Shyrin sursauta alors que les paumes de Vainqueur claquaient sur les accoudoirs mais elle ne recula pas pourtant, décidée à lui tenir tête cette fois, même si elle y laissait ce qui lui restait de lucidité. Elle resta cependant un moment déconcertée par son rire. Elle s'était attendue à bien des choses, enfin surtout à de la colère et à son pouvoir étrange sur son esprit, mais pas à ce rire franc et clair. Les mains crispées sur le dossier du fauteuil, autant pour ne pas vaciller que pour s'empêcher de reculer, elle resta silencieuse quelques instants puis reprit.

- Vous riez si vous voulez, mais je pas trouver amusant faire quoi les autres veulent.

Tendue comme un arc, on sentait enfler la colère dans sa voix. Après des mois de docile captivité, elle était arrivée à un point de rupture. Elle avait beau savoir que c'était là sa seule échappatoire, sa seule chance de recouvrer un statut digne de son rang et de sortir de sa condition de prisonnière ennemie, elle était révoltée de devoir une fois encore se vendre. Finalement, si elle crispait autant les doigts, c'était peut-être pour éviter de se jeter sur le Roi pour le cogner.

- Peut-être femmes roulent sous vos pieds, vous pouvez prendre n'importe lequel. Mais je mérite plus ! Je avoir fierté, même si je prisonnière !

Et s'il la forçait en usant de son pouvoir sur elle et bien soit ! Il ne serait pas dit qu'elle s'était rendue sans lutter, qu'elle s'était laissée mener docilement et comme une esclave dans la couche d'un homme, fut-il roi. Elle avait baissé la tête trop longtemps, elle avait oublié ce qui l'avait menée là, ce dont Acuité et elle avaient discuté, la même fierté qui les animait, la même conscience de la valeur de leur sang. Par Sâ, si Vainqueur osait encore se moquer d'elle ou la réduire en esclavage par son pouvoir, elle lui arracherait les yeux à la première occasion, elle s'en faisait le serment.

Le rire de Vainqueur s'éteignit enfin mais il planait encore entre eux. Non comme une réelle moquerie mais plutôt comme si... Comme s'il l'avait reconnue comme son égale d'une certaine manière. Il ne l'avait pas rabaissée ou violentée, il lui donnait un choix qui la laissait sans voix. Sa colère retomba d'un coup mais elle restait tendue et méfiante. Détachant lentement ses doigts du dossier du fauteuil où ils étaient restés agrippés, elle croisa les bras et toisa le Roi qui paraissait beaucoup s'amuser. Il jouait avec leurs deux vies et riait en même temps. Il avait perdu l'esprit, elle ne voyait vraiment aucune autre explication.

- Je décide ? Vraiment ?

Elle était méfiante, il le fallait bien. Même si elle se doutait qu'un non de sa part n'aurait pas été reçu comme une réponse claire et définitive compte tenu de la situation actuelle du souverain. Au premier abord, tous les avantages de cette union étaient pour elle, hormis le fait qu'il se débarrassait de l'encombrant rôle de marieuse de sa mère. Alors qu'espérait-il en retirer au juste ?

- Pourquoi vous voulez épouser moi ? Je vois c'est bien pour moi mais quel bien c'est pour vous ?

Elle était calme à présent mais d'autant plus lucide et raisonnable. Pas question de prendre une décision aussi grave à la légère et sans en connaître les tenants et les aboutissants. Il lui fallait des arguments valables, quelque chose de raisonnable à quoi se raccrocher parce que sinon... Et bien sinon, force lui était de reconnaître que son coeur avait déjà répondu oui en secret, parce qu'elle appréciait sincèrement Vainqueur malgré la peur qu'il pouvait lui inspirer. Elle le respectait en tant que souverain et il l'avait correctement traitée en tant que prisonnière. Et c'était le mieux qu'elle pouvait espérer.

