|
| Efforts et convenances [Septembre 09] | |
| Auteur | Message |
---|
Brun Braveterre
Messages : 1881 Date d'inscription : 17/06/2011 Age : 35
Feuille de personnage Fonction: Duc de Béarns Âge: 51 ans DC: Vainqueur Loinvoyant
| Sujet: Efforts et convenances [Septembre 09] Mar 31 Déc - 15:17 | |
| Brun songeait à son caillou. Le caillou blanc avec ses brins de verdure que lui avait donné (ou plutôt vendu) la Sorcière des Haies, et auquel, malgré l'aspect irrationnel de la chose, il avait fini par s'attacher. Conformément aux consignes de l'originale, il l'avait gardé sur lui nuit et jour, tout en se demandant bien pourquoi. Son sommeil, en effet, n'avait pas connu d'amélioration notable, et il gardait de l'été le souvenir flou de l'homme qui dort debout. Et puis, au bout d'un mois, il avait fini par s'en débarrasser, "dans l'océan" comme elle l'avait spécifié. La nuit suivante, il avait dormi du sommeil de l'ange.
Aujourd'hui, alors qu'il marchait d'un bon pas dans les couloirs du château en direction des appartements ducaux, il regrettait de ne pas sentir dans sa poche le poids rassurant du minéral. Il virait superstitieux et se morigéna. Ce n'était quand même pas la mer à boire. Il allait seulement présenter ses respects à Raki Lunabille. Si tant est que cela ait encore du sens, car cela faisait presque un mois que le Duc de Rippon était arrivé à Castelcerf... Il avait repoussé la chose jusqu'à friser le ridicule. Enfin ! Il pourrait toujours se servir de la fraîche arrivée de la Duchesse comme excuse.
Cette pensée le soulagea réellement et il se sentit aussi glorieux qu'un enfant de treize ans. Par El ! Il était temps de grandir ! Il n'allait pas pouvoir continuer à fuir tout ce qui venait de Rippon indéfiniment. Il était en train de rejouer exactement la même scène qu'avec Nim, qu'il avait scrupuleusement évité pendant des semaines, avant de prendre enfin son courage à deux mains et de lui présenter ses condoléances. Et Nim n'était qu'un gamin. Un gamin qui avait le tord de lui rappeler qu'il n'était pas seulement le maître d'armes de Castelcerf.
Pour sa décharge, sa dernière entrevue avec le Duc n'avait pas été un enchantement. Vainqueur n'avait pas été un chef d’œuvre de tact, sans parler de Kesar qui ne semblait même pas connaître le sens du mot. Pourtant il ne pouvait le déplorer. Il avait toujours vu le père de Raki comme un sauveteur ; mais aujourd'hui il lui fallait bien reconnaître qu'il n'avait fait que guérir, sans prévenir, comprenez : que le Duc avait une fois de plus, dans son Duché, laissé massacrer des innocents, et que l'histoire, cette histoire surtout, ne pouvait pas se rejouer indéfiniment.
Enfin... il gardait tout de même une dette envers la famille Lunabille, et il était plus que temps d'aller en saluer le chef. Il avait inconsciemment ralenti le pas : il le pressa avec résolution, et arriva bientôt au seuil de la grande porte des appartements que Bienséance avait attribué à ses invités. S'appliquant à ne plus réfléchir, il frappa, on ouvrit. Il demanda le Duc, on lui dit de s'assoir. Il prit place dans l'antichambre, à l'aise comme un poisson au grand air. Il n'avait pas l'habitude des visites protocolaires, pas même, surtout pas chez le Roi.
Il s'absorba dans le contemplation des tapisseries florales en cherchant, d'un air absent, son caillou dans sa poche.
Dernière édition par Brun Braveterre le Lun 31 Mar - 20:00, édité 1 fois |
| | | Chiara Lunabille
Messages : 374 Date d'inscription : 12/12/2013 Age : 43
Feuille de personnage Fonction: Duchesse de Rippon et d'Haurfond Âge: 56 DC: †Shyrin Loinvoyant, Aimée Loinvoyant
| Sujet: Re: Efforts et convenances [Septembre 09] Mer 1 Jan - 20:11 | |
| Chiara se flattait de tout savoir sur les êtres et les liens qui les unissait, les enjeux et les stratégies des hommes de ce monde. Sa seule frustration était d’être née femme et de ne pouvoir opérer son ascension qu’à travers l’homme qu’elle avait épousé. Encore que frustration était un mot bien fort quand on songeait aux liens étroits qui l’unissaient à Raki, à l’amour qu’ils partageaient tous deux et au plaisir qu’ils prenaient à discuter ensemble des affaires de Rippon et des Quatre-Duchés. Non, en réalité, à bien y songer, elle aimait être la femme derrière l’homme, la voix de l’ombre, l’œil invisible. Elle parvint à cette pensée alors que la Lune Rousse venait d’apparaître dans sa main. Avec un sourire, elle posa la carte avec les autres et se perdit quelques instants dans une méditation calme.
Un discret raclement de gorge la rappela au présent juste avant que Malice vienne lui chuchoter quelques mots à l’oreille. Son sourire s’accentua encore. Hochant légèrement la tête, elle indiqua d’un geste à peine visible à sa suivante de faire entrer l’homme qui demandait audience à son mari. Raki ne serait de toute façon pas visible avant un moment, occupé qu’il était à régler les affaires du Duché avec le messager envoyé de Castelorme. Rangeant ses cartes prestement, elle se leva du sofa et gagna la croisée.
Brun Braveterre. Voilà un être auquel elle n’avait pas pensé depuis un moment déjà. Un nom évocateur s’il en était, et symbolique d’une situation plutôt complexe. Car leur vassal en Rippon était aussi celui qui avait l’oreille du Roi, leur suzerain, à Castelcerf. C’était ce qui se disait en tout cas. Mais Chiara était trop fine mouche pour ne pas avoir remarqué à quel point Vainqueur était indépendant jusque dans la moindre de ses décisions. Et obstiné avec ça. Brun semblait avoir souvent pour tâche d’arrondir les angles après le passage dévastateur de son ami. Rien cependant ne pouvait atténuer l’affront fait à Rippon et aux Lunabille avec l’envoi de Kesar Bonsergent. À la pensée de cet homme odieux, elle serra inconsciemment le poing, emprisonnant l’étoffe de sa robe qui s’en trouva complètement froissée. L’humiliation était encore trop récente pour ne pas lui faire tourner les sangs à chaque fois que son esprit revenait à ce souvenir détestable.
Lorsque la porte s’ouvrit, toutefois, elle s’était composé un visage calme et charmant, comme à son habitude. Debout devant la fenêtre, elle offrait à son visiteur son meilleur profil et surtout un contre-jour particulièrement flatteur pour sa silhouette gracieuse. Jamais elle n’oubliait de ménager ses effets, de soigner entrées, sorties et apparitions comme si elle était le personnage principal d’une pièce de théâtre. Elle laissa au jeune comte le temps de la voir et de l’admirer puis se tourna et fit quelques pas dans sa direction pour l’accueillir avec un aimable sourire.
- Comte Braveterre, le salua-t-elle en inclinant la tête pour accompagner une révérence légère mais impeccable. Le Duc vous recevra dans un moment, mais j’ai pensé qu’il vous serait plus agréable de passer ce temps à bavarder plutôt que seul dans une antichambre.
