La Terre des Anciens
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 La fleur et le trône.

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MessageSujet: La fleur et le trône.   La fleur et le trône. I_icon_minitimeDim 20 Déc - 23:15

Depuis le mariage tout était allé si vite… Les noces avaient été somptueuses, et la suite tout aussi enivrante. Bien qu’elle se fut mentalement préparé à sa nuit de noce autant que possible, la reine nouvellement couronnée s’était trouvée totalement dépourvu une fois dans la chambre royale. Le rituel amoureux lui était connu, en théorie, mais la perspective de le mettre en pratique lui avait alors coupé tous ses moyens.

Les leçons de sa mère, les conseils de ses amis, tout s’était envolé lorsque Vainqueur avait verrouillé la porte et s’était approché d’elle… On lui avait dit tant de chose sur « la première fois », que cela faisait mal, que l’on saignait, qu’aucune femme ne prenait son plaisir et qu’il suffisait de serrer les dents pour attendre que cela passe. Mais les mains et les manières expertes du roi avaient dissipé toutes ses craintes, et ses appréhensions s’étaient envolées sous ses caresses. Tout s’était passé comme dans un rêve, doux, chaud et merveilleux. Lorsqu’elle avait épousé cet homme de presque 30 ans son aîné, elle avait craint que la différence d’âge ne la rebute dans l’intimité ; mais cette nuit là, elle avait réalisé qu’être mariée à un homme « âgé » signifiait aussi avoir un amant expérimenté. Quand elle l’avait examiné sous toutes les coutures après qu’ils eurent terminé, elle lui trouva des muscles dessinés et une mâchoire virile, même sa chevelure blanche ne la dérangeait plus autant qu’avant. Certes, elle ne l’aimait pas comme l’entendaient les histoires des ménestrels, mais au moins elle savait qu’ils « s’entendaient » sur d’autres points.

Transportée par l’euphorie de sa nouvelle situation, Désirée ne pouvait totalement garder la tête froide. Pendant qu’elle se lovait contre son époux le soir, elle savourait son titre fraîchement acquis « reine des cinq duchés »… c’était tant de portes qui s’ouvraient devant elle ! Si elle savait s’y prendre, si elle manœuvrait intelligemment – comme le lui avait apprit sa mère – elle pouvait obtenir tout ce dont elle rêvait, et plus encore. Mais pour l’instant, elle se réjouissait comme une gamine à qui l’on a offert sa première pièce de cuivre : qu’allait-elle en faire ? Tout ce pouvoir qui miroitait, non loin, presque à sa portée, c’était enivrant. Bien sûr il y avait des points noirs dans ce tableau, Aimée, la reine servante et sa belle-fille, avait clairement manifesté son mécontentement lors des noces et son animosité était palpable. D’ailleurs les autres enfants de Vainqueur avaient majoritairement repris cette attitude à leur compte, mais compte tenu la mort récente de leur mère et le re-mariage de leur père, Désirée s’était attendue à pire.
Lorsqu’elle avait emménagé à Castelcerf, elle n’avait guère eu le temps de visiter les lieux, toute affairée à la préparation des noces et les obligations qu’elles entraînaient ses journées s’étaient partagées entre les essayages, les présentations officielles et autres formalités « capitales »… maintenant que toute l’agitation commençait à s’estomper, que les nobles étaient presque tous rentrés dans leurs châteaux et que le couple royal avait eu le temps de se découvrir plus « intiment », il était temps de s’approprier un peu mieux les lieux.

Elle c’était réveillée seule ce matin là, Vainqueur avait déjà quitté les draps de soie outrageusement chers qu’elle avait fait mettre dans le lit la veille… elle avait toujours aimé le contact frais et satiné de ce tissu pour dormir. Alors qu’elle se prélassait, s’étendait de tout son long dans son nouveau lit, il lui vint à l’esprit qu’il était beaucoup grand que sa couchette d’enfant, et en repensant aux quelques nuits qu’elle venait de passer, elle comprenait pourquoi… Ses joues rosissaient délicieusement quand elle repensa aux jours qui venaient de passer. Il était temps de briser le charme et de s’extraire du lit, un serviteur devait déjà patienter derrière la porte avec son petit déjeuner et aujourd’hui elle voulait parcourir un peu son nouveau chez elle. Il était temps de prendre possession des lieux, pour contrôler un château il faut tout en connaître et pour cela il fallait bien commencer à sortir de sa chambre.

Délicatement, elle saisit la petite clochette sur sa table de nuit et fit retentir son écho cristallin. Une femme de chambre apparut si vite que désirait n’eut pas le temps de sonner une deuxième fois, elle portait un plateau recouvert de délicatesses : fruits mûrs à la crème aigre, confitures d’un rouge profond et complexe, et différentes sortes de pains aussi variées en formes qu’en couleur. Elle ne de fit pas prier pour manger, ses ébats nocturnes la laissait souvent affamée au matin, et toutes les douceurs de cuisines de Castelcerf étaient les bienvenues. Pendant que la bonne lui faisait des tartines, une seconde entra et entreprit de l’aider à choisir une toilette pour la journée : la reine opta pour une robe de velours finement ouvragée, aux bordures complexes et délicates qui soulignaient sa gorge et des hanches comme des enluminures. Elle était bleu de Cerf, pour rendre hommage à sa nouvelle position, et à son roi. Simple d’apparence, elle avait été coupé et cousue pour elle et la souveraine avait participé à sa conception, le travail de bordure avec le fil d’or avait été étudié pour faire paraître sa taille plus fine encore que la réalité et la couleur faisait ressortir des yeux et sa peau de manière saisissante.
Après qu’elle eu été baignée, habillée et poudrée, Désirée entreprit de décider par quel bout du château elle devait commencer… c’était chez elle désormais, il fallait qu’elle laisse son empreinte sur ces murs séculaires.