Dans sa situation, c'était même miraculeux qu'un parti aussi avantageux se présente. Mais un mariage impliquait bien plus que des promenades dans le jardin et des conversations à coeur ouvert, elle ne l'ignorait pas. Elle n'espérait pas un mariage d'amour, bien entendu, elle n'avait plus cinq ans et elle connaissait ses devoirs, mais ils devraient tout de même s'apprécier un minimum pour rester liés jusqu'à la fin. Car elle n'envisageait certes pas de vivre en recluse dans une propriété annexe pendant que son mari s'afficherait avec toutes les courtisanes les plus en vue.

- Peut-être vous espérez je me tais pendant que vous parader avec des femmes, oui ?

Il n'y avait aucune agressivité dans sa question cette fois. Elle voulait savoir ce qu'il voulait, ce qu'il envisageait, quelle sorte de mariage il désirait. Elle avait besoin de lire l'ensemble du schéma avant de prendre une décision définitive.

Shyrin releva le menton d'un air de défi.

- Je ne pas suis équivalent. Je suis Princesse, oui.

Elle ne l'avait pas vraiment interrompu pourtant. d'ailleurs, cette petite contradiction ne remettait pas en question le discours de Vainqueur et n'avait d'autre but que de sauvegarder le peu qui restait de son caractère de princesse, justement. En réalité, les arguments du Roi étaient on ne pouvait plus logiques et raisonnables, totalement de nature à la convaincre. Si tant était qu'elle ait réellement besoin d'être convaincue.

Hochant la tête, elle garda le silence également quand il marqua une pause. Tout cela allait très vite et la laissait à la fois fébrile et inquiète. Un souffle amusé lui échappa toutefois alors qu'il concluait par l'effet que ce mariage aurait sur sa mère. Il fallait reconnaître qu'elle-même serait plutôt satisfaite de moucher un peu ce vieux dragon.

Elle ouvrait la bouche pour dire quelque chose quand il la surprit par sa conclusion. Rendue muette, elle sentit la déception l'envahir et se détourna pour masquer son trouble. Face à la cheminée à présent, elle fit mine de contempler les flammes pendant qu'elle tentait d'ordonner les choses dans son esprit avant de formuler une réponse correcte. Elle avait saisi qu'il voulait par ces dernières paroles la convaincre qu'elle n'y perdrait pas davantage de liberté ou de libre-arbitre, qu'il voulait la rassurer sur ses exigences, mais elles avaient eu l'effet inverse sur elle.

- Je sais ce ne pas mariage par amour, commença-t-elle plus doucement. Je ne pas si... Naïve.

Elle reprenait ses propres mots avec un brin d'ironie.

- Mais je espère plus que seulement Reine et étrangère chez vous.

Les mots lui échappaient et s'entrechoquaient, lui venant dans le désordre. Comment expliquer une chose qu'elle peinait à bien comprendre elle-même ? Elle se força à se calmer et dénoua ses bras pour joindre ses mains devant elle. Sous son regard flou, les flammes dansaient, chauffant l'atmosphère et allumant des reflets solaires dans ses cheveux.

- Je veux le mariage réel. Je veux la confiance et le respect, comme les amis, oui ? Je crois mari et femme peuvent être soutien pour chacun et surtout si c'est roi et reine. Je veux ce mariage est vraie alliance.

Elle se mordit la lèvre pour réprimer un soupir. Exprimer des désirs personnels quand on se trouve face à une demande en mariage royale était sans doute le comble de l'arrogance et de la stupidité. Mais elle avait au moins le courage de ses opinions, se rassurait-elle. Lorsque Bhaal l'avait demandée en mariage, ou plutôt lorsqu'il l'avait amenée à pratiquement le proposer d'elle-même, elle croyait encore à des idéaux de jeune fille incroyablement naïve et vaniteuse ; elle croyait pouvoir tout avoir.