Dieu qu’il avait changé ! Elle l’avait aperçu de loin en loin au fil des années, notamment lorsqu’il était venu à Castelorme avec Vainqueur et Kesar, mais n’avait pas eu l’occasion de se rapprocher de lui comme elle l’eut désiré. Il restait secret et solitaire en général, lui avaient rapporté les domestiques et courtisans de Rippon, même s’il était toujours aimable et de plaisante compagnie pour qui lui faisait office de voisin. Il était bien loin en tout cas du garçon efflanqué au regard absent qu’elle avait vu pour la toute première fois à la cour de son beau-père, il y avait de cela presque vingt ans. Elle aussi avait du bien changer, songea-t-elle, depuis l’époque où, jeune mariée et jeune mère, elle se pliait encore aux souhaits de ses beaux-parents et vivait dans l’ombre de Raki en attendant son heure. Aujourd’hui elle avait largement passé la trentaine alors que lui l’atteignait, elle avait deux enfants adolescents dont une fille qui prétendait séduire le Roi – cette petite présomptueuse ! – et surtout elle était sûre d’elle, de sa position et de son influence. Vingt années de correspondance, de complots, de rassemblement d’informations et de secrets, avaient porté leurs fruits. Elle n’était plus une sauvageonne apprivoisée mais une duchesse flamboyante, elle ne laisserait personne l’oublier.
- Venez vous asseoir, je vous en prie, et racontez-moi votre vie en Castecerf. Des rafraichissements nous seront servis dans quelques instants.
Elle prit place dans un fauteuil confortable malgré son dossier droit, et passa quelques instants à arranger ses jupes comme si elle était la dernière des écervelées. Cherchait-elle à le séduire un peu ? Ils étaient si proches en âge, la chose n’était pas insensée. Il se murmurait même que la jeune duchesse n’était guère heureuse d’avoir une fille si proche d’être adulte et qui lui rappelait sans cesse les années envolées. Elle n’ignorait pas ces bruits mais les laissait courir. Si rien n’avait été dit sur elle, la chose eut pu paraître étrange. Une boucle rougeoyante effleura le décolleté très sage bordé de dentelle de sa robe quand elle redressa la tête pour regarder le jeune Braveterre droit dans les yeux, sans se départir de son sourire charmeur. Tout dépendait de sa réaction à lui car elle pouvait aussi bien se montrer froidement calculatrice que se prendre d’affection pour le jeune homme et lui offrir son amitié sincère.
|
| | | Brun Braveterre
Messages : 1881 Date d'inscription : 17/06/2011 Age : 35
Feuille de personnage Fonction: Duc de Béarns Âge: 51 ans DC: Vainqueur Loinvoyant
| Sujet: Re: Efforts et convenances [Septembre 09] Ven 3 Jan - 22:38 | |
| La porte s'ouvrit, mais ce ne fut point le Duc qui parut. Non, décidément pas. La silhouette cintrée et menue de Chiara Lunabille, charmante ombre chinoise, ne laissait sur ce point aucun doute. Mais, en ces circonstances, toute la grâce du monde n'aurait pas suffi à faire éclore sur les lèvres du Maître d'Armes, accueilli en ces termes, un sourire convaincant.
Comte Braveterre ! Personne ne l'appelait ainsi au château. Il ne voyait ces mots que sous la plume de son régent, une fois par mois, et c'était déjà trop. La Duchesse avait voulu lui faire honneur sans doute, à moins qu'elle ne se plaise à souligner l'allégeance qu'en un sens il lui devait, bien qu'à pareille fidélité il ne se sente plus tenu. Son cœur était si Cervien qu'il lui poussait des cornes.
- Le Duc vous recevra dans un moment, mais j’ai pensé qu’il vous serait plus agréable de passer ce temps à bavarder plutôt que seul dans une antichambre, poursuivit-elle alors qu'il s'inclinait respectueusement, trop heureux de dérober un instant son regard vers le sol. - Merci de votre hospitalité. Permettez-moi de vous rendre la pareille en vous souhaitant de tout cœur la bienvenue en Cerf, répondit-il l'instant suivant, et ce n'était pas trop mentir, car il n'avait rien encore contre la Duchesse de Rippon.
Certes, il aurait préféré qu'elle le laisse seul dans cette antichambre, sans avoir à affronter un Lunabille de plus. Mais il ne pouvait lui tenir rigueur de cette réticence à l'encontre de sa famille, née de son histoire personnelle. Face à eux, il avait le sentiment d'avoir à nouveau treize ans, orphelin hagard dans les couloirs de Catelorme. Face à elle... l'avait-il croisée, alors ? L'ancien Duc, surtout, s'était occupé de lui. Fuyant la compagnie humaine, il n'avait que peu côtoyé son héritier et encore moins sa jeune épouse, dont il ne se souvenait guère que de la chevelure rousse et de la petite fille qu'elle tenait dans les bras. Il eût un coup au coeur quand il réalisa que cette enfant n'était autre que Sérénité, qui s'apprêtait aujourd'hui à épouser Vainqueur.
Tout à ses pensées, qui modifiaient insensiblement les reliefs de son visage, il suivit la Duchesse dans ses appartements, et s'assit comme on l'y invitait. Il détaillait la pièce du regard, comme lorsqu'avant le combat on examine le champ de bataille, puis se rappela que cela n'était pas très courtois et reporta son attention sur son interlocutrice. Assise avec l'élégance qui seyait à son rang, elle tortillait curieusement une mèche de cheveux entre ses doigts blancs, et le Maître d'Armes se troubla un instant, pour d'autres raisons sans doute que celles qu'elle avait escomptées.
- Ma vie à Castelcerf ? répéta-t-il comme pour revenir au sujet, secrètement sceptique qu'elle s'intéresse véritablement au sujet. Rien de très palpitant, je le crains. Je ne mène pas exactement une vie de châtelain. Il sourit. Il ignorait ce qu'elle connaissait de ses fonctions ici. Il n'avait pas la prétention de croire qu'elle s'était renseignée à son sujet. Tout juste devait-elle savoir qu'il était l'ami du roi et résidait au château depuis le massacre de sa famille. Savait-elle que le "Comte Braveterre" officiait dans la poussière ? Il n'aurait pu lui reprocher le contraire, et il se demanda un instant si, une fois renseignée, il aurait toujours droit aux rafraîchissements.
- Je forme et j'entraîne les troupes du Roi, jugea-t-il bon de clarifier, quitte à enfoncer les portes ouvertes. Nous préparons notre intervention en Chalcède, aussi le travail ne manque pas... Il avait volontairement évité le mot de "guerre", à défaut du sujet. Si rencontrer la Duchesse Lunabille représentait pour lui un considérable effort, s'en tenir aux convenances était définitivement au-dessus de ses forces. |
| | | Chiara Lunabille
Messages : 374 Date d'inscription : 12/12/2013 Age : 43
Feuille de personnage Fonction: Duchesse de Rippon et d'Haurfond Âge: 56 DC: †Shyrin Loinvoyant, Aimée Loinvoyant
| Sujet: Re: Efforts et convenances [Septembre 09] Sam 4 Jan - 0:48 | |
| Par El, quel jeune homme austère ! Oui, c’était bel et bien le mot, nul autre n’eut pu qualifier avec justesse cette retenue excessive de tout ce qu’il pouvait offrir à voir, à entendre, ou même à comprendre. Chiara fouilla quelques instants ses souvenirs à la recherche d’un mot, une anecdote quelconque qui eut pu les rapprocher, mais rien ne vint. Ils s’étaient si peu connus et cela faisait si longtemps. Rippon ne semblait guère un sujet propice à les rapprocher à en croire l’attitude contrainte de son invité.
