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| L'année du rat [PV Flashback Fortune - Décembre 31] | |
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Aimée Loinvoyant
Messages : 166 Date d'inscription : 16/04/2020 Age : 43
Feuille de personnage Fonction: Reine-servante des Cinq-Duchés Âge: 20 ans DC: †Shyrin Loinvoyant, Chiara Lunabille
| Sujet: L'année du rat [PV Flashback Fortune - Décembre 31] Mer 16 Déc - 23:43 | |
| La matinée était fraîche mais l'air de la mer amenait toujours un peu plus de douceur que dans les terres. Sortie très tôt ce matin-là pou monter à cheval, Aimée avait eu la mauvaise surprise de tomber sur son père, on ne savait trop pourquoi, qui en avait profité pour lui adjoindre deux gardes en guise d'escorte. Adieu la galopade effrénée dans les champs enneigés, adieu la liberté, elle allait devoir se contenter d'une balade plus sage ce jour-là. Au moins l'avait-il laissée prendre la route vers Bourg-de-Castelcerf avec une escorte réduite.
Bien que l'atmosphère soit glaciale et la paysage plein de givre, un beau soleil d'hiver brillait et faisait miroiter les gouttes de rosé accrochées aux branches noircies des arbres. Tout était absolument enchanteur et le Reine-servante ne perdait pas une miette du spectacle. Elle en oubliait le but réel de sa promenade et ses regrets de n'avoir pas pu en profiter seule et en toute liberté. C'était beaucoup trop beau pour se montrer ingrate.
Une fois en ville toutefois, la neige s'était muée en eau boueuse et le froid qui lui rosissait joliment le nez et les joues semblait faire souffrir les autres. Sa cape était doublée de fourrure, lui tenant chaud même vêtue de braies, de bottes et d'un pourpoint d'homme, mais elle ne pouvait s'empêcher de remarquer combien elle était favorisée par le sort. La pensée l'avait ramenée au souvenir de sa mère et de toutes les bonnes œuvres qui lui tenaient à cœur. Alors, tout en déambulant à cheval dans les rues en direction de la place du marché, se montrant aimable et souriante avec tout un chacun, elle réfléchissait fort à tout ce qu'elle avait délaissé parce qu'il lui était insupportable de songer à sa mère.
En tournant au coin de la rue suivante, elle remarqua bien le groupe de jeunes gens désœuvrés assis sur des planches à même le sol mais elle ne s'y attarda guère. Ils avaient son âge et leurs regards lui rappelaient ceux des grappes de courtisans qui médisaient de ceux qui passaient et dont les allégeances changeaient plus vite que le sens du vent. |
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| Sujet: Re: L'année du rat [PV Flashback Fortune - Décembre 31] Dim 20 Déc - 12:14 | |
| L'hiver avait finit par s'installer véritablement sur le Duché de Cerf, et si d'aucuns pouvaient le trouver plus doux ici en bord de mer qu’ailleurs dans les terres, il restait tout de même une longue et douloureuse épreuve à traverser pour ceux et celles qui n'avaient comme seule toiture que la voute céleste. Fortune avait accumulé depuis plusieurs jours déjà toujours plus de couvertures dans sa retraite la plus abritée, mais la dernière nuit qu'il avait passé la haut avait été à peine supportable. Le givre et la glace avaient pris possession de tout ce qui contenait un tant soit peu d'humidité, et Fortune s'était extrait frigorifié de son amas de couvertures dans le tintement des cristaux de glaces qui dégringolaient de son abris. La minuscule source de chaleur qui émanait de la boule de plumes noires blottie au creux de son aisselle ne parvenait pas à contrer les piques glaciales qui le traversaient de part en part, le laissant fébrile, parcourus de frissons douloureux. Toute la journée il avait essayé de s'activer de son mieux mais galopant pieds nus dans la boue ou sur le pavé glacial, il n'était pas parvenu à chasser le froid qui fini par exercer sur sa nuque et ses tempes une pression continue et très désagréable. Il s'était résolut donc ce soir là à ravaler sa fierté, et demander asile, chez sa mère pour la nuit. Il calcula avec précision le moment le plus opportun pour optimiser les chances qu'on accepte de le laisser entrer, remonta les ruelles qui reliaient le Bas Bourg avec les premières rues du quartier des artisans. Au seuil de la maison de sa mère, il tendit l'oreille et le vif pour essayer d'entendre quelque chose à l'intérieur mais ne perçut rien. Pourtant il hésita. Martha et les Filles devaient être à l'étage, au beau milieu de leur toujours tumultueux "Conseil hebdomadaire". Les conditions étaient favorables, pourtant il s'en serait retourné, si Gifle n' avait pas saturé ses pensées de cadavres bleutés et de morts lentes et douloureuse dans la neige... Au même moment une rafale glaciale charriant des petits flocons s'infiltra entre les minces guenilles du jeune homme, ce qui eut pour effet de le projeter sur la lourde porte de bois qu'il martela plus vigoureusement qu'il ne l'aurait voulu. Pétrifié par le froid et le vacarme qu'il venait de faire, il n'eut pas à attendre longtemps avant que le juda ne s'ouvre sèchement, laissant apparaitre un regard sombre, sévère, et sur le coup carrément menaçant. La menace disparue des yeux derrière la porte lorsqu'ils reconnurent Fortune. Pour autant, le verrou ne joua pas dans la serrure. -Qu'est ce que tu veux? La question avait été lancé comme ça, sans animosité ni réelle curiosité. Il y avait déjà beaucoup de lassitude dans la voix de l'adolescent qui tenait la porte. Avec force mimiques et gesticulations tremblotantes, Fortune fini par s'attacher la compassion - ou étais-ce de la pitié?- de son jeune frère qui, dans un long soupir emprunt de réprobation, ouvrit enfin la porte. Commode avait comprit la situation. Fortune savait qu'il était inutile de s'attarder en bavardage avec ce petit frère peu loquace. Il savait aussi qu'en ouvrant la porte, Commode venait de lui apporter toute l'aide qu'il pouvait attendre de lui. C'était fait, et maintenant, Fortune devait se débrouiller seul. Commode, qui portait bien mal son nom, était pour Fortune ce qui se rapprochait le plus de ce que Martha aurait voulut qu'il soit: Le fils parfait. Commode avait été élevé comme un membre à part entière au service de la petite organisation de la maisonnée. Physiquement, il était l'inverse de Fortune. A quinze ans, il était certes de petite taille, mais trapu avec des bras aussi gros que les jambes de son frère, et un cou de taureau. Après avoir remplis toute sorte de tâche durant toute sa vie, il était maintenant chargé de la sécurité de la maison, et de ses occupantes. Martha n'était pas femme à faire dans la demi-mesure, ainsi son fils-chien de garde fut-il formé à faire mal, sans éprouver de sentiments. Sa puissance physique aurait suffit à terrasser la plupart de ses adversaires, pourtant, Commode se battait systématiquement, et quelque soit l'ampleur de la menace, avec deux courtes et larges lames qui, si elles n'auraient put à elles seules tuer un homme, tranchaient sans distinction dans les tendons et les muscles, laissant toujours de vilaines et durables séquelles. Cette approche passait pour particulièrement vicieuse au yeux de la plupart des gens de la rue, et Commode en était tout autant respecté que détesté. Fortune savait lui qu'en réalité, son frère ne faisait qu'obéir aveuglément aux ordres de Martha. La terreur qu'inspirait son fils servait la stratégie d'autonomie de la mère maquerelle vis à vis du réseau. C'était le prix d'une certaine liberté pour elle et ses Filles. Tant pis si, pour cela, Commode était désormais assigné à résidence de manière permanente, en raison du nombre trop importants de contrats qui circulaient déjà sur sa tête. Fortune se permit d'observer son frère de manière plus attentive une fois entré dans la maison. Il vit un jeune homme bien nourri, bien habillé, mais le regard était celui d'un vieux qui n'attendait plus grand chose de l'existence. Pour rien au monde il n'aurait échangé sa place avec celle de son frère. Il voulu poser sa main sur l'épaule de Commode, il aurait voulu lui dire combien il était désolé, mais le petit frère se dégagea dans un mouvement d'esquive un peu