À présent, elle demandait seulement le minimum en dessous duquel elle préférait rester vieille fille toute sa vie. L'amour n'avait jamais été une part du marché, mais l'amitié, le respect mutuel et la confiance pouvaient se gagner et faire d'un mariage une association solide et puissante. Elle ne voulait pas qu'ils vivent l'un à côté de l'autre comme deux étrangers qui ne se comprenaient pas et cherchaient du réconfort ailleurs. Ce serait pire encore que de rester aussi seule qu'elle l'était à présent.

- Vous peut cela, oui ? Conclut-elle en se tournant vers lui, sérieuse et volontaire bien qu'un peu craintive de sa réaction.

Pouvait-il le considérer comme digne de son amitié ? Pouvait-il comprendre que, si elle l'épousait, elle voulait réellement être sa reine et son épouse, pas seulement une image jolie et pratique qui garantissait la paix et agaçait sa mère ? Verrait-il qu'elle lui proposait une véritable alliance qui les servirait tous les deux et pas seulement un mariage de convenance dont on jaserait pendant des années ?

Craignant d'être allée trop loin, d'avoir poussée sa chance au-delà de ses limites, Shyrin attendit pourtant sans bouger la réponse de Vainqueur. Réponse qui ne se fit pas attendre. En quelques instants et deux pas à peine, il fit près d'elle et agenouillée comme s'il s'agissait réellement d'une demande en mariage. Mais au fond, peut-être était-ce bien le cas. Et cela lui plut.

Cela lui plut tellement que ses dernières résistances s'évanouirent. Visiblement il avait saisi ce qu'elle lui proposait et l'acceptait pleinement. Alors son coeur bondit dans sa poitrine de manière totalement incongrue, comme si l'homme de ses rêves lui avait fait enfin une demande officielle. On était loin des rêves et loin d'une demande conventionnelle, mais au bout du compte, elle n'aurait pas pu rêver mieux.

- Alors je veux bien vous, oui, souffla-t-elle, un peu émue malgré tout.

Le baiser sur sa main lui fit un effet étrange et inédit, très différent de ce que le premier baiser de Bhaal avait éveillé chez elle. Il n'était plus question de rêves qu'ils soient nés de sa propre imagination ou de celle de son père le conquérant ou de son fiancé l'ambitieux. Non, il s'agissait de respect et de confiance, choses en lesquelles elle pouvait encore croire. Et bien que Vainqueur restât l'étranger mystérieux qui avait abusé lâchement de son esprit, elle le croyait un homme respectable et un souverain juste, cela suffisait à son contentement. Tournant sa main dans la sienne, elle la glissa sur sa joue barbue et la caressa avec douceur.

- Vous embrassez moi, oui ?

Car toutes les audaces lui étaient permises à présent. Elle serait sa Reine, elle avait donné sa parole, et il serait son Roi, seigneur et maître de sa destinée. Ils seraient alliés jusqu'à ce que la mort les sépare car ainsi allait le monde et ainsi concevait-elle une telle alliance. Alors qu'il se redressait face à elle, elle eut une soudaine hésitation.

- Vous dire moi si un jour je ne plais plus à vous, si vous voulez maîtresse, si vous voulez je pars. S'il vous plaît, vous ne pas humiliez moi.

Car malgré tout, elle se souvenait n'être que la fille d'une esclave et non d'une reine. Elle se souvenait n'avoir du son statut de princesse qu'au bon vouloir de son père qui l'avait choisie et aimée parmi bien d'autres enfants. S'il devait la traiter comme un Reine de pacotille, une femme qu'on ignore et qu'on moque dans son dos en s'affichant avec des maîtresses qui se croient supérieures, elle ne pourrait jamais lui pardonner.

Froissée par le rire de Vainqueur devant une requête qui lui semblait parfaitement raisonnable de son point de vue de prisonnière de guerre devant royale fiancée en quelques instants, Shyrin s'empourpra autant d'embarras que de colère. La réponse du Roi la rassura toutefois et elle fit l'effort de se calmer et de faire bonne figure. L'important était qu'ils parviennent à un arrangement qui satisferait toutes les parties. Hochant la tête de sa mine sérieuse d'enfant concentrée, elle approuva sa réponse et réfléchit à sa question.

