|
| Visite de courtoisie [Septembre 09] | |
| Auteur | Message |
---|
Invité Invité
| Sujet: Visite de courtoisie [Septembre 09] Sam 29 Déc - 21:31 | |
| Le bouquet de fleurs violettes, dont s'échappaient çà et là quelques iris bleues, masquait presque entièrement le visage de Plaisant - réduit à un interminable front couronné d'un pudding de cheveux gris. Parvenu à la porte de la petite duchesse de Béarns, il dut toutefois montrer patte blanche, découvrant toutes ses dents devant l'espèce de colosse ombrageux qui surveillait l'entrée. Bien que sa visite ne fut pas annoncée, le Cerbère le laissa entrer, devinant sans doute son importance au complet de velours émeraude qu'il portait ce jour là. On n'éconduisait pas ainsi le Gardien du Trésor, comme il se plaisait à se nommer lui-même dans son fort intérieur.
Au garde du corps revêche succéda une servante à l’œil suspicieux dont le minois lui disait furieusement quelque chose... mais qui ne semblait pas décidée à s'écarter de son chemin. La petite était bien gardée ! Ils auraient bien mieux fait d'être aussi scrupuleux un peu plus tôt, nota Plaisant avec une ironie grinçante, la jeune fille ne serait pas dans cette chambre à l'heure qu'il est. Il était de notoriété publique dans tout le château que l'héritière de Béarns s'était fait rosser par une bande de manants comme une vulgaire... une vulgaire, euh... - Acuité ! s'écria-t-il avec la bienveillance doucereuse d'un grand-père familier, en esquivant la servante pour rejoindre le chevet de sa maîtresse.
Il ne s'était pas attendu à la trouver alitée à cette heure-ci de la journée, plusieurs jours s'étant écoulé depuis l'incident. Les marques de coup s'étaient quasiment estompés sur son visage, mais face à ce spectacle le vieil homme regretta de s'être présenté aussi cavalièrement. Après tout la jeune fille était quasiment une femme, et surtout, dans ses veines coulait le sang des Loinvoyant - et pas le plus chaud. Comme pour se donner bonne conscience, il lui tendit les fleurs (magnifiques, il les avait choisi lui-même dans la meilleure boutique du Bourg) et murmura, prenant place auprès d'elle sur une chaise avoisinnante :
- Veuillez excuser ma visite impromptue, Madame, mais je me suis dit qu'un peu de couleur et de conversation seraient les bienvenues. Vous ne me connaissez pas, peut-être, nous ne nous sommes encore croisés que de loin, mais je veux vous parler d'un projet qui me tient à cœur depuis quelque temps déjà. Seulement, vous étiez, comment dire, insaisissable ! Toujours partie chasser dans les fourrés ! s’exclama-t-il dans un éclat de rire cristallin avant de se rendre compte de sa maladresse. Son visage se figea alors comme celui d'un masque antique. Les choses commençaient mal... |
| | | Acuité Loinvoyant
Messages : 1367 Date d'inscription : 06/01/2012 Age : 42
Feuille de personnage Fonction: Duchesse de Béarn Âge: 41 DC: Espoir Loinvoyant
| Sujet: Re: Visite de courtoisie [Septembre 09] Ven 11 Jan - 19:42 | |
| Les yeux ronds, Acuité avait observé de loin le manège du vieil homme pour mieux accéder à son chevet. Elle ignorait tout de sa personne et était pour l’instant surprise d’une telle intrusion. Cela commençait à l’agacer quelque peu. Elle se doutait bien que les rumeurs avaient circulé dans tout le château, mais elle ne s’attendait pas à ce genre de visite. D’autant plus qu’il s’adressa à elle comme s’ils se connaissaient, ce qui n’était pas le cas.
Ce manque d’étiquette la laissa perplexe un instant, mais la mine qu’affichait Brume était sur le point de la faire éclater de rire. Elle reprit donc son sérieux et reporta son attention sur l’homme.
Et voilà qu’après s’être adressé à elle de manière si familière, il lui donnait du Madame en lui offrant des fleurs. Elle forma le vœu qu’il ne soit pas un prétendant venu lui faire une déclaration. Un peu effrayée par l’idée, elle écouta néanmoins ce qu’il avait à lui dire. Un projet semblait lui tenir à cœur. Là encore, l’enthousiasme qu’il portait dans sa voix la fit blanchir et elle pria Eda.
