua sa présence qu'il se tourna vers elle et en conçu une forme d'inconfort.
Brasier ne s'attendait pas à ce que la femme soit si éloignée de lui. Habituellement, il évaluait au mètre près où se trouvait toute personne de son entourage. Rares étaient les fois où il se trompait.
Il devait vraiment être fatigué. Cette dernière discussion qu'il avait menée avec le roi lui pesait sur la conscience, l'enfermant dans de sombres pensées.
A tel point qu'il en oublia de saluer la jeune femme, "tout goujat qu'il était" comme sa femme aimait à l'accuser chaque fois qu'elle le voyait plongé dans ce genre d'humeur.
Tous deux auraient pu rester longtemps, l'un à côté de l'autre, et jamais ne se parler, mais le destin en avait décidé autrement et se manifesta sous la forme:

Citation :

1 - 4 : d'une attaque
2 - 5 : d'une noyade
3 - 6 : d'une multitude d'animaux se pressant à leur rencontre.

6? Ainsi soit-il!
Les premiers à paraître furent une famille de lapins. Au nombre de 5, ils avaient l'air de folâtrer d'un buisson à l'autre, inconscients de la présence d'un humain à moins de 3 mètres d'eux. Leur comportement, toutefois, n'était pas commun. L'un d'eux, en particulier, vint se presser contre les jambes de Brasier et envoya se cogner contre la conscience de l'homme quelques pensées du genre de "perdu, perdu!!". C'était à n'y rien comprendre. Rien d'étonnant, pour l'instant, Brasier n'avait jamais rien compris aux rongeurs, contrairement à sa femme qui les menaient à la baguette.
Sans pitié, Brasier renvoya le lapin et sa famille d'un mouvement impatient de la jambe.Va voir ailleurs! Qu''il lui signifia clairement. Ce que la famille de lapin fit, s'en allant perturber Croyance de leurs sollicitations fébriles. Sitôt Brasier débarrassé, les buissons non loin de lui se mirent à s'agiter et s'écartèrent soudainement pour laisser place à un renard.
Il ne manquait plus que ça!

- Et toi alors? L'interrogea Brasier. Perdu perdu aussi?

Panique! Lui cria le renard de son regard affolé jusqu'à son dos et sa queue hérissés.
Quand un hérisson puis un serpent et une biche se pressèrent dans son dos, Brasier se leva et les regarda passer sans comprendre ce qu'il se passait. Le déluge allait-il commencer?!

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