Cela faisait depuis que les premiers nobles avaient investi le château que Murmure se trouvait à devoir camper devant les appartements du duc et de la duchesse de Bauge, les noces avaient eu lieu l’avant veille et ils étaient toujours là à devoir être gardés. Au-delà de la chaleur infernale qui régnait entre les murs de pierres, rester à jouer les pots de fleur impliquait que Braise ne pouvait pas se joindre à lui et devait donc passer la journée dans le chenil, sous les directives d’Hermine.

Ce jour-là, le garde avait été libéré de ses fonctions en début d'après-midi. N’ayant qu’une pauvre tartine dans le ventre, il était tenté de passer direct par la salle des gardes histoire d’attraper un morceau de pain et une tranche de viande mais son devoir envers sa chienne le détourna du chemin de la satiété pour l'amener jusqu’aux chenils… Où elle ne l'attendait pas. Occupée comme il était à aider une des femelles à accoucher, Hermine n’avait pas pu la surveiller avant autant de soin et elle avait profité de la distraction d’un des garçons d’écuries pour s’enfuir, à peine sa cage eut été entrouverte. Murmure se retrouvait donc à devoir arpenter les cours du château à la recherche d’une chienne des montagnes presque aussi massive qu’un loup et qui, bien que très sociable et connu de beaucoup des gens du château, aurait vite fait de faire une bêtise qui lui faudrait au mieux quelques coups de bâtons.

Après quinze minutes à faire des allers retours silencieusement, Barou, un des gardes de la garnison du jeune homme, vint l’interpeller pour lui dire que s' il cherchait sa chienne, celle-ci se trouvait actuellement derrière les cuisines. Le ton de sa voix suggérait que Braise n’était pas juste allé piquer un somme à l’arrière des cuisines mais qu’elle avait probablement volée un gigot au passage, ou quelque chose dans le même style, si bien que c’est d’un pas pressé que Murmures s’engouffra dans un dédales de salles et de couloirs pour finalement déboucher à l’issue qui connectait la salle des gardes aux cuisines.

“Braise?”

Demanda-t-il à une des filles qui connaissait à la fois sa chienne et son mutisme.

“Elle est derrière, dans la cour. Elle a fait toute une scène avec quelques-uns des aides cuisinier mais rien de grave, t’en fais pas.”

Il la remercia de deux tapes sur l'épaule, à la manière des soldats et entreprit de traverser discrètement les lieux, sourd aux réclamations des travailleurs, dérangés par son passage.
Comme indiqué par Barou puis par l’aide, Braise se trouvait allongée dans la terre, les quatre pattes en l’air, baignant dans le soleil d’été. Murmure s’apprêtait à l’appeler en langage montagnard lorsqu’il perçut une autre présence.

Ses tâches de la matinée étant terminées, Discrète pouvait vaquer à ses occupations. Depuis les derniers jours, elle alla s'installer derrière les cuisines pour étudier tout en profitant du soleil.

Alors qu'elle avait le nez rivé sur les pages du bouquin qu'elle tenait entre ses mains, quelque chose d'humide et de frais lui touchant le bras. Quelle ne fut pas sa surprise lorsqu'elle vit, à ses côtés, une grosse chienne rouge et blanche.

- Tiens ! Salut toi ! Tu t'es perdue ?

Elle baissa les yeux vers le cou de l'animal mais n'y vit aucun collier. Qui pouvait bien avoir perdu une bête de cette grosseur ! La chienne resta assise, près de la blonde, et la regardait. La jeune fille sourit et lui caressa la tête, juste derrière les oreilles.

- Tu peux rester si tu veux mais ne me dérange pas trop. Je dois terminer ce livre.

Sur ces mots, un petit renard roux apparu, courant vers la jeune fille. Une fois à ses pieds, la petite bête se coucha et montra son ventre ; le message était clair, il voulait des gratouilles ! Discrète rigola et chatouilla son ami. La chienne, visiblement influencée par l'enthousiasme du duo, s'allongea à son tour sur le dos.