...pas une demande en mariage…pas une demande…
Prière qu’elle interrompit lorsqu’elle entendit la fin de la requête, lui rappelant violemment que sa dernière partie de chasse dans les bois s’était achevée en la prenant pour proie. Ses lèvres ses pincèrent légèrement et le vieil homme s’était figé comme conscient de son impolitesse. Elle reporta son attention vers lui, et se força à arborer un sourire, comme s’il ne l’avait pas offensée.
- Merci pour ces très belles fleurs, commença-t-elle avant de sentir leur doux parfum et de les tendre à Brume pour qu’elle leur apporte un vase et de l’eau. Effectivement, je n’ai pas la prétention de vous connaître, Messire ?
Elle préféra éluder la maladresse, il n’était pas nécessaire de tourmenter un vieillard. Aussi, elle attendit que celui-ci s’exprime et lui explique ce fameux « projet ».
Brume avait finit de présenter les fleurs et les porta non loin de sa coiffeuse, avant de venir déposer un châle en peau de lapin blanc, sur les épaules d’Acuité.
|
| | | Invité Invité
| Sujet: Re: Visite de courtoisie [Septembre 09] Dim 13 Jan - 19:18 | |
| A ses mots maladroits, la petite duchesse répondit par un gracieux sourire, en le remerciant pour son présent. Grande dame pensa Plaisant. Il était venu voir une enfant, il rencontrait une femme. Il est vrai qu'à dix-sept ans, on n'était plus dans les langes - a fortiori quand on était fille de Duc. Il avait sans doute tord de se référer à ses propres enfants, qui avaient grandi si lentement qu'à trente ans révolus, l'un avait encore un esprit d'oiseau et l'autre une timidité d'adolescent.
La jeune fille respira le parfum des fleurs et le vieil homme sentit son cœur frémir. Charmante. Elle était charmante, malgré son petit air souffreteux. En dépit de ses soixante années, Plaisant n'avait pas perdu le goût des belles choses, au contraire il les appréciait à leur juste valeur. Aussi, résolu à faire meilleure figure, lissa-t-il son veston et reprit-il d'un ton aimable : - Bien sûr, j'oubliai ! Veuillez me pardonner, l'âge, sans doute...! Je m'appelle Plaisant, Plaisant de Raguelon, et m'occupe des finances de sa Majesté. Très enchanté ! Il esquissa un geste pour lui baiser la main, mais se ravisa vite, de peur d'en faire trop. Et puis, il avait remarqué que les jeunes fleurs n'appréciaient guère les hommages des vieillards dans son genre.
- Mais laissez-moi vous expliquer le motif de ma visite ! reprit-il précipitamment, rendu mal à l'aise par le regard suspicieux de la servante et celui, pas beaucoup plus chaleureux, de la jeune Loinvoyant. - Bien sûr, je venais d'abord m'enquérir de votre santé ; sachez que nous sommes tous navrés de ce qui vous est arrivé et que nous vous souhaitons de tout cœur un excellent rétablissement, commença-t-il d'un air concerné. Il lui aurait volontiers tapoté le dos de la main mais une fois de plus, modéra ses ardeurs. Il ne voulait pas brusquer sa jeune interlocutrice, aussi s'en tint-il au discours.
Un discours qui prit des intonations théâtrales lorsqu'il poursuivit, avec des gestes volubiles : - Mais je ne suis pas venu vous parler du passé. Je suis venir vous parler de l'Avenir ! Imaginez... imaginez un lieu où chacun puisse venir oublier ses misères - rire, frémir ou pleurer en toute fraternité, devant la représentation de l'humanité la plus noble... Un théâtre, en un mot ! Un théâtre, au cœur du Bourg, pour l'amusement des Grands et l'éducation des petits, ensemble, réunis dans une même jouissance des plus belles choses ! Ne serait-ce pas merveilleux ?
Et ses yeux brillaient alors qu'il prenait la jeune fille à parti. |
| | | Acuité Loinvoyant
Messages : 1367 Date d'inscription : 06/01/2012 Age : 42
Feuille de personnage Fonction: Duchesse de Béarn Âge: 41 DC: Espoir Loinvoyant
| Sujet: Re: Visite de courtoisie [Septembre 09] Jeu 31 Jan - 21:09 | |
| Le nez encore pris par le parfum entêtant des fleurs, Acuité peinait à tenir les propos du vieillard. Elle cherchait le mot qui lui permettrait de le ranger dans une catégorie mais le seul qui lui vint à l’esprit était : enthousiaste. Aussi, avec une étiquette parfaite, il lissa ses vêtements comme pour se présenter dans les meilleures conditions et s’annonça. A l’écoute de son nom, la jeune blonde ne put que s’intéresser d’avantage à l’homme. La famille de Raguelon, la famille de Flore. Mais elle aurait bien le temps de le questionner à ce sujet, à la vue de son attitude, il n’était pas près de quitter les lieux.