« Quel est le plus bel endroit de ce château ? » Une servante était en train de débarrasser les reliefs de son repas, c’était une femme d’un certain âge et elle accomplissait son travail avec discrétion et efficacité, cela devait faire longtemps qu’elle officiait-ici. Sa mère lui avait souvent dit que c’était les petites gens d’un château qui le connaissait le mieux, les serviteurs survivaient à leurs maîtres et accumulaient un savoir qu’eux même ignoraient posséder « Le plus beau ? Le jardin tropical de la reine Shyrin, sans hésitation. » elle tiqua « l’ancienne reine Shyrin vouliez vous dire. » elle avait peut-être été un peu trop sèche dans sa réprimande car la vieille femme si violemment qu’elle faillit lâcher la vaisselle dans ses mains « Un jardin tropical vous dites ? Que ce doit être charmant… et ou est-ce ? »

La domestique était resté quelques instants pétrifié, avait bredouillé les indications nécessaires et devant le soudain mutisme de sa maîtresse, elle s’était éclipsée à toute vitesse en emportant son chargement. Irait-elle répéter la réaction que Désirée avait eu à l’évocation de « la reine Shyrin » ? Cet écart de caractère irait-il jusqu’aux oreilles de vainqueur ? Elle l’ignorait, mais pour l’instant elle s’en moquait bien.
Ainsi, la reine Shyrin avait eu un jardin ? De plante tropicales, évidement, fleurs des pays chauds comme elle l’avait été elle-même… et bien ce serait pas là, qu’elle commencerait sa visite ! Après tout, la reine c’était elle maintenant. Cette pensée l’accompagnait lorsqu’elle traversa les couloirs du château seule. Elle n’avait pas attendue que ses suivantes se présente, n’avait demandé à aucun domestique de l’accompagner, non, elle voulait que personne ne la voit lorsqu’elle découvrirait le jardin.

Il ne fut pas dur à trouver, comme le lui avait indiqué la servante il se trouvait dans une cour intérieure, orientée plein sud. Elle eut la certitude d’être sur le bon chemin lorsqu’il lui sembla capter dans l’air une fragrance de parfum que seul pouvaient exulter des plantes exotiques. Malgré le sentiment amer qui l’avait amené en ces lieux, lorsqu’elle émergea du couloir frais et obscur elle fut transportée par le spectacle : une porte de verre donnait légèrement opaque donnait sur une serre dont l’envergure dominait presque toute la surface de la cour. La structure était plus grande que toutes celles que Désirée avait pu voir auparavant, certaines maison n’étaient pas aussi vaste… ses murs – si on pouvait les appeler ainsi- et même son toit était en verre, cela avait du coûter une véritable fortune. Les rayons du soleil qui tombaient en cascade faisaient miroiter le tout comme un immense diamant. La chaleur qui émanait de la serre était presque palpable de là où elle se trouvait, quel merveilleux stratagème… Curieusement, devant ce prodige d’ingéniosité, il lui sembla perdre de sa détermination : qu’était-elle venue faire ici ? Shyrin était morte. S’approprier ce jardin ne changerait rien à l’affaire. Enfin… Elle avait la main sur la porte, ça aurait été trop bête de reculer maintenant.
D’une légère poussée, elle bascula dans un autre univers.

L’atmosphère était étouffante, presque mouillée et solide, et elle aurait juré qu’il y avait une très légère brume qui flottait tout autour d’elle. La chaleur ressentie de l’extérieur n’était rien en comparaison de celle qu’elle ressentait maintenant, le jeu des rayons de concentrant sur le verre oeuvrait merveilleusement pour réchauffer l’air ambiant. Les plantes qui attiraient le plus l’œil étaient disposés artistiquement en une belle allée, vraisemblablement destinées à réaliser un chemin de promenade dans la serre. Les fleurs, semblables à d’énormes lys aux pétales bigarrées lui semblait faites de cires colorées et exhalaient un parfum enivrant. D’épais buissons de fruits exotiques ajoutaient de la contenance à la structure des lieux, et de fines statues d’animaux étrangers en plâtre égayaient, de ci de là, une composition d’arbustes épineux ou un tressage de liane fleurie. Partout où se posaient les yeux se trouvait une merveille, tout était parfaitement arrangé, et l’impression de paradis virginal qui s’en dégageait était d’une paix inattendue.

« C’est tellement beau. »
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MessageSujet: Re: La fleur et le trône.   La fleur et le trône. I_icon_minitimeLun 21 Déc - 11:18

Après plusieurs jours de plénitude et de festivités, Vainqueur commençait à retrouver son rythme habituel. A savoir : il ne dormait que quelques heures par nuit, Artisait jusqu'à l'aube, et passait ses journées à des choses plus sérieuses que banqueter et se faire lécher les bottes par les nobles des Duchés. Presque tous étaient rentrés chez eux, à l'exception notable de la Lunabille. Une bouffée d'air, même si Vainqueur chérissait les jours précieux de ses noces, surtout ses premiers moments d'intimité avec Désirée.

N'en déplaise aux mauvaises langues, tout avait été beaucoup plus facile que prévu. Le Roi ne l'aurait pas avoué sous la torture, mais il avait redouté presque autant que son épousée, leur première nuit. Il craignait que la pucelle ne le trouve trop vieux et repoussant, séduite seulement par sa couronne. Qu'elle soit trop jeune, comme le disaient ceux qui l'appelaient "la Reine enfant", bien que Shyrin fusse du même âge, lorsqu'il l'avait mariée et prise. Vainqueur avait même songé, à ne pas consommer ce mariage, du moins pas tout de suite. Il ne voulait pas que Désirée croie, comme tous les autres, qu'il n'était qu'un vieillard concupiscent - même s'il l'était, concupiscent, il devait bien le reconnaître, et dès qu'il s'était retrouvé seul dans la chambre avec elle... Dame Nature avait fait les choses très simplement, et la Reine, eh bien, ça n'avait pas eu l'air de lui déplaire, si bien qu'ils avaient partagés leur lit les nuits suivantes, Vainqueur paressant à ses côtés jusqu'au lever du jour, bien qu'il ait prévu deux chambres communicantes pour que la jeune femme puisse avoir son intimité. Il fallait bien admettre qu'ils ne s'étaient pas beaucoup parlé ; mais ils avaient une vie entière pour s'apprivoiser !

Ce matin, donc, comme tous ceux qui suivraient, Vainqueur avait quitté le lit bien avant que Désirée s'éveille, pour se retirer dans la tour d'Art avant qu'elle ne soit occupée par Maya et ses apprentis. Il n'avait guère envie de croiser Aimée. A l'aube, il était descendu prendre un solide petit-déjeuner, puis avait vaqué à ses royales occupations jusqu'à l'aurore. Lorsque le soleil d'été eut pris ses aises dans les ciel, il songea que Désirée devait être réveillée, et se rendit dans sa chambre pour la saluer. Une femme de chambre particulièrement timide indiqua au Roi que la Reine s'était rendue "au jardin de la Reine, enfin, le jardin de l'ancienne Reine, enfin...". La servante était particulièrement troublée, de même que le fut Vainqueur, quand il imagina Désirée dans le jardin de Shyrin.

