La Terre des Anciens
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 Une audience tardive [04-09]

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Vainqueur Loinvoyant

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MessageSujet: Une audience tardive [04-09]   Une audience tardive [04-09] I_icon_minitimeLun 11 Juil - 20:02

Vainqueur était en pleine réflexion. Depuis toute la journée, cette question lui tournait dans la tête et la réponse lui échappait. Il était pourtant sûr de l'avoir sur le bout de la langue, mais impossible de mettre le doigt dessus. C'était rageant. Il suffisait qu'il se concentre dessus 5 minutes, et il était sûr qu'il allait trouver. Si seulement l'autre con pouvait simplement se taire.
- ... ainsi notre production agricole par hectare est en augmentation de 3% par rapport à l'année précédente, où je tiens à rappeler à sa majesté, nos fermiers avaient déjà amassés 17 tonnes de produits céréaliers. Les droits de transport de l'édit A-47 à destination de...
Il en avait même perdu la question qu'il se posait. Le roi hocha la tête à une remarque du type dont il avait oublié le nom et qui lui parlait depuis... depuis... bah, il n'en savait rien. On le regarda bizarrement. Vainqueur garda son sérieux impassible, laissant au noble le temps de reprendre. Bordel, il avait *encore* hocher la tête à un moment où il ne fallait pas. Pourquoi était-ce si difficile de se concentrer sur Monsieur X plutôt que de se rappeler des nuages par la fenêtre ? Dans la dernière demi-heure, il y avait eu une étoile, un cheval, un nez - faute de mieux -, et un nuage - parce que Vainqueur avait eu beau chercher, il n'avait pas trouvé d'association. Ah ! Il se souvenait de sa question : pourquoi, par tous les Dieux, avait-il décidé d'assister aux audiences aujourd'hui ? Vainqueur avait sérieusement envie de connaître la réponse. Après ça, on ne l'y reprendrait plus à faire la même erreur.
-... par le coefficient de fluvialité, nous arrivons à un résultat de 3,2. Mon seigneur souhaite ainsi sollicité votre autorisation pour les travaux précités, et donc selon les calculs détaillés en annexe de mon précédent document, cette décision converge totalement avec les intérêts et le développement du royaume et le bien-être du peuple des Duchés.
Un résultat de 3,2 ? Soit, mais c'était de 3,2 quoi qu'on parlait là ? Puis il y avait eu des documents avant ? Vainqueur haussa légèrement un sourcil tout en ayant une moue réfléchie et il se lissa le menton du pouce et de l'index. Le geste avait été rudement étudié d'après un portrait de Sagesse en plein Conseil. Feignant un air hautain, telle sa royale personne intouchée par de si terre-à-terre considérations, le roi parcourut du regard ses différents conseillers.
L'un hocha simplement la tête, l'autre baragouina un oui, le plus bavard de tous s'expliqua longuement sur ce qu'il fallait faire et celui dont il avait retenu le nom un jour abonda aussi dans le sens du demandant. Bien sûr que oui ils abondaient dans le sens du demandant, Vainqueur était sûr qu'ils avaient tous montés la requête ensemble de toute façon, avec sa mère aussi pourquoi pas, et qu'avec leur expertise à tous combinés c'était carrément démontrable par A+B que dire oui était le meilleur choix possible.
- Soit. Procédez aux travaux dans les délais impartis.
Putain c'était d'un ennui ! Sa couronne et ses pouvoirs de roi lui servaient à quoi au final, si tout ce qu'il avait à faire c'était de hocher la tête et signer les papiers qu'on lui tendait. Qu'il soit là ou non ne changeait absolument rien, le royaume vivait sa vie tranquillement et l'administration mise en place par son paternel fonctionnait et se renouvelait d'elle-même. Ah si, il parait que son rôle était d'empêcher à tous ces abrutis de Ducs de se rebeller et de se chamailler entre eux - roi en tant que symbole de l'unité et la paix du royaume et blablabla. Et après, on disait que c'était lui l'irresponsable ?! Non mais vraiment.
- AHEM ! Votre majesté, je disais donc... de quels délais parlez-vous ?
Et merde... Vas-y, fais un vague mouvement de la main. Voilà comme ça, très bien Vainqueur.
- Dans les délais les plus brefs tout en respectant les consignes de prudence les plus scrupuleuses. Le roi lui-même n'aurait pas su dire s'il venait de répondre des délais courts ou des délais longs... parait que c'était ça la diplomatie, faire des consensus et des doubles sens et rester vague... conneries ouais.
- ... remercions votre Majesté de sa sage décision et avec votre permission, mon humble personne se retire pour vous laisser à vos royales occupations.
Vainqueur soupira un instant. C'était enfin fini.
- LE BARON ET LA BARONNE DE MONT-FAUCON ! EN AUDIENCE AUPRES DE SA MAJESTE LE ROI... VAINQUEUR LOINVOYANT !
Le roi guerrier se promit intérieurement que la prochaine loi qu'il passerait imposerait une limite au volume sonore des pages. Et en plus la voix de celui-là était en train de muer, c'était atroce.
Vainqueur lorgna du côté de la fenêtre, regardant la position du soleil. Début d'après-midi.... Nouveau soupir. Il se vautra dans son trône, l'air de s'en foutre complètement. Il était roi, il pouvait se barrer quand il voulait. Le couple de la Baronnie Machin-Chose entra avec plein de parfum et de froufrous, ça avait dû ruiner leurs économies pour une année entière. Et c'était supposé l'impressionner. Bref, non se lever serait peut-être trop pour ces pauvres gens. Puis peut-être qu'ils venaient parce que des bandits avaient assaillis leurs terres... ou que les Pirates Rouges avaient refait surface !! Ou que Glace s'était tondu la tête parce qu'il commençait à perdre ses cheveux (l'idée le fit rire tout seul dans sa salle du trône remplie de nobles et de conseillers) ! Vainqueur se redressa, se para de son plus beau sourire et se força à être attentif.
- LE BARON ET LA BARONNE DE MONT-FAUCON ! ICI DEVANT LE ROI... VAINQUEUR LOINNNVOYAAAAANT ! (mais en plus il tentait de faire des effets de style cette andouille) POUR L'AFFAIRE DES CONCOMBRES CONTAMINES.
L'esprit de Vainqueur s'enfuit automatiquement. D'un coup, il était à des années lumières. Pas besoin d'être Artiseurs non, juste une grande capacité à ignorer son environnement immédiat... Donc Chalcède, s'il plaçait l'escouade d'archers ici et avec un artiseur par là...