Ce fut elle, pourtant, qui se raidit imperceptiblement, alors que la guerre dressait son ombre entre eux. En d’autre circonstances, elle se fut sentie remise à sa place indignement par cette sortie et la conversation eut tourné court. Mais elle n’avait pas décelé chez son interlocuteur la moindre trace de mesquinerie. Il n’avait pas amené le sujet pour le froisser, mais seulement en réponse à sa propre question quant à ses activités.
Décrispant lentement ses doigts noués sur ses genoux, elle laissa passer un silence neutre le temps que Malice dépose sur la table entre Brun et elle un plateau. Une carafe et des verres y étaient disposés. Elle fit elle-même le service pendant que sa suivante se retirait, abandonnant volontairement certaines convenances trop guindées pour tenter de détendre une conversation jusque là peu chaleureuse.
- J’imagine qu’avec le temps Castelcerf est devenu votre foyer, lui accorda-t-elle avec grâce, se doutant plus ou moins consciemment qu’elle avait été maladroite en lui rappelant son titre dès son entrée.
Attachée aux convenances et à la bienséance comme elle l’était – sans doute de manière compensatoire – elle perdait parfois un peu de la simplicité et de la franchise qu’elle affectionnait pourtant. Il lui fallait pourtant trouver un terrain d’entente avec Brun Braveterre, un intérêt commun propre à les rapprocher suffisamment. Mais les armes n’étaient pas un domaine qu’elle était supposée connaître, il fallait encore chercher.
- Ne vous languissez-vous point trop de votre vie de maître d’armes au château lorsque vous vous trouvez en déplacement ou en campagne comme ce sera bientôt le cas ?
Elle ne pouvait trop insister sur son propre mal du pays sans passer pour une ingrate malpolie aux yeux de ses hôtes mais déjà elle avait bien compris que le Comte Braveterre ne voyait de Rippon que des rapports écrits ou de tristes souvenirs. Le sujet du conflit qui s’annonçait était cependant bien trop sensible pour faire un bon objet de conversation.
- J’espère ne point vous incommoder par ma présence ou mes questions, lâcha-t-elle soudain, comme un aveu spontané et avec un sourire désolé. Je vous avoue avoir vu dans votre présence chez nous une occasion de nous rapprocher autant que de me distraire des tâches peu plaisantes qui m’incombent en l’absence de Raki.
Elle avait presque l‘air penaud et paraissait réellement son jeune âge à présent qu’elle abandonnait un peu de son carcan de duchesse. C’était une main tendue, une offre de simplicité et d’honnêteté entre eux. La Duchesse n’avait que faire d’un vassal qui ne venait ni sur ses terres ni chez son suzerain. Ce chemin ne les mènerait nulle part. Chiara, en revanche, avait beaucoup à apprendre de Brun et pouvait lui apporter dans bien des domaines. Était-il capable à son tour de tomber un instant ce masque d’austérité qui se dressait entre eux ?
|
| | | Brun Braveterre
Messages : 1881 Date d'inscription : 17/06/2011 Age : 35
Feuille de personnage Fonction: Duc de Béarns Âge: 51 ans DC: Vainqueur Loinvoyant
| Sujet: Re: Efforts et convenances [Septembre 09] Sam 4 Jan - 13:26 | |
| Un ange passa alors que la servante déposait sur la table les fameux rafraîchissements, puis se retirait. Il y eut quelque chose d'étrange à voir la Duchesse assurer elle-même le service. Redoublé des paroles qui suivirent, cela donna à la scène un caractère intime qui le flatta et l’embarrassa à la fois.
- J’imagine qu’avec le temps Castelcerf est devenu votre foyer. Elle avait deviné juste et il s'abstint d'approuver. Il aurait été grossier de trop insister sur ce point. Ne reniait-il pas sa terre d'origine pour sa terre d'adoption ? Ce n'était pas chose dont se vanter auprès de la maîtresse de Rippon.
- Ne vous languissez-vous point trop de votre vie de maître d’armes au château lorsque vous vous trouvez en déplacement ou en campagne comme ce sera bientôt le cas ? poursuivit-elle, et il admira son habileté. La guerre étant un différend entre eux, elle avait déplacé le sujet sur un terrain personnel.
- Sans doute, répondit-il après un instant de réflexion. De la même façon que Castelorme vous manque lors de vos voyages politiques ou mondains. Mais vous partez quand même, pour accompagner Raki et pour l'intérêt du Duché. La comparaison était osée, mais touchait plus juste qu'il ne l'avait supposé.
Et puis elle s'interrompit pour s'excuser. Perplexe, le Maître d'Armes écouta cette confession inattendue. Il avait cru faire bonne figure, mais il s'était manifestement trompé, et regretta que son attitude puisse susciter de telles pensées. Avait-il à ce point l'air d'un rustre ? - Mais pas du tout, objecta-t-il précipitamment. Ce ne sont que de vieux souvenirs qui me reviennent.
Désirait-elle sincèrement un "rapprochement" ? Pourquoi ? Et quelles étaient ces tâches qu'elle devait mener à bien pour Raki ? Le contrôle du Duché était-il partagé ? Tout à ces réflexions, il porta mécaniquement son verre à ses lèvres, mais se reprit au dernier moment et le tendit en direction de la Duchesse, avec un sourire qu'il espérait cordial.
- A votre séjour en Cerf ! Vous verrez, le château ne manque pas de distractions... du moins en ce moment. Avec toute la noblesse réunie à Castelcerf, et Glace Loinvoyant qui s'improvisait roitelet, l'Hiver promettait d'être remuant. |
| | | Chiara Lunabille
Messages : 374 Date d'inscription : 12/12/2013 Age : 43
Feuille de personnage Fonction: Duchesse de Rippon et d'Haurfond Âge: 56 DC: †Shyrin Loinvoyant, Aimée Loinvoyant
| Sujet: Re: Efforts et convenances [Septembre 09] Dim 5 Jan - 10:36 | |
| Touché. Chiara s’abstint toutefois de jubiler car la partie était loin d’être gagnée. D’abord parce que de toute évidence, un jeune homme comme Brun Braveterre ne s’en laisserait pas conter, ensuite et surtout parce qu’elle devait bien s’avouer à elle-même qu’elle s’était effectivement montrée sincère dans son offre de rapprochement. Quelque chose la poussait à se montrer plaisante avec lui, et pas seulement dans un but calculé. Non. Il l’attendrissait d’une certaine manière et elle se sentait proche de lui en tant qu’étrangère à sa propre patrie. Certes, ils avaient fait le chemin inverse, lui reniant Rippon pour aller vers Cerf tandis qu’elle faisait des pieds et des mains pour se faire adopter par le Duché et rendre même insoupçonnables ses origines inavouables. Mais le fait est qu’ils étaient tous deux des apatrides attachés au foyer qu’ils s’étaient trouvé et créé. Elle leva son verre à cette pensée et sourit avec une franchise qui lui était peu habituelle.
- Merci de votre accueil.
Elle avait fait le premier pas et il avait saisi – même du bout des doigts – la main qu’elle lui tendait. Il ne restait qu’à voir où les mènerait cette toute nouvelle opportunité. Un léger rire lui échappa à la mention des possibles distractions offertes par Castelcerf en ces temps troublés.