Il y réfléchit sur le chemin sans parvenir à identifier la cause de son trouble. Lorsqu'il poussa la porte du jardin, il fut envahi par la chaleur et les parfums des fleurs. Vainqueur fréquentait davantage ce jardin depuis que Shyrin l'avait quitté, que du vivant de sa Reine. Il préférait les jardins dépouillés, ceux qui mènent à l'introspection plutôt qu'à la contemplation d'une nature foisonnante. A vrai dire, il préférait la forêt. Et puis, ce jardin avait toujours été baigné d'une sorte de mystère étranger qui l'amenait à penser, qu'il n'avait pas percé celui que demeurait sa femme. Aujourd'hui il savait, qu'il ne le percerait jamais. Il était trop tard et le Roi venait ici, s'enivrer de regrets et de mélancolie.

Vainqueur pénétra plus avant dans le jardin. Il savait celle qu'il était venu chercher, pourtant lorsqu'il la vit, de dos, rousse aux milieu des fleurs chamarrées, il crut qu'il allait se mettre à pleurer. Lorsque sa nouvelle Reine se retourna vers lui, il simula une allergie.
- Maudites fleurs chalcédiennes, grommela-t-il en s'essuyant le coin des yeux.
Il était assez émotif dernièrement, sans doute à cause de Désirée qui jouait avec son coeur, et d'Aimée qui jouait avec ses nerfs. Ou peut-être était-ce un effet de l'âge, même si le Roi ne s'était pas senti aussi jeune depuis des années. Depuis ses noces, Vainqueur semblait plus jeune, sans doute à cause de l'amour, ou du répit de sommeil qu'il s'était accordé, au lit avec Désirée.

- Il vous plaît ? reprit-il en désignant le havre qui les entourait. Ce jardin est le cœur de Ryn. On croirait qu'il bat encore, ajouta-t-il comme pour lui-même, tant la nature semblait palpitante.
Un papillon grassouillet se posa sur son nez, et le Roi éternua violemment.
- Pardonnez-moi, dit-il en s'approchant de sa Reine, sans qu'elle puisse savoir s'il s'excusait de ses éructions ou de son sentimentalisme.
- Vous êtes très belle, vous aussi, observa-t-il maladroitement, touchant du bout des doigts, vite brûlants, la bordure brodée de son décolleté. C'est une nouvelle robe ?
Le bleu de Cerf lui allait si bien !
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MessageSujet: Re: La fleur et le trône.   La fleur et le trône. I_icon_minitimeLun 21 Déc - 21:51

Elle n’avait aucun doute qu’il la rejoindrait. Après tout, c’était le roi, et c’était son château… mais peut-être avait-elle espéré disposer d’un peu plus de temps pour recomposer la contrariété qui l’avait amené ici. Le spectacle que recélait le « jardin de la reine » l’avait momentanément privé de toute conviction… toutes ces couleurs, ces odeurs capiteuses l’avaient enveloppée jusqu’à l’hébétude et le voilà qui entrait précisément à ce moment là. Sa voix grave, qui l’avait fait frissonner ces dernières nuit, la radoucit encore un peu davantage et alors qu’elle se retournait et apercevait les yeux embués du spectre des larmes qu’il devait retenir, sa résolution faillit s’effondrer. Il était devant elle, le roi des cinq duchés, c’était bien lui qui l’a regardait avec cette émotion… Elle, sa reine. Leur mariage n’était peut-être pas tout à fait désintéressé, mais ce genre d’émotion lui laissait croire qu’un amour sincère pourrait un jour s’épanouir entre eux.

Et il brisa le charme. Lorsque le roi évoqua « Ryn », il lui sembla que sa voix dérailla très légèrement, ou bien était-ce son imagination ? Mais lorsque le diminutif affectif fusa dans l’air, il la cueillit comme une flèche transpercerait un oiseau en vol. Sa posture de raidit imperceptiblement alors que son esprit se remettait en marche ; ce n’était pas pour elle qu’il s’émouvait, du moins pas totalement. Elle ne releva même pas le charmant que formait le roi et un papillon tout proche, trop absorbée par ses réflexions moroses… le fantôme de Shyrin flottait toujours dans le cœur de Vainqueur, autant que dans le château. Bien sûr elle s’en était douté, en épousant un homme dont la femme était morte si peu de temps auparavant, il faudrait s’adapter aux habitudes encore vives laissées par une vie passée ensemble. Mais composer avec des souvenirs, ce n’était devenir l’incarnation de ces souvenirs.

Alors qu’il s’approchait d’elle, son parfum musqué lui sembla presque aussi entêtant que celui de la multitude de fleurs autour d’eux « Pardonnez moi. » alors qu’il effleurait à peine les dorures de sa robe, un frisson la parcouru, mais cette fois-ci sa volonté ne vacilla pas… « Vous êtes très belle, vous aussi. C’est une nouvelle robe ? »

Des banalités ? Pourquoi pas. Réorganiser un peu ses idées ne serait pas de trop.

« Oui, je l’ai faite coudre selon des instructions précises, j’ai moi-même choisi la couleur et brodé le fil d’or. » D’un geste qui se voulait innocent, elle passa son index le long du filigrane qui formait des motifs complexes près de sa gorge « Mais le velours est assez inadapté au climat tropical, j’en ai peur. »

L’humidité commençait déjà à faire frisotter ses longues boucles rousses, et son teint de porcelaine rosissait joliment sous l’effet de la chaleur.

« On m’a dit que « la reine » avait un jardin, j’ai tenu à voir ça de mes propres yeux. »


Dernière édition par Désirée Loinvoyant le Mar 22 Déc - 0:46, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: La fleur et le trône.   La fleur et le trône. I_icon_minitimeMar 22 Déc - 0:07

Séduit par la charmante manière dont la jeune femme recevait son compliment, Vainqueur eut un sourire attendri. Il n'eut pas le temps de répondre que le velours conviendrait tout à fait à l'hiver de Castelcerf, doublé de la fourrure que lui avait offerte Acuité, que Désirée justifia sa présence d'une manière qui interpella le Roi.

- On m’a dit que « la reine » avait un jardin, j’ai tenu à voir ça de mes propres yeux.