Dernière édition par Vainqueur Loinvoyant le Mer 14 Déc - 23:07, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: Une audience tardive [04-09]   Une audience tardive [04-09] I_icon_minitimeVen 15 Juil - 0:13

Spoiler:

Rask et Loranys étaient de corvée de salle des audiences.
Non, ils n'étaient pas à l'entrée, croisant deux hallebardes d'un air sévère et intraitable.
Ceci pour deux raisons: tout d'abord, parce que nos deux comparses ne faisant pas la même taille, l'effet visuel était quelque peu comique et inhabituel ; ensuite, parce que quiconque arriverait a faire mettre une tenue à plumes et fanfreluches à Rask n'était pas encore né.

Ils étaient donc au fond de la salle, point stratégique pour faire des commentaires de manière relativement discrète, noyés dans les chuchotements discontinus des courtisans.
C'était la garde royale qui avait la charge de veiller à la sécurité du Roi, et se trouvait donc à l'avant de la salle, a distance respectueuse du trône.

Rask prenait un air menaçant pour maintenir les 'lèche-culs de sa majesté ' à distance. Loranys, qui restait impassible, supposait que c'était son état naturel lorsqu'il était sobre.
Le fait inhabituel de voir le roi en salle du trône pour assister aux audiences les divertissait de leur garde morne et ennuyeuse... enfin, surtout Rask, puisque les sourires de Loranys se faisaient rares comme un ripponnais honnête.

Le roi n'avait rien fait d'autre de la matinée que regarder par la fenêtre. Et hocher la tête a des moments inopportuns. On pourrait croire que dans une discussion, il y a rarement de mauvais moments pour acquiescer lors d'une conversation, mais il fallait croire que Vainqueur cherchait a atteindre le sans-faute pour cette séance.
Pour un fermier cervien protestant contre les tarifs des charrons pour le transport jusqu'à Castelcerf des céréales:
- M'seigneur, vous n's laiss'riez mourir de famine?
*Hochement de tête ferme et affirmatif*
Pour un noble béarnais se plaignant du coût de l'entretien d'un port régulièrement envahi par le sable :
- Mon roi, devrions-nous laisser le port s'ensabler?
*Hochement de tête approbateur et assuré*

Enfin, à part ces quelques pépites, rien de vraiment intéressant. Rask n'avait pas aperçu Orge parmi les gardes royaux, donc rien à espérer de ce côté là...

Une intervention de Vainqueur interrompit nos gardes dans leurs pensées:
- Procédez aux travaux dans les délais impartis.
- AHEM ! Votre majesté, je disais donc... de quels délais parlez-vous ?
Vainqueur fit un vague mouvement de la main.
- Dans les délais les plus brefs tout en respectant les consignes de prudence les plus scrupuleuses.

Un léger sourire cynique affleura sur le visage du garde qui attendait quelque chose pour le sortir de la torpeur de ce début d'après midi. Il commença d'entonner une chanson très en vogue chez les gardes partisans de Vainqueur, pour célébrer de façon goguenarde la manière dont Vainqueur s'était ressaisi.
- Son nom, il le signe à la pointe de l'épée, d'un V, qui veut dire Vainqueur.
- Vainqueur, il l'est à chaque fois ! Le rejoignit Lora, de manière inhabituellement enthousiaste.

Le duo avait attiré les regards terrifiés des courtisans qui ne voulaient pas qu'on les croie coupables d'un tel crime de lèse-majesté.
Le page fit donc preuve de dynamisme pour couper court aux tentatives de récital de nos deux comparses, s'attirant ainsi l'attention de toute la salle par une annonce vigoureuse et résonnante.
Rask lui jeta un regard froid, et le page reprit de plus belle, quoi que de manière moins assurée, annonçant l'arrivée d'un nouveau dépôt de plainte qui leur garantissait un aller simple pour les steppes de l'ennui profondes et désertes.