gêné et emprunt d'incompréhension. Sourcils froncés, il intima à Fortune l'ordre de se bouger le derrière s'il ne voulait pas se faire repérer par le poulailler. A l'évocation du poulailler, Fortune sourit franchement. Cette expression, c'était la leur, qu'eux seuls employaient, bien des années auparavant, à une époque ou ils étaient les seuls garçons de la maison. En échangeant un dernier regard avec Commode, il vit qu'il souriait lui aussi, timidement. -"Tu dégages avant le levé du jour, et tu voles rien!" lâcha Commode -"Moi aussi je t'aime mon coquelet" répondit Fortune en filant à toute allure vers le cagibi sous l'escalier, au fond duquel l'attendait, caché derrière des piles de meubles au rebut, et de malles de vêtements dépareillés, ce qui se rapprochait le plus de ce que devait être un bon lit. Gifle, restée invisible sous les guenilles de son compagnon de lien laissa alors déferler un flot d'amour intarissable, qui fit beaucoup de bien à Fortune. Il lui fallut du temps pour trouver le sommeil. Il restait bien malgré lui tendu, aux aguets, redoutant à chaque bruits de pas qu'on ne le découvre. C'est finalement bien plus tard, lorsque plus un son ne se fit entendre dans la maison, lorsqu’il fut véritablement certain que tout le monde dormait, qu'il s'autorisa enfin à sombrer dans le sommeil. Il ne fit pas de rêves cette nuit là, peut-être n'en eut-il pas le temps? Il lui semblait qu'il venait à peine de s'endormir, lorsque le pied de Commode percuta sèchement ses cotes. -"Tu fais chier, Fortune" Les premières lueurs de l'aube filtraient de la toile huilée du fenestrons au dessus de sa tête. Le regard de son petit frère penché sur lui affichait les mêmes sentiments que celui qu'il attachait au visage de sa mère: colère et déception. Commode tourna les talons et quitta le réduit sous l'escalier en laissant la porte ouverte. Fortune ouvrit à la volée une malle de vêtements de la quelle il tira une boule de textiles qu'il tria, au touché, et enfoui ce qui lui paraissait le plus chaud, sous ses loques, en filant tout ramassé sur lui même vers la porte d'entré que Commode s'apprétait à déverrouiller. Fortune se glissa dans entrebâillement dès que la porte fut -ouverte , et adressa dans le mouvement un coup d’œil à son petit frère, dans lequel il aurait voulut faire passer excuses et gratitude. Mais Commode ne lui accorda pas un regard, et les lourds verrous de la porte claquèrent bruyamment dans le silence de la rue déserte. Bien que le soleil n'ait pas encore franchit la ligne de l'horizon, sa lumière éclairait déjà un ciel limpide et sans nuages... La journée promettait d’être glaciale.
Gifle s'agita vivement sous les frusques de Fortune. Le jeune homme s'empressa de dégager la corneille de la boule de vêtements qui l'écrasait contre son aisselle. La corneille lui assena un violent ressenti d'odeurs et de relents méphitiques qui provoquèrent un haut le cœur à Fortune. Il avait compris l'idée, mais n'était pas sur de vouloir savoir si le volatile avait à se plaindre du parfum des vêtements empruntés... ou de sa propre odeur corporelle? Une fois dégagée, gifle prit aussitôt son envol et Fortune l'a perdit rapidement de vue. Elle avait faim, et n'eut pas besoin de pensées bien subtiles pour faire comprendre à son compagnon qu'elle n'attendait rien de lui. Lui aussi il avait faim. Il envoya à Gifle l'idée d'un petit pain tout chaud qui lui tombait littéralement dans les mains... En retour il perçut avec une telle netteté la désagréable sensation d'une masse chaude et puante s'éclaboussant sur sa face, qu'il porta instantanément les mains au visage pour se protéger. En insultant copieusement sa compagne de lien, Fortune s'engagea dans une ruelle plus abritée du vent et examina tout en marchant le fruit de sa rapine. Il y avait des chausses de toile épaisse, dix fois trop grande pour lui, et une sorte de pourpoint bleu criard, brodé de motifs ondulées avec un fil qui avaient dut être argenté il y a bien longtemps. Le vêtement était intégralement doublé d'une fourrure noir et épaisse qui s'enroulait en un large et haut col. Le reste était constitué d'étoffes sans formes aux matières et couleurs variées. Il s’arrêta dans l'encadrement d'un large portail pour enfiler les chausses par dessus les siennes, puis se glissa avec difficulté dans le pourpoint qui s'avérait particulièrement étroit, et cintré. Le contact avec la fourrure qu'il remonta haut sur ses oreilles l'enveloppa instantanément d'une douce sensation de chaleur. Il enroula enfin, du mieux qu'il put, les étoffes autour de ses pieds, le long de ses jambes et autour de sa taille, pour maintenir les chausses en place.
C'est ainsi curieusement accoutré que Fortune fit son apparition aux premières heures de la journée dans le centre de Bourg sans autre perspective que de faire taire les grognements de son estomac.
Le quartier, habituellement déjà fort animé à cette heure était ce matin plutôt calme. Les passants dans les rues circulaient d'un pas tout autant pressé que prudent sur la chaussée glissante, la tête dans les épaules et le nez rouge. Chacun semblait impatient de rejoindre sa destination, et l'on ne s'adressait que de brèves salutations en croisant des visages connus. Fortune fit un détour par le fournil des Clairépis, ou il arriva sans peine à récupérer quelques accidents de cuissons auprès de Paille, le tout nouvel apprentis qui lui était, comme qui dirait, durablement redevable, rapport à une vieille histoire... Grignotant ses brioches carbonisée, Fortune s'apprétait à descendre vers les quais lorsqu'une voix aigrelette l'interpella en s'attardant avec emphase sur sa tenue pour le moins excentrique. Il reconnut Crécelle, installé sur les planches qu'on avait jeté sur une portion de la rue particulièrement boueuse. Le grand dâdet, emmitouflé dans un épais gilet de laine brute faisait passer une bouteille en terre à deux gamins qui n'avaient pas l'air de souffrir le moins du monde du froid. Fortune les avait vue débarquer avec un père, soit disant marin, quelques mois plus tôt. Il les voyait depuis dépérir, jour après jours, livrés à eux même, mais jamais trop loin des quais, toujours à l'affut du bateau qui devait leur ramener leur père... Crécelle n'était pas mauvais bougre, et si il sacrifiait une partie de sa précieuse oisiveté à s'occuper des gamins, c'est parce qu'il savait fort bien que des rapaces autrement plus mal intentionnés avaient des projets pour ceux qu'on appelait déjà, les orphelins... Il invita Fortune à se joindre à eux, en rappelant la bouteille pour qu'on la lui passe. N'ayant aucune véritable raison de refuser, ni affaire plus pressante en cours, Fortune s'assit à son tour sur les planches, et but au goulot une longue gorgée du liquide glacial qui le brula néanmoins sévèrement de la langue aux viscères. Très vite, les gamins pressèrent Crécelle de continuer à jouer. Ce dernier expliqua à Fortune qu'ils étaient en train de faire un "Rime-La-Vie". Ce petit jeu devenu populaire chez les plus désœuvrés était à l'origine un exercice issue de la formation des Ménestrels, et consistait à enchainer des vers rimés en s'inspirant directement de ce que l'on voyait sur l'instant. Évidemment, mauvaise fois, cynisme et moqueries constituaient l'essentiel des contenus de ces exercices d'improvisation. Le trio n'eut pas besoin d'insister longtemps, pour que Fortune qui venait d’avaler sa deuxième rasade de l'ignoble tord-boyaux qui circulait toujours, sentit monter en lui la chaleur de l'alcool à demi frelaté, en même temps que l'inspiration. Il scruta rapidement la rue et ses passants qui se faisait plus nombreux à mesure que la matinée avançait, à la recherche d'un thème lorsqu'il aperçut le père Sablon qui s'éloignait tête basse. Le bonhomme déjà fort âgé avait toujours vécu avec sa mère, que l'age et peut être aussi le froid avait finit par emporter quelques jours avant. Sans plus de compassion pour la douleur de l'homme, Fortune s'éclaircit la gorge et déclama d'une voix forte: "Voyez le arriver, chancelant Le pauvre cherche encore sa maman Regardez l'homme qui traine sa peine"...