Vainqueur laissa passer un silence réfléchi. Lentement, il prit la main de Désirée dans la sienne, contemplant l'anneau qui brillait à son doigt, l'anneau par lequel il l'avait faite sa Reine. La nouvelle Reine des Cinq-Duchés.

- N'en voulez pas aux gens de ce château. Ils ont besoin de temps pour s'habituer au changement, murmura-t-il avec l'indulgence qu'il souhaitait la voir partager.
- Je vous présente mes excuses pour l'attitude de ma fille. Elle m'en veut d'avoir fait déjà le deuil de sa mère. J'ai bien peur que vous ne subissiez ses foudres à ma place, si elle vous trouve ici...

Ce jardin était devenu une sorte de mausolée. Un endroit où le père et la fille flânaient, jamais ensemble, pour caresser le souvenir de l'être aimé.

Revenant à lui, Vainqueur baisa la main de Désirée.
- Vous cultiverez votre propre jardin, la rassura-t-il, supposant son inquiétude. J'ai hâte de voir à quoi il ressemblera.
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MessageSujet: Re: La fleur et le trône.   La fleur et le trône. I_icon_minitimeMar 22 Déc - 0:44

« La botanique ne fait pas partie de mes passions. »

Le ton avait été un peu plus sec qu’elle ne l’avait voulu. D’un pas volubile qui contredisait le pli contrit qu’avaient pris ses sourcils, Désirée se glissa jusqu’à un banc tout proche dont les contours de confondaient avec les plantes grasses qui foisonnaient tout autour. Dans un bruissement d’étoffes précieuses, elle prit place, fleur parmi les fleurs, sa position mettait en valeur les longues manches de sa robe, les faisant ressembler à de délicates pétales de lys. Malgré ses affirmations, elle se fondait à merveille dans la végétation luxuriante et colorée et le savait parfaitement, mais ce plaisir était irrémédiablement gâché par les justification de Vainqueur… Les domestiques, sa fille, autant de chose qui ne dépendaient pas directement de lui et qui justifiaient l’ombre de son ancienne épouse un peu partout dans la demeure. En un sens, c’était vrai, il ne pouvait guère effacer si vite le souvenir de la maîtresse de maison dans le cœur et les habitudes du personnel de maison et encore moins l’image qu’une mère avait pour son enfant, mais il aurait pu essayer.

D’une main légère, ornée de la bague de leurs épousailles, elle tapota la place vacante à ses côtés, comme pour balayer ses mises en gardes :

« Ici, c’est un peu un mausolée à la gloire de votre grand amour n’est-ce pas ? » Elle avait susurré ces mots d’une voix basse, aux allures de confidences, écartant toutes considération pour Aimée et son amour propre blessé. Si son incartade dans la jungle sous cloche de sa mère arrivait jusqu’à elle, il ne ferait aucun doute que la flamboyante héritière s’en offusquerait, mais ça c’était un problème qu’elle résoudrait plus tard. Pour l’instant, avant la fille retord, c’était le père nostalgique et tenaillé qu’elle devait amadouer pour qu’il avoue sa faute.
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MessageSujet: Re: La fleur et le trône.   La fleur et le trône. I_icon_minitimeMar 22 Déc - 20:47

Désirée lui retira sa main et alla s’asseoir un peu plus loin. Déconcerté, le Roi resta debout, ne sachant trop quoi faire : la rejoindre ? La laisser seule ? Avait-il été si maladroit ? Ses propos sur le jardinage pouvaient s'entendre au sens métaphorique, mais Vainqueur n'avait jamais été doué pour les métaphores... Même sans témoin, il se sentit un peu stupide, mais s'efforça d'oublier son amour propre pour se concentrer sur ce que pouvait ressentir son épousée. Etait-elle jalouse ? Il en fut surpris, troublé, un peu flatté, aussi.

Lorsqu'elle lui fit signe, Vainqueur rejoignit Désirée sur le banc avec soulagement, mais n'osa pas reprendre sa main. Il réfléchit à sa question, ou plutôt à la réponse qu'il y apporterait, en contemplant le jardin plutôt que ses yeux bleus, qui le divertissaient. Le jardin n'était pas à proprement parler un mausolée. Shyrin ne l'avait pas cultivé à sa propre gloire, plutôt pour son plaisir. Mais continuer à l'entretenir et à s'y ressourcer était certainement, de la part de Vainqueur et d'Aimée, un hommage à sa mémoire. Cela, Désirée n'avait pas besoin de le savoir ; d'ailleurs, elle l'avait déjà deviné.

- C'est vous que j'aime à présent, lui assura Vainqueur, dénué de la gêne qu'ont les jeunes amants à s'avouer leurs sentiments.
Certes, il n'était pas à l'aise avec les grandes déclarations d'amour. Il énonçait seulement un fait, que Désirée savait, que tout le Royaume savait. Car Vainqueur avait beau arguer des avantages politiques à ce mariage, il avait bien trop cher payé à Rippon, pour que ses sentiments ne soient pas soupçonnés. D'ailleurs ils étaient peints sur son visage depuis qu'à Gardebaie, il avait revue Désirée.

- Mon passé n'empêchera pas notre avenir, continua-t-il, à nouveau comme un fait, ou peut-être comme une promesse.
Comme ses sentiments, Désirée ne pouvait ignorer ce passé. Elle avait assisté aux funérailles de Shyrin, moins d'un an auparavant, ici, à Castelcerf. Elle avait vu le Roi incapable de prononcer un discours décent. Depuis longtemps, ses précepteurs lui avaient parlé de Vainqueur Loinvoyant, de son accession au trône à la mort de Prospère, alors qu'il avait vingt ans ; de la guerre contre Chalcèdes, alors qu'il avait trente ans ; de sa vie de monarque, de père et d'Artiseur, alors qu'il avait quarante ans. Aujourd'hui Vainqueur avait plus de cinquante ans. Ça n'était pas un homme neuf. En ce sens, ils n'étaient pas à égalité. Désirée entrait dans sa vie de femme et de Reine, par lui, à ses côtés.

