L'attitude du Béarnais désamorça sa colère. Il formait avec l'enfant un tableau plutôt charmant. Faisant preuve avec Volonté d'une tendresse qu'elle ne parvenait pas, ou plus, à avoir.

- Tu as l'air de lui plaire, sourit-elle en attrapant la tasse.
Mais elle ne la porta pas à ses lèvres. Elle venait de se rappeler de la présence silencieuse de Shane. Elle se leva, monta à demi l'échelle, et libéra dans un murmure la petite Chalcédienne.

Celle-ci descendit à sa suite, son air boudeur accentuant ses traits juvéniles. Iris la raccompagna à la porte ; elles échangèrent quelques mots distraits. La jeune fille semblait focalisée sur Taebryn et l'enfant, tableau qu'elle ne semblait pas, elle, juger charmant. Puis elle sortit dans l'air froid du port.

- Elle, par contre, tu ne lui plais pas, constata l'Outrîlienne.
Elle n'avait pas vraiment besoin de demander pourquoi. Un bébé volé ? Quelle drôle d'idée ! Qui voudrait d'un bébé comme Volonté ?

Taebryn sourit à son tour en regardant la petite. Lui plaisait-il vraiment ? Et puis au fond en quoi cela lui importait ? Si Iris avait refait sa vie, alors il n'y avait plus sa place. Vu l'accueil "chaleureux" qu'elle lui avait offert, il doutait fortement que sa présence soit appréciée, même s'il plaisait à la gamine.

L'outrilienne se leva et libéra la chalcédienne de ses tâches. Il la regarda aussi froidement qu'elle à son égard et une fois qu'elle fut sortie, Iris commenta le potentiel de ne pas plaire à la petite boiteuse. Grand bien lui fasse, cette gamine avait sa part de responsabilité dans la mort d'Acuité.

- La réciproque est également vraie. Je n'ai aucune confiance en elle.

Il ne s'étendit pas sur le sujet et se renfrogna légèrement, ne souhaitant pas aborder la mort de sa protégée.

- Tu devrais trouver quelqu'un d'autre pour ta fille, ajouta-t-il en portant la tasse à ses lèvres.

Au creux de son bras, Volonté jouait avec un lien en cuir de la tunique du Béarnois, tirant ou secouant et poussait de temps à autres, quelques grognements de frustration.

Iris haussa les sourcils. Aucune confiance en Shane ? Elle se demandait ce qu'il pouvait bien reprocher à la petite Chalcédienne. A part, justement, le fait d'être Chalcédienne. Mais si le Béarnais méprisait les étrangères, ils n'en seraient pas là aujourd'hui ; elle était bien placée pour le savoir.

Mais après tout leur inimitié lui importait peu. Elle, appréciait la gamine, et appréciait surtout qu'elle la décharge de Volonté pour pas un rond ; chose qu'elle ne comprenait d'ailleurs pas tout à fait. Alors, elle se moquait bien de ce que Taebryn pouvait penser. Ce n'est pas lui qui devait travailler jour et nuit et se coltiner Volonté. Ses reproches, il pouvait se les garder.

- C'est pas comme s'ils se pressaient à ma porte pour la garder, rétorqua-t-elle en retournant tisonner le feu qui n'avait pas besoin d'être tisonné.
Et sans songer à la manière dont Taebryn pourrait interpréter ce "ils".
- Mais si t'es volontaire, eh bien, fais-toi plaisir, le défia-t-elle, sans réfléchir.

Comme retrouvailles on avait vu plus chaleureux, c'était certain. Tandis que Taebryn devait se débrouiller avec le nourrisson, Iris demeurait immobile et raide comme un piquet auprès du feu. Elle le tisonna rapidement, indiquant qu'on ne se battait pas à sa porte pour garder l'enfant.
Avait-elle demandé au bon endroit au moins ? Et qu'en disait le père ?
Sa dernière remarque le mit hors de lui. Fallait-il qu'elle insiste autant sur la manière dont elle avait piétiner leur relation durant son absence ?
Tandis qu'il se battait pour protéger leur vie, elle se faisait engrosser par le premier venu sans se soucier de la demande en mariage que le béarnois lui avait fait. C'était comme jeter de la confiture aux cochons. Après tout ce qu'il avait envisager les concernant, elle lui jetait le nourrisson au visage sans s'en préoccuper plus.
Si elle détestait autant l'enfant pourquoi ne pas l'avoir noyé à la naissance ou abandonné ?

Il frappa du poing sur la table d'un geste vif. Les tasses tremblèrent, tous comme les muscles de l'homme.

- Si tu cherches à t'en débarrasser je peux t'y aider, lança-t-il d'une voix grave qui ne laissait aucun doute sur le sous entendu de la proposition.

Volonté grimaça et se remit à hoqueter, prémices de sanglots annonçant des pleurs prochains.
Taebryn la berça un peu et se leva.