Cherchant une suite à son vers, il adressa un bref regard à ses collègues, et constata que leur attention était toute entière tournée vers le trio monté qui venait de tourner au coin de la rue. Fortune reconnut lui aussi la crinière flamboyante de la singulière Reine Servante, dont les escapades loin du confort de son château étaient désormais célèbres. L'un des gamins susurra quelque chose à l'oreille de Crécelle en pointant sans aucune retenu un doigt vers les cavaliers qui n'étaient plus qu'à quelques pas. Sentant son public décrocher, et sans plus y réfléchir, Fortune sauta sur ses pieds et dans un ample geste théâtral tendit les deux bras vers la rouquine et rejetant la tête en arrière, il hurla: "Tout comme cette chienne de Chalcédienne!!"
Les rires qu'il s'était attendu à entendre éclater ne vinrent pas. Au lieu de cela, un silence de plomb écrasa toute la rue.
C'est seulement lorsqu'il ré-ouvrit les yeux que Fortune mesura pleinement, l’ampleur de sa boulette. |
| | | Aimée Loinvoyant
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Feuille de personnage Fonction: Reine-servante des Cinq-Duchés Âge: 20 ans DC: †Shyrin Loinvoyant, Chiara Lunabille
| Sujet: Re: L'année du rat [PV Flashback Fortune - Décembre 31] Dim 20 Déc - 17:37 | |
| Regardant au loin pour ne pas laisser voir qu'une bande de jeunes gens de son âge pouvait l'intimider, Aimée ne comprit pas immédiatement les mots lancés par l'un d'eux. Son cheval s'était arrêté net cependant et un silence de plomb avait envahi la rue. Baissant les yeux sur le jeune homme les bras écartés qui la contemplait avec une sorte de fierté mêlée d'effarement, elle saisit soudain le sens des paroles qu'il avait osé hurler à sa face.
Abasourdie d'être ainsi insultée en plein jour et de face par un garçon qu'elle n'avait encore jamais vu et ne la connaissait ni d'El ni d'Eda, elle en resta quelques instants pétrifiée et indécise. Les deux gardes qui la suivaient s'étaient arrêtés eux aussi et elle sentait dans son dos leurs regards attentifs. Ils attendaient de savoir comment elle allait réagir.
D'un coup, la colère flamba en elle avec une violence encore rarement atteinte. Elle avait certes un caractère emporté - comme son père - mais elle se fâchait rarement aussi fort et surtout, ça ne durait jamais. Un éclat bref la libérait de sa rage et elle passait à autre chose.
Sans qu'elle l'ait réellement décidé, sa jambe passa par-dessus l'encolure de sa jument blanche et elle glissa souplement au sol. D'un pas décidé que rien ni personne n'aurait pu arrêter, elle fondit sur l'impudent, prête à lui faire ravaler ses mots à coups de ses poings serrés le long de son corps.
- Qui traites-tu de chienne, rebut de caniveau ? Hurla-t-elle en se jetant sur lui. |
| | | Invité Invité
| Sujet: Re: L'année du rat [PV Flashback Fortune - Décembre 31] Mer 23 Déc - 13:41 | |
| En regardant la jeune femme foncer sur lui Fortune restait absolument immobile. Il perçut à la limite de son champ de vision le mouvement furtif de Crécelle et des gamins qui semblaient glisser sur les planches boueuses en s' éloignant de lui. L'engourdissement qu'avait installé en lui l'alcool disparut brusquement pour laisser la place à une implacable lucidité. Par réflexe, il tendit son vif vers Gifle à qui il exposa en une seule et puissante pensée, toute la situation. Il perçut instantanément le vif intérêt de la corneille, une incroyable perplexité, et quelque chose qui aurait put se traduire dans le langage des hommes par: "POURQUOI?!?!?!?" Dans l'immédiateté propre au lien de Vif, Fortune évoqua une brassée de pathétiques arguments dont pas un ne parvenait à éclairer un tant soit peu la dramatique situation dans laquelle il se trouvait présentement. Agacée, Gifle pénétra violemment l'esprit de Fortune, et fouilla dedans sans ménagement ni respect. Lorsqu'elle trouva le tord-boyau, Fortune sentit le dégoût monter en lui, mais la sensation disparue aussitôt, remplacée par une surprise effarée. "POUR CA?!? pensa bruyamment la corneille. Il y avait dans la question tout autant d'incrédulité que de cette forme de respect absolue qu'on n'accorde qu'à la véritable Folie!! Elle fit tourner mentalement les derniers mots que Fortune avait prononcé, et le jeune homme perçut chez sa compagne quelque chose de l'ordre de la reconnaissance. "Carré huit pieds et une multi-syllabique sur les 2 dernières mesures!! Exulta-t-il en un fort sentiment de fierté. Fortune comprit pourtant immédiatement que pour Gifle, la performance technique et artistique disparaissait totalement derrière la débilité absolue du geste. Le jeune homme ne put qu'en convenir... Gifle communiqua une image d'elle, assistant à la pendaison de Fortune, et elle l'assurai que personne d'autre ne serait autoriser à se repaitre des yeux. Puis elle submergea son esprit d'un intarissable flot de sentiments d'abandon et de trahison. Fortune tressaillit l'espace d'un instant, il ressentit la peur s'emparrer de ses viscères.
Dans un dernier effort pour ne pas s'écrouler, il se coupa de l'avenir et du passé, et investit tout son être dans l'instant présent. Quelque part au fond de lui, quelque chose qui était Fortune et Gifle en même temps vit une petite noble outrée, qui n'allait probablement rien asséner de plus violent qu'un soufflet. La présence des deux gardes sur leurs chevaux interdisait toute tentative de fuite. Fortune baissa les yeux lorsque la reine servante fut sur lui, il attendit le coup en serrant les mâchoires. |
| | | Aimée Loinvoyant
Messages : 166 Date d'inscription : 16/04/2020 Age : 43
Feuille de personnage Fonction: Reine-servante des Cinq-Duchés Âge: 20 ans DC: †Shyrin Loinvoyant, Chiara Lunabille
| Sujet: Re: L'année du rat [PV Flashback Fortune - Décembre 31] Jeu 24 Déc - 0:07 | |
| À ce point, il n'y avait plus de Reine-servante ni de princesse, moins encore d'Aimée ou de Loinvoyant. Il n'y avait plus qu'une jeune fille folle de rage et qui laissait sa colère s'exprimer pleinement. Or cette jeune fille-là n'avait pas seulement été élevée par une mère douce et compréhensive mais aussi par un père exigeant et puissant en même temps que deux frères qui rêvaient de prendre sa place parce qu'elle n'était qu'une fille. La furie qui tomba à bras raccourcis sur le jeune insolent était donc bien loin de jouer selon les règles habituelles.
Plutôt qu'outrée, elle était furieuse, et plutôt qu'un soufflet, ce fut son poing qui partit en direction de la mâchoire arrogante de l'impoli. Elle n'avait pas peur, ni ne craignait de souffrir ou se faire mal. Elle s'était déjà battue plus d'une fois avec ses frères comme avec les autres enfants et adolescents vivant à Castelcerf. Non, Aimée n'avait pas froid aux yeux et ne se laisserait pas impressionner par un gamin de la ville. Elle lui montrerait qui était la chienne de Chalcédienne et ce qu'elle faisait des types grossiers dans son genre.