- C'est un peu comme construire une nouvelle tour à un château. La plus haute tour, ajouta Vainqueur aussitôt, réalisant la faiblesse de cette nouvelle métaphore.
Mieux valait changer de sujet.
- Quelles sont-elles, vos passions ? reprit-il avec ingénuité.
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MessageSujet: Re: La fleur et le trône.   La fleur et le trône. I_icon_minitimeMar 22 Déc - 23:19

Ainsi logés dans ce décors enchanteur aux parfums capiteux, on aurait pu les croire sortis d’anciennes légendes. Le roi et la reine de quelque pays lointain et exotique, en train de se déclamer leur amour naissant avec comme seul témoin les papillons et fleurs chamarrés. Parée des couleurs de Cerf, Désirée n’avait rien à envier à la beauté étrange des jacinthes et autres lianes fleuries qui pendaient artistiquement autour d’elle ; elle avait précisément choisi cette place car l’arrière plan fourni ferait ressortir ses cheveux de feu et sa peau de marbre, elle se demanda même si feu Shyrin avait eu conscience que cette « composition » végétale mettait tant en valeur leur carnation commune.

Les mots de Vainqueur n’étaient pas dénués de charme, même s’ils restaient terriblement maladroit… Jamais, depuis que leurs regards s’étaient croisés à l'enterrement, elle n’avait douté des sentiments du souverain à son égard : la lueur qui brillait dans ses yeux encore meurtris lorsqu’il l’avait aperçu pour la première fois était celle d’un amour profond et instantané. Même sa mère, pour le moins réticente au principe, devant les concessions extraordinaires du suzerain avait du reconnaître l’indéniable : il l’aimait. Non, elle ne doutait pas de cette affirmation. En vérité, ce qui la chiffonnait c’était les raisons qui avaient précipité cet émoi… on lui avait parlé de sa ressemblance avec la précédente reine, de la chevelure qu’elles partageaient, de leurs traits communs et elle n’avait pu s’empêcher de s’interroger : le roi cherchait-il à recréer un simulacre de son premier mariage ? La coïncidence semblait pour le moins malheureuse…

Pendant qu’elle se perdait en conjecture, il tenta de reprendre le cours de la conversation, mais des années de bavardages vipérins entre filles lui avaient appris à reprendre la main tout en douceur « C’est vrai que nous n’avons guère eu le temps de nous entretenir de nos hobbys depuis que nous nous sommes… Disons rencontrés. » ses derniers mots flottèrent entre eux un instant, mais avant qu’il n’ai le temps d’inspirer pour répondre, elle reprit la parole tout en déplaçant ses jambes pour les rapprocher un peu plus de celles de son époux « Mes passes temps paraîtront sans doute enfantins aux yeux d’un souverain qui en a vu et vécu autant que vous. » elle laissa sa voix se briser sur la fin de sa phrase, d’un ton faussement tragique. Cela lui avait prit des années pour parfaire cette intonation et la rendre crédible, ainsi l’on suscitait sans mal la culpabilité de ses amies… ou de son mari. « Pardonnez moi, je cherche encore ma place et il me semble que tout se joue de moi pour me rappeler qui je ne suis pas… Votre fille, ce jardin… »

Sans mal, elle donna imprima dans ses paroles un accent de vérité, car ce n’était pas totalement un mensonge. « Rependre » la place qui était désormais la sienne n’allait pas sans heurt, et toute autre que Désirée s’en serait peut être sentie menacée, mais pas Désirée Lunabille. Même si la plaie était encore fraîche, elle entendait bien la refermer définitivement
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MessageSujet: Re: La fleur et le trône.   La fleur et le trône. I_icon_minitimeMer 23 Déc - 10:41

Vainqueur se sentit terriblement vieux lorsque Désirée fit état de son expérience. Ainsi, ils partageaient leur maladresse : Vainqueur la dépeignait comme l'excroissance de son château, et Désirée le faisait passer pour une forteresse croulante. A nouveau, le Roi mit son amour propre de côté pour s'inquiéter des sentiments de sa Reine. Elle avait l'air très affectée. Etait-elle donc si fragile ? 

Bien que non dénué de compassion, Vainqueur ne goûtait guère les lamentations. Pour lui et dans une moindre mesure, pour la gente féminine, elles lui paraissent comme le signe d'un caractère faible. Souvent, le Roi y répondait moins par la consolation (bien que tenté d'être le héros de la situation) que par l'exhortation. Se plaindre d'un état de fait n'avait jamais été une solution pour la résoudre. Il n'y avait que l'action. 

Vainqueur était un homme d'action. Il caressa la joue de sa femme, cherchant son regard, et répondit : 
- Vous êtes la Reine des Duchés. Cette place est désormais la vôtre, alors prenez-la. Ce château se morfond depuis des mois. Je vous en prie, faites-le refleurir à votre façon. Bientôt la Cour toute entière partagera vos passions.

Les courtisans étaient d'un mimétisme affligeant. Désirée eut-elle affectionné mettre sa robe à l'envers ou voltiger à cheval comme son fils puîné, bientôt les plus nobles suivraient son exemple, désireux qu'ils seraient de plaire, à la nouvelle Reine des Duchés.
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MessageSujet: Re: La fleur et le trône.   La fleur et le trône. I_icon_minitimeVen 25 Déc - 1:01

En soit, la stratégie avait fonctionné, mais pas comme elle l’avait espéré bien évidemment… en vérité, il lui apparaissait désormais évident que Vainqueur ne se laisserait jamais prendre à ses petits jeux de dupe. Peut-être était il trop expérimenté en matière de manipulations martiales pour se plier aux chorégraphies vers lesquelles elle souhaitait l’entraîner. Si le roi des cinq duchés était effectivement l’homme actif et volontaire qu’il laissait paraître, la manœuvre ne s’avérait pas aisée. Secrètement, depuis l’annonce de leurs noces, Désirée n’avait voulu qu’une chose : la preuve qu’elle n’était pas la remplaçante mais bien la nouvelle épouse. Même si son époux l’avait abreuvé de promesses, couvert sa famille de cadeaux et lui avait offert le monde pour ainsi dire, rien ne l’avait convaincue qu’il l’épousait bien elle et pas ce qu’elle représentait.

À bien de reprises, cette réflexion lui avait paru stupide, après tout qu’est ce que cela pouvait faire ? La chance qui lui était offerte aurait fait rêver n’importe qu’elle jeune fille, de Castelcerf à Rippon, même si le roi en question avait l’âge d’être son père… et pourtant, elle s’était interrogée : l’aimait-il ? Car, même si elle pouvait se contenter d’un mariage de raison, la perspective d’un amour sincère échauffait toujours ses sens même aujourd’hui.