- Je ne pas autre chose à demander, conclut-elle en secouant doucement la tête. Je seulement voudrait respect et confiance.

Plus sereine à présent, elle leva timidement les yeux pour le dévisager à son tour.

- Et vous ? C'est quoi requêtes de vous ?

Elle n'avait pas la moindre idée de ce qu'était un véri... quelque chose mais elle ferait ce qu'il estimait nécessaire, ce que le protocole exigeait. Elle réalisa brusquement qu'elle n'avait rien à elle ici et qu'elle dépendait entièrement de son bon vouloir, même pour l'habillement. Elle allait devoir quémander pour absolument tout et cela la rendait malade de honte. L'embarras lui brûla les joues alors qu'elle détournait le regard en tentant vainement de prendre un air naturel.

Déjà rougissante, Shyrin vira carrément à l'écarlate quand Vainqueur mentionna des fils. Bien évidemment, elle savait qu'il s'agissait là du devoir d'une épouse et s'y plier ne lui faisait pas peur. Pas trop, en tout cas. L'évoquer à voix haute était une toute autre chose, en revanche. Battant des cils, elle s'efforça de chasser sa gêne mais n'y parvint qu'à moitié. Le sujet était sensible, et elle n'avait pas de mère pour lui en parler avant les noces.

- Vous apprenez moi à gouverner votre peuple, alors.

La foi qu'il disait avoir en elle lui faisait un effet chaleureux et rassurant. Même si ses yeux restaient fuyants, elle s'autorisa à sourire et retrouva son calme.

- Et je donne des enfants à vous.

Soudain inspirée, elle se mordilla la lèvre pour dissimuler son sourire plus taquin.

- Mais peut-être nous avons seulement des filles. Vous pouvez supporter autant de femmes dans la maison ?

Shyrin rit de bon coeur elle aussi, la tête envahie par l'image d'un Vainqueur rusant dans les couloirs du château pour échapper à une horde de fillettes rousses. L'image était plaisante mais supposait une intimité et une vie de famille qu'elle était bien loin de savoir comment gérer. Remarquant que Vainqueur la scrutait, elle s'efforça de soutenir son regard même si elle n'y voyait que deux taches colorées. Si elle lui demandait l'honnêteté, elle devait être capable de lui offrir la réciproque. Pourtant, elle ne pouvait pas lui dire qu'elle était terrifiée par ce qui l'attendait. Pas encore. Elle devait lui montrer qui elle était et quelle Reine elle serait.

- Comment c'est les choses maintenant ? Je veux dire pour moi dans château. C'est différent ?

Un plis soucieux se dessina entre ses sourcils cuivrés.

- Je parle très mal et je comprends pas ce que dit les gens toujours. Vaillant Fructurive aide moi, et je fais des efforts encore. Vous c'est d'accord ?

Dernier point mais non des moindres, elle n'avait aucune idée de la manière dont les choses étaient supposées se passer dans les Duchés lorsqu'un mariage se préparait. Attendait-on d'elle qu'elle fasse des choix ou participe ? Donner son avis était de l'ordre du possible mais elle ne connaissait rien à l'organisation pratique d'un événement de cette ampleur et ne connaissait pas suffisamment la noblesse des Duchés pour savoir qui inviter et comment faire. Il devait bien y avoir un secrétaire et un chef du protocole qui se chargeaient de cela, non ? En Chalcèdes en tout cas, ça ne relevait pas de ses fonctions de princesse.

- Votre mère... Elle d'accord avec mariage, oui ? Demanda-t-elle soudain saisie d'un doute. Allait-elle commencer sa vie de femme "libre" avec une ennemie ou une alliée ?