Les autres avaient filé sans demander leur reste et c'était tant mieux. Elle ne laisserait pas non plus son escorte intervenir. C'était à elle et elle seule de régler ça. Comme son père l'aurait fait à sa place, comme n'importe qui le ferait à sa place. Et nul besoin d'Art ou de rang royal pour ça. Elle lui ferait ravaler ses injures. - HRP:
Coucou ^^ Désolée, c'est un peu court mais je ne savais pas à quel moment tu voulais l'arrêter, ou plutôt la repousser par le Vif. Je te laisse le choix concernant ce que Fortune reçoit effectivement ou non. En tout cas, Aimée tente de lui coller un coup de poing et si ça marche, elle essayera de se jeter sur lui pour se battre comme une chiffonnière
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| | | Invité Invité
| Sujet: Re: L'année du rat [PV Flashback Fortune - Décembre 31] Mer 30 Déc - 23:38 | |
| En voyant le poing fuser en direction de sa figure, Fortune savait qu'il aurait dut baisser les yeux, et adopter une attitude servile, mais il en fut incapable. Loin, du coté des toits du château, une corneille avait pris son envole en direction du Bourg, et elle refusait de rater la moindre bribe de ce qui se passait plus bas dans la boue.
L'impact fut plus violent que ce à quoi Fortune s'était attendu. Il encaissa le choc qui le fit reculer d'un pas, mais il ne parvint pas à déverrouiller son regard de celui désormais furieux de son assaillante.
Fortune -ou était-ce déjà Gifle?- perçut clairement l'attitude des gardes montés, dont la tonicité des corps prêts à bondir contrastait étrangement avec l'amusement qu'on pouvait lire sur leur visage. Fortune vit furtivement l'opportunité d'une résolution satisfaisante de la situation. Il lui suffisait de baisser les yeux, plier le genou, et prononcer une formule qui restaurerait les places de chacun. Il s'en tirerait alors à peu de frais, et ...
Mais il n'eut pas vraiment le loisir de poursuivre sa réflexion. Gifle s'introduit dans son esprit avec sa délicatesse habituelle, et l’inonda d'une étrange et tenace curiosité à l'égard de cette femelle que l'attitude physique intriguait au plus haut point! Bien malgré lui, Fortune porta donc toute son attention sur la princesse, envahie par l'enthousiasme de la corneille. Il ne put même pas retenir le large sourire de satisfaction qui illumina son visage lorsque la part de lui qui était aussi Gifle enveloppa la femme de tout son Vif.
Etait-ce l'affront représenté par la posture inadaptée de Fortune, ou la réaction au contact du Vif? Quoi qu'il en fut, la Reine Servante des Cinq Duchés explosa littéralement et, faisant fie d'une vie entière d'enseignement de contrôle de soi, elle se jeta sur l'insolent en guenilles qui se tenait devant elle en hurlant avec la rage du plus sauvage des pirates outréliens!
L'impacte de la charge d'Aimée projeta son adversaire au sol. La princesse se retrouva assise à cheval sur le torse de Fortune et entrepris immédiatement de marteler sa figure de grands coups de poing. La part de Fortune qui n'appartenait qu'à Fortune essaya tant bien que mal d'immobiliser ces bras qui s'abattaient en un rythme furieux sur sa face, et dont chaque impact éveillait une douleur cuisante. La partie de l'esprit de Fortune qui n'appartenait qu'à lui, savait qu'il suffisait maintenant de laisser passer l'orage sans subir trop de dégâts, mais surtout, sans infliger la moindre égratignure à la Reine Servante Mais la part de Fortune, qui était aussi Gifle brulait d'une curiosité inouïe à l'égard de la femelle qui était aussi Reine et qui frottait son corps contre le sien. C'est très probablement Gifle qui pris l'initiative d'investir la jeune femme par le Vif. La corneille fut la première surprise de la facilité avec laquelle elle pénétra les défenses mentales quasi inexistantes d'Aimée, et de la manière dont elle s'enfonça sans peine à travers les différents strates de conscience de la femelle humaine. A l'intérieur de lui, Fortune hurlait à sa compagne de vif d’arrêter! Mais le corvidé s’isola dans une partie de l'esprit qui leur appartenait à eux deux, sourde aux lamentations du jeune homme, légèrement "au dessus" du lien, hors d'atteinte du flot émotionnel que l'intrusion avait libéré. Elle s'était posté en observatrice, et laissait l'esprit de Fortune encaisser seul la décharge affective.
Par terre, dans la boue, le corps de Fortune parvenait plutôt bien à esquiver la pluie de coup qui s’abattait sur lui. Il aurait put finalement se satisfaire de la situation, si son esprit n'avait pas été soudain pris d'assaut par plusieurs vagues émotionnelles charriant des souffrance exacerbés qui ne cessèrent de croitre en intensité. D'abord il prit de plein fouet la souffrance de la perte récente et définitive... Les vers qu'il avait proclamé quelques instants avant flottaient désormais comme des rubans de fumée intangibles, dans l'espace improbable que constituait à cet instant la fusion imparfaite de deux esprits d'humains, et de celui du corvidé. Il sembla à Fortune que la puissance des coups portés sur son corps redoubla avec l'apparition des vers dont les sons ne cessaient de raisonner dans l'espace clos et pourtant infini de l'esprit-qui-en-était-trois. Le fantôme d'une Reine sur son lit de mort apparaissait par intermittence dans le chaos des consciences mêlées. Pourtant, il encaissa seul. La souffrance physique ne fut pas vraiment plus difficile à supporter que la souffrance psychique engendrée par la mort. A son age, Fortune ne comptait plus le nombre de bonnes raclées qu'il avait ramassé, en revanche, il avait déjà besoin de sa deuxième main pour tenir les comptes du nombre de ses proches que la Mort avaient récupéré. Avec ce qui lui restait de contrôle de, et sur, lui même, il maintint solidement dressées les AilesNoires-mentales dont Gifle lui avait appris à se servir, pour protéger l'intégrité de son esprit.
L'espace d'une fraction d'éternité, Fortune se demanda pourquoi les AilesNoires ne le protégeaient pas des incursions de Gifle?
Mais l'idée disparue comme elle était arrivée, propulsée hors de la conscience par une nouvelle vague de pensées et de sentiments mêlés, qui focalisaient maintenant sur l'objet perdu: La Mère Idéalisée envahie tout l'espace! Son intelligence et sa beauté illuminaient de douceur et de sagesse chacun de ses gestes, chacune de ses décisions... La force qu'elle irradiait et qu'elle donnait à ses enfants permettait d'affronter sans la moindre crainte tous les avenirs possibles! C'est la souffrance liée à la prise de conscience de ce qui était véritablement perdu, de ces avenirs potentiels qui n'existeraient pas, qui s'abattit alors sur Fortune. Le choc fut plus violent que le précédent, parce que les questions qui accompagnaient la souffrance de la jeune reine servante, n'étaient finalement pas si éloignées de celles que se posait lui-même Fortune... Il s'agissait, de se faire sa place dans un système, de soutiens, de références et de personnes ressources ... Des problématiques qui, à des niveaux différents, devaient être communs à bien des jeunes de cet age. Fortune dut fournir un effort conséquent pour déployer une peu plus ses AilesNoires, et continuer à protéger efficacement ce qui n'appartenait qu'à lui, contre la rugosité des émotions d'Aimée qui érodait toujours plus ses défenses.
Au niveau le moins intéressant de la réalité de l'instant, les bras d'Aimée Loinvoyant commençaient à se faire lourds, et sa fureur était en train de perdre en intensité. Le corps étendu sous le sien était une boule de muscles noués en forme de carapace, dont la tête disparaissait sous les bras repliés.