Tout à ses tentatives pour lui plaire, il finit par lui exposer le réel motif de sa visite. Bien qu’il parut sincère, Acuité ne pouvait croire que tous au château étaient inquiets de son état. Des faux-semblants, vraisemblablement. Il n’y avait rien de pire que l’hypocrisie de cours. Dès lors, elle ne put s’empêcher d’esquisser un sourire, qu’il prendrait très certainement pour la conséquence de la flatterie. Comme il était facile de feindre certaines humeurs et certaines attitudes en présence d’inconnu.
Reprenant son sérieux, elle écouta la suite et c’est avec surprise qu’elle accueillit l’autre annonce qu’il lui fit. Ainsi, il souhaitait créer un théâtre au Bourg.
Sa ferveur en un tel projet était telle que la jeune Loinvoyant faillit s’enivrer par l’idée. Elle aimait bien les pièces de théâtre et cela apporterait un peu d’animation à Castercelf et un peu d’éducation peut-être pour les plus nécessiteux.
Mais pourquoi lui en parler à elle ? Ah…peut-être une approche plus facile pour que l’idée tombe dans les oreilles de la Reine ? En tendant les fleurs à Brume pour que cette dernière les installe dans un vase, elle afficha un large sourire sur son visage, appuyé par le ton de la confidence:
- Messire, c’est une charmante idée que voilà. Je suis sûre qu’elle plairait grandement à sa majesté. Quand pensez-vous lui en parler ??
La question n’avait qu’un seul but : savoir pourquoi il lui en avait parlé à elle. Devrait-elle faire l’intermédiaire ? Elle jugea que si tel était le cas, se servir d’une Loinvoyant amochée et feindre la compassion pour arriver à ses fins était plus qu’intolérable. L’hypocrisie n’avait-elle plus de limite ?
|
| | | Invité Invité
| Sujet: Re: Visite de courtoisie [Septembre 09] Jeu 28 Fév - 17:38 | |
| Plaisant éclata d'un rire cristallin. Sous des airs si charmants, la question d'Acuité était acérée, et la petite méritait bien son nom. Il allait devoir la jouer fine, et se résolut à ne pas mentir tout à fait. Il ne pouvait faire insulte à l'intelligence de la jeune femme.
- Ah ah ! Rassurez-vous, Madame, cela ne saurait tarder, je l'espère ! Seulement, voilà : il me semble nécessaire pour un projet de cette ampleur de... disons, prendre la température de ce qu'en disent les jeunes esprits qui, tel le vôtre, feront la Cour de demain. Il serait dommageable que cela paraisse la seule lubie d'un vieil homme fantasque, ne croyez-vous pas ? Et il lui décocha un clin d’œil complice.
Cela n'était pas si éloigné de la réalité. Avant de présenter la chose à Vainqueur pour tenter de décrocher autorisation et - surtout - subsides, il devait être sûr de son fait. Oh, bien sûr, il ne doutait pas une seconde du bienfondé de son projet, et avait suffisamment de métier pour s'assurer de sa réussite. Mais voilà : il lui fallait l’appui des gens qui comptaient, afin que la décision du monarque ne soit pas seulement motivée par son amour des choses raffinées, qu'on savait peu développé. En un mot, il lui fallait créer une demande, et recruter pour cela ses brillants petits soldats, en lustrant bien leur bottes. Que rejaillisse sur eux la noblesse du projet, pour un peu qu'ils le soutiennent, et lui permettent ainsi d'exister.
Avec un peu de chance, Vainqueur ne pourrait rien refuser à sa petite cousine Acuité. Et dans le pire des cas, peut-être cela pourrait-il lui attirer la sympathie du couple Ducal. Glace Loinvoyant était peu réputé pour son amour des futilités, mais il passait pour aimer sa fille, et la Duchesse était assurément plus sensible aux Arts ; il l'avait même entendue chanter, une fois, il y a fort longtemps. Et, même s'il répugnait à exploiter ce sinistre événement, il devait reconnaître que les récentes circonstances donneraient plus de poids encore à une telle alliée, parce qu'éprouvée. Mais il fallait encore convaincre Acuité.