- Certes, je ne doute pas qu’il y ait de quoi réjouir une armée de diplomates avec la réunion des Ducs sous le toit du Roi, mais je crains fort que cela ne me concerne que de loin.
Petit mensonge mais pas tant que ça, car sa place à elle était dans l’ombre de Raki, non à la table des négociations. Si tant est qu’il y en ait une, d’ailleurs, ce dont elle doutait fortement. L’essentiel pour elle était de ne surtout pas insister sur le rôle qu’elle pouvait jouer ou non. Rien ne devait être retiré au Duc et à son intelligence. Et si certains avaient parfois tenté de passer par elle – croyant la rouler ou l’acheter – pour obtenir des faveurs de Raki, ils avaient bien vite été remis à leur place. Chiara n’oeuvrait que pour Rippon, pour sa famille et pour son peuple.
- Quant aux autres distractions, elles sont, je le crains, plus de l’âge de mes enfants que du mien. L’on s’attend sans doute à ce qu’une matronne de ma génération se cantonne au rôle de chaperon et de marieuse.
Cherchait-elle le compliment ? Difficile à dire avec elle, mais ce qui était certain, c’est qu’elle ne croyait pas vraiment à ce qu’elle disait. Peut-être taquinait-elle simplement le maître d’armes dont l’âge était en réalité plus proche du sien que de celui de ses petits. Il en allait de même pour le Roi, d’ailleurs.
- Avez-vous eu l’occasion de rencontrer Sérénité et Songe ?
Il avait très certainement aperçu sa fille, tout au moins, car la Cour bruissait encore d’une certaine danse ayant eu lieu au bal de l’été, juste après le tournoi. Les rumeurs de mariage allaient bon train, au contraire des relations entre Raki et Vainqueur qui, si elles restaient cordiales comme il sied à un suzerain et son vassal, n’en étaient pas moins tendues par la perspective d’une guerre imminente et l’affreuse tutelle imposée à leur Duché. Elle-même était franchement contre cette union mais ne pouvait afficher aussi ouvertement une opinion défavorable au Roi.
|
| | | Brun Braveterre
Messages : 1881 Date d'inscription : 17/06/2011 Age : 35
Feuille de personnage Fonction: Duc de Béarns Âge: 51 ans DC: Vainqueur Loinvoyant
| Sujet: Re: Efforts et convenances [Septembre 09] Dim 5 Jan - 23:31 | |
| Ils trinquèrent, et dans cette atmosphère détendue, Chiara évoqua ses réserves quant aux "distractions" de Castelcerf. Doublement surpris, le maître d'armes porta son verre à ses lèvres, pensif. Il avait la nette impression que la Duchesse prenait le contrepied de la réalité.
Elle disait ne se sentir pas concernée par la réunion des Ducs. N'était-elle pas Duchesse ? Elle avait évoqué tout à l'heure devoir s'occuper, en l'absence de Raki, des affaires du Duché. Malgré son allure, elle ne paraissait pas vraiment être une femme "décorative". Sa conversation subtile l'avait déjà persuadé qu'elle était bien plus que cela, en vérité. Était-ce par pure humilité, ou docilité envers son Duc, qu'elle tenait à ce que sa voix reste dans l'ombre ?
Elle disait que les autres loisirs du château n'étaient plus de son âge, comme si elle n'avait plus d'avenir. Comme si la mère était nécessairement une mégère. Combien de printemps avaient passé sur ce visage ? Il n'aurait su le dire, mais elle était assurément dans l'été de ses jours, et il était à parier qu'elle le savait pertinemment. Il n'y avait qu'à voir la manière dont elle se tenait sur ce fauteuil. Alors, une "matronne" ? On ne la lui faisait pas.
Que la Duchesse se livre à un quelconque jeu de séduction, ou qu'elle tente de cacher son jeu, tout cela n'était pas fait pour le rassurer, et il songea qu'il avait devant les yeux un adversaire redoutable. Il était entré dans cette pièce obscurci de sombres pensées, et voilà qu'il trinquait avec familiarité avec une parfaite et puissante inconnue. Le ton badin de la conversation n'en était certainement pas un, et il devait veiller à ne pas se laisser amadouer par cette cordialité.
Il posa sa coupe et répondit sans rien laisser deviner de ces pensées : - Brièvement. Sérénité quelquefois, en compagnie de Vainqueur. Il avait cherché à les laisser seuls, mais son ami ne semblait pas de cet avis. Aussi, bon gré mal gré, avait-il constaté que la jeune fille, en sus d'un joli minois, ne manquait pas d'esprit. Elle avait de qui tenir, songea-t-il avec un sourire.
- Songe, plus furtivement. Le jeune homme était un courant d'air. - Nous avons participé tous deux à l'épreuve à cheval, lors du Tournoi. Le relais ne s'était pas admirablement déroulé, et il regretta un instant de l'avoir évoqué. Mais Songe s'en était plus que bien tiré ; il paraissait même qu'il avait secouru quelque demoiselle. - C'est un bon cavalier. Dans la bouche du maître d'armes, le compliment laconique valait son pesant d'or.
Il sourit à nouveau et ajouta, l'air moqueur : - Il semble que vous ayez joué votre rôle de "matronne" à la perfection. Avec une fille quasiment promise au Roi des Quatre-Duchés et un fils plein de fougue, elle pouvait se targuer d'une belle descendance. |
| | | Chiara Lunabille
Messages : 374 Date d'inscription : 12/12/2013 Age : 43
Feuille de personnage Fonction: Duchesse de Rippon et d'Haurfond Âge: 56 DC: †Shyrin Loinvoyant, Aimée Loinvoyant
| Sujet: Re: Efforts et convenances [Septembre 09] Lun 6 Jan - 1:16 | |
| - Touché, s’exclama Chiara avec un éclat de rire cristallin.
Cette fois c’était elle qui devait concéder un point à son interlocuteur, mais c’était avec plaisir et bonne humeur. Un adversaire à sa hauteur était rare et fort plaisant à découvrir, surtout quand cette rencontre était aussi inattendue.
- Très bien, j’admets avoir quelque peu voilé la vérité en me cachant derrière mes rôles d’épouse et de mère. J’ai exagéré avec le terme « matronne », n’est-ce pas ?
Cette petite joute aimable l’avait mis en joie et lui rendait un peu de la bonne humeur qu’elle perdait lentement en s’attardant à Castelcerf.
- Une Duchesse a certes bien d’autres rôles et de nombreuses tâches m’incombent, notamment celles qui concernent la maisonnée de Castelcerf et les œuvres caritatives de notre duché. Je me flatte d’avoir pu organiser l’éducation de certains enfants orphelins ou abandonnés à qui l’on apprend désormais un métier afin d’assurer leur avenir.
Elle ne se vantait pas vraiment cela dit, mais lui racontait plutôt cela sur le ton de la confidence.
- Et si j’ai l’oreille de mon époux grâce à nos liens étroits, ce serait une erreur de croire que j’ai beaucoup d’influence sur ses décisions.
Cette fois elle disait vrai. Son influence était plus subtile que réelle. Elle ne jouait pas la carte de la modestie mais bien celle de la sincérité.