- Je peux aussi trouver une nourrice au château, tu n'as qu'à demander au père de la payer. Faute d'être présent, il n'a qu'à prendre ses responsabilités. Mais te connaissant, je suis persuadé que tu as simplement refusé de lui parler de sa récente paternité n'est-ce pas ? Au nom de ton indépendance je présume ?

Une façon peut-être, de lui rappeler qu'il lui avait demandé d'arrêter de travailler si elle devenait sa femme et qu'elle avait simplement refusé, arguant cet état de fait.
Il avait alors du continuer à la partager avec ses clients qu'il haïssait et aujourd'hui, son entêtement   et l'arrivée de la petite semblaient bien mettre un terme à leurs projets communs.

De surprise, Iris faillit lâcher le tison dans le feu. Au contraire, ses jointures se crispèrent sur la barre de métal. Le fer était dans sa main, mais plus encore, dans sa bouche, goût amer qu'elle aurait voulu cracher sur le plancher.

Il lui proposait de tuer sa fille, sa fille qu'il berçait ?! De l'abandonner ? Donnait-elle l'air de vouloir s'en débarrasser ? Était-elle une mère si monstrueuse ?

Mère monstrueuse. On l'avait déjà chassée une fois pour cela. Alors elle s'était jurée de ne pas recommencer, par fierté - cette fierté qu'il piétinait depuis qu'il était entré. Non, il ne la connaissait pas, et il l'aimait encore moins vu la manière dont il la traitait.

Refusant les larmes qui lui brûlaient les yeux, elle leva le tison comme une arme et cria :
- Sors de chez moi !
Volonté se mit à hurler et elle laissa tomber la barre de fer. Mère monstrueuse.

Elle voulut lui arracher l'enfant des bras mais n'osa pas. Quoiqu'on en dise, elle ne voulait pas blesser Volonté. Alors elle tendit les bras et ordonna :
- Rend-moi ma fille. De toute façon, tu ne la mérites pas.

Elle se voulait impassible mais un rictus de mépris ou de peine tordit sa bouche. Pas une seconde il n'envisageait être le père de son enfant. Pourtant les lunes et son instinct le lui hurlaient avec la même force que les poumons de Volonté.

Ses paroles eurent l'effet escompté. Iris se mit en colère et brandit subitement le tison qu'elle tenait entre ses doigts crispés en lui ordonnant de quitter les lieux dans un cri qui s'estompa rapidement dans les pleurs du bébé.
Taebryn ne sut comment interpréter la réaction de la petite, avait-elle peur de sa propre mère ?

Face à l'enfant cependant, la jolie brune lâcha son arme et s'avança vers eux d'un pas décidé. Pourtant, une fois postée devant eux, sa volonté sembla flancher. Elle tendit cependant les bras et lui demanda de lui rendre sa fille, arguant qu'il ne la méritait pas.
Il faillit éclater de rire devant cet argument, mais se retint et la toisa froidement.

- Prend la donc, la provoqua-t-il pour ne pas céder à sa demande. Tu es bien mal placée pour me parler de mérite.

Qu'elle récupère donc sa fille et la fasse élever par cette petite menteuse Chalcédienne. Il en avait soupé d'elle et de ses attitudes ingrates.
Après des semaines de recherches, il l'avait enfin retrouvé et l'image qu'elle lui renvoyait lui faisait horreur. Elle matérialisait la pire de ses craintes, celle de la voir devenir cette catin usée et aigrie qui avait manqué l’opportunité de changer de vie.

Le regard de Taebryn tomba sur elle sans indulgence ni affection. Ses mots la blessèrent et l'humilièrent. Iris sentit s'ouvrir en elle le gouffre du désespoir et jaillir le brasier de la colère. Emportée, elle ne pensa plus à Volonté et...

1) gifla Taebryn.
2) mit une droite à Taebryn et le blessa.
3) mit une droite à Taebryn et se blessa.
4) voulut frapper Taebryn mais interrompit son geste in extremis.
5) voulut frapper Taebryn mais l'entrée d'un client (pour un tatouage) interrompit son geste.
6) voulut frapper Taebryn mais l'entrée d'un client (pour une passe) interrompit son geste.

Le membre 'Iris' a effectué l'action suivante : Le hasard en action

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'Hasard 6' : 4

La main de l'Outrilienne arriva rapidement à hauteur de son visage. Il esquissa un début de mouvement de recul, ne pouvant de toute manière pas se défendre avec le nourrisson dans les bras.
Cependant, quelques centimètres avant de frôler sa peau, Iris stoppa son geste.
Face à cette action, la colère grimpa en lui comme un brasier embrassant l'air.

- Tu pensais vraiment à me frapper sans te soucier d'elle ? gronda-t-il à la fois stupéfait et déçu de voir quel genre de femme elle était devenu.