- Et puis, j'ai entendu parler de vos talents artistiques ! reprit-il donc, enthousiaste, bluffant avec talent : car rares étaient les filles de Cour, qui plus est de si haute naissance, à ne point maîtriser à merveille un art particulier. |
| | | Acuité Loinvoyant
Messages : 1367 Date d'inscription : 06/01/2012 Age : 42
Feuille de personnage Fonction: Duchesse de Béarn Âge: 41 DC: Espoir Loinvoyant
| Sujet: Re: Visite de courtoisie [Septembre 09] Mar 21 Mai - 20:14 | |
| Ainsi, le vieil homme songeait bien à passer par Acuité pour qu'elle même glisse l'idée à Vainqueur ou à la Reine. Qu'il choisisse un pareil moment la mettait en colère car elle avait bien d'autres chats à fouetter que de s'occuper de la mise en place d'un théâtre, ici à Castercelf. Il est vrai que si la demande avait été pour Castellonde, elle n'aurait pas hésité une seconde.
Pensait-il vraiment qu'elle pourrait convaincre la famille Royale à un tel projet? C'était bien mal connaître les Loinvoyant...
Toujours très enthousiaste, il jaugeait les jeunes mentalités sur les Arts. Bien entendu, Acuité avait eu droit à l'éducation artistique comme toute noble, mais elle goûtait peu cette discipline. Enfin, ce n'était pas tout à fait exact. Démasquer les faux-semblants, feindre une sentiment, dire une chose pour une autre, elle avait été habituée très tôt à ce genre de comportement. Cela ne faisait-il pas d'elle une bonne comédienne?
Elle hocha donc la tête d'un air entendu, suite au clin d’œil complice de Plaisant, comme pour lui indiquer qu'il avait son attention.
Toutefois, elle dû vraiment se retenir de pouffer de rire comme une gamine mal élevée face à sa dernière remarque. Ses talents artistiques...oui...on pouvait décidément les appeler ainsi. Elle jouait la comédie au quotidien, s'enfermant dans cet aspect de petite duchesse pour donner le change à la cours, mais au fond d'elle, elle rêvait de tellement plus...
Elle lissa les draps avant de reprendre avec un sourire :
- Vous me flattez, Messire. Mais je dois vous avouer être plus à l'aise à la harpe que sur les planches.
Manuelle dans l'âme, Acuité était bien plus douée pour la maîtrise d'un instrument plutôt qu'à l'oral. L'Arc, l'escrime, la harpe celtique...Même fabriquer ses propres flèches ne posait aucun problème, mais dès qu'il s'agissait d'entonner de la prose en public, c'était une autre affaire.
Elle n'avait malheureusement pas hérité de l'éloquence de son père qui semblait gagner en confiance et en grandeur dès qu'il s'agissait de faire le spectacle. On n'avait d'yeux que pour lui. Elle la première, faisait parti de ses plus grandes fans.
Malgré tout, Acuité avait été assidu aux cours de ses précepteurs, et savait donner le change. Cela lui suffisait.
Avec un sourire sincère, elle reprit : - Je parlerais de votre projet à mon grand cousin, soyez-en assuré.
Mais il ne s'en préoccupera pas pour l'instant j'en ai bien peur...songea-t-elle.
Soudain, elle feignit la réflexion et fit une moue : - De Raguelon...ce nom ne m'est pas inconnu...Seriez-vous par hasard de la même famille que Flore de Raguelon?
|
| | | Invité Invité
| Sujet: Re: Visite de courtoisie [Septembre 09] Mer 22 Mai - 20:34 | |
| La jeune fille pouffa, mais le vieil homme prit cela pour une minauderie. - Vous me flattez, Messire. Mais je dois vous avouer être plus à l'aise à la harpe que sur les planches, dit-elle avec un sourire, et Plaisant s'illumina. - La harpe ! Mais certainement ! Il y aura un orchestre, bien sûr. Vous pourriez... Oh ! et vous chantez sans doute aussi bien que votre mère ! Une des voix les plus gracieuses qu'il m'ait été donné d'entendre. Un oiseau, oui, un oiseau !