Après plusieurs minutes de rires, de câlins et de gratouilles, le renard retomba rapidement sur ses pattes et fila pour se cacher, sentant l'approche d'un inconnu. La chienne, quant à elle, n'avait eu aucune réaction et demeurait les quatre pattes en l'air, le ventre bien exposé.

Discrète replaça une mèche derrière son oreille et leva les yeux pour apercevoir un jeune homme qui se dirigeait vers elle.

Assise sur une pierre faisant office de banc, un manuscrit à la main, une jeune demoiselle aux cheveux blonds observait le garde qui s’approchait. Elle avait une petite carrure et Murmure n’avait pas le souvenir de ne l’avoir jamais vu au château, pourtant, si elle se trouvait ici c’est qu’elle devait au moins y travailler.

A ses pieds, Braise continuait de feindre le sommeil, au travers de ses yeux bleus entrouverts, elle surveillait discrètement son maître qui venait de faire apparition. Observant la scène, le soldat en déduit que la fille devait être l’aide cuisinière mentionnée plus tôt et d’un ton presque timide il demanda.

“Elle vous a dérangée?"

Si cette demoiselle tenait un manuscrit, c’est qu’elle savait lire, impliquant qu’elle avait reçu une éducation et donc qu’elle tenait probablement une place plus élevée que lui dans la hiérarchie. Personne ne s’était jamais plaint de la présence des chiennes-louves de Murmure et celui-ci était persuadé que la seule raison était sa propre capacité à les maintenir à carreau.

Echo, de son temps de vie, était bien plus farouche que Braise et cette dernière s’était même fait une place dans le cœur de certains. Néanmoins, il suffirait d’une seule plainte bien placée pour qu’elle perde tous ses privilèges et avec cela, Murmure, sa plus fidèle amie.

Après avoir suivi son renard du regard alors qu'il allait se cacher aux abords de boisé, Discrète sourit au jeune homme au teint clair et aux yeux bleus. Des yeux qui, remarqua-t-elle immédiatement, contrastaient avec la couleur de ses cheveux. Puis elle regarda la canidé, le sourire toujours présent sur ses lèvres roses, qui était bien allongée sur le dos et en train de se faire réchauffer le ventre par les rayons du soleil.

- Oh non ! Elle ne m'a pas dérangé ! Je crois qu'elle avait juste besoin de quelques câlins et de gratouilles alors elle est venue les chercher., dit la jeune fille en comprenant qu'il était le maître de l'animal.

Sur ces mots, la blondinette se pencha vers la chienne et lui gratta le ventre. Cette dernière, ne pouvait résister à l'effet des ongles sur sa peau, se mit à bouger de la patte. Discrète rigola.

- Comment s'appelle-t-elle ?

Mentalement, elle rassurait son petit renard roux qui avait bien envie de revenir jouer avec la chienne. Mais il devra prendre son mal en patience, l'apprentie-vif ne connaissait pas celui qui se tenait devant elle et Maître Givre avait été très clair : "Le Vif n'est pas vu d'un bon œil. Rare sont ceux qui t'accepteront comme tu es, pour qui tu es et pour ce don que tu détiens. Pour le moment, garde ce secret pour toi, cela t'évitera bien des ennuis".

Ne voulant pas se remémorer l'intimidation dont elle a souffert en ces murs, elle chassa ces pensées et regardait toujours le jeune homme avec un sourire.

Des gratouilles ou un bon gigot, les deux étaient envisageables mais Braise étant plus muette encore que son maître, ses véritables intentions restèrent secrètes. Rassuré par l’affirmation de la jeune fille, Murmure se rapprocha donc de deux pas et alla s'asseoir à même le sol, juste à côté de la tête du canidé. Cette dernière profitait justement d’un extra de gratouilles vraisemblablement exquises et au-delà de sa patte arrière qui brassait l’air, sa langue rose vint bientôt faire son apparition sur les babines noires.