Il était tout prêt d’elle, assez proche pour que son odeur lui parvienne aussi clairement que celle des fleurs qui les entouraient. En cet instant, Désirée sentait son cœur battre plus fort, ses sens s’éveillèrent au contact de la main qu’elle connaissait désormais si bien… comment cela pouvait il être si simple et si compliqué à la fois ? Pourquoi ne pouvait pas se contenter du prestige de sa position, fût-ce t’elle temporaire… non, il lui fallait une histoire d’amour, des tragédies, des joies irrépressibles et des abysses de désespoir. Il lui fallait laisser sa marque sur tout ce qu’elle touchait :

« J’aime assez la couture. Porter quelque chose que j’ai confectionné me procure le sentiment d’être unique. »

Unique, cette fois ci peut être que l’allusion se ferait assez concrète pour qu’il la prenne au vol. D’habitude, c’était de manière plus subtile que la jeune femme tâchait de se faire comprendre, ainsi si la réponse ne lui plaisait pas, il était toujours possible de prétendre qu’on l’avait mal comprise… C’était comme cela qu’on lui avait apprit à manœuvrer en société, discrètement, mais efficacement, du moins le pensait elle.
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MessageSujet: Re: La fleur et le trône.   La fleur et le trône. I_icon_minitimeSam 26 Déc - 15:58

Désirée s'ouvrit enfin, comme une fleur fragile sous la caresse de sa main.
- Je vois, répondit Vainqueur, mais en réalité il ne vit ni l'allusion, ni le compliment qu'appelaient les mots de son épousée.
Ses yeux caressèrent la bordure brodée de sa nouvelle robe, s'attardant plusieurs secondes de plus que nécessaire, sur son décolleté. Voilà à présent qu'il avait envie de l'embrasser ! ce qui lui paraissait interdit dans ce jardin, et d'autant plus tentant.

Vainqueur enleva sa main et se redressa sur le banc, où comme une palme alourdie par l'averse, il s'était insensiblement penché sur son épousée. Ces parfums fleuris commençaient à lui donner mal à la tête, et il avait trop perdu de temps.

- Vous aurez tout ce que dont vous aurez besoin, reprit-il après un léger raclement de gorge. Avez-vous visité l'atelier de confection ?
Il se leva et lui tendit la main.
- Laissez-moi vous y accompagner avant de reprendre mes activités. Nous nous retrouverons ensuite pour le déjeuner.
Il avait déjà hâte de la retrouver, au soir tombé, pour jouir de ses caresses et de ses confidences.
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MessageSujet: Re: La fleur et le trône.   La fleur et le trône. I_icon_minitimeSam 26 Déc - 18:43

Feignait il de ne rien comprendre ? Ou bien était-il à ce point hermétique à ses allusions ? De réputation, Vainqueur Loinvoyant était un homme droit, et intègre, mais il n’était pas particulièrement loué pour sa finesse. Le découvrir hermétique au type de petites manigances dans lequel elle avait baigné toute son enfance n’était pas si surprenant… Ou bien au contraire, son refus obstiné de saisir les perches tendues révélait autre chose : peut-être comprenait il parfaitement le petit jeu de non dits auxquels se livrait sa femme, et qu’il refusait tout simplement de s’y prêter. Compte tenu de l’aperçu du caractère de son époux ces dernières semaines, ce n’était pas totalement impossible. Il était intelligent, ce qui en faisait une cible difficile à manipuler de quelque manière que ce soit… Et au regard de leur discussion actuelle, soit il était buté, soit il était exceptionnellement doué pour éviter d’aborder certains sujets.

Comme par exemple le rapport évident entre Shyrin et Désirée.

Mais alors qu’il mettait fin à sa réflexion en se levant et faisant de petits bruits de gorge, elle eut la certitude que le roi n’entendrait rien à ses sous-entendus. Malgré le cadre et les multiples occasions qu’elle lui avait offert de s’épancher sur les raisons de leur mariage, il n’en avait rien fait… Légèrement dépitée de l’échec de sa manœuvre, Désirée plaqua néanmoins un sourire poli sur ses lèvres crispées lorsque son époux tenta de rebondir maladroitement sur l’aveu de sa femme. Elle avait entendu parler de cet « atelier » quand elle avait demandé aux domestiques le fil d’or pour broder sa robe, mais n’avait pas eu l’occasion de le voir. Désirée préférait de loin l’atmosphère confidentielle et coquette d’un boudoir ou d’un petit salon pour se livrer à ses travaux d’aiguilles, mais on lui avait assuré que la lumière exceptionnellement abondante de la pièce qui y était consacrée à Castelcerf saurait la convaincre.

Lorsque Vainqueur, déjà debout, lui tendit sa main comme une invitation à s’échapper de la jungle tropicale et capiteuses elle la saisit à regret. Tiraillée entre la frustration de n’avoir su obtenir le résultat espéré et l’envie de fuir la chaleur insupportable de la serre, la reine se joint à son souverain de mauvaise grace… mais perçut-il son pas alourdit de lassitude ? Ou le reflet contrit dans ses prunelles ?

« Laissez-moi vous y accompagner avant de reprendre mes activités. Nous nous retrouverons ensuite pour le déjeuner. » il aurait été facile de contrecarrer sa volonté en refusant simplement de partir, mais l’atmosphère humide et surchargée lui paraissait de plus en plus insupportable à mesure que le temps passait. Comment pouvait-on rester plus de quelques minutes dans pareil environnement ? Nulle coiffure, nul tissu ne pouvait s’adapter à une telle humidité… « Certainement, emmenez moi loin d’ici, je pensais trouver un trésors mais je m’aperçois qu’il ne sera jamais à moi. Autant me rabattre sur l’atelier de couture. » dit-elle d’un ton de miel qui contredisait son amer constat « Ne m’en voulez pas, je m’aperçois que je suis moins subtile que je le pensais, ou bien la situation est plus complexe que je ne la voyais. Mais soit, laissons cela de côté, et accompagnez moi à cet atelier, il me changera peut être les idées. »

L’espace d’un instant, le masque était tombé. Cette bribe de vérité tranchait crûment avec la chorégraphie léchée à laquelle s’adonnait Désirée habituellement et elle parut soudainement très jeune, et très déçue.
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MessageSujet: Re: La fleur et le trône.   La fleur et le trône. I_icon_minitimeDim 27 Déc - 11:38

Désirée prit sa main, bien que de mauvaise grâce. Vainqueur en fut soulagé. Il n'aurait pas été tranquille de la laisser seule dans ce jardin. Si sa fille l'y croisait, il ne répondait plus de sa conduite... Bien que ce ne soit pas la raison de sa mission, les choses seraient sans doute plus simples une fois qu'Aimée serait partie pour Castelorme. Désirée pourrait s'installer sans hostilité, et Vainqueur espérait, que sa fille lui reviendrait mûrie par ses priorités de Reine Servante. Qui sait si son voyage en compagnie de Chiara ne lui donnerait pas meilleure opinion des Lunabille ? même si Vainqueur peinait à imaginer, deux personnalités plus opposées.