Devant les explications de Vainqueur, Shyrin sentit sa détermination vaciller un instant. Tout cela semblait horriblement compliqué, raide et protocolaire. Outre le fait que Bienséance la terrorisait. Si la mère du Roi la déclarait inapte, qu'adviendrait-il d'elle ? Répudiée, reléguée au rang de prisonnière sans utilité, il ne serait pas longtemps avant qu'on l'envoie prendre moins de place dans un quelconque château glacial de province où on l'oublierait aisément. La mention de garde-chiourmes en jupons choisis par sa future belle-mère et de l'impossibilité de continuer à rencontrer Vaillant Fructurive faillit avoir raison d'elle. Plus pâle et le front tiré par l'angoisse, elle se détourna rapidement pour dissimuler son trouble à Vainqueur. Qu'il ne la croie pas faible en plus du reste.

- Je vois, répondit-elle d'une petite voix qui manquait cruellement de fermeté.

Croisant les bras sur sa poitrine, elle s'en frotta le haut comme si elle avait froid. En fait, elle se sentait un peu perdue. L'espoir né de la conversation avec Vainqueur au sujet de leurs aspirations pour leur vie de couple était presque entièrement balayé par les immenses difficultés qui l'attendaient. Elle serait seule, comme toujours. Pire, elle serait seule et sous la coupe d'une femme qui ne la trouvait pas assez bien pour son fils et son royaume. Acuité lui manquait plus que jamais. Elle aurait su la guider et la conseiller sur cette voie semée d'embûches. Malgré toute sa bonne volonté et sa sincérité, Vaillant ne pouvait remplacer une amie qui avait été ou serait confrontée aux mêmes obstacles. Il restait un bon ami néanmoins et elle entendait bien le garder, même si cela déplaisait à Bienséance. Avec lui, elle parviendrait peut-être à mieux supporter la présence des dames de compagnie.

- Vous choisissez chaperon ou c'est votre mère qui fait ? Poursuivit-elle après un léger soupir et alors que ses épaules se redressaient un peu.

Elle n'allait pas renoncer maintenant de toute façon. Et puis il y aurait toujours Shane et Ava auprès d'elle. Elle prendrait toute l'aide et les conseils dont elle avait besoin pour faire honneur à son nom. Après tout, même si leurs moeurs différaient sensiblement, elle était née pour être souveraine. Elle saurait s'imposer. Il le fallait. Sinon, il ne servait à rien de demander à Vainqueur son respect et sa confiance, ni même son honnêteté. Ils ne pouvaient être amis et égaux dans ce couple que si chacun se montrait à la hauteur du rôle qui lui était dévolu. Se retournant vers le Roi, elle s'efforça de sourire bravement pour lui montrer qu'elle saurait faire face même si ses lèvres étaient pâles et tremblaient un peu.

Secouant la tête avec un sourire navré, Shyrin baissa les yeux un instant.

- Je ne pas connaître chaperons. Vous choisissez. Je fais confiance.

Elle releva les yeux et soutint à nouveau son regard, plus confiante à présent qu'il se déclarait prêt à l'aider. Ses mains sur ses épaules, loin de l'écraser, lui donnaient plus de force au contraire. Face au Roi, elle semblait petite, faible et fragile, comme une brindille, mais si elle voulait être réellement son épouse et sa Reine, elle devrait lui montrer quelle force et quelle constance se cachaient derrière cette apparence. Le seul fait qu'il se montre aussi soucieux du fait qu'elle réussisse dans leur petite entreprise avait quelque chose de galvanisant.

- Nous ferons bonne équipe, oui ?

Son sourire s'attarda un instant puis disparut pour laisser place à une expression plus sérieuse. Elle devait savoir où elle mettait les pieds avec précision. Elle devait savoir quelles limites lui seraient imposées, si elle aurait les mains liées ou si on la laisserait prendre la place qui lui revenait.

- Votre mère... Elle peut briser la promesse de nous ? Elle peut refuser je deviens votre femme ?