Tout à son "exo-spection" indécente, Gifle observa un instant les idées et questionnements de la jeune femme, et y reconnut les inclinaisons tristement humaines qui l'agaçait tant chez son compagnon. Ce que Fortune lui présentait comme "subtile" dans sa culture, lui apparaissait à elle purement futile. Ainsi se désintéressa-t-elle rapidement de la thématiques des bons moments disparus et des espoirs perdus, pour aller chercher ce qu'elle pouvait comprendre, à savoir la nature réelle de l'être qu'on ne trouve qu'au niveau le plus archaïque de la conscience. Alors elle s'enfonça plus loin encore dans l'esprit de la reine servante, jusqu'à trouver ce qui l'intéressait vraiment: son commencement. Remontée à la source, elle s'immergea dans la matière qui constitue la base de tout les êtres sensibles: les toutes premières perceptions. Ce qu'elle trouva la remplit de stupeur: c'était radicalement différent de ce qu'elle avait découvert chez Fortune! Un peu comme si ces deux humains n'avaient pas été immergé dans le même bain sensoriel au moment de leur naissance: Il y avait dans l'expérience perceptive primale d'Aimée quelque-chose qui n'existait sous aucun forme dans toute l'expérience de vie de Fortune... Gifle fut troublée, parce qu'elle possédait dans sa propre expérience sensorielle quelque chose de similaire dont Fortune était totalement dépourvu, et pire encore, dont il n'avait même pas idée de l'existence. Pour Gifle, finalement comme pour Aimée, "ça" avait une odeur, une couleur, un son et une sensation unique au toucher. Un corpus d'émotions "sources" auquel elle savait pouvoir accéder pour trouver de la force. Elle avait acquis la certitude que les humains devaient être dépourvu de cette ressource, et en avait éprouvé de la pitié pour l'espèce. Mais la femelle humaine venait de lui montrer qu'elle avait tord! Débordante d'émotion à l'idée d'offrir à son compagnon de vif le moyen de l'épanouir enfin complètement, et inconsciente du duo des voix humaines qui hurlaient dans un espace qui n'existait qu'en eux, Gifle donna tout simplement à Fortune ce qu'elle avait trouvé chez Aimée. Dans les faits, elle déchira les AilesNoires comme si elles étaient faite de papier, et contraignit Fortune à s'immerger dans ce qu'elle avait découvert.
En un éclair, Fortune fit l'expérience sensorielle complète de plusieurs années d'Amour Maternel.
Le maelstrom de perceptions, de sensations et d'émotions qui l'emporta le ravagea intégralement. Il lui sembla se dissoudre dans la tourmente, et chaque parcelle de lui fut affectée par la puissance de ce sentiment qu'il ne connaissait pas. Il se consuma pendant une éternité dans un brasier qu'il alimentait lui-même. Chaque souvenir de caresse, chaque baiser lui arrachait la peau, chaque mot prononcé avec amour lui déchirait les tympans, et l'effroyable sentiment de sécurité qui baignait l'ensemble lui fut soudain insupportable. Dans un réflexe de pure survie, il se réunit en un seul point de l'espace et du temps, et produisit une poussée titanesque qui expulsa de lui... tout ce qui n'était pas lui.
Par terre, ce qui restait de Fortune sentit disparaitre le poids sur son thorax. Il entendit le bruits spongieux d'une masse qui tombe dans la boue à ses coté, et les exclamations de surprises qui fusèrent tout autour. Plus loin au dessus des toits, une corneille émit un long croassement interrogatif. Dans sa tête, Fortune était enfin seul. Il maintenait ses paupières hermétiquement closes, de peur que quelqu'un ne vienne perturber la sérénité de l'instant. En se réunissant, il constata qu'il avait gardé en lui quelque chose de ce sentiment brulant qui lui avait été imposé. Au même moment, il réalisa avec horreur que la fille qui l'avait rouée de coup avait elle aussi peut être gardé quelque chose de lui?
Lorsqu'il ré-ouvrit les yeux, ce qu'il vit dans le regard halluciné de la rouquine échevelée et livide qui gisait dans la boue confirma ses pires craintes. |
| | | Aimée Loinvoyant
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| Sujet: Re: L'année du rat [PV Flashback Fortune - Décembre 31] Lun 4 Jan - 17:15 | |
| Plus elle cognait, plus Aimée lâchait prise et abattait les barrières qui l'avaient retenue toute sa vie. Elle s'était déjà battue, bien sûr, ne serait-ce qu'avec ses frères, ou bien aux entrainements du maître d'armes. Mais il y avait toujours eu quelqu'un pour l'arrêter ou une voix intérieure pour la raisonner. Celle de sa mère ? En tout cas, ce jour-là, dans la fange crasseuse d'une ruelle de Bourg-de-Castelcerf, rien ne vint faire obstacle à sa fureur ni à sa peine et elle ouvrit grand les vannes. Chaque coup réveillait la souffrance qui bruissait en elle depuis des semaines, la poussant à porter un nouveau coup qui lui faisait plus mal encore. Si ses poings et ses bras s'en ressentaient déjà, c'est son cœur surtout qui en était le plus meurtri. Et pourtant, elle était incapable de s'arrêter.
Elle était si bien protégée dans l'Art et si mal dans le Vif, qu'elle ne sentit pas vraiment l'intrusion de la corneille qui amenait le jeune homme dans son sillage inquisiteur. Elle ne la vit pas tournoyer dans son esprit, se repaître de ses émotions, offrir tous ses sentiments en douteux cadeau au compagnon de Vif qui la suivait sans le vouloir. Elle ne comprit que trop tard qu'ils avaient noué un lien étrange et inédit. Bien trop tard, quand elle se trouva à regarder le ciel et non plus sa victime. Imprégnée et aveuglée par sa rage, la jeune fille n'avait pas non plus la connaissance pour reconnaître et comprendre l'intrusion dont elle était la cible.
Elle saisit en revanche le moment précis où l'inconnu lui échappait. Les doigts serrés autour de la loque qui lui couvrait le torse, elle abattit son poing sur sa mâchoire quand elle sentit qu'il se fondait dans un néant auquel elle n'avait pas accès. Il lui échappa, l'abandonna, et se rassembla pour mieux la repousser, tranchant net ce qui les avait si étroitement liés l'instant d'avant, tant par l'esprit que par les corps enchevêtrés. En un clin d’œil, Aimée lâcha prise et se trouva projetée sur le pavé, un violent choc à la tête achevant de l'étourdir. Elle rouvrit aussitôt un regard troublé autant par la commotion que par la conscience aiguë qu'il venait de se produire une chose insensée et incompréhensible.
Échevelée, sale et abasourdie, elle posa des yeux écarquillés par la stupeur sur le jeune homme qu'elle avait cru écraser de sa souffrance et de sa supériorité. Sous la rougeur due à l'effort et au froid, son teint avait pris la pâleur de la mort et son cœur battait si fort qu'il lui sembla que tout le monde pouvait l'entendre.Une main se tendit vers elle, entrant par le côté dans son champ de vision, et elle reconnut le gant de l'un des gardes l'accompagnant. Son escorte s'était précipitée à son secours. Le deuxième garde du corps s'apprêtait à dégainer pour tenir en respect l'impudent qui avait jeté dans la boue la Reine-servante. Le fait qu'elle se soit jetée elle-même à sa tête comme une bête enragée n'entrait pas en ligne de compte. Son corps lui appartenait-il encore, se demanda brièvement une part d'elle. Puis la pensée disparut et elle ouvrit la bouche.
- Non, souffla-t-elle d'une voix rauque et farouche.
