La fatigue et le froid apporté par la sueur qui sèche enfin, parsèment sa peau de milliers de petits frissons qui lui donnent la chair de poule. Le fin duvet qui recouvre son épiderme se hérisse sous le coup de cette fraîcheur diffuse mais aussi de l'émotion.
Épuisée mais étonnement heureuse, elle contemple avec un nouvel amour le nourrisson qu'elle porte contre son coeur. Sa peau est tiède contre la sienne, et elle peut sentir les battements de son palpitant, en écho au sien. Il est fort et en bonne santé.

La délivrance s'est bien déroulée, la dénommée Ermenhild faute d'avoir été aimable à été efficace. Bien qu'Acuité ignore si son enfant est vraiment en bonne santé, l'expression sereine affichée par Jordken avant qu'il ne la laisse se reposer l'a rassuré.
S'il y avait eut un problème, l'homme ours l'aurait exprimé.
Depuis le temps qu'elle vivait chez lui, ils s'étaient petit à petit apprivoisés tous les deux. Et si au début elle avait rechignée à rester sans rien faire, elle avait finit par lui faire comprendre que rester allongée toute la journée allait la rendre dingue.
Il avait alors autorisé quelques sorties dans les bois, pour qu'elle relève quelques collets de sa fabrication.
Acuité chassait toujours, mais son état physique avait changé ses habitudes. Jorkden, tout comme elle, aimait se rendre utile autant qu'il aimait le travail bien fait.
Aussi, une entente cordiale s'était établie entre eux. Tel un père, il avait été le premier à lui tenir la main, lorsque les contractions étaient devenu trop pénibles.
Il l'avait soutenu, durant tout le travail, et lui avait remis son enfant entre les bras, avant que tous ne décident de laisser la mère et l'enfant se reposer après un effort aussi considérable.

Le regard légèrement vague, un sourire béat sur les lèvres, son enfant tenait le petit doigt de sa mère entre les siens, si minuscules mais si pleins de vie.
Elle contempla un instant les traits du visage du nouveau-né, alors qu'il levait son regard sur le visage serein de sa mère.
Ses yeux sombres ressemblaient à ceux d'Acuité, mais la forme de son nez et de sa bouche ne laissait aucun doute sur l'identité de son père. Une épaisse couche de cheveux bruns recouvrait le petit crâne et machinalement, Acuité serra son enfant un peu plus. Une larme roula sur sa joue alors qu'elle songeait à Brun. Cela faisait des mois qu'elle s'était interdit de penser à lui, mais en cet instant, vulnérable peut-être par la fatigue ou par l'émotion, elle ne pouvait retenir les images qu'elle aurait voulu lui envoyer ni même les mots qu'elle aurait souhaité prononcer.

- Espoir Loinvoyant, murmura-t-elle dans un souffle haché par la peine. C'est ici que tu grandira et ta vie sera riche et libre.

Elle déposa un baiser sur le front du nourrisson, de son fils qu'elle avait porté seule, qu'elle avait mis au monde et à qui elle offrait aujourd'hui une place qu'il pourrait lui-même choisir.
Les larmes affluèrent un peu plus lorsqu'elle songea que peut-être....non, Brun n'aurait pas compris. Personne n'aurait compris. Sa décision était la plus sûre et la meilleure elle n'en doutait plus.

Son seul regret, peut-être, serait que cet enfant ne connaîtrait jamais son père.