Il lui fallait savoir quel pouvoir aurait sa belle-mère durant les fiançailles, puis après, lorsqu'elle serait Reine. Aurait-elle le rang, le statut et l'autorité pour lui faire face ou devrait-elle toujours être soumise à son autorité ? Même s'il n'était pas question de manquer de respect à sa future belle-mère ou de lui faire du tort d'une quelconque manière, elle devait absolument comprendre quelle serait sa place dans ce château et dans ce royaume. Ensuite, elle apprendrait tout ce qu'elle avait à apprendre pour devenir celle qu'elle devait être.

Souriant à nouveau, Shyrin acquiesça d'un hochement de tête.

- Peut-être nous faisons bébé dragon pour dompter vieux dragon, oui ?

C'était sûrement bien peu protocolaire, voire irrespectueux et elle espérait bien que Vainqueur ne prendrait pas mal sa plaisanterie. Après tout, c'est ainsi qu'était née cette idée de mariage entre eux : pour s'allier contre la redoutable reine-mère qui régentait la vie dans ce château. Par ailleurs, même si les moeurs de la Cour des Duchés lui étaient encore partiellement inconnues, elle était assez intuitive pour comprendre que Bienséance exigerait d'eux un fils dès le lendemain de leurs noces. Le royaume avait besoin d'un héritier. Mais au moins Vainqueur lui laissait-il l'opportunité d'être Reine et pas seulement poulinière.

- Si je le droit de faire autorité et si vous soutenez je, alors je suis Reine que vous voulez. Je ne pas déçois vous, je promets je fais le mieux de moi.

C'était maladroit et elle était consciente que sa mauvaise connaissance de la langue la desservait, mais l'idée générale y était. Ils étaient une équipe et ils apporteraient chacun à l'autre ce dont il avait besoin. Tendant une main un peu hésitante, elle finit par la poser sur le bras du Roi et lui sourit encore.

- Vous voulez faire annonce de mariage puis mariage quand ?

Car elle devait se préparer. Il lui faudrait commander de nouvelles pièces pour sa garde-robe. À défaut de venir avec son trousseau complet, elle devait pouvoir faire face à toutes les circonstances. Le reste viendrait après. Dépendre ainsi du bon vouloir du Roi et de ses largesses était mortifiant mais elle n'avait plus le choix et s'y résignait à présent qu'ils s'étaient mis d'accord sur la plupart des points importants. Ses doigts se crispèrent légèrement sur la manque de Vainqueur et un éclair de doute traversa ses yeux.

- Vous êtes sûr vous voulez marier je ?

Shyrin hocha la tête docilement. La date lui convenait. À vrai dire, n'importe quelle date lui conviendrait. Elle espérait même que le temps passe vite pour ne plus être entre deux statuts, pour ne plus être dans l'incertitude. Vainqueur la rassurait d'une certaine manière. Il le fit encore en lui tapotant gentiment la main. Il y avait beaucoup de condescendance dans ce geste mais après tout, ils n'étaient as encore à égalité et elle lui avait montré sa vulnérabilité. Il était bien normal qu'il se comporte ainsi avec elle. Et de toute façon, elle attendait de lui qu'il soit un mari réel et un homme qui se comporte comme tel. Elle sourit alors en retour, gentiment et avec douceur.

- Merci.

Posant sa main libre sur la sienne, elle s'efforça de le rassurer à son tour. les choses seraient difficiles mais elle ne flancherait plus, elle avait trop à perdre à présent.

- Je comprends vous avez choses à faire.

Elle aussi devait prendre le temps de réfléchir à tout ce qu'impliquait cette décision si soudaine. Elle devait en parler à Shane et Ava. Elle devait réfléchir à ce qu'elle allait demander à la couturière. À la manière dont elle ferait face à Bienséance, dont elle imposerait ses propres vues sans créer de scandale.

- Je... J'espère voir vous bientôt, osa-t-elle néanmoins ajouter.

Ce point aussi était important. Malgré toutes leurs obligations, ils devaient apprendre à se connaître et à s'apprécier. Après tout, ils s'apprêtaient à passer le reste de leur vie ensemble.