"Braise."

Au son de son nom, l'intéressée leva la tête et planta un regard interrogateur en direction du soldat. Elle avait fermé sa gueule mais le bout de sa langue dépassait encore lui donnant un aspect très comique. Après lui avoir passé une main distraite sur le haut du crâne, Murmure décida d’ajouter quelques explications et dévisagea pour cela la demoiselle aux cheveux blonds.

Son arrière grand-père est un loup.

Le fait d’être assis en contrebas et d’avoir levé les yeux vers son interlocutrice avait permis au soldat d’entrevoir l’illustration d’un massif canidé au dos du manuscrit.

"Ça parle de quoi?"

Questionna-t-il en montrant le tas de pages d’un mouvement de tête.

Un loup, hein ? La jeune fille baissa de nouveau les yeux vers l'animal.

- Ça explique pourquoi elle est si imposante !

Puis elle se redressa, quittant la chienne du regard pour glisser ce dernier sur le dessin.

- C'est un livre sur les canidés ; les loups, les chiens et les renards.

Discrète avait relevé le menton, le bleu de ses yeux maintenant rivés au loin, elle semblait voir quelque chose. En fait, elle pouvait percevoir le petit renard roux qui, ventre à terre, s'approchait d'eux silencieusement, les oreilles bien à plats sur sa tête. L'apprentie-Vif a dû mettre bien de la volonté pour reporter son attention vers le jeune homme. Et décida de se présenter pour l'aider.

- Je m'appelle Discrète Delamer. Je suis apprentie... apprentie-cuisinière. Et vous ?

Elle pu rattraper les mots "apprentie-Vif" avant qu'ils ne s'échappent d'entre ses lèvres et, intérieurement, elle en était bien soulagée. Qui sait ce qui aurait pu arriver si elle avait révélé la vraie raison de sa présence à Castelcerf !

Les canidés hein! C’est un sujet divers et intéressant mais Murmure se demandait bien pourquoi une jeune fille si menue s'intéresserait-elle à pareil sujet. Même lorsqu’il travaillait au chenil, jamais on ne lui avait passé un tel ouvrage à feuilleter. Cela peut être dû à son incapacité à lire mais si Hermine avait été en possession de manuscrits illustrés, il les aurait sûrement montrés à son jeune ami et lui aurait probablement fait la lecture.

Profitant que la demoiselle portait son attention au loin, le garde se redressa légèrement, dans l’espoir d’entrevoir peut être un autre dessin. Faute de savoir écrire et déchiffrer les glyphes recouvrant le papier, il s’était rabattu sur le dessin et appréciait grandement voir les images réalisées à l’aide de plumes par les scribes expérimentés. Cependant son interlocutrice ne lui en laissa pas le temps, bien vite elle reporta son attention sur lui et se présenta formellement.

"Je m'appelle Discrète Delamer. Je suis apprentie... apprentie-cuisinière. Et vous ?"

Le nom ne lui était pas inconnu, on l’avait déjà informé qu’une certaine Discrète Delamer faisait partie des gens du château, il n'avait jamais mis de visage à ce nom. Le fait qu’elle travaillait aux cuisines n’expliquait nullement la raison de sa lecture mais Murmure n’était pas du genre à insister, si elle voulait lui donner des explications, elle le ferait d'elle-même.

"Moi c’est Murmure Ombrin, je suis garde."

A ces mots, il avait bombé le torse afin d’y faire clairement apparaître le blason du Cerf et de sa main droite avait dévoilé le pommeau de son épée. L’uniforme n’était pas particulièrement discret mais Discrète semblait être bien distraite aussi lui semblait il plus aimable de sa part de montrer son appartenance aux gardes du château de plus bas grade. Rien d’escorte royale pour lui, juste les remparts et éventuellement les quartiers de quelques nobles lorsque les effectifs se faisaient juste.