Sans se presser, les époux marchèrent vers la sortie du jardin. Vainqueur ralentit encore aux paroles de sa Reine, le temps que s'efface, la déception qu'il ressentait. Désirée lui demandait de ne pas lui en vouloir, de cette franchise qu'enfin elle manifestait. Vainqueur le voulait sincèrement : pardonner ces paroles et ce caprice de petite fille qu'elle ne voulait pas être. Mais, par El ! Ne lui avait-il pas offert son coeur et son château sur un plateau, qu'elle déplorait de ne pas pouvoir posséder la seule partie de son coeur et de son château, qu'elle ne pouvait avoir, peut-être précisément, parce qu'ils lui étaient interdits ?

Le Roi s'arrêta tout à fait et laissa échapper la main de sa Reine.
- La situation n'a rien de complexe, répondit-il d'une voix qu'il eut voulue moins ferme. Vous possédez tout le reste de ce château. Je regrette que cela vous laisse insatisfaite. Peut-être Gardebaie vous manque-t-elle ?
Il regretta aussitôt ces dernières paroles, qui pouvaient sonner comme une comparaison méprisante, ou même une menace. Déçu, honteux de sa réaction trop vive, qui lui faisait perdre la face, Vainqueur eut voulu disparaître. Mais il n'était plus cet homme là, du moins voulait-il le croire.

- Croyez-moi, la conquête n'a pas le goût qu'on lui prête, reprit-il après un silence qui aurait refroidi sa colère et sa honte, s'il ne faisait si chaud dans ce jardin. Il est plus "subtil" de faire fructifier ses propres richesses. Mon père s'appelait Prospère, mon fils s'appelle Prospère et telle est la façon dont je veux gouverner ce Royaume, même si ça n'est pas ainsi que l'histoire se souviendra de moi.
Vainqueur Loinvoyant, celui qui avait vaincu Chalcèdes. A quel prix et pour quel gain ? Celui d'un Duché à demi sauvage, qui retombait aujourd'hui dans le giron de Rippon ? Celui de vingt ans d'une paix qui semblait toucher à son terme ? Celui d'une épouse qu'une autre, plus jeune, aurait voulu déjà oubliée ?

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MessageSujet: Re: La fleur et le trône.   La fleur et le trône. I_icon_minitimeDim 27 Déc - 17:12

Ses paroles lui faisaient l’effet d’une pluie de pierre.

Chaque mot fissurait son assurance comme s’il avait s’agit de coups de poings et la laissait plus vulnérable qu’au précédent. Lorsque Vainqueur, emporté par sa diatribe, parut lui proposer à demi mot de retourner à Gardebaie, son cœur lui sembla manquer plusieurs battements mais elle ne dit rien… Les mâchoires crispées, le regard fixe, il n’y avait qu’à attendre que cela cesse, que l’orage passe. Après tout, c’était de sa faute, en laissant échapper une émotion sincère elle s’était elle-même exposée à cette possibilité. Dans ses aveux, le roi n’avait pas entendu le principal : il était resté superficiel, ne s’attachant qu’au jardin et pas à ce qu’il représentait… s’approprier l’étuve fleurie de feu sa Chalcédienne ne l’intéressait pas le moins du monde, lui semblait elle à ce point inconstante pour qu’il  l’imagine convoitant ce qu’elle ne pourrait avoir ?

L’image que lui renvoyait son époux à cet instant là était celle d’un adulte réprimant l’ambition galopante d’une enfant trop gourmande. Loin de la scène romantique où le souverain avouait ses véritables sentiments, la discussion avait tourné court, et aigre.

Sans mot dire, debout prêt de la porte de verre qu’elle rêvait de franchir pour ressentir à nouveau la brise sur sa peau moite, la reine restait stoïque en attendant que son roi ai terminé de s’épancher. À chacune de ses paroles, il lui semblait sentir ses épaules s’alourdir d’indicibles reproches qu’elle tentait d’intégrer, sans rien laisser paraître. Intérieurement, l’adolescente était outrée d’être la victime d’une telle leçon de morale, mais l’adulte se maudissait d’avoir laissé poindre sa faiblesse devant pareil adversaire. Elle s’était laissée aller, avait évoqué à mot couvert son véritable but – comprendre les véritables motivations de leur mariage – beaucoup trop tôt… mais maintenant que ses cartes étaient abattues, peut-être était il temps de faire sa lumière sur ses intentions, du moins une partie :

« Me pensez vous cupide et jalouse au point de vouloir m’approprier jusqu’aux souvenirs qui flottent en ces lieux ? » Un geste volubile du bras qui désignait tout le jardin derrière eux accompagna sa question, agitant des longues manches brodées de motifs complexes semblables aux battements d’ailes d’un papillon Désirée finit son mouvement en posant sa main à plat sur la poitrine de Vainqueur, à l’exacte endroit de son cœur « Nous n’avons pas la même notion de conquête mon roi, ou du moins pas les même  objectifs… » ses doigts, longs et pales, froissèrent délicatement le tissu du pourpoint avant qu’elle ne reprit, plus bas « Je ne veux remplacer personne, être le copie d’aucune. Pouvez vous comprendre cela ? En venant ici, en entendant les domestiques, en entendant vos enfants, votre histoire, je ne peux que m’interroger. N’y voyez pas la complainte d’une adolescente frustrée, mais Shyrin et moi nous ressemblons tellement qu’il me semble me voir sur les tableaux qui la représente. Enfin… »  

Sa tirade l’avait laissée le souffle court tant elle l’avait débité vite, d’une seule traite, de peur de perdre ses mots.