Elle mesura à sa juste valeur le compliment concernant Songe qu’elle savait amoureux des animaux, des chevaux en particulier, et son sourire se fit quelques instants rêveur, un peu lointain. Si seulement son fils était plus… Ou moins… Non, elle devait cesser de projeter ses désirs sur lui et s’adapter à lui au lieu de vouloir le changer. Mais cela était une autre histoire.
- Songe est un bon garçon. Il est encore jeune mais il fera un homme remarquable. Je suis flattée que vous ayez remarqué ses aptitudes en tant que cavalier. Il en serait très heureux, j’en suis certaine. Quant à Sérénité…
Son regard s’évada à nouveau mais pas pour les mêmes raisons. Sa fille était un sujet de contrariété la plupart du temps et d’inquiétude en ce moment à cause des négociations entre Cerf et Rippon qui restaient plus que tendues. Ses mâchoires se crispèrent brièvement et un muscle joua un instant sur sa joue avant qu’elle se détende à nouveau parfaitement. Bel exercice de maîtrise d’elle-même, la base pour une maniaque du contrôle comme elle, cependant.
- C’est une jeune fille gracieuse et qui nous fait honneur. Mais elle est encore bien jeune et son éducation a besoin d’être achevée avant que certains projets soient envisagés sérieusement.
Voilà qui était dit. Elle ne pouvait être plus claire sans se montrer insultante avec ses hôtes, ce qui eut été tout particulièrement maladroit face au meilleur ami du Roi. Là au moins exprimait-elle ses réticences en les dissimulant derrière les angoisses bien naturelles d’une mère pour l’avenir de sa fille. Brun ne pouvait cependant pas ignorer que la guerre qui se profilait changerait certaines donnes et notamment les alliances dessinées par le passé. Elle se perdit quelques instants dans des pensées quelque peu mélancoliques, puis revint à son invité et lui offrit un sourire doux, un rien nostalgique.
- Je connais votre histoire dans ses grandes lignes, mais ne gardez-vous aucun souvenir agréable de Rippon ?
|
| | | Brun Braveterre
Messages : 1881 Date d'inscription : 17/06/2011 Age : 35
Feuille de personnage Fonction: Duc de Béarns Âge: 51 ans DC: Vainqueur Loinvoyant
| Sujet: Re: Efforts et convenances [Septembre 09] Dim 12 Jan - 14:39 | |
| Brun ne comprenait pas pourquoi la Duchesse se défendait ainsi d'exercer tout pouvoir. Il n'était pas de ceux qui pensaient qu'une femme devait nécessairement se tenir dans l'ombre de son mari. Il ne portait pas de jugement sur le rôle qu'elle pouvait jouer. Rôle qu'elle semblait déterminée à enfouir sous les attributions traditionnelles des femmes de la noblesse (maisonnée et charité), ne l'en révélant que mieux. Quelque chose n'était pas dit ; mais il n'avait pas pour but de la percer à jour, aussi acquiesça-t-il silencieusement. Le couple Lunabille se répartissait le pouvoir comme bon lui semblait.
Parler de ses enfants la laissait plus hésitante. Elle semblait penser à eux, effleurer leur visage, en détaillant leur caractère. Elle paraissait pleine d'ambition pour son fils, que le mariage de Sérénité mettrait en position d'héritier. Mais quand elle mentionna sa fille, une ombre soudaine obscurcit son visage. Elle exprima pour le projet d'alliance une réticence qui le surprit, avant de glisser sur un autre sujet : - Je connais votre histoire dans ses grandes lignes, mais ne gardez-vous aucun souvenir agréable de Rippon ?
Surpris à nouveau que la Duchesse revienne subitement, et sans délicatesse particulière, à son histoire personnelle, le maître d'armes réfléchit un instant. Il mit ce flottement à profit pour s'emparer de son verre, buvant une gorgée tout en observant son interlocutrice. Pensait-elle qu'il allait lui faire quelque confession ? Qu'il brûlait de partager avec une oreille amie quelque souvenir douloureux ? Elle ne semblait pas avide de potins, mais plutôt d'un attrait commun. Rippon était ce qui les rejoignait et elle devait chercher chez lui ce même attachement à la terre natale. Sans doute Rippon lui manquait-il véritablement. Ce qui n'était définitivement pas son cas.
- Certainement, approuva-t-il, laconique, en reposant son verre vide sur la table basse. Il n'était pas disposé à partager ses états d'âmes avec une quasi-inconnue, avec cette femme puissante et subtile, ni avec qui que soit d'autre d'ailleurs. Il retourna sans scrupule au sujet précédent, qui l'intéressait bien plus et explorait une autre intimité : - Je suis étonné par ce que vous me dites de Sérénité. Son jeune âge ne semblait pas justifier les inquiétudes de sa mère. Elle avait dix-sept ans ; c'était jeune certes, il était d'accord sur ce point, mais c'était l'âge auquel se mariaient communément les jeunes filles.
- J'avais pensé qu'elle agissait sur votre initiative, précisa-t-il, bluffant légèrement. Sérénité semblait bien décidée à mettre le grappin sur la personne royale, et il n'aurait pas imaginé que cette assurance ne se nourrisse point de l'accord parental. Peut-être cet accord n'était-il que paternel ? Peut-être la Duchesse devait-elle s'effacer face à la décision de son Duc, ce qui expliquerait ses paroles précédentes. Mais pourquoi refuser une telle alliance ? Une alliance royale ne se refusait pas. C'était la couronne que l'on offrait sur un plateau au Duché de Rippon, en échange tacite de sa coopération. Et cette couronne n'était pas qu'un bibelot : il n'y avait qu'à voir qui tirait les ficelles de cette union. Car il était évident que le souci d'épouser et d'engendrer ne venait pas du Roi lui-même, mais d'une Reine dont personne ne mettait le pouvoir en doute. |
| | | Chiara Lunabille
Messages : 374 Date d'inscription : 12/12/2013 Age : 43
Feuille de personnage Fonction: Duchesse de Rippon et d'Haurfond Âge: 56 DC: †Shyrin Loinvoyant, Aimée Loinvoyant
| Sujet: Re: Efforts et convenances [Septembre 09] Mar 14 Jan - 11:47 | |
| Un léger soupir s’échappa malgré elle des lèvres de Chiara. Elle eut aimé paraître plus et être moins. Mais elle avait encore des progrès à faire pour maîtriser parfaitement son image, de toute évidence. Elle eut aimé parler de Rippon et trouver en Brun Braveterre un ami qui eut partagé son amour pour sa contrée, mais elle avait fait fausse route. Elle l’avait soupçonné à voir la manière dont il traitait les affaires de son comté à distance, mais elle en avait à présent pleine et entière confirmation. Au moins cela clarifiait-il les choses concernant un possible rapprochement. En prime, il revint sur le sujet de Sérénité, ô combien contrariant pour elle en plus d’être des plus délicats. L’Épée Ardente ne voulait pas de cette alliance, mais ici elle n’était que la gentille et jolie Duchesse de Rippon et elle ne pouvait pas s’opposer aussi farouchement au mariage de sa fille. Pas aussi ouvertement. Par El, c’était à croire qu’elle perdait pied devant ce jeune homme. Elle prit son verre et but posément quelques gorgées pour se donner le temps de se reprendre, de retrouver sa prestance et sa subtilité. Cette maladresse ne lui ressemblait pas.
- Sérénité est une jeune fille tout à fait unique en son genre.