[wow]2869/cust[/wow] [wow]2860/cust[/wow]


Dernière édition par Lora & Rask le Sam 1 Oct - 21:19, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: Une audience tardive [04-09]   Une audience tardive [04-09] I_icon_minitimeMar 19 Juil - 2:04

Pas une seule de ses nuits ne s’était jamais passée sans rêve, et ce depuis aussi longtemps qu’Orge en avait souvenir. Parfois, ce rêve incluait une journée de pêche ordinaire. Parfois, elle le passait à observer un artisan - menuisier, couturier, potier, orfèvre - penché sur un quelconque ouvrage précieux. Parfois, c’était avec des soldats, comme elle, qu’Orge passait la nuit. Sentiers Montagnards, raids Outriliens, éclaireurs Chalcédiens, il lui arrivait même d’avoir eu des visions brèves d’hommes à la peau de pain d’épice ou au moins aussi noire que le charbon. Quelquefois, c’est dans des scènes de vie beaucoup plus intimes qu’elle s’était immiscée sans le vouloir.

Ainsi, lorsqu’elle avait pour la première fois cauchemardé à propos de Chalcédiens attaquant - non, massacrant et rasant littéralement - un village des six-duchés, Orge n’y avait rien vu d’autre qu’un rêve. Mais le lendemain, le même revint. Plus violent, plus réaliste, beaucoup plus détaillé. Elle se vit alors brandir l’épée, comme elle le ferait dans la vraie vie, aux côtés de ces pauvres gens sans défenses qui ne tentaient même plus de lutter. Tous se firent massacrer sans pitié et elle se vit au loin, regardant un unique survivant s’enfuir. La soldate se réveilla ce soir-là, nerveuse et enfiévrée. Ce n’était qu’un cauchemar…

Le rêve se révéla récurent. Orge se retrouvait invariablement à croiser le fer avec l’ennemi ou à regarder la scène de loin, regardant Nim s’enfuir. Nim. Elle ne savait pas comment mais elle était sûre que c’était son nom. Ils avaient combattu côte à côte une ou deux nuits, avant que tout ne perde son sens - que les Chalcédiens ne se transforment en hybrides, humains à têtes de serpent, de corbeau ou de hyène, que le sol ne se fende sous leurs pieds pour tous les emporter comme des feuilles mortes, ou qu’ils ne combattent avec des cure-dents des géants armés de massues effrayantes. Les traits du jeune garçon et ses terreurs étaient gravés dans la mémoire d’Orge.

L’appel d’Art avait alors été lancé. La graine s’était complètement fermée et avait refoulé tout ce qui pouvait l’être au seuil de sa conscience. Irritée, la tête résonnant de façon furieuse et incontrôlée d’un ordre complètement illogique – se rendre en un endroit où elle était déjà, quel intérêt ? – elle se rendait, après avoir terminé son tour de garde, vers les salles communes pour se tenter bien vainement de se détendre. Là, sortant des cuisines, elle avait aperçu un jeune garçon, maigre et piteux, visiblement en état de choc.

Tout lui revint à la figure comme une cascade d’eau glacée.

- Nim ?

Rêvait-elle ? S’était-elle plantée dans les escaliers, était-elle morte et son fantôme divaguait-il ?

Seuls quelques mots furent échangés. Aucun besoin de présentations ou d’explications, l’urgence de mettre le Roi Vainqueur au courant de cette provocation délibérée prévalait soudainement sur l’étrangeté des rêves d’Art partagés avec Nim. Le pauvre garçon lui-même semblait ne rien comprendre et suivi la garde sans rechigner lorsqu’elle prit les choses en main, à sa façon bourrue habituelle. Il y avait une audience ce jour-là. Orge avait échappé à la corvée de représentation de la garde royale, et heureusement, car ces séances sans fin étaient à se frapper la tête contre les murs pour y mettre fin. Mais elle était prête à parier la fortune d’un Baugien que les gens présents à cette séance-là s’en vanteraient sans fin lorsque Nim raconterait son histoire.

Ils avaient parcouru les couloirs comme s’ils avaient le tout Béarns aux fesses. Devant la porte, Orge tira le gosse derrière elle et passa devant le nez des gardes en faction sans même se présenter ou leur accorder une quelconque attention. Son air furieux aurait dissuadé quiconque se mettrait en travers de son chemin. Fendant la foule, elle ne fit plus attention à Nim. Elle se planta droit devant le petit page qui venait de terminer une annonce. Le secouant malgré elle, elle lui glissa :

- Présente une affaire urgente, ça ne peut pas attendre. Annonce Nim, de Rippon.

C’est les yeux ronds et la bouche en cul de poule que le page la fixa, choqué. Il n’avait pas l’air de se rappeler comment l’ouvrir pour faire une annonce, et Orge exaspérée, regarda autour d’elle, ne sachant que faire. Plusieurs personnes s’étaient retournées sur son entrée impromptue et son ordre pressant au page, qui n’avait pas été discret. Bon, il n’était plus temps de faire dans la dentelle.

Fixant Vainqueur droit dans les yeux, elle passa devant le couple aux parfums beaucoup trop capiteux en ignorant de façon superbe leur air scandalisé et planta un genou en terre devant le trône de son roi.

- Majesté. Des nouvelles très graves requièrent votre attention. Un village de Rippon, près de la frontière avec Chalcède a été attaqué il y a quelques jours. Personne n’en a rien su ! Le massacre était organisé pour ne pas laisser de rescapés. Il y a un témoin, unique survivant, qui est au château pour vous donner les détails de ce… de… Cette ignominie !