Maintenant qu’il avait retrouvé sa chienne, le soldat pouvait paisiblement s’en aller casser la croûte. Il s’apprêtait à se relever lorsque cette dernière se redressa subitement avant de se dandiner vers un coin de la cour profitant de l’ombre procurée par les arbres.

Murmure ne s'inquiéta pas trop de ce comportement et épousseta ses braies sans presse. Braise en avait probablement eu marre de se faire chauffer le ventre et avait décidé de profiter du froid de la terre ombragée pour baisser sa température. Seulement, loin de paisiblement s’allonger à quelques mètres de là, celle-ci se mit à vivement balancer la queue avant de prendre une position de jeu, sautillant de droite à gauche face à une créature invisible. De crainte qu’il ne s'agisse d’un chat, le garde se raidit, près à bondir au moindre signe d’agression de la part de sa chienne.

Alors qu'elle baissait les yeux vers lui, Discrète remarqua l'intérêt qu'il semblait porter à l'ouvrage qui reposait sur ses genoux et un petit sourire timide se dessina sur ses lèvres ; Murmure semblait bien fière d'être garde.

- Enchantée, Garde Ombrin.

Il se leva et l'attention des deux jeunes gens se dirigèrent vers Braise. Discrète su immédiatement pourquoi la chienne était si enjouée : elle avait repéré le petit renard qui ne tarda pas à se montrer. La petite boule de poils rousse bondit de l'herbe et attaqua joyeusement le molosse. Cette dernière aboya et saisi son compagnon entre ses crocs, en prenant bien soin de ne pas le blesser. Pour se défendre, le jeune renard lui mordillait les oreilles en émettant de petits cris amusés.

Discrète, qui avait d'abord eu peur de la réaction de Murmure, éclata de rire en voyant les deux bêtes s'amuser comme s'ils étaient de vieux amis. Elle posa le manuscrit sur la roche où elle était assise et s'approcha du garde qui la dépassait d'au moins une tête -comme la plus part des gens-.

- On dirait que Braise s'est fait un nouvel ami !

Elle croisa les bras sur sa poitrine quasi inexistante, les yeux rivés sur les jeux des nouveaux compagnons. Peut-être était-ce le début une amitié ?

Braise était une chienne extrêmement sociable. Au-delà de son grand-père de loup, tous ses autres ancêtres descendaient d'une lignée de chien de montagne, sélectionné non pas pour leur capacité de berger, mais bien pour guider les voyageurs dans l'enfers blanc que peuvent devenir les monts de l'ouest. Des chiens capables de retrouver un homme enfoui sous la neige, ayant la force nécessaire à tirer de lourdes charges sur les pentes escarpées de leur milieux et l'instinct de ramener leurs humains vers la chaleur et la protection de leur tanière. Malgré tout, le sang de Murmure gela lorsqu'il aperçut non pas un chat mais un renard émerger de l'arbre. Si sa chienne avait un instinct de protection, le garde l'avait bel et bien dressée pour chasser et tuer certaines créatures, les voleurs de poules en faisaient malheureusement partie.

" On dirait que Braise s'est fait un nouvel ami ! "

Concentré comme il était par la scène qui se déroulait devant lui, Ombrin n'avait nullement fait attention à Discrète. Celle-ci s'était levée et se tenait à ses côtés lorsqu'elle avait prononcé ces mots.
Contre toute attente, il semblait effectivement que la chienne se prêtait à un jeu, sa posture ne révélait nul désir meurtriers et le fait que le renard soit encore en vie après lui avoir attrapé l'oreille indiquait qu'elle n'allait vraisemblablement pas lui faire de mal. Murmure était à la fois soulagé de ne pas avoir à arrêter un carnage et frustré face à la réalisation que l'instinct de son amie avait pris le dessus sur les heures d'entraînement auxquelles nous nous étions dédiés.

Le garde s'était tellement préoccupé de sa chienne qu'il ne se rendit compte que bien plus tard qu'il y avait un renard dans l'enceinte du château. L'apprentie-cuisinière qui observait les deux bêtes se rouler dans la terre ne semblait nullement surprise de la présence de la créature rousse si bien qu'Ombrin se demanda si l'opportuniste n'était pas un habitué des cuisines.