Il l’avait remise à sa place et une certaine finesse encore. Elle en était bien consciente et n’en ressentait que plus de mortification à s’être montrée aussi indélicate. Évidemment qu’elle était opposée à cette union qui était un véritable camouflet pour Rippon. Ce tyran de Vainqueur croyait pouvoir abuser des richesses de leur Duché puis faire mine de les récompenser en condescendant à prendre leur fille pour épouse ? Pas question de se laisser traiter ainsi, la Lunabille était trop fière pour cela. Ce mariage était également une opportunité pour le roi qui assoirait ainsi sa légitimité, son pouvoir sur les duchés et s’assurerait de la bienveillance de la reine-mère. Oui, il avait tout à gagner à choisir ce sang des plus bleus pour perpétuer une lignée puissante et incontestée. Mais Chiara n’était pas prête à renoncer à son indépendance et jamais Rippon ne s’agenouillerait devant un roi qui prenait le pays pour une base arrière dans sa guerre insensée contre les États Chalcèdes. Un bref instant, la fierté et la colère brûlèrent vivement en elle, lui faisant redresser le dos imperceptiblement. Toute la force de sa volonté était utilisée pour maintenir une image calme et posée cependant, aussi put-elle sourire d’un air affable sans effort.
- Ne voyez là que le souci naturel d’une mère pour sa fille, ainsi que la légère amertume qui rappelle aux femmes qu’elles vieillissent lorsque leurs enfants atteignent l’âge adulte. Je m’inquiète évidemment pour ma fille et pour mon pays, rien de plus.
Car la guerre était dans tous les esprits. Et si Vainqueur ponctionnait les richesses de Rippon pour alimenter ce conflit, il leur faudrait des décennies pour revenir à la prospérité amenée par la gestion de Raki. Non décidément, si union il y avait, ce serait contre sa volonté et avec un solide contrat de mariage, se promettait-elle. Pas question que le roi ait le moindre pouvoir sur Rippon autre que celui qu’il possédait déjà. Sérénité devrait renoncer à tout héritage politique de ce côté, ainsi qu’aux richesses. Elle n’aurait pour dot que de quoi survivre et être financièrement indépendante si c’était nécessaire, c’était la seule bonté que Chiara lui accorderait en de telles circonstances. Raki était parfois bien trop généreux ou trop naïf pour voir quel pouvoir Vainqueur pouvait tirer d’une épouse héritière de Rippon. Au moins avait-il l’esprit du négoce, il ne laisserait pas piller les richesses du duché sans réagir. S’il le pouvait, du moins. Son cœur s’emballa très brièvement alors que le rêve d’une indépendance du duché la traversait, mais elle se morigéna aussitôt et revint à des pensées plus rationnelles.
- En l’état actuel des choses, il serait de toute façon prématuré d’annoncer ou de décider quoi que ce soit, conclut-elle en renouant ses mains sur ses genoux.
Et ce n’était ni subversif ni fou d’espérer que les négociations concernant Rippon et sa mise sous tutelle soient achevées avant que d’envisager une union entre les deux contrées. Tant que le roi humilierait ainsi le duché, il ne pourrait espérer en épouser aussi facilement la plus importante des fleurs. Revenue à son calme et sa maîtrise habituels, elle souriait d’un air tranquille à présent et se permit de dévier sur un sujet un peu plus léger, espérant que ça ne mettrait pas son interlocuteur mal à l’aise.
- Vous-même, ne songez-vous pas parfois à vous marier ?
Elle en eut été fort étonnée compte tenu de ce qu’elle savait de lui, mais après tout, elle pouvait ignorer bien des choses malgré ses réseaux de renseignement.
|
| | | Brun Braveterre
Messages : 1881 Date d'inscription : 17/06/2011 Age : 35
Feuille de personnage Fonction: Duc de Béarns Âge: 51 ans DC: Vainqueur Loinvoyant
| Sujet: Re: Efforts et convenances [Septembre 09] Dim 19 Jan - 19:11 | |
| Brun avait mis sans le savoir le doigt sur un sujet sensible, voire orageux. Du moins en avait-il l'impression. - Ne voyez là que le souci naturel d’une mère pour sa fille, ainsi que la légère amertume qui rappelle aux femmes qu’elles vieillissent lorsque leurs enfants atteignent l’âge adulte. Je m’inquiète évidemment pour ma fille et pour mon pays, rien de plus, s'en défendait la Duchesse.
Et peut-être était-elle sincère. Peut-être se considérait-elle vraiment comme une "matronne" fanée par l'éclosion précoce de sa fille aînée. Mais avouait-on ces choses ? A un homme, qui plus est ? Bah ! qu'en savait-il ? Il était peu versé en psychologie féminine. Les femmes qu'il côtoyait portaient arc et épée, et il les voyait plus comme personnes que comme représentantes du sexe opposé. Alors, les états d'âme d'une Duchesse... tout ça le dépassait manifestement. Et puis, elle pouvait bien s'inquiéter pour sa fille. Même s'il y avait pire comme gendre, assurément, que le Roi et que Vainqueur !
Il tâcha d'imaginer quel époux pourrait bien faire son ami, et un sourire lui traversa les lèvres alors que Chiara concluait, prudente : - En l’état actuel des choses, il serait de toute façon prématuré d’annoncer ou de décider quoi que ce soit. - Certes, acquiesça-t-il sans se mouiller, car ce n'était que vérité : aucune annonce n'avait été faite, aucun accord n'avait été noué, du moins officiellement. Si Vainqueur lui avait avoué avoir répondu à mi-mots aux attentes de Sérénité, il savait pertinemment qu'il s'agissait là d'une manœuvre dilatoire pour rassurer la Reine-Mère avant de partir en guerre. A moins que son ami ne lui ait pas tout dit... mais il ne semblait pas franchement l'esprit à la romance.
Il songeait à cela lorsque la Duchesse l'interrogea, le prenant au dépourvu par cette nouvelle question intime. Par réflexe, il éclata d'un rire bref, avant de se raisonner. Après tout, la question n'était pas si ridicule : il était très certainement, et depuis longtemps déjà, en âge de prendre épouse. Mais l'idée l'effleurait fort peu, et il n'y avait guère que Vainqueur pour oser lui en parler, généralement pour envier sa liberté. - Pas vraiment, répondit-il avec un sourire amusé, avant d'une nouvelle fois, bien malgré lui, en revenir au sujet : - Ce que j'ai à offrir est en Rippon. Or ma place est ici.
L'excuse était facile, elle devrait bien s'en satisfaire. Il songea un instant à prendre congé, mais ne voulait point que son départ passe pour une fuite ; et puis, un souvenir à propos lui revint. - Vous-même étiez jeune mariée, je crois, lorsque je vous vît pour la première fois. Il y avait seize ans de cela. L'observation était stérile, mais il réalisa soudain que l'ayant plusieurs fois interrogé sur sa vie au château, son foyer de cœur, son opinion de ses enfants et ses projets matrimoniaux, la Duchesse n'avait livré d'elle-même que ses préoccupations coquettes et son mal du pays.
- Comment avez-vous rencontré Raki ? poursuivit-il alors, la malice l'emportant sur la curiosité. |
| | | Chiara Lunabille
Messages : 374 Date d'inscription : 12/12/2013 Age : 43
Feuille de personnage Fonction: Duchesse de Rippon et d'Haurfond Âge: 56 DC: †Shyrin Loinvoyant, Aimée Loinvoyant
| Sujet: Re: Efforts et convenances [Septembre 09] Lun 27 Jan - 0:28 | |
| L’excuse de la distance entre son fief et sa vie était facile en effet, et Chiara ne s’y trompa pas. Balayant son objection d’un petit geste vague de la main, elle sourit en douceur.