« Sortons, je vous en prie, je ne supporte plus cette chaleur. »
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MessageSujet: Re: La fleur et le trône.   La fleur et le trône. I_icon_minitimeLun 28 Déc - 16:55

Le contact de Désirée, peut-être autant que ses mots, apaisa le Roi. Oubliant ses propres affects, il compatit à nouveau avec la jeune femme, visiblement blessée par ses propos et éprouvée par la chaleur. Pourtant il n'ouvrit pas la porte de verre, car sa réponse ne pouvait être différée.

- Vous ne vous ressemblez pas, répondit-il avec fermeté. Ceux qui disent que vous êtes semblables ne vous connaissent pas comme je vous connais, moi.

Certes, Vainqueur connaissait peu Désirée, bien qu'il la connaisse désormais intimement. Mais avec Shyrin, il avait partagé vingt ans. Shyrin n'avait pas les yeux bleus ni la peau d'albâtre. Elle n'avait pas la même voix, pas la même odeur, ses baisers étaient différents. Elle n'avait pas le même caractère, pas la même façon de se tenir et de se déplacer. Elle n'avait pas le même accent, ni la même culture. Elle aimait les jardins. Elle lui avait livré trois enfants, presque quatre, mais jamais ses plus profonds secrets. Penser à elle le rendait triste, alors que voir Désirée, le rendait heureux.

- Il est vrai que vous me faites parfois penser à elle. Surtout ici, avoua-t-il, bien qu'à contrecœur, puisqu'il lui semblait que seule sa sincérité saurait convaincre Désirée.
Aux funérailles de Shyrin, comme dans ce jardin, il avait pris la jeune femme détournée pour sa Reine perdue. Mais plus tard, à Gardebaie, c'était Désirée Lunabille qu'il était venu visiter.

- Je veux commencer une nouvelle vie à vos côtés. Revivre le passé ne m'intéresse pas plus que vous. Cela, je peux vous le jurer comme je vous ai juré fidélité devant les Pierres Témoins, déclara-t-il avec solennité.
Vainqueur Loinvoyant avait beaucoup de défauts, mais il n'était pas infidèle.
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MessageSujet: Re: La fleur et le trône.   La fleur et le trône. I_icon_minitimeMar 29 Déc - 1:15

Toujours prêt de lui, elle se délecta de ses promesses sans le cacher. Il lui sembla sentir chacun des poils de son corps s’hérisser lorsque Vainqueur proposa de lui renouveler ses vœux, c’était délicieux. Comme un oiseau exotique au plumage bleu de Cerf, elle se mirait dans les yeux de son amant, ses craintes momentanément étouffées par le miel de ses paroles. Peut-être disait il vrai, peut-être était-elle unique et que c’était pour cela qu’il l’avait choisie… les mots caressaient ses espoirs, laissaient entrevoir un dénouement heureux à leur dispute, si l’on pouvait nommer cela ainsi. Entendre son roi clamer sans ambages qu’il l’aimait pour ce qu’elle était, même s’il ne faisait que toucher du doigt la véritable Désirée, dissipa le nuage angoissant de ses pensées.

L’espace d’un instant la chaleur étouffante, le parfum entêtant des lys, tout cela disparut, happé par la présence charismatique de son époux. Il l’avait choisie, même si elle ne comprenait pas encore pourquoi, c’était bien elle et pas un fantôme qui avait attiré son attention ; en dépit des circonstances peu amènes de leur union, il n’avait rien fait d’autre que lui prouver son affection. De son côté, Désirée devait bien admettre que toute affairée qu’elle avait été à savourer sa nouvelle position et à en mesurer les implications, elle n’avait guère prêté attention à quiconque :

«  Je vous remercie d’apaiser mes tourments, cela me rassure grandement. » ce fut lascivement que la reine s’éloigna du torse contre lequel elle s’était lovée. Alors avide d’air frais comme si sa propre vie en dépendait, elle poussa la porte avec bonheur et soupira d’aise lorsque la brise tant espérée vint caresser sa nuque baignée de sueur. C’était presque aussi bon que la complainte de Vainqueur quelques instants plus tôt « Je ne puis dire à votre place pourquoi vous m’avez préférée entre toute, mais je puis vous dire que si vous m’avez choisie, j’en ai fais autant en acceptant, et j’en suis heureuse. »
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MessageSujet: Re: La fleur et le trône.   La fleur et le trône. I_icon_minitimeMar 29 Déc - 11:55

Vainqueur fut soulagé d'avoir enfin persuadé Désirée, qu'elle n'était pas le fantôme de Shyrin, qu'il l'aimait sincèrement, et que ce jardin n'était pas fait pour elle. Ses paroles le troublèrent un peu, comme si elle n'était pas encore pleinement satisfaite, malgré ses déclarations et ses serments, comme si elle voulait entendre "pourquoi il l'avait préférée entre toutes". Vainqueur était soulagé d'avoir évité une dispute avec sa nouvelle Reine, ce qui lui aurait semblé être - si tôt - un mauvais présage, mais il la découvrait tourmentée, ou orgueilleuse, ou peut-être les deux.

Enfin ! Elle se disait heureuse, et c'était l'essentiel. Elle disait qu'elle l'avait choisi en acceptant de l'épouser, et Vainqueur osait espérer, qu'elle avait accepté de sa propre volonté, et non par celle de sa mère ou pour l'intérêt de son Duché. Pour autant, Vainqueur savait que c'était sa couronne, plutôt que lui, que la jeune femme avait choisi. Il savait qu'il ne pouvait attendre d'elle les mêmes sentiments. Aussi ne lui demanda-t-il ni déclarations, ni nouveaux serments. Lui, savait se satisfaire de ce qu'il avait : une jeune Reine magnifique, qui réchauffait son cœur et son lit, et qui saurait, il l'espérait, ranimer son château. A défaut de son amour, il saurait se contenter de son estime et de sa tendresse.

- Fort bien, clôt-il le sujet sur ce consensus non formulé, en refermant la porte du jardin.
Il ne put toutefois s'empêcher de rajouter :
- Un mariage se construit dans le temps, comme votre mère a dû vous l'apprendre.
Malgré tout, Vainqueur espérait qu'un jour, Désirée saurait l'aimer, malgré le nombre de ses années. Sans doute pas si vite, ni aussi intensément que Shyrin, mais quand même. Il s'emploierait d'abord à gagner sa confiance, à lui montrer qu'il n'était pas une brute, ni un tyran, comme le percevait certainement Chiara Lunabille. Il avait hâte que cette dernière prenne Castelorme, et que Désirée prenne Castelcerf.

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