Au moins avait-elle réussi à ne pas jurer, malgré son ton, qu’elle avait eu beaucoup de mal à maîtriser. Au silence mortifié succédaient des chuchotis qui se muaient doucement en une vague dévastatrice d’indignation. Orge ne bougea pas, fixant toujours son roi. Elle attendait qu’il lui fasse un signe ou lui dise que faire. Elle avait confiance, il vengerait ce village, ces morts innocents. Vainqueur saurait quoi faire, et mènerait leur armée au front pour une victoire éclatante !
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MessageSujet: Re: Une audience tardive [04-09]   Une audience tardive [04-09] I_icon_minitimeMar 23 Aoû - 21:46

Vainqueur s'était trompé. Il ne devait pas faire la guerre à Chalcède. Non. Il devait flanquer toute la cour en rang, leur donner des armes et se les faire tous un à un ! Ca serait jouissif. Pas très chevaleresque ni très stimulant non plus. Un instant, il crut qu'Orge n'était qu'un rêve arrivé par la porte d'entrée pour commencer la boucherie.
Elle cherchait son regard à peine entrée dans la salle. Elle était diablement sérieuse. Vainqueur le redevint lui aussi en moins de temps qu'il ne faut pour le dire.

Il se pencha en avant, coudes sur ses genoux, attentif. Ses yeux jouaient au yoyo entre sa garde personnelle et le jeune qui trainait sur ses talons. Il fit taire les suppositions qui lui venait à l'esprit. Orge ne se serait jamais permis une telle entrée s'il n'y avait quelque chose de grave, et elle venait lui dire quoi.

Les yeux de Vainqueur s'élargirent un simple instant de surprise, considérant la déflagration qu'engendrait une telle déclaration. Il resta silencieux, la mâchoire crispée alors que la colère montait lentement mais sûrement le long de son torse, qu'il calmait en de longues inspirations. Le gosse... Le village... C'était son gosse et son village, sous sa protection, sous la protection du Roi.

Les murmures de la salles devenaient un bourdonnement de plus en plus élevé. On entendait tout et n'importe quoi, la consternation et les condoléances, la rage et l'incompréhension, les demandes de preuves et les appels aux armes, le non-respect de l'étiquette et encore tout et n'importe quoi.
Vainqueur leva une main et les murmures devinrent assourdissant.

- SILENCE !...bordel... L'ordre résonna dans le crâne de tous les membres de la Cour un tant soit peu sensibles à l'Art, les laissant incapable de prononcer la moindre syllabe pendant un instant, leur gorge sèche sans raison. Le souffle carrément coupé était peut-être même plus juste tant Vainqueur n'avait pas eu envie de doser quoique ce soit.

- Ton nom, jeune homme.
- T-Tizraël, Majesté. Nim... Tizraël. La voix était mal-assurée. Le fait de parler devant tant de personnes, la fatigue du voyage, ou les épreuves qu'il venait de vivre. Mais elle était aussi pleine de courage.
- Parle, je t'entend et t'écoute. Rassurant et protecteur, Vainqueur laissait le champs libre au Ripponais.

Il ferma les yeux, laissant à son coeur le temps de calmer ses battements. Il avait vécu pour ce moment depuis l'attaque comme un ordre gravé au fer rouge dans les nerfs de sa moelle épinière, et maintenant qu'il y était enfin, cette force motrice venait de s'évanouir comme si elle n'avait jamais existé. Les sons s'arrêtèrent en plein milieu de sa gorge lorsque ses lèvres s'entrouvrirent.

- Je viens d'un lieu qui n'existe plus. Les Chalcédiens me l'ont pris. La salle n'avait d'yeux que pour lui, mais Nim n'y voyait rien. Le torrent d'émotions qu'il avait fait taire pendant toute son errance jusqu'au château venait de s'ouvrir, et si le Roi était assez idiot pour devoir entendre de vive voix la détresse de son peuple, Nim allait la lui donner.

Et ce fut le cas. Dans un torrent intense d'émotions que seules les personnes présentes en ce moment de l'histoire ne pourront jamais connaître, Nim venait de transformer toute l'assemblée le temps d'un récit, mais à jamais poignardée par la nouvelle tels avaient été les habitants du village par les trop bien réels poignards des Chalcédiens. Et Vainqueur peut-être plus encore que les autres.

- Merci... murmura-t-il dans une réponse mêlant tout à la fois compréhension, regret et rage. Le jeune roi se leva du trône pour descendre vers la garde et le rescapé, tout en pointant tour à tour plusieurs personnes du doigt d'un air pressé. Les audiences du jour sont terminées. Toi, va me chercher Brun et ramène-le dans la salle du conseil. Toi, pareil pour les chefs de la garde du Château et de celle du Duché. Quant à toi le scribe, va préparer du papier et des corbeaux et rejoins-nous également. Que quelqu'un transmette aussi cette nouvelle à ma mère et Orge, Nim suiv...
- Votre Majesté, l'audience en cours...
C'était l'un des crétins de conseillers - sûrement intelligents à la vérité - qui s'occupait du dernier problème de...légumes peut-être ? Vainqueur n'avait pas encore réussit à désintégrer quelqu'un du regard, mais lorsqu'il plongea le sien dans celui du noble, il souhaita ardemment que ce fut le cas.
- Prends les mesures nécessaires, tu n'as absolument pas besoin de moi pour ça.
- Votre Majesté, ces convocations ne sont-elles pas précipitées ?
- Votre Majesté, le fief de Comble se fera un honneur de se joindre à cette réunion...
- Votre Majesté !
- LA FERME ! Et vous deux avec moi.