- Vous ne seriez pas le premier à laisser une épouse sur vos terres pendant que vous menez votre vie à la capitale. Mais je suppose que ce n’est pas le mariage idéal, même s’il peut apparaître comme tel aux yeux de certains. Vous pourriez également rester ici, votre épouse et vous-même mais là encore, ce n’est pas une solution à long terme, je pense.
D’un nouveau geste léger de la même main, elle balaya ce sujet qui intéressait manifestement peu son interlocuteur. Elle ne s’était pas départie un seul instant de son sourire. Il vacilla cependant alors qu’il évoquait le passé, puis se fit plus rêveur alors que son regard s’évadait dans ses souvenirs.
- C’est vrai, seize années ont passé déjà…
Il enchaîna alors avec sa question plutôt amusante, franchement indiscrète d’un certain point de vue, mais distrayante du sien. Brun Braveterre était décidément un jeune homme plein de surprises. Elle se trouvait soudain bien heureuse de l’avoir reçu en lieu et place de Raki qui se faisait attendre. Bien des années auparavant, ils avaient décidé ensemble de ce qu’il convenait de raconter si on les interrogeait à ce sujet afin de ne pas froisser les esprits ni de risquer la moindre contestation de sa position de duchesse, ce qui eut risqué d’affaiblir l’autorité du duc. Face à ce compatriote, à ce jeune homme sorti tout droit d’une mémoire oubliée, elle était un rien déstabilisée. Suffisamment pour rougir en tout cas alors qu’un éclat de rire léger et cristallin s’échappait de ses lèvres.
- Et bien, vous pouvez vous vanter de me prendre au dépourvu. Peu de gens s’intéressent réellement aux hasards qui ont présidé à la rencontre d’un couple.
Ses yeux gris brillaient à présent d’une certaine malice. Elle aimait ce jeu, et elle appréciait l’impertinence autant que la vivacité d’esprit. Or Brun était manifestement pourvu des deux en abondance.
- Car c’est le hasard qui m’a placée sur la route de Raki. Nous n’avons jamais fait mystère des liens profonds qui nous unissent, notre mariage n’est point de convenance comme beaucoup dans notre milieu. Mais c’est bel et bien la Fortune qui nous a aidés.
La Fortune et sa propre ambition. Mais cela faisait partie du grand secret et jamais elle n’avouerait à qui que ce soit, même sous la torture, d’où elle venait et comment elle avait tout fait pour rencontrer Raki.
- Je n’étais à Gardebaie que depuis peu et je tentais d’y trouver mon chemin avec un garde pour toute escorte, lorsqu’une bousculade effraya ma monture. Une chute dans la poussière de la rue malmena ma dignité bien plus que ma chair mais eut pour bienfait d’attirer l’attention d’un cavalier qui passait par là. Vous l’aurez deviné, il s’agissait de Raki. Accompagné d’une escorte réduite, il traversait la cité pour rentrer à Castelorme. Pendant que mon garde du corps rattrapait mon cheval, Raki me releva et nous nous plûmes immédiatement.
Elle eut la bonne grâce de rougir à nouveau et de baisser les yeux, comme si ce souvenir l’émouvait. En réalité, c’était bel et bien le cas. Après presque vingt ans, elle avait fini par croire à l’histoire qu’ils avaient embellie ensemble. Ce souvenir avait pris vie dans son esprit, effaçant les détails qui ne collaient pas et le reste du combat qu’elle avait mené pour s’introduire dans la famille de Raki comme la petite voleuse qu’elle était alors.
- C’est idiot, n’est-ce pas ? Reprit-elle avec un petit rire d’autodérision. Personne ne croit au coup de foudre dans notre milieu et nous faisons figure de bizarrerie. Le seul fait de nous aimer encore après tant d’années paraît étrange aux yeux de bon nombre de nos compatriotes, parfois même suspect.
Les pommettes délicatement rosies par l’émotion et les yeux pétillants visiblement de plaisir à l’évocation de ces souvenirs heureux, elle dévisagea quelques instants le jeune homme sans cesser de sourire.
- Peut-être connaitrez-vous ce bonheur. Je vous le souhaite en tout cas. Puisque nous avons tous pour devoir de nous marier et de perpétuer nos lignées, autant que ce soit avec un être capable de nous inspirer une affection sincère, voire un véritable amour.
La femme de chambre se glissa auprès d’elle à cet instant et lui souffla quelques mots à l’oreille. Elle la renvoya immédiatement d’un geste bref puis revint poser les yeux sur Brun.
- Raki vous recevra d’ici quelques minutes, votre calvaire prendra fin sous peu.
Mais elle riait avec douceur encore et l’humour dans ses paroles était perceptible.
|
| | | Brun Braveterre
Messages : 1881 Date d'inscription : 17/06/2011 Age : 35
Feuille de personnage Fonction: Duc de Béarns Âge: 51 ans DC: Vainqueur Loinvoyant
| Sujet: Re: Efforts et convenances [Septembre 09] Lun 3 Mar - 22:31 | |
| Le maître d'armes garda sur les lèvres un sourire sceptique alors que la Duchesse de Rippon lui faisait part de son expertise matrimoniale. La situation ne manquait pas de piment, mais ses arguments n'étaient guère convaincants. Laisser son épouse se morfondre à Hautegarde ? Il n'y voyait pas d'intérêt, ni pour elle ni pour lui. Pour gérer ses terres à distance, il avait déjà son régent, auquel il n'avait pas de devoir marital à rendre (El l'en préserve !). Etait-il sensé faire partie de ceux qui trouvaient "idéale" ce genre d'union de papier ? Il se demanda ce que Chiara avait bien pu entendre à son sujet.
Sans doute des rumeurs circulaient-elles sur le fait qu'il n'était pas marié et n'avait pas de projet de l'être. Peu friand de ce genre de ragots, il n'y avait jamais prêté l'oreille jusqu'au printemps dernier, quand des on-dit particulièrement salaces avaient éclos sur son amitié avec le Roi. Chiara avait-elle eut vent de ces allégations grotesques ? Etait-elle en train de se faire une opinion sur la question ? Déterminer la nature de ses relations avec son souverain pouvait avoir un intérêt politique, et peut-être ce qu'il avait pris jusque là pour des questions personnelles était en réalité une manœuvre plus subtile pour cerner ses positions.
Comment savoir ? Elle avait l'air sincère alors que le rouge envahissait ses joues, la ramenant un instant en adolescence. Des rumeurs circulaient aussi sur son compte, mais elle ressemblait en cet instant plus à la Duchesse énamourée qu'à l'ambitieuse croqueuse d'homme - deux versions contradictoire d'une même personne, ce qui ne semblait pas déranger les gosiers. Pour ce qu'il en savait, Raki et Chiara constituaient - à l’inverse de Glace et Mésange, quoique les choses devaient changer dernièrement - le couple fantasmé des jeunes filles en fleur. L'histoire de leur rencontre était d'ailleurs chevaleresque, à tous les sens du mot. Un mariage d'amour, comme elle le souligna plusieurs fois. Avec fierté, lui sembla-t-il, et bonheur, assurément.