Et, l'espace d'un instant, il se plongea dans ses pensées. Celles de la Duchesse dans son jeune temps, alors qu'elle venait tout juste d'épouser Glace Loinvoyant. Elle était alors une jeune femme lumineuse, voire excentrique, et force était de constater que les murs froids de Castellonde l'avaient fanée. Depuis des années, on ne l'avait plus entendue chanter, la grande dame se tenant sagement dans l'ombre du Duc de Béarns. Acuité était la chair de sa chair, et il posa un instant sur elle un regard différent, tentant d'imaginer ce qu'avait été sa vie jusqu'ici. Etait-elle une créature de son père, comme ses manières impeccables le laissaient présager, ou de sa mère, comme l'y inclinait son bon cœur ?
La question avait son importance, mais les nouvelles paroles de l'adolescente l'en détournèrent : - Je parlerais de votre projet à mon grand cousin, soyez-en assuré. Oh grâce ! Que pouvait-il espérer de mieux ? Dans son enthousiasme, il lui saisit la main et dit : - Mille mercis ! J'exposerai sous peu mon projet à sa Majesté, et je suis fier de vous compter parmi ses ambassadeurs. Le terme était un peu pompeux, mais rien n'était trop beau. - Le Bourg vous remerciera de même, quand le Théâtre Merveille l'aura transfiguré ! Quand enfin la lumière apparaîtra sous la crasse !
Il était transporté. L'entrevue avait mal commencé, et pourtant la petite Duchesse s'était montrée très réceptive. Aucun engagement concret n'avait été pris, mais ce flou était encourageant, et il pouvait aisément le tourner en sa faveur... Il était satisfait, et c'est d'autant plus lourdement qu'il retomba sur terre à ces derniers mots : - De Raguelon... ce nom ne m'est pas inconnu... Seriez-vous par hasard de la même famille que Flore de Raguelon ?
Le vieil homme se figea, pâlit, toussota, et répondit enfin, au terme d'un silence quelque peu gêné : - Certes, Madame... Flore est ma petite nièce. Vous la connaissez ? Question sans espoir : la jeune Loinvoyant n'était pas encore arrivée à Castelcerf que Flore fuyait le château. Flore, Flore, petite sotte ! Fallait-il qu'elle lui explose à la face dans un moment comme celui-là ? - Mmh... par ouï-dire, sans doute, admit-il. Vous avez certainement entendu parler de sa mésaventure... mais je vous en prie, Madame, ne la jugez point trop sévèrement. L'âge tendre pousse à des folies dont on ne se repent que trop tard...
Et puis il réalisa que la petite Duchesse devait avoir à peu près le même âge que sa gourde de nièce. - Non que le jeune âge soit nécessairement déraisonnable ! reprit-il précipitamment. Vous, par exemple, ne vous laisseriez jamais aller à ce genre d'absurdités ! Non, il avait fallu que ce soit son propre sang ! Il œuvrait depuis de nombreuses années à la santé du Royaume, mais son nom était familier, pour quoi s'il-vous-plaît ? Pour une incartade de pouliche sans cervelle, qui avait eu la bonne idée de s'enfuir avec un palefrenier, un lad tout crotté ! ll y avait des jeunes filles pour se déshonorer, mais une telle mésalliance avait fait cancaner au delà de toute limite, et le laissait encore aujourd'hui rageur et humilié. |
| | | Invité Invité
| Sujet: Re: Visite de courtoisie [Septembre 09] Ven 23 Aoû - 19:34 | |
| Lorsque l'on frappa à la porte, Brume ne s'attendait certes pas ce qu'un quasi-inconnu se présente. Le garde du corps d'Acuité Loinvoyant était très efficace pour repousser les visiteurs inopportuns, ne laissant passer que les petits pages ou bien les proches de sa maîtresse. Alors pourquoi, se demandait la servante, pourquoi donc Plaisant de Raguelon se tenait-il sur le seuil ? A sa connaissance, jamais la petite Duchesse n'avait eu affaire au financier royal. Le visage fermé, Brume tenait la porte à demi-fermée, comme pour signaler à l'homme qu'il n'était pas le bienvenu dans les appartements de la convalescente. Mais il parvint à contourner la servante, agitant les bras d'un air ridicule tout en interpellant familièrement Acuité. Avec un léger soupir, la jeune femme repoussa le battant, avant de se poster auprès de sa maîtresse d'un air protecteur.