" Vous connaissez ce renard? "

Si ce n'était pas le cas, il lui faudrait attraper la bête et la ramener dans les bois voisins, sans quoi elle pourrait commencer à poser problème.

Discrète aimait ce qu'elle voyait ; deux bêtes qui ont les mêmes racines et qui s'amusent ensemble.

" Vous connaissez ce renard? "

La question la déstabilisa quelques secondes, suffisamment pour bafouer une réponse qu'elle espérait crédible et pas tout à fait fausse.

- Euh... Je... Oui, je le connais. Il vient souvent quémander de la viande et pour être franche, je ne peux pas résister à cette petite bouille !

Sur ces mots, le renard s'approcha en courant vers elle puis il se mit ventre à terre à environ cinq pas d'elle. Mentalement, elle le rassura, lui dit qu'il ne devait pas avoir peur, que tout allait bien. Mais était-ce bien le cas ? Est-ce que le jeune garde ordonnerait à sa chienne d'attaquer ? Ou peut-être que lui-même chasserait l'animal ? Un doute s'installa dans son esprit. La blondinette chassa ces pensées pour ne pas faire fuir la petite boule de poil rousse ; ils avaient été éloignés trop souvent ces derniers temps et ça commençait à lui peser.

Autant pour cacher ses inquiétudes passagères que pour rassurer le renard, Discrète s'agenouilla et tendit la main vers lui pour l'attirer. Il ne se fit pas prier très longtemps et vint se coucher sur ses genoux. Sa queue touffue dansait sous le rythmes des caresses de la jeune femme tandis que la chienne était revenue vers eux pour s'asseoir devant son maître.

A la vue de la petite bête rousse qui, loin d’être farouche, avait pris place sur les genoux de la jeune fille, Murmure fut à la fois surpris et rassuré. Ce vraisemblable lien d’amitié impliquait qu’il n’aurait pas à courser le renard, activité qu’il ne voyait pas vraiment d’un bon œil. D’un autre côté, comment est-ce qu’une fille de cuisine avait acquis la confiance de cet animal sauvage? La réponse reposait peut-être dans les parchemins colorés qui reposaient près de la demoiselle.

Le jeune garde avait bien appris quelques trucs de son père, ce dernier avait un loup de compagnie après tout. Néanmoins, il n’avait lui-même jamais réussi à tisser un tel lien avec un animal autre que les chiens. Ces derniers étaient spécifiquement sélectionnés pour travailler aux côtés des hommes, rien à voir avec un loup ou un renard.

Poussé par une curiosité dépassant un peu les bornes, Ombrin s’était accroupi et avait étendu une main vers le petit animal. Ce dernier adopta immédiatement une posture tendue, contrastant considérablement avec son attitude jusqu’à présent. Ne cherchant pas à se faire arracher un doigt, le garde ramena sa main vers le pelage de Braise et se contenta d’observer l’étrange paire.

"Beau pelage, c’est signe de bonne santé."

Si c’était un habitué des cuisines peut-être qu’il recevait plus que de simple morceaux de viande.

"Il a un nom?"

Le petit canidé avait d'abord hésité lorsque Murmure tendit la main vers lui mais quand ce dernier dévia son geste vers sa chienne, le renard avança vers le jeune homme, ventre à terre. Puisqu'il était encore accroupi, le renardeau releva le museau pour venir lui renifler le bout des doigts de la main qui pendait entre ses genoux, lui fit une petite léchouille timide et retourna sur les genoux de Discrète. Instinctivement, elle recommença à caresser la petite bête, comme s'il s'agissait de son animal de compagnie.

- Je crois qu'il vous aime bien.

En fait, elle en avait la certitude. Non pas parce que la bête connaissait le garde mais plutôt parce qu'elle-même lui faisait confiance et avait un bon pressentiment à son sujet. La blondinette continua la conversation, de plus en plus à l'aise et rassurée.