Lui-même ne se sentait pas le devoir de "perpétuer sa lignée" que, dernier de sa race, il laisserait s'éteindre bien volontiers. Pourtant, les dernières paroles de la Duchesse touchèrent son attention. Elles s'appliquaient parfaitement à Vainqueur. Trouverait-il pour Sérénité une "affection sincère" ? Il ne pouvait que l'espérer, car il n'était pas à la portée de tout le monde de briguer le véritable amour en attendant qu'il veuille bien se présenter. La Fortune ne tenait parfois qu'à un cheval timoré...
Le retour de la femme de chambre le tira de ses réflexions. L'entrevue touchait à sa fin, Raki allait le recevoir. Il se leva, regretta son empressement, posa pour se donner contenance ses deux mains sur le dossier du fauteuil. Pressé, l'était-il, pressé d'en finir ? Moins nerveux qu'auparavant, assurément. Malgré sa curiosité surprenante, voire déplacée, la Duchesse l'avait mis à l'aise, il devait bien l'avouer. Il lui en était reconnaissant, et chercha un moyen de l'exprimer, lui qui l'avait rien dit depuis plusieurs minutes.
- Merci à vous. N'hésitez pas à passer aux écuries, à l'occasion. Si vous voulez visiter la région... Nous avons les meilleurs chevaux.
C'était maladroit, et sans doute pas adapté à une Duchesse, mais tant pis, c'était dit. Lâchant la chaise, droit comme un soldat, il attendit qu'elle lui donne tout à fait congé, ne voulant pas manger ces dernières minutes et passer pour un rustre. |
| | | Chiara Lunabille
Messages : 374 Date d'inscription : 12/12/2013 Age : 43
Feuille de personnage Fonction: Duchesse de Rippon et d'Haurfond Âge: 56 DC: †Shyrin Loinvoyant, Aimée Loinvoyant
| Sujet: Re: Efforts et convenances [Septembre 09] Lun 10 Mar - 19:02 | |
| Brun Braveterre avait bondi de son siège comme si son postérieur avait pris feu et Chiara en eut ri de bon cœur si ses manières n’avaient pas été policées. Tout au plus esquissa-t-elle un sourire indulgent. Le pauvre avait vaillamment supporté sa conversation alors même que présenter ses devoirs à Raki était d’ores et déjà un calvaire, de toute évidence.
Sa sortie au sujet des écuries eut le mérite de la surprendre à nouveau. Arquant un sourcil délicat, elle sourit plus largement.
- C’est très aimable. Je ne manquerai pas de m’adresser à vous si j’étais en quête d’une monture digne de moi.
Impossible à son expression de deviner quel degré d’ironie et d’humour elle faisait entrer dans cette réponse courtoise. Un esprit retors y eut sans doute entendu autre chose mais elle restait neutre, belle et souriante. Comment croire qu’elle avait sous-entendu autre chose que cette simple formule de politesse ? On ne pouvait penser cela de la duchesse de Rippon.
Rien ne l’y obligeait et pourtant elle se leva pour tendre sa main à baiser à celui qui restait à ses yeux le Comte Braveterre. Car elle ne perdait jamais de vue les intérêts de Rippon. Un vassal absent était source d’un certain danger pour la stabilité des terres. Mais d’après ce qu’elle savait, la gestion de Hautegarde se passait fort bien et l’intendant n’avait, semble-t-il, pas de vues sur la place de son maître.
Quant au jeune maître d’armes, elle ne savait encore trop qu’en penser. Il lui avait paru franc du collier, plutôt sage pour son âge, même s’il était réservé et même un peu sur la défensive. Rien dans leur conversation ne l’avait en tout cas éclairée au sujet de certaines préférences intimes que la rumeur lui attribuait. S’il rencontrait la jeune fille adéquate, peut-être… Elle y songerait. Mais en attendant, elle était satisfaite de sa rencontre. Le jeune homme lui avait plu et – ce qui ne gâchait rien – il avait l’oreille de Vainqueur. Du moins si tant était que qui que ce soit puisse faire entendre raison à sa Majesté.
- J’espère qu’à l’avenir nous aurons parfois l’occasion de nouer d’autres conversations informelles comme aujourd’hui. J’en ai été enchantée.
Aussi curieux que ce soit, elle était sincère. Au-delà de ses espérances politiques et sournoises, elle avait réellement apprécié la compagnie de Brun et n’avait pas tant d’amis véritables au monde qu’elle puisse se permettre d’étouffer dans l’œuf ce qui pouvait se révéler prometteur autant qu’agréable.
Elle inclina le buste avec grâce, ployant en une révérence de la profondeur parfaite compte tenu de son rang et de celui de son interlocuteur. La femme de chambre était réapparue et tenait la porte ouverte pour le visiteur à présent. De l’antichambre, il serait introduit dans les appartements de Raki.
|
| | | Brun Braveterre
Messages : 1881 Date d'inscription : 17/06/2011 Age : 35
Feuille de personnage Fonction: Duc de Béarns Âge: 51 ans DC: Vainqueur Loinvoyant
| Sujet: Re: Efforts et convenances [Septembre 09] Sam 29 Mar - 19:52 | |
| - C’est très aimable. Je ne manquerai pas de m’adresser à vous si j’étais en quête d’une monture digne de moi, répondit la Duchesse, et le maître d'armes n'eut pas l'audace ni même la présence d'esprit d'aller au delà du sens propre. Il doutait qu'elle honore son invitation, qu'il avait lui-même lancée par politesse. Ces convenances étaient vides de sens mais présentaient l'avantage de fournir un certain confort, comme un jeu de dupes joué sans illusion par les deux parties. Ainsi étaient les règles ; ils ne faisaient qu'avancer les pions selon une trajectoire pré-dessinée par El-sait-qui depuis des générations.
Elle lui tendit sa main délicate qu'il effleura de ses lèvres, sans plus de maladresse. Homme de terrain, il était plus habile en gestes qu'en parole.
Elle exprima aussi sa joie de l'avoir rencontré, et il se demande s'il entrait dans ces paroles un peu de sincérité. Il s'étonna, surtout, qu'elle qualifie ainsi leur échange. Ces mots pesés dans un salon tapissé, en présence d'une domestique, représentaient-ils sa conception de la "conversation informelle" ? Il y voyait plutôt les dernières nouvelles partagées entre l'entraînement et le bain. Mais il n'était pas une Duchesse. Il envisagea que cela soit son quotidien, et éprouva pour elle un sentiment inédit, sorte de compassion. Il eut une pensée fugace et légèrement déplacée pour la jeune Acuité. Il comprenait mieux, soudain, sa volonté d'échapper à un tel destin. Vainqueur avait une charge bien plus lourde, et il était resté naturel ; mais Vainqueur était un homme, et peut-être cela faisait-il la différence.
S'arrachant à ces réflexions envahissantes, il répondit à la révérence de la Dame, à défaut de ses amabilités. Il aurait dû dire quelque chose, il le sentait, mais il ne savait pas quoi et craignait de s'égarer à nouveaux du côté des écuries. Aussi se contenta-t-il de lui sourire, un sourire un peu fragile au vu de la confrontation difficile qui l'attendait, et disparut de ses appartements à la suite de l'autre femme. |
| | | Contenu sponsorisé
| Sujet: Re: Efforts et convenances [Septembre 09] | |
| |
| | | | Efforts et convenances [Septembre 09] | |
|
Sujets similaires | |
|
| Permission de ce forum: | Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum
| |
| |
| |