Elle écouta alors les mots du vieil homme sans rien dire, attentive à jouer son rôle de servante. Ainsi, tout en le surveillant du coin de l'oeil, elle s'activa à trouver un vase puis à le remplir d'eau, avant d'arranger le bouquet de Plaisant aussi joliment que possible et de le déposer en évidence sur un meuble élevé. Cette tâche achevée, elle avisa le châle blanc dont elle s'apprêtait à couvrir les épaules d'Acuité avant d'être interrompue, et l'y déposa le plus délicatement possible. A présent désoeuvrée, Brume s'assit près du lit, du côté opposé à celui du noble. Et le contempla d'un air désagréable, tandis qu'il poursuivait son discours.
Il apparut bien vite que sa visite n'était pas anodine, et avec un rictus la servante l'écouta s'enflammer pour son projet. Il lui tenait sans nul doute à coeur, mais sa manière de profiter des circonstances n'avait échappé ni à Brume ni à Acuité, qui répondait finement malgré la fatigue. Maintenant amusée, la servante écoutait l'échange, tout en songeant que le vieil homme semblait bien empressé de "l'éducation des petits", pour quelqu'un qui rejetait sa petite-nièce à cause de son palefrenier de mari.
La similitude des noms avait d'ailleurs trouvé un écho chez la petite Duchesse, qui évoqua Flore au grand dam du vieux noble. Fort gêné, il s'empêtrait dans ses explications, excusant la jeune fille puis flattant Acuité. L'assassin, n'ayant jamais apprécié l'homme, trouvait la situation très drôle, et finit par se lever précipitemment pour dissimuler son visage. Hors de vue, elle se mordit les lèvres puis attrapa un ouvrage de broderie : il lui fallait absolument s'occuper, sous peine de craquer. Elle retourna ensuite s'asseoir, l'air concentré. Mais à l'intérieur, la jeune femme bouillait d'impatience. La réaction de Plaisant quand il apprendrait qu'Acuité correspondait depuis plusieurs semaines avec sa petite-nièce serait certainement excellente ! Et, désireuse de ne pas la manquer, elle relevait régulièrement la tête, au risque de se piquer avec son aiguille. |
| | | Acuité Loinvoyant
Messages : 1367 Date d'inscription : 06/01/2012 Age : 42
Feuille de personnage Fonction: Duchesse de Béarn Âge: 41 DC: Espoir Loinvoyant
| Sujet: Re: Visite de courtoisie [Septembre 09] Dim 3 Nov - 15:22 | |
| Sa petite nièce oui. Cela ne l’étonnait pas vraiment. Par contre, le ton qu’il employa et le discours qu’il lui donna lui fit redresser la tête et bomber le torse avec défi. « Mésaventure », « folie », « déraisonnable », « absurdités ». C’est ainsi qu’il qualifiait l’histoire de Flore. Le sang de la jeune Loinvoyant ne fit qu’un tour. Comment osait-il ?
Le visage d’Acuité se figea instantanément, et son regard se fit plus glacial. Toute son attitude rappelait celle de Glace Loinvoyant, et même si physiquement, ils ne se ressemblaient pas, tout inconnu l’aurait reconnue comme sa fille en un pareil moment. Ignorant la présence de Brume, elle s’adressa au vieil homme avec toute la condescendance liée à son rang. Relevant le nez, prenant le grand trésorier de haut.
- Messire, commença-t-elle d’une voix froide et posée, je ne puis vous laisser dénigrer ainsi mon amie Flore.
Il lui sembla que l’homme tressaillit, mais peut-être l’impression était liée à un retour de faiblesse physique. Elle reprit sur le ton de la conversation que l’on s’autorisait à la cour, tout en se doutant, que le vieil homme comprendrait le sens des paroles sous jacentes.
- Quand vous parlez de mésaventure, je suis persuadée que vous faite allusion au fait que sa propre famille l’ait rejetée comme si elle n’était plus rien. Quand vous parlez de folie, je suis sûre que vous ne pouvez que dénoncer le courage qu’il lui a fallut pour affronter cette situation, seule.
Elle marqua une courte pause avant de reprendre à grand renfort de mouvement de mains et d’un sourire entendu :
- Et bien évidemment, quand vous parlez de déraison et d’absurdité liés au jeune âge, je suis in-ti-me-ment convaincu que vous ne souhaitiez pas m’inclure dans ces paroles peu aimables envers votre nièce. Voyez-vous, Messire, si je devais vraiment, juger quelqu’un, ce n’est pas par elle, que je commencerais.