Il modifia son étreinte sur le bébé, de manière à libérer son bras aussi vite que possible. De sa main libre, il saisit le poignet flottant dans les airs de la jeune femme, pour la forcer à le baisser.

- Puis-je savoir contre quoi ton courroux s'acharne-t-il ? Cette enfant ? ou bien moi qui ait dû te laisser seule des mois durant pour accomplir mon devoir ? Suis-je vraiment celui à blâmer dans cette pièce ?

Et sans lui prêter plus d'attention, il la contourna et grimpa l'échelle, préférant placer l'enfant dans son berceau, plutôt qu'entre ses mains à elle.

Elle n'arriva pas à le frapper. Pourtant, elle le détestait à cet instant. Comme elle se détestait d'avoir espéré son retour. Comme cela lui paraissait naïf à présent ! Qu'elle avait été stupide de croire que l'homme aimait quelqu'un d'autre que la belle putain parfumée, et aimerait peut-être le fruit de ses entrailles, à elle et à lui, même si sa paternité resterait à jamais incertaine.

Pourquoi était-il revenu ? Pour protéger Volonté d'une soit-disant voleuse d'enfant, quand quelques minutes plus tard il lui proposait de l'en débarrasser ? Et c'était-elle, la mauvaise mère ? Il pouvait dire ce qu'il voulait. Au moins avait-elle eu le courage de garder l'enfant et de l'élever seule. Et cela lui avait coûté tout ce qu'elle avait gagné dans les Duchés.

Fort de sa supériorité physique et de sa suffisance, le Béarnais disparut à l'étage avec Volonté. Iris, elle, ne pouvait plus respirer. Il fallait qu'elle sorte d'ici.

Elle sortit en coup de vent jusque sur le port. Son chignon s'était défait et ses cheveux se tordaient autour de sa tête comme les vipères d'une gorgone furieuse. Elle traça jusqu'au bout du quai et s'y laissa tomber, ramenant ses genoux contre elle. Sa robe glissa, découvrant ses mollets nus, mais face à elle il n'y avait que les mouettes et les bateaux de pêches amarrés pour la regarder. Et la fille des îles n'avait jamais froid.

La mer était plate et tranquille. Tandis que les larmes roulaient sur ses joues, aussi salées, Iris regarda l'horizon. Son île était là, loin. Pourquoi n'y retournerait-elle pas ? Elle n'avait plus rien à perdre ici, dans ce pays étranger qui ne l'avait jamais vraiment acceptée. Peut-être les femmes du Clan de la Loutre toléreraient-elles de la reprendre, après toutes ces années, et avec Volonté. Ou un autre Clan. Les traversées étaient rares voire inexistantes, et dangereuses, et bientôt les mers seraient prises dans les glaces, mais...

Taebryn posa la petite dans son berceau et la regarda un moment, immobile. Cette petite créature semblait porter sur ses épaules tout la distance qui s'étendait entre Iris et Taebryn désormais.
Elle était innocente et pourtant, elle représentait les conséquences des activités de la femme qu'il comptait bien épouser à son retour.
Aujourd’hui, ces projets semblaient être passé par dessus bord.

Comme la petite gazouillait en jouait avec des formes fantasques qu'elle était la seule à voir, il s'installa sur la chaise à côté et se mis à balancer le berceau pour que l'enfant s'endorme.
Ce qui ne tarda pas, ses petites paupières bordées de longs cils noir papillonnèrent plusieurs fois avant de finalement rester baissées pour de bon.
Il cessa donc le mouvement de balancier lentement puis se redressa avant de redescendre. Là, il attendit le retour de la mère, les bras croisés, le dos appuyé sur le mur à proximité de l'échelle. Elle ne pouvait fuir éternellement, il lui faudra assumer les conséquences de ses actes, qu'elle le veuille ou non.

Iris se perdit dans ses rêves salés. Puis elle finit par sécher ses larmes et se relever. Elle ne voulait pas laisser Volonté seule trop longtemps.

Elle n'avait pas idée du temps qui s'était écoulé. Une heure, ou quelques minutes ? L'un ou l'autre, elle ne pensait pas retrouver Taebryn en rentrant. Pourquoi était-il resté ? Elle n'avait plus rien à lui dire, et ne voulait pas entendre ses paroles blessantes. Aussi prit-elle le parti de l'ignorer complètement. Elle traversa la pièce d'un pas raide et monta l'échelle sans le regarder.

Là-haut, il n'y avait que le silence. Un silence apaisant. Volonté dormait ? C'était presque trop beau pour être vrai. L'Outrîlienne caressa la joue de sa fille d'un doigt léger. Le sommeil la tentait-elle aussi. Malgré l'heure inappropriée, elle était épuisée de ces émotions violentes, du travail et des nuits blanches. Et puis, que pouvait-elle faire d'autre, tant qu'il était là ?

Enlevant seulement ses chaussures, elle se glissa dans ses draps et attendit que Morphée l'emporte.