Les massives portes de la salle du trône claquèrent derrière le roi, la garde et le jeune homme, étouffant un vacarme incompréhensible mêlant des demandes de preuve criées à tue tête, auxquelles répondaient des déclarations d'honneur et de vengeance, conclut par un "Sa Majesté le Roi Vainqueur Loinvoyant, Seigneur des Six-Duchés, Protecteur du Royaume des Hommes, Duc de C...."
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MessageSujet: Re: Une audience tardive [04-09]   Une audience tardive [04-09] I_icon_minitimeMer 7 Sep - 23:05

C'est la tête haute que la garde avait entendu son roi prendre les choses en main ; elle n'en attendait pas moins de lui. Lorsque l'audience fût officiellement arrêtée et les portes refermées derrière eux, on pouvait clairement sentir que les choses allaient enfin bouger. De grands évènements se préparaient qui changeraient à jamais la face du royaume ; pour quel autre visage, personne encore ne le savait. Un frisson de peur et d'excitation mêlés passa le long du dos d'Orge. Elle vivait un moment historique.
Quand elle raconterait ça au Fou qui Pue...

Sur un hochement de tête du souverain, Orge arrêta un page qui passait par là et lui confia Nim.

- Il t'indiquera les cuisines, où l'on te donnera de quoi manger, boire et te remettre. Puis il te montrera ta chambre, je ne peux que te conseiller de te reposer ; on te fera sans doute appeler, pour que tu racontes les évènements en détail. Aussi... Change-toi pour des vêtements plus corrects. Il les préparera pour toi, fit-elle en indiquant le page du menton, une main posée sur l'épaule du Ripponais.

Et sur ces mots, elle reprit son chemin à la suite de Vainqueur, détournant son attention de Nim aussi vite qu'elle la lui avait donnée. C'était sans penser à mal, mais son caractère impulsif la menait du coq à l'âne sans qu'on puisse y faire quoi que ce soit.

- Messire...

Les mots restèrent coincés dans sa gorge ; la soldate s'apprêtait à lui demander quelles mesures il avait pu déjà prendre avant l'arrivée de Nim au château. Vainqueur était détenteur de la magie de l'Art, cette même magie qui avait mis Orge au courant avant tout le monde du drame qui se jouait ; sans doute se serait-elle rendu compte de la réalité de la chose si elle avait eu une quelconque formation dans ce domaine. Mais comment un pratiquant confirmé avait-il pu passer à côté ? Comment le clan d'Art du Roi avait-il pu ignorer les faits ?

- Cette attaque n'est pas récente. D'autres ont pu se produire depuis qui n'auront laissé aucune trace ou aucun témoin vivant pour nous rapporter le carnage. Pardonnez mon impudence, mais comment maître clément ou son clan n'ont-ils pas été au courant de cela bien avant ? Je ne comprend pas que ce pauvre gosse ait dû venir jusqu'ici alors que nous avons à la cour des magiciens qui ont le pouvoir de savoir et de vous mettre au courant alors que même un garde en rêvait ?!

Son ton s'était imperceptiblement haussé sous la révolte. Suivant le roi dans les couloirs à grandes enjambées, elle se musela bien vite et reprit sur un ton plus modéré :

- Le royaume n'est-il pas sous la surveillance constante de l'Art ? À quoi sert-il, sinon ?

Si le roi s'attendait à une escorte digne et muette, il serait déçu.
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MessageSujet: Re: Une audience tardive [04-09]   Une audience tardive [04-09] I_icon_minitimeMer 14 Sep - 22:29

Il avait l'air en loque et épuisé, comme si toute l'énergie qu'il avait mis pour arriver à Castlecerf et délivrer son message s'était éteinte en même temps que sa mission. Vainqueur ne lui donnait pas vingt ans. Il l'attira de son regard alors qu'il s'apprêtait à s'en aller en direction des cuisines.
Le roi lui serra le poignet franchement et lui tapa sur l'épaule qu'Orge laissait libre.
- T'as besoin de prendre des forces, et t'as déjà fait beaucoup. Je te jure que ton voyage n'aura pas été vain Nim. Il lança une œillade au petit page. Veille à ce qu'il ait les meilleurs morceaux.

Aussitôt fait qu'il était repartit à grandes enjambées, échangeant juste un petit hochement de tête approbateur avec Orge sur le sort de Nim. S'il avait eu son épée et son armure sur lui en ce moment, on aurait pu parier qu'il serait parti sur l'instant à pied vers Chalcède. Son regard l'assurait en tout cas.
Il haussa à peine un sourcil lorsque sa garde l'appela d'un "messire". Cela se voulait conciliant et l'invitant à continuer, mais ces émotions se transmettaient assez mal au milieu de l'énervement et de l'empressement du roi.

Mais les questionnements de la garde s’avéraient intriguant et Vainqueur fut forcé de ralentir quelque peu le pas pour prendre toute la mesure de ce qu'Orge disait. Il fronça les sourcils, ne sachant pas trop par où commencer. L'Art était une chose extrêmement dure à décrire aux non-initiés, et c'était déjà assez rares de voir des personnes en parler d'elles-mêmes. Le roi passa une main dans ses cheveux, comme à son habitude lorsqu'il voulait s'aider à réfléchir.