Elle acheva son discours en pointant sur lui un regard perçant, pour être bien certaine qu’il comprenne l’ironie et la menace pesant dans ses paroles. Peut-être s’attirerait-elle les foudres du trésorier mais elle n’en avait cure. Flore avait mis tout son courage pour suivre son cœur, et sa famille au lieu de la soutenir et de l’aider lui avait simplement tourné le dos. Comment pouvait-il la traiter de la sorte alors que fuguer avec son palefrenier avait du lui coûter tout ce qu’elle possédait ?
Au-delà de l’absurdité, cela avait dû être la décision la plus importante de toute sa vie. Aussi, Acuité pouvait bien user de son rang, user de sa filiation pour montrer son désaccord dans toute cette histoire. |
| | | Invité Invité
| Sujet: Re: Visite de courtoisie [Septembre 09] Dim 5 Jan - 17:31 | |
| - Messire, je ne puis vous laisser dénigrer ainsi mon amie Flore, répondit Acuité, transfigurée, et Plaisant se figea. Son amie Flore ? Comment pouvaient-elles être amies ? D'où se connaissaient-elles, déjà ? Flore avait fugué du château avant qu'Acuité ne réponde à l'Appel d'Art. Aussi cela le surprit fort. Mais à la sensation d'avoir commis une irréparable bourde succéda vite un sentiment d'indignation face aux paroles de la jeune noble.
Elle le prenait de haut, c'était évident, écrasant. Croyait-elle que parce qu'elle était la fille de Glace Loinvoyant, que parce qu'elle avait promis d'aider sa cause, il allait opiner à toutes ses fadaises de péronnelle romantique et sans cervelle ? Pire, elle faisait retomber sur lui l'opprobre que sa petite-nièce avait très bien attirée toute seule sur sa tête blonde. Qui était-elle pour juger de ces choses là ? Elle n'avait que dix-sept ans, et elle était de haute naissance. Elle était fort mal placée pour émettre pareils propos.
Livide, il laissa quelques secondes s'écouler pour faire taire son envie de lui rabattre proprement le caquet, puis répondit d'un ton mesuré, dont il ne parvint toutefois à effacer tout à fait la réprobation, voire une certaine dose de soupçon : - Certes ces paroles n'avaient rien à voir avec vous, Madame. Mais mon honneur m'empêche de les retirer, ou de les transformer à votre façon. Je suis surpris de rencontrer chez vous un point de vue si libéral. J’aurais pensé que l'héritière de Béarns comprendrait toute l'importance de la question maritale.
Sentant peut-être qu'il allait trop loin, il s'interrompit et reprit d'un air triste : - Sachez que nous avons tenté de la dissuader de s'enfoncer dans "cette situation", et que nous sommes aussi navrés que vous de l'issue de cet épisode. Épisode qui avait fini par plus ou moins s'arranger. Flore avait regagné le château familial avec son palefrenier qui, il devait bien l'avouer après leur dernière rencontre, et le service vital qu'il lui avait rendu, n'était pas si mauvais bougre. Elle avait été accueillie et, si les choses n'étaient plus comme avant, au moins la famille ne s'était-elle point désunie.
- Je crois qu'il est temps pour moi de me retirer, reprit-il à l'issue de ses songes, avec un sourire poli. La querelle avait refroidi l’atmosphère, et puis, la jeune fille étant en convalescence, il ne voulait pas abuser de son énergie. - Je vous remercie de l'attention que vous avez bien voulu m'accorder, et vous souhaite un prompt rétablissement. Il ne savait pas si la petite Duchesse maintiendrait son soutien, mais cela n'enlevait rien à l'affaire.
Il esquissa une révérence et, gêné de cette soudaine prise de congé, s'éloigna à petits pas vers la sortie. La servante l'escorta pour lui ouvrir la porte, et, avant que celle-ci tout à fait ne se referme, croisa le regard du vieil homme. Dans un éclair de lucidité, Plaisant comprit alors où il l'avait déjà rencontrée. Le panneau de bois se referma sur son air interdit. |
| | | Contenu sponsorisé
| Sujet: Re: Visite de courtoisie [Septembre 09] | |
| |
| | | | Visite de courtoisie [Septembre 09] | |
|
Sujets similaires | |
|
| Permission de ce forum: | Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum
| |
| |
| |