Elle leur interdisait de se mêler de ça. Elle avait besoin de comprendre, besoin de savoir. Une insatiable curiosité venait de s'éveiller en elle et elle sentait que la garçon malpropre et insolent avait de quoi l'étancher un tant soit peu. Une fois encore, les gardes reculèrent et détournèrent le regard, conscients qu'il se jouait là quelque chose qui leur échappait et qu'ils auraient à choisir leur allégeance. S'ils racontaient ce qu'ils avaient vu et allaient voir, la scène à laquelle ils assistaient, plus jamais ils n'escorteraient la Reine-servante. Cette dernière ne plaisantait pas avec la loyauté et l'obéissance. Tout ce qu'elle avait appris si durement, elle l'attendait aussi de ses hommes. Mais pas de l'inconnu au regard indéchiffrable qui gisait dans le caniveau.
D'un geste impatient et sans quitter des yeux son objectif, elle fit reculer les gardes. Ce n'est qu'alors qu'elle se tourna et rampa pour franchir les quelques pieds qui la séparaient de ses réponses. Sa colère était retombée aussi soudainement qu'elle avait atteint des sommets. À présent, elle voulait les explications. Bien maladroite pourtant, comme lorsqu'elle se savait fautive mais ignorait comment se faire pardonner, elle tendit une main tremblante et ensanglantée à son adversaire de la minute d'avant qui venait de devenir sa principale source d'intérêt.
- Qu'as-tu fait ? Qu'est-ce que c'était ? Bredouilla-t-elle en proposant de l'aider à se redresser.
Parlait-elle seulement de sa manière soudaine de la repousser ? Sans doute englobait-elle dans ses questions l'ensemble de ce qui venait de se produire entre eux, de la déclamation de l'injure à la surprise boueuse qui les réunissait à présent dans cette ruelle oubliée du temps. |
| | | Invité Invité
| Sujet: Re: L'année du rat [PV Flashback Fortune - Décembre 31] Jeu 7 Jan - 23:53 | |
| Assis dans la boue, Fortune commençait à se ré-ouvrir au monde, mais ce dernier lui était proprement incompréhensible: A la limite de sa conscience Gifle martelait sans la moindre efficacité des défenses psychiques, qui n'existaient pas la minute d'avant. Le formidable effort d'expulsion que Fortune venait de produire avait permis la cristallisation d'une protection dont il ignorait tout, mais qui lui parut sur le coup, indestructible. Les sentiments de Gifle, incompréhension, peur, panique, apparaissaient sur la surface translucide de la protection, mais ils n'affectaient plus Fortune. Le garde qui s'était élancé arme au poing avait finalement retenu son coup. Personne n'avait tenté de le tuer ...et la Reine Servante de Cinq Duchés qu'il venait de projeter violemment au sol lui tendait une main bien intentionnée. Fortune douta un moment de sa santé mentale... Peut être était-il déjà mort? Sans rien à quoi s'accrocher pour vérifier qu'il était bien présentement dans la réalité, il se contenta de considérer simplement les questions qu'on lui posait. A la première, il était bien incapable d'apporter la moindre réponse! Dans "ce" qui venait de se passer entre Aimée et lui, il ne pouvait malheureusement revendiquer comme étant de son fait qu'un bien piètre trait d'esprit plus ou moins poétique, motivé par le désœuvrement, l'alcool, et disons le franchement, la bêtise. Pour "le reste", il aurait fallut poser la question à la corneille grassouillette qui faisait mine de lisser son plumage, mais ne ratait rien de la scène, quelques étages au dessus. Pour l'instant, Fortune n'avait absolument aucune envie de s'adresser à elle. Le temps de la discussion viendrait, mais ce n'était ni le lieu, ni le moment. Et puis, maintenant, il avait la chrysalide. Qu'avait-il fait pour projeter Aimée plusieurs mètres plus loin? Rien qu'il était en mesure d'expliquer, rien qu'il ne comprenait lui même. Il n'était qu'à peine conscient de ce qu'avait produit le raz de marré émotionnel qu'il venait de vivre, ou plutôt de subir. Mais il gardait une mémoire de ce qui lui avait été imposé. "Ça" n'avait pas de nom encore. Gifle avait dit Amour, mais c'était différent. Pour Fortune, Amour s'était spontané, explosif, éphémère, et on l'assouvissait énergiquement. Mais ça, c'était solide, serein, durable, pérein... Il lui faudrait prendre le temps d'étudier ça tranquillement, mais en attendant, Fortune planqua ce sentiment étrange au plus secret de lui même, comme il l'aurait fait d'un trésor convoité.
La seconde question le surpris. Comment la Reine Servante des Cinq Duchés pouvait elle ignorer la nature de ce que Gifle venait de faire? Il était pourtant de notoriété publique que la Princesse possédait le Vif, et qu'un Maître Vifier œuvrait au château à son enseignement. Il n'était pas concevable que l'héritière du trône n'ait pas été préparée à ce genre de chose? Soudain une idée terrifiante traversa les pensées de Fortune: Il réalisa qu'il ignorait tout de la réelle puissance de Vif de celle avec qui il était lié, et qui lui avait appris tout ce qu'il savait sur cette magie? En une année de lien, il avait à peine effleuré la surface du savoir ésotérique dont Gifle était dépositaire. Elle se disait l'héritière de connaissances secrètes appartenant à une lignée qui remontait, prétendait-elle, à un âge ou les hommes n'étaient pas encore totalement des humains. L'espace d'un instant, la protection mentale de Fortune fut obscurcie par une masse de plumes noires qui la recouvrit intégralement et occulta toute pensée. Un œil rond et luisant, brillait d'une intelligence et d'une malice proprement surnaturelle. L’œil fit mine d'exercer une pression sur la membrane de protection qui sembla soudainement bien fragile, mais se retira rapidement, rendant par là même la liberté de mouvement aux pensées du jeune homme . Se pouvait-il que Gifle soit plus...douée...puissante dans ce domaine que les maîtres humains? En tout cas, une chose était certaine, La Reine Servante attendait une réponse, il voyait la flamme de l’intérêt embraser son regard. Lorsqu'elle tendit une main ensanglantée mais néanmoins bienveillante vers lui, il hésita. En tout autre situation, il aurait échafaudé des plans pour fuir la scène qui ne pouvait que virer au drame. Pourtant, en ne s'appuyant que sur ce qu'il avait apprit d'Aimée Loinvoyant au cours du contact que la corneille venait de leur imposer, il accepta la main tendue en toute confiance. Il regarda la jeune et jolie femme comme si il la voyait pour la première fois, et avec un ton qui exprimait tout autant l'incongruité de la question, que l'évidence de la réponse, il articula lentement, à sa seule intention : -Le Vif... |
| | | Aimée Loinvoyant
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| Sujet: Re: L'année du rat [PV Flashback Fortune - Décembre 31] Lun 18 Jan - 21:32 | |
| - Oui, répondit-elle. Oui... Le Vif...
Son ton était pensif et fiévreux tout à la fois, comme si elle venait d'être saisie par un irrépressible besoin de plonger au cœur du problème, au cœur de cette réponse, comme si les lumières se faisaient l'une après l'autre en elle. Et pourtant, elle se sentait toujours dans le noir. Depuis l'enfance, elle jouait avec l'Art, elle le caressait, le dominait ou se laissait emporter parfois, elle y était accoutumée et vivait si bien avec qu'elle n'y pensait même plus. Pour le Vif en revanche, c'était autre chose. Et elle se rendait compte à présent que si Maître Vifargent l'avait si peu instruite, ou en tout pas pas sur ce qu'elle rencontrait à présent, c'est qu'il avait compris qu'elle n'y aurait pas été réceptive. Il avait senti bien avant elle qu'elle ne prenait pas encore la question au sérieux et traitait son apprentissage en dilettante. Le regret mordit son cœur et la rendit furieuse d'elle-même et honteuse.