- Il est en santé, je peux vous l'assurer ! Il cour partout et il est à l'âge où il aime bien tester les limites. C'est vrai que c'est un adolescent alors je ne pouvais pas m'attendre à autre chose de sa part !

Elle rigola.

- Pour son nom...

Discrète se mordit l'intérieur de la joue, pensive.

- Je ne l'ai pas encore trouvé. On dirait que, je ne sais pas, ça ne vient pas. En même temps, est-il obligé d'avoir un nom ?

Sur cette question, elle leva ses yeux verts sur Murmure. Son lien avec l'animal n'en était pas moins fort parce qu'il n'avait pas de nom. L'attachement qu'ils portaient l'un envers l'autre était bien plus fort que cela... mais ça, elle devait le révéler à personne.

Braise semblait extrêmement confortable avec la présence du petit canidé, à croire qu’ils se connaissaient depuis toujours. Les doigts enfoncés dans le pelage estival de la chienne et les yeux fixés sur le petit animal roux, le garde ne savait plus vraiment quoi penser. Les informations que lui avait cédé la jeune fille ne corroboraient pas vraiment avec ce qu’il pouvait observer. Pas qu’elles fussent contradictoires, non, il avait plutôt la sensation que l’on ne lui avait pas dit toute la vérité.

Vraisemblablement calmé par l’attention que lui octroyait son amie, le renard fini par se redresser pour enjamber Braise,  s’approcher doucement de Murmure et venir lécher le bout des doigts de la main d’épée du garde. Le geste fut subtil, rapide, mais guère négligeable.

- Je crois qu'il vous aime bien. Il est en santé, je peux vous l'assurer ! Il cour partout et il est à l'âge où il aime bien tester les limites. C'est vrai que c'est un adolescent alors je ne pouvais pas m'attendre à autre chose de sa part !

Un jeune goupil aussi à l’aise avec les hommes, peut-être que cet animal n’avait rien de sauvage en fin de comptes.

- Je ne l'ai pas encore trouvé. On dirait que, je ne sais pas, ça ne vient pas. En même temps, est-il obligé d'avoir un nom ?

Ombrin releva les yeux pour les poser sur la demoiselle. Obligé d’avoir un nom? Voilà une étrange question! Un nom, c’est une façon de reconnaître l’individu. Au chenil, les chiots étaient nommés une fois sevrés et alors qu’ils commençaient à apprendre leur métier. Un chiot sans nom, c’est un chiot qui sera amené à quitter le chenil, car au fond...

- Un nom c’est bien pour communiquer.

Que ce soit avec les hommes ou avec les chiens. Un nom c’est une façon de savoir de qui on parle, à qui on parle. Ayant éduqué Braise aux côtés de sa mère, il était important qu’elle puisse différencier les commandes qui lui étaient de celles adressées à Echo.

- Dos.

Le garde avait prononcé le mot dans la langue des montagnes d’où son père était originaire. La femelle faisait sans-blanc de dormir, la tête reposée sur ses pattes, mes ses oreilles trahirent qu’elle avait entendu un mot de son répertoire. Néanmoins elle resta immobile, se contentant d’écouter Murmure. Ce dernier s’exclama donc:

- Braise, dos.

Cette fois-ci, la grosse chienne roula sur le dos dans un grognement de satisfaction. Elle allait recevoir des gratouilles et cette perspective lui plaisait. Alors que le jeune homme grattait le poitrail de la bête du bout des doigts, il reporta son attention sur la jeune fille une fois de plus.

- Son nom, c’est comme ça qu’elle sait que je parle d’elle.

Au-delà de ça, un nom était-il important? Probablement pas.

- Ce renard, vous vous en occupez depuis qu’il est tout petit?

Voilà qui pouvait expliquer pas mal de choses, en partant des manuscrits que déchiffrait l’apprentie jusqu’à la confiance surnaturelle du petit animal envers les Hommes.