- Surveillance constante, pff... A la limite du temps de Sagesse, il était possible que le Clan d'Art surveille les côtes lors des étés où les Pirates Rouges étaient actifs, mais balayer toutes les frontières, haha... ouais à la limite. Mais au bout de deux semaines j'aurai des légumes à la place des Artiseurs. L'Art est une arme extrêmement puissante si l'on sait où diriger son énergie, mais à trop s'éparpiller, on se noie. Enfin, pas "se noyer". Mmm, comme sa volonté diluée dans un océan.

Les escaliers et les couloirs s'enchainaient sans qu'ils n'y prêtent la moindre intention. Ils connaissaient le château comme leurs poches.

- Depuis Prospère, Clément et sa clique font plus de la "recherche" qu'autre chose. N'empêche que le massacre d'un village évoque pas mal d'émotions, et il y a des chances que cela soit remarqué par un Artiseur ne bloquant pas ses capacités, même s'il ne le recherche pas sciemment. Comme avec les rêves d'un garde. Quelques pas plus tard, Vainqueur s'arrêta net. Orge ? Tu fais des rêves d'Art ?
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MessageSujet: Re: Une audience tardive [04-09]   Une audience tardive [04-09] I_icon_minitimeDim 18 Sep - 17:03

Les explications de Vainqueur restèrent, comme prévu, très floues dans l'esprit d'Orge. Elle marchait quelque peu en retrait du Roi, et l'observait, perplexe.

- Mais... Elle ne savait même pas vraiment que lui demander. Et faillit lui rentrer dedans pendant ce moment d'inattention. Elle pila net. Majesté ?
- Orge ? Tu fais des rêves d'Art ?

Les joues et les oreilles de la garde se teintèrent instantanément de rouge carmin. Ce n'était pas prévu qu'il arrive à cette conclusion, mais la soldate n'avait pas pu se taire, et il était trop tard pour nier. Surtout qu'il serait au courant bien assez tôt, lorsque Clément daignerait enfin lui accorder une entrevue. Son coeur se mit à battre la chamade tandis qu'elle prit peur ; le Roi la démettrait-il de ses fonctions ? Serait-elle mise aux fers pour ne pas avoir parlé plus tôt de ces rêves ?

- Je vous le jure, par le croupion d'Eda, que si j'avais su que ce n'étaient pas que des rêves, je vous aurait prévenu, Majesté, je ne savais pas, je ne pouvais pas savoir, et quand j'ai entendu l'Appel, et que j'ai vu Nim, en vrai, pas juste comme ça en rêve, j'ai couru pour vous le dire, mais je vous le jure, sur la terre toute sacrée, que ce n'était pas dans mes intentions de cacher quoi que ce soit !

Elle avait baissé la tête, avait presque mit un genoux en terre. Orge était angoissée, autant par le fait d'avoir déçu son roi, que par la peur viscérale qui s'était emparée d'elle de le voir la virer de sa garde. Les artiseurs étaient rares, et c'était la décision la plus logique qui soit que de mobiliser tous les effectifs possible pour la guerre qui allait se préparer. Ses yeux s'étaient fixés sur le sol, et c'est à peine si elle osait respirer.
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MessageSujet: Re: Une audience tardive [04-09]   Une audience tardive [04-09] I_icon_minitimeDim 2 Oct - 23:55

La seule possibilité qu'Orge ait l'art était en soit irréaliste, Vainqueur n'en croyait pas ses propres déductions. Pire que tout, il n'en croyait pas ses yeux. La recrue la plus téméraire, bornée, coriace, garçon manqué, féroce et implacable de sa garde à lui était en train de bafouiller comme une gamine. On aurait collé une bouche sur une tomate que ça serait revenu au même - en supposant que les tomates puissent parler aussi vite que venait de le faire Brandeson.

Vainqueur en resta sans voix. Bon sang, elle s'inclinait en plus ! Le roi cligna plusieurs fois des yeux pour s'assurer de la scène, se gratta les cheveux et soupira bruyamment d'un air agacé.
C'est grave pas le moment de perdre du temps à se foutre de sa gueule, triple crétin ! T'as Rippon qui brûle ! Le jeune seigneur se mordit la langue, admettant pour une rare fois que sa mère avait raison de considérer qu'il manquait de concentration et sautait d'un cheval à l'autre.
Le dernier des Loinvoyant se pencha au niveau de sa garde, et lui pris les deux épaules pour la redresser, prenant visiblement son temps pour ne pas être brusque mais ayant toutefois une poigne un peu trop forte.

- J'ai trop confiance en toi pour que des telles inepties viennent m'effleurer l'esprit. Si l'Art était aussi simple que ça à comprendre, il n'y aurait pas de Maître pour l'enseigner. Et je n'ai pour critère que les compétences et la dévotion pour m'entourer, domaines où mes gardes doivent briller. Sois sûre que je douterai d'abord de moi-même avant de te questionner en quoique ce soit, Orge. L'ego de Vainqueur refit surface un instant, brisant son ton de meneur pour placer un sourire de requin sur ses lèvres. Comme s'il pouvait vraiment sérieusement douter de lui-même, haha ! Il donna une tape dans l'épaule d'Orge l'enjoignant à reprendre la marche. On a une riposte sur Chalcède à préparer, et j'ai bien l'intention de compter sur toi.

L'allure du roi, et sûrement son statut aussi, eurent vite fait de convaincre les quelques habitants du château de s'écarter de son passage sous peine d'être renversé sans sommation. En moins de temps qu'il ne fallait au fils de Prospère pour reprendre son souffle, ou même penser à voir comment Orge avait pu réagir à ses commentaires, qu'ils se retrouvèrent dans la salle de réunion.
Quelques pas autour de la table circulaire le menèrent petit à petit face à la garde, comme s'il ne pouvait pas vraiment s'arrêter d'être en mouvement. Puis il finit tout de même par poser ses poings sur la surface vide du meuble, regardant en son centre une carte sûrement imaginaire.

Vainqueur releva les yeux pour croiser ceux d'Orge, toujours face à lui. La salle était diablement vide de monde. Une seconde s'écoula. Le roi crispa les lèvres et se cacha les yeux d'une main, l'air dépité.

- Bordel, on est grave en avance. C'était vraiment super utile de se presser, tiens. Nouveau soupir, et lorsque le souverain reprit la parole, ce fut avec enfin une voix plus posée et sur le ton de la discussion. Autant préparer le tout dans ce cas. Tu pourras trouver des pions dans le tiroir là-bas pendant que je déroule quelques cartes. Enfin... l'Art, je n'avais strictement aucune idée que tu pouvais le posséder. N'en fais pas toute une montagne, on en parle beaucoup mais c'est juste une capacité comme une autre, pareil que manier une épée. Le pire dans tout ça, c'est plutôt Clément. C'est sûrement le meilleur des professeurs, mais tu te souviendras amèrement de ses leçons ta vie durant. Ca a même déjà dû com...

Vainqueur laissa sa phrase en suspens, tout en continuant de déplier plusieurs cartes et les juxtaposant. L'escarmouche en Chalcède tombait au mauvais moment : combien de retard Orge prendrait-elle dans sa maîtrise si elle les suivait ? Le roi semblait peser le pour et le contre de ce nouveau problème.
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MessageSujet: Re: Une audience tardive [04-09]   Une audience tardive [04-09] I_icon_minitimeVen 14 Oct - 18:37

C'est abasourdie et légèrement groggy qu'elle se sentit relevée par le roi. Qui faillit lui broyer l'épaule au passage, mais le soulagement était tellement fort que la garde se contenta de se masser légèrement l'épaule tout en agrandissant ses pas pour rattraper le souverain - qui ne l'avait pas attendue. Il n'avait pas encore parlé de la changer d'affectation. Sans doute oublierait-il son talent le temps qu'ils arrivent à la salle ? Orge se mit à compter sur l'étourderie de son roi. Pour sûr, Chalcède accaparerait toute son attention. Tant mieux ! Elle se surprit à respirer plus librement, tandis qu'elle courait presque derrière Vainqueur.

Elle franchit la porte de la salle de réunion alors qu'il était déjà à l'autre bout. Dirigeant ses pas vers le meuble qu’il lui avait désigné, Orge prit docilement les pions précieux, figurants bataillons de cavalerie, carrés de soldats d’infanterie et jolis bateaux presque plus vrais que nature. Ils furent déposés en face du roi, près des cartes qu’il était en train de dérouler. Des tambours semblaient déjà battre la mesure, tandis que le plan de bataille se profilait dans leurs esprits.

- Serais-je… Obligée de suivre ces cours avec lui ?


Bien sûr qu’elle le serait. Mais il n’empêche que le vieillard proche de Bienséance n’avait jamais attiré la sympathie d’Orge. La question rhétorique resta un instant suspendue dans le vide et la soldate repris, respectueusement :

- Il y a des rumeurs concernant le fait que vous vouliez entrainer les nouvelles recrues d’Art à se battre. Ne pourrais-je me contenter de cet entrainement-là ? Comment pourrait vous servir un scribouillard sur un champ de bataille, de toute façon ? Il n’y a qu’à Imaginer le Maître Ordajonc sur un champ de bataille pour savoir que l’un et l’autre ne font absolument pas bon ménage.

Son ton s’était fait méprisant, Orge négligeant complètement le fait que Vainqueur lui-même était un excellent exemple de la combinaison de ces talents. Mais il est une chose que de mettre un nom sur un talent et que de savoir ce qu’il implique réellement ; croisant les bras sur sa poitrine, l’attitude provocatrice, la garde fixait son regard sur les pions, comme si elle les blâmait de lui avoir joué un mauvais tour et que c’était eux qui lui avaient refilé l’Art, un peu comme une maladie contagieuse.
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MessageSujet: Re: Une audience tardive [04-09]   Une audience tardive [04-09] I_icon_minitimeVen 28 Oct - 8:57

La question fut accueillie par un froncement de sourcils du côté de Vainqueur. Que voulait-elle dire par là ? A part le vieux Clément, il n'y avait pas d'autre maître d'Art. Le jeune roi arrêta de détailler sa carte - de toute façon, ça ne servirait à rien de réfléchir encore plus dessus avant que les autres n'arrivent - et tenta de deviner les pensées de sa garde. Rien à faire, elle était plus muette pour lui que les figurines de soldats qui les entouraient.

Au bout de la deuxième explication, le roi finit par percevoir le mépris que sa nouvelle affectation lui inspirait. Une légère moue vint crisper ses lèvres. Comment lui faire comprendre... Il commença à prendre quelques figurines tout en parlant. Vainqueur était plutôt sérieux, même si on le sentait hésitant et, contrairement à son débit de parole habituel, il mettait du temps à choisir ses mots.

- En effet, Maître Ordajonc serait vite dépassé sur un champs de bataille. Il ne serait qu'un vieil homme, seul, ne sachant s'intégrer dans une formation et en tirer la protection adéquate. Difficile pour lui de fuir une fois encerclé. Et logiquement, il finirait par tomber.

Le souverain finit par coucher la figurine centrale, Clément sans aucune doute possible, entourée d'une dizaine d'autres, à l'allure belliqueuse. Vainqueur écarta toutes les figurines sauf deux, et les plaça face à face. Déterminées, les petits soldats allaient se lancer dans un duel dont il ne fallait rien manquer. Une brise de vent vint faire boucher l'herbe sous leurs bottes, donnant une pointe d’héroïsme à la scène.

- En duel, si son adversaire est un minimum sensible à l'Art, j'aurai tendance à penser que Clément s'en sortirait. L'idée est que face à lui, tu ne saurais même pas si tu es en train de combattre ou non.

Le roi continuait à jouer avec les figurines plus vraies que nature, plaçant Clément dans le dos de son opposant et le déplaçant encore à chaque fois que ce dernier se retournait. C'était bien beau, mais l'Art n'avait tout de même jamais eu la prétention d'apprendre à ses usagers à se téléporter. L'idée ne collait pas, elle n'était pas familière.
Pas comme le coin de la table - Vainqueur effaça une rapide grimace de ces lèvres, il venait de faire toute la scénette avec les figurines pour qu'Orge ne sente pas la transition mais un tel changement était gros comme une maison. La force des souvenirs aida à faire le reste : la nostalgie de l'enfance et du jeu, et une chute couronnée d'une cicatrice que la réalité présente semblait vouloir rejouer.

Le charme finit d'opérer lorsque la dague de Vainqueur se planta au bord de table, à quelque cheveux d'Orge qui était en train d'y tomber. Le roi soupira puis se gratta les cheveux, visiblement peu satisfait de son exemple - et laissant la dague enfoncée comme si de rien n'était.

- Hmm, Clément aurait été plus subtil, plus rapide que moi et n'aurait pas eu besoin de passer par un souvenir pour renforcer l'immersion, personnellement ce n'est pas vraiment ma technique mais... L'Art peut donc servir en combat, j'ai déjà assez de scribouillards à la Cour comme cela pour ordonner à Clément de m'en former de nouveau.
La magie des Loinvoyants, dans son utilisation basique, permet une communication entre ses utilisateurs - ou de comprendre les émotions et la vision de quelqu'un d'autre, comme tu en as fais l'expérience avec Nim. Sur un champs de bataille avec plusieurs fronts, qu'importe la distance, un tel atout peut nous permettre d'adapter nos stratégies en temps réel sans signaux de bannières ou de cor. Jusque là, je suis capable de lancer des messages à mes hommes pour les coordonner mais avoir des Artiseurs au sein des troupes permettrait de faire circuler l'information dans les deux sens.

- Après, je ne vais quand même pas mentir. Les cours d'Art de Clément sont ennuyeux à mourir et même maintenant, il y a des exercices dont je ne saurai te dire leur utilité tellement ils me semblent absurdes. On apprend l'Art à tâtons sans trop savoir vers quoi avancer. Mais loin de moi l'idée de t'écarter du métier des armes.
Vainqueur eut un léger sourire en se remémorant une scène. Le vieux vous a fait le coup des présentations pour son premier "cours" ? Hahaha, moi je lui avais dit que j'étais Vainqueur, futur maître du monde et meilleur à l'Art que lui. Ca m'avait pas trop aidé à m'insérer dans un potentiel futur groupe d'artiseurs, héhé.
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MessageSujet: Re: Une audience tardive [04-09]   Une audience tardive [04-09] I_icon_minitimeLun 21 Nov - 17:52

- Que... ?

Les yeux écarquillés, Orge s'était retrouvée le nez quasiment sur la table ; ses jambes s'étaient dérobées sous elle et si elle ne s'était pas rattrapée in extremis, elle se la serait sans doute prise en plein front. C'est avec une moue d'autant plus troublée qu'elle contempla la dague plantée non loin d'elle. Son regard se leva sur son roi, qui continuait ses explications sans être le moins du monde perturbé par ce qui venait de se produire. Dans un éclair de lucidité, la garde comprit que c'était lui qui devait être à l'origine de tout ça. Sans broncher, elle se releva prudemment, ayant complètement perdu le fil de la conversation, mais avec les joues teintées d'un rouge vif contrastant curieusement avec son front blanc ; entre la honte d'avoir faillit se rétamer et l'éclair de lucidité qui lui faisait prendre conscience du potentiel au combat d'un artiseur, le parti le plus sage semblait de rester calme et de ne surtout plus se plaindre.

- Oui, majesté.


Sans se rendre très bien compte de ce à quoi elle acquiesçait.
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MessageSujet: Re: Une audience tardive [04-09]   Une audience tardive [04-09] I_icon_minitime

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