Mais avant de pouvoir laisser libre cours à cette autoflagellation et à la correction qu'il faudrait indiscutablement apporter à son comportement et à son esprit, elle avait autre chose dont elle devait s'occuper dans l'immédiat. Et cette autre chose tenait sa main à cet instant. Plutôt que de l'aider à se relever, elle le redressa en position assise et prit elle-même place à ses côtés. Le monde n'était-il pas accoutumé aux excentricités de la Reine-servante ? Le monde ne s'attendait-il pas à chaque instant à l'une de ses frasques ? Refusant de s'empêcher de faire ce qu'elle voulait, elle acceptait d'en donner pour son argent au monde et surtout aux curieux qui le peuplaient.
- Je m'appelle Aimée, dit-elle alors comme si ce n'était pas déjà évident, comme s'il pouvait ne pas avoir compris qui elle était après tout ça.
Plus qu'une information sur son nom, c'était en réalité une ouverture, un appel à la conversation, une manière de lui signifier que sa colère était passée et qu'elle voulait à présent tout autre chose. Allait-il la suivre sur ce nouveau terrain alors même qu'il n'était pas encore remis des circonstances de leur premier échange. Fouillant les poches de sa culotte de soldat, elle réussit à y dénicher et en extraire un mouchoir ravissant et délicatement brodé à ses initiales, totalement incongru compte tenu de son allure et de son mode de vie. Elle tendit le carré de batiste à son nouvel ami en guise d'excuse et sourit, espérant qu'il donne son nom et que la conversation se poursuive. |
| | | Invité Invité
| Sujet: Re: L'année du rat [PV Flashback Fortune - Décembre 31] Jeu 21 Jan - 14:36 | |
| Fortune se saisit du délicat carré de tissus brodé que la reine servante lui tendait, mais ne sut pas vraiment quoi en faire. Il se contenta donc de le tripoter nerveusement entre ses doigts boueux. Il sentait sur le côté gauche de son visage deux foyers de douleurs cuisantes, mais pas insupportables que l'air glacial de cette matinée hivernale parvenait déjà à bien apaiser. -Fortune, répondit-il à Aimée, tout en désignant son rocambolesque accoutrement avec un haussement d'épaules désolé. Il parcouru du regard la foule des badauds qui restaient néanmoins à bonne distance et s'attarda sur les deux gardes qui eux, en revanche étaient resté à porté. Ramenant son attention sur le visage crotté et souriant de la rouquine assise à ses cotés dans la boue, il ne put s'empêcher lui aussi de sourire en mesurant l'audace ou peut être la folie, de cette Princesse qui brisait les codes et les représentations! Toutes ses repères mis à mal, Fortune décida de s'affranchir des règles de l'étiquette, qu'il connaissait mal de toute façon , pour être juste lui-même avec cette fille qui avait l'air de tout simplement, faire la même chose. -Il me semble que je te...vous dois des explications, dit il en coulant son regard dans celui d'Aimée. Peut-être pourrions-nous discuter ailleurs? reprit -il en désignant d'un large mouvement des mains, la rue boueuse et le public assemblé. En un éclair Fortune fit mentalement le tour des endroits ou il aurait put l'amener, mais bien évidemment, aucun n'était adapté pour accueillir la Reine Servante des Cinq Duchés. Face à ce constat, Fortune se sentit soudain totalement ridicule. Comment avait-il put se permettre un telle proposition? Pour garder un semblant de consistance, il enchaina: -Enfin, c'est évidemment Vous qui décidez, c'était pour... Mais la fin de la phrase fut interrompue par un bruyant croassement qui résonna depuis le dessus des toits, et dont on aurait juré qu'il avait articulé: POUR MOI! Quelques battements d'ailes plus tard, une corneille grassouillette venait se poser sur la tête de Fortune, et tordait le cou pour fixer Aimée Loinvoyant d'un œil noir et interrogatif. |
| | | Aimée Loinvoyant
Messages : 166 Date d'inscription : 16/04/2020 Age : 43
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| Sujet: Re: L'année du rat [PV Flashback Fortune - Décembre 31] Dim 24 Jan - 19:03 | |
| Le sourire d'Aimée s'élargit alors que son nouvel ami se présentait à son tour. Elle ignorait totalement de quoi elle avait l'air et s'en fichait plus encore, pour tout dire. Les règles, les codes, l'étiquette, il y avait des années qu'elle en jouait à sa guise, faisant passer le moindre de ses caprices avec des sourires d'excuse et des révérences faussement modestes et réellement malicieuses. Sa mère lui avait appris à respecter la Cour, son père à la dominer, elle avait harmonieusement mêlé les deux approches pour créer sa propre place de princesse ingérable à laquelle on pardonnait pourtant tout car elle ne passait jamais certaines limites.
Cette fois pourtant, elle allait peut-être un peu loin. Mais s'en souciait-elle ? Non. Le lendemain, peut-être, elle réparerait ce qui pouvait l'être, raccommoderait sa réputation à grand renfort de sourires et de révérences impeccables devant les rombières qui tenaient le crachoir principal de la Cour. D'ici là, elle entendait bien profiter de sa courte liberté. D'autant que Fortune venait de lui faire la meilleure proposition de la journée et elle était impatiente d'en profiter. Il semblait gêné, bafouillait un peu et son invitation embarrassée s'acheva sur un croassement assourdissant qui lui sembla caresser son esprit de plumes noires bien plus que ses oreilles.
La corneille responsable de cette bruyante entrée en matière - si l'on peut dire - les rejoignit et se mit à la dévisager avec une curiosité qu'elle reconnut comme jumelle de la sienne. La Reine-servante soutint le regard noir et avide, devinant sans peine à quel examen elle était réellement soumise et où ça la mènerait. Elle était curieuse, elle aussi, et commençait à comprendre qu'elle s'était fermée volontairement à certaines choses par peur de l'inconnu ou manque d'intérêt.
- Allons-y, approuva-t-elle soudain, sans quitter l'oiseau des yeux.
Elle se releva alors d'un coup et tendit à nouveau la main à Fortune, cette fois pour l'aider à se mettre debout lui aussi.
- Je connais une taverne sur le port où ils ne s'étonnent plus de me voir et se fichent bien de qui je suis.
Elle s'en était assurée en versant de régulières et généreuses compensations en échange de sa tranquillité. L'aubergiste s'assurait qu'elle jouisse en paix d'une table au fond de la salle commune quand elle le désirait.
- Viens.
D'un geste de la main, elle commanda à son escorte de rester à distance et surtout de garder la foule à l'écart. Ils n'avaient pas besoin de public et elle ne mourait pas d'envie de semer les gens. Les badauds seraient bientôt dispersés et la vie normale reprendrait son cours à Bourg-de-Castelcerf pendant qu'elle découvrait ses nouveaux amis. |
| | | Invité Invité
| Sujet: Re: L'année du rat [PV Flashback Fortune - Décembre 31] Lun 1 Fév - 16:43 | |
| Ravis de quitter son coin de rue boueux, Fortune et sa corneille toujours juchée sur le chef et bien cramponnée à sa rase tignasse, suivit Aimée qui prenait la direction du port. Ainsi Aimée Loinvoyant, héritière du trône des cinq duchés, connaissait une taverne tranquille sur le port?! Fortune qui s'enorgueillissait de toutes les connaitre, était vraiment curieux de découvrir lequel de ces gredins de marin reconverti entretenait ce genre de lien avec la couronne? Pour sur, l'information relevait du secret, et l'aubergiste s'employer à ce qu'elle le reste. Il est évident que pour l'énorme majorité de la clientèle des tavernes du port, une telle nouvelle apparaitrait comme une grave trahison à leur égard. Si ça se savait, tous les clients, réguliers ou non de cet établissement passeraient probablement en revue les innombrables fois ou l'alcool et la misère les avaient amenés à entretenir des discours peu courtois à l'égard de la couronne... Et il y a fort à parier que la plupart d'entre eux ressente soudain l'urgent besoin d'aller tenter leur chance...ailleurs. Mesurant le pouvoir que cette information lui donnait, Fortune se détendit en envisageant plus sereinement la question du couvert, et peut être même du gîte pour les jours avenirs. Dans cet état d'esprit, la ville saisie par le froid et le givre lui parut soudain plus pittoresque que dangereuse, et le cœur de Fortune s'égailla à mesure qu'il descendait vers le port. La pression discrète qu'avaient exercé les gardes à l'égard des badauds avait été efficace: nul cortège n'accompagnait la singulière ballade. Pour autant, et avec toute la discrétion dont sont capables les gens de peu, des dizaines d'yeux suivaient sans en perdre une miette, la déambulation du jeune couple couvert de boue. A la périphérie de son champ de vision, et parce qu'il savait ou regarder, Fortune repéra quelques gamins dont la surveillance discrète était précisément le rôle que leur avait attribué des adultes peu scrupuleux. Captant les grands yeux incrédules des discrets observateurs, Fortune esquissa du bout des doigts, sans même avoir bougé la main, le signe qui leur indiquait de ne pas s'inquiéter. En réalité, il voulait surtout éviter que les gamins n’alertent les grands, et que le nombre de témoins crédibles n'augmentasse! En effet, si Fortune avait bien conscience que la reine servante saurait facilement faire oublier à son environnement cette escapade, il en irait tout autrement pour lui. Il était évident que dès que tous les bas-fonds seraient au courant de l'histoire, ce qui ne devrait pas prendre plus d'une demi journée, il serait alors très sollicité, probablement plus pour le pire que pour le meilleur... Il savait qu'il deviendrait un moyen pour tous de s'élever un peu au dessus de leur condition. Il y aurait les gratteurs et les flatteurs mais ceux là, il saurait les gérer. Mieux, il s'en servirait. Ceux qu'ils redoutait vraiment, c'était les gros, ceux qui n'avaient que du mépris pour lui et l'utiliseraient sans état d'âme comme on le fait d'un outil. Fortune eut une pensée pour sa mère. Instinctivement il tendit son Vif vers Gifle, mais l'esprit de la corneille lui resta inaccessible. Déçu, et peut être aussi un peu inquiet, il dégagea d'un geste de la main, l'oiseau qui trônait toujours sur le dessus de son crâne. Gifle déploya ses ailes pour recouvrer son équilibre, et se laissa glisser pour se réinstaller sur l'épaule de son compagnon. Au passage elle accrocha de la patte l'oreille du jeune homme qui en ressenti une vive douleur mais se retint d'émettre le moindre son. Au contraire, il se composa une mine satisfaite, et s'astreint à adopter une démarche assurée. Il tenta à nouveau de contacter sa compagne par le vif, en lui livrant sans le moindre filtre tout ce qu'il ressentait et pensait sur l'instant, mais Gifle le coupa sèchement par une unique pensée qui dissout tout le reste: -PAS TOI – ELLE- Le jeune homme se sentit tout à coup relégué au rang de véhicule. Il ne présentait plus le moindre intérêt pour sa compagne qui continuait à fixer la princesse alternativement d'un œil, puis de l'autre. Il sentit alors s'abattre sur lui un profond sentiment de solitude, et l'avenir lui parut plus noir que jamais. Aussi tôt, Gifle apparut au cœur de ces sombres pensées, et les dissipa comme l'aurait fait une flamme au milieu les ténèbres. Il y avait de la joie, de l'espoir, de la fierté dans l'énergie qui illuminait désormais totalement l'esprit de Fortune. -JE-TU-NOUS L'AVONS TROUVE ?? C'était une question. Mais par la magie du Vif, Gifle avait accompagné ces simples mots d'un millier d'émotions qui submergèrent Fortune. Euphorie, doute, patience, espoir, devoir... C'était trop, et il ne sut quoi en faire. En réponse à sa perplexité, Gifle répondit pleine de bienveillance, et de tant d'autres choses contenues: -TU SUIS- La force que lui donnait la corneille permit à Fortune de tenir sa posture, qu'il espérait assurée. Il mit de coté, pour l'heure, les conséquences de ce qu'il était en train de faire, et se rapprocha d'Aimée. Les gardes qui suivaient depuis le début à distance respectable disparurent lorsque la princesse bifurqua brutalement dans une petite ruelle encombrée de caisses et de tonneaux. Surpris, Fortune dût accélérer le pas pour la rejoindre, et la voir se glisser dans une étroite ouverture dissimulée derrière un empilement de barriques. |
| | | Aimée Loinvoyant
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Feuille de personnage Fonction: Reine-servante des Cinq-Duchés Âge: 20 ans DC: †Shyrin Loinvoyant, Chiara Lunabille
| Sujet: Re: L'année du rat [PV Flashback Fortune - Décembre 31] Mer 3 Mar - 22:46 | |
| Sûre d'elle et de sa manière de procéder, Aimée n'avait pas idée que le village se pliait parfois à ses caprices en échange de généreuses compensations et qu'elle ne passait nullement inaperçu. Il ne lui était pas venu à l'esprit que la Couronne n'était ici tolérée que par ce qu'on pouvait lui soutirer non sans en profiter pour moquer sa naïveté. Elle se rêvait libre et aventurière et n'était pas encore assez aguerrie pour se rendre compte que la bourse de son roi de père et la lame de ses soldats lui offraient l'espace qu'elle occupait. Peut-être aussi entrait-il dans sa chance un peu de compassion et d'indulgence pour la fillette à la chevelure flamboyante qui avait passé sa vie à tenter d'échapper sa destinée en rejoignant son peuple et qui ne parvenait pas à cesser de pleurer sa mère. À la vérité, elle s'était toujours sentie mieux à arpenter les ruelles crasseuses vêtue d'une culotte et de bottes, qu'à bavarder au coin du feu dans le château de son père. Elle n'imaginait pas un instant qu'on puisse éprouver haine ou ressentiment envers elle personnellement.
Elle sentait un picotement particulier, un frôlement inédit aux frontières de son esprit conscient. Elle savait qu'il se passait quelque chose, qu'elle vivait une chose importante, capitale même. Mais pour l'heure, elle était incapable de la comprendre, moins encore de l'analyser. Concentrée sur sa destination, elle repoussait encore sa découverte et sa curiosité comme on laissait planer longtemps le suspens avant de déballer tout à fait un cadeau, pour profiter le plus longtemps possible du plaisir de désirer quelque chose et d'espérer l'obtenir sans en avoir l'absolue certitude. Obliquant brusquement dans une ruelle, elle se faufila jusqu'à une ouverture dissimulée par un empilement de caisses. L'accord avec le tavernier n'incluait pas seulement de fréquentes et rebondies bourses de cuir, mais aussi une discrétion à toute épreuve. Elle mena ainsi sa compagnie jusqu'à l'arrière d'une taverne régulièrement fréquentée par des soldats et qui avait l'insigne honneur de la détrousser légalement en échange de la jouissance exclusive et plutôt rare d'une table à l'abri des regards et à l'écart du monde.
- Tu ne dois pas trahir mon secret, enjoignit-elle Fortune en se tournant vers lui, un doigt levé en travers de ses lèvres esquissant un sourire espiègle.
Elle se glissa sur un siège dans la pénombre qui régnait et invita le jeune homme à faire de même. Le tavernier qui avait ouvert la porte de derrière s'éloigna vivement, bien peu désireux d'attirer l'attention. il reviendrait à un moment ou à un autre avec des pichets de bière douce ou de cidre. Elle ne faisait jamais la difficile, déjà bien heureuse de pouvoir pénétrer un tel endroit et y être servie. Une fois assise, ce fut à son tour de détailler la corneille si curieuse. Elle était tout aussi avide de dévisager son compagnon mais quelque chose la poussait vers le volatile en tout premier lieu. Tout naturellement, elle étendit le bras en travers de la table, invitant l'oiseau à la rejoindre sans avoir le moins du monde réfléchi à son geste. Elle n'était que spontanéité et instinct